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 La Voie de la Tortue, Niveau I [PV Ophalee]

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Eerah
Æther des Bergers et des Wëltpuffs

Æther des Bergers et des Wëltpuffs
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Eerah
Ven 09 Aoû 2013, 05:16

Une. Deux. Trois respirations. Un bourdonnement puissant emplissait les oreilles du Déchu, assourdi par le son de son propre souffle, présent partout autour de lui, ancré au plus profond de son crâne.  Où était-il, pourquoi tout était si sombre ? Oui, il était aveugle, aveugle et souffrant, apparemment. Ses poumons le brulaient, ses muscles le tiraient. Il sentait le contact poisseux du sang sur son visage, la douleur tenace d'un doigt cassé, et l'écrasante impression de défaite qui lui prenait les tripes. La vraie question était : Qu'avait-il perdu ? Heureusement pour lui et sa curiosité sans limite, la réponse vint très vite, sous la forme d'un direct du droit, sur la trajectoire précise de son menton. La douleur, explosive, fusa jusqu'à son cerveau, achevant de connecter les quelques neurones défaillants qui alimentaient sa mémoire. Une fraction de seconde plus tard, tout devenait clair.

Un bar. Stenfek. Une bagarre. Et lui. L'impact des phalanges sur sa mâchoire manqua de le renvoyer dans les limbes, mais le sort et son tempérament fougueux l'empêchèrent de rejoindre les bras de Morphée. Tant bien que mal, il se redressa, et para instinctivement le crochet qui suivi. Il n'avait que quelques instants pour reprendre ses esprits, et définitivement pas de quoi prendre l'avantage. Son épée trônait sur une chaise, quelques mètres plus haut, dans sa chambre. Il aurait pu tenter de dégainer son couteau, mais cela l'aurait privé de main pour se protéger de ce qui allait suivre. Le son revint en même temps que l'odeur, et il identifia rapidement les trois hommes qui lui faisaient face. Ils avaient l'haleine chargée de vapeurs alcoolisées, qui justifiaient certainement leur altercation, mais Eerah ne leur en voulait pas; Il était dans le même état.

C'est en partie pour cette raison qu'il riposta vivement, en assénant un puissant coup de pied dans la rotule du premier homme, qui s'effondra en hurlant. Il profita de ce court répit pour sortir sa lame, et adresser un chapelet d'insultes bien senties à ses opposants restants. L'ensemble des propos tournaient surtout autour des probables activités nocturnes de leurs génitrices respectives, et provoqua un mouvement de rage assez compréhensible de leur part, qui les poussa à sauter au cou du Déchu. Vu le capharnaüm qui les entourait, les localiser n'était pas chose simple. Son taux d'alcoolémie n'aidait pas non plus. Pour instance, la solution la plus logique qui lui vint à l'esprit fut de se mettre en position défensive, et de prendre les premiers coups pour estimer la position des deux hommes. L'inconvénient principal de cette solution, outre le fait qu'elle soit, il fallait l'avouer, un peu stupide, était qu'elle obligeait Eerah à se faire frapper gratuitement. Il eut donc la satisfaction de faire la connaissance du coude de Soulard N°2, et du genou de Soulard N°3. Le premier heurta son épaule gauche, le second se logea au creux de son ventre. Il encaissa plus ou moins bien, en étouffant une exclamation douloureuse, tachant vaguement d'ignorer la douleur. D'habitude, ses cibles n'avaient jamais l'occasion de riposter. C'était discutable d'un point de vue éthique, mais efficace. Cette fois, il avait délibérément accepté de se faire frapper; ça sortait de ses habitudes. Mais c'était une technique qui faisait ses preuves. Moins d'une seconde plus tard, il visualisait parfaitement les deux hommes dans l'espace qui l'entourait. Il trancha la cuisse du premier, sectionnant l'artère qui la traversait, et frappa de son pommeau le front du second, l'envoyant valser un peu plus loin.

Il aurait pu se dresser au dessus de ses valeureux adversaires – surement des pères de famille qui n’avait jamais reçu la moindre formation de combat -, et  se vanter de la supérioté des Déchus sur les humains, mais il était bien trop occupé à reprendre son souffle et à se trainer jusqu'à sa chambre pour faire un spectacle de sa vanité. De toute évidence, il était exclu de rester pour la nuit. Stenfek ne voulait plus de lui. Pour l'instant. Après avoir quitté les Montagnes de l'Edelweiss, et y avoir laissé son nouveau "mentor", Eerah avait été rapidement confronté à un problème épineux. Le dernier conseil du vieil homme se résumait en trois mots. "Gagne en expérience". Sur le moment, l'envie de s'éloigner de lui au plus vite l'avait découragé d'essayer de comprendre, mais une fois à l'abri des rigueurs climatiques des Montagnes de l'Edelweiss, il avait été effaré de constater son incapacité à comprendre ce qu'il était sensé accomplir. Il en grommelait encore, en trébuchant dans les escaliers qui menaient à l'étage. La seule chose qui le retenait de tout abandonner était cette magie que le vieil homme avait opéré. S'il était capable de ça, qui sait quels autres pouvoirs il détenait encore.

Et c'était ainsi qu'il en était venu à écumer les bars des Terres d'Emeraude, à attendre une illumination, son épiphanie, un instant de clarté telle qu'il pourrait enfin comprendre tous les tenants et les aboutissants de sa mission. Initialement, ses motivations étaient pures, et il pensait profiter du calme et de la sérénité qui régnait sur ces plaines verdoyantes, exemptes de bruits, d'odeurs et de présences humaines. Mais son manque de patience et l'absence d'une quelconque révélation avait fini par le pousser dans les diverses tavernes de Maëlith et de Stenfek. Et comme sa nouvelle vie lui permettait tous les excès, les soirées terminaient bien souvent ainsi. En franchissant la porte de sa chambre, Eerah dut se faire force pour ne pas s'affaler sur le lit, et ne pas s'en relever avant le lendemain matin. À la place, il lança le fourreau de son épée dans son dos, saisi son sac à la volée, et redescendit en trombe les escaliers en manquant de peu de se briser la nuque en contrebas de ceux-ci.

Au rez-de-chaussée, l'agitation était encore à son comble, entre ceux de l'assistance qui venaient en aide aux blessés, ceux qui les considéraient en ricanant, et enfin, les quelques clients qui ne semblaient absolument pas s'en soucier. Lorsque le Déchu passa entre les tables, un vent de murmures s'éleva, et certaines insultes fusèrent. Il fit mine de ne pas y prêter attention, mobilisant la partie sobre de son cerveau pour parvenir à la porte sans encombres, en se situant grâce au bruit des chopes et des couverts. De sa main libre, il poussa le battant et s'apprêta à sortir sur la rue. Du moins c'est ce qu'il aurait fait si les quelques litres de bière qu'il avait ingurgité ne s'étaient pas brusquement rappelés à son bon souvenir. Il pivota sur ses pieds, titubant légèrement, et s'adressa à l'assemblée en hurlant presque :

-« Un jour, je serais plus fort que vous tous réunis ! Un jour, j'aurais les réponses à TOUTES les questions, et vous m'implorerez pour connaitre le but de vos insignifiantes existences ! Je serais plus brillant, plus intelligent que vous, et PERSONNE ne m'arrêtera ! »

Une partie de son esprit se rendait compte des élucubrations qu'il criait à tout va, et en rougissait volontiers de honte. Il tentait de toutes ses forces de s'obliger à fermer la bouche, mais rien n'y faisait, et les mots sortaient d'eux-mêmes. Il y mettait sa colère, sa rancœur, son impatience et son désespoir. Tout ce qu'il retenait depuis deux lunes sortait en un seul et long cri, pareil aux lamentations d'un loup solitaire. Il n'avait pas fini son monologue que deux malabars engagés par le patron le cueillirent sous les bras, et le jetèrent à la rue. Sans ménagement, il se retrouva au sol, allongé dans la fange et les résidus de la ville qui empestaient l'air. Le choc lui coupa le souffle, et le ramena brusquement à la raison, non sans une douleur lancinante, qui lui déchira le dos. À bout de souffle, désorienté, Eerah se rendit peu à peu compte de ce qui venait de se passer, de ce à quoi il en était rendu. Un ivrogne incapable, une grande-gueule prétentieuse. C'était bien beau de trouver des oracles, des ermites et des mages, mais s'il n'était même capable d'assurer la moindre formation, à quoi bon ? Peut-être qu'il n'avait simplement pas de quoi devenir celui qu'il voulait être. Dans un glapissement silencieux, une paire de larmes salées lui brûla les joues, glissant sous son bandeau jusqu’à éclater au sol, en rejoignant le remugle acre de la pluie mêlée aux eaux usagées.



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Ven 09 Aoû 2013, 14:12

Le temple des esprits, un endroit où nulle doute ne pouvait subsister. Ophalee était là, tranquillement assise en tailleur devant la fontaine, les yeux clos. Elle attendait quelque chose, un signe. Car elle savait que Fûzail viendrait la chercher. C'était ce même esprit qui l'avait attirée quelques années avant et qui lui avait prêté une arme du temple. En y repensant, Ophalee y avait bien peu touché, ayant jugé cela inutile dans ses aventures. Toutefois, elle avait appris à méditer et actuellement, c'est ce qu'elle faisait. Si Fûzail l'avait appelée, c'est qu'il y avait une bonne raison. Ophalee en était certaine. Aucun esprit ne l’appellerait pour rien.

Le vent pourtant silencieux caressa la peau nue de la jeune femme qui sut quand se relever. Elle se redressa lentement, inclinant la tête lorsqu'elle vit l'esprit se présenter enfin à elle. Elle était là, vêtue de voile, voletant légèrement dans les airs. Ophalee posa les yeux sur cette femme, une étrange énergie s'écoulait d'elle et aspirait à la patience et à la douceur. Ophalee l'appréciait beaucoup pour ces effets là, c'était réconfortant surtout lorsqu'on vivait au jour le jour. « Ophalee. » « Fûzail... Ravie de te revoir. » « Cela faisait longtemps. » La bélua acquiesça silencieusement. Elles n'allaient très certainement pas parlé de la pluie et du beau temps car Fûzail en savait des choses. On la pensait au temple des Esprits mais elle pouvait être à tant d'endroits à la fois... Du moins, c'est ce qu'Ophalee pensait. « Marchons un peu. » La jeune femme suivit donc l'esprit dans un silence loin d'être pesant. C'était un moment étrangement doux. « Si je t'ai appelé, c'est pour nous aider à trouver quelqu'un. Bien sûr, nous savons où il est, là n'est pas le problème. Le soucis étant que nous ne pouvons pas nous matérialiser là où bon nous semble... » Et cela suffisait amplement à la jeune femme pour comprendre quel était le réel but de sa venue. « Je comprends. » dit simplement Ophalee qui leva les yeux vers la belle femme voilée. A la suite, Fûzail lui expliqua qui était la fameuse personne à rechercher et surtout, qu'est-ce qui attendait la demoiselle. Tout au long, Ophalee ne dit rien, seule sa tête admettait une réponse.

Sur le dos de Tu'hum, un dragon aux écailles brunes, Ophalee était prête. Elle regarda une dernière fois le temple derrière elle avant d'ordonner à son ami l'envol immédiat vers les terres émeraudes. Elle le retrouverait, c'était certain. Si les esprits avaient fait appel à elle, c'était sans doute le fait qu'Ophalee ait été une ancienne traqueuse, une femme qui avait l'habitude de poursuivre des gens en ayant le minimum d'informations. Cela d'ailleurs, lui coûta de nombreuses fois cher. Les preuves résidaient en particulier dans les cicatrices qu'elle garderait à vie, notamment au ventre. Néanmoins, elle avait su faire preuve d'intelligence pour se sortir à chaque fois des pénibles situations sans mettre des vies innocentes en danger, sans user de sa force et de sa ruse à mauvais escient. Elle n'était certainement pas la plus intelligente femme des terres des Yin et Yang ni la plus rapide, mais certainement la plus vive d'esprit.

Le jeu était dans l'observation, on attendait l'instant pour agir. Ophalee était dans un coin de la taverne où elle voyait de loin le fameux Eerah qui picolait comme pas deux. Elle l'observa un long moment et n'agit certainement pas lorsque des hommes grands et gras décidèrent de le chasser du lieu après qu'il les ait injurier d'idiots. Ophalee était bel et bien là mais son esprit vaquait à bien d'autres occupations. Il pénétrait avec finesse la tête de chaque personne présente. Il y eut besoin d'un certain temps avant qu'elle n'acquit la maîtrise de son don. Il y avait eu bien des raisons du pourquoi au comment elle n'arrivait pas, avant, à aimer les gens, à les approcher sans montrer les crocs. Car elle entendait à tout va leur esprit, leur pensée. Ça rendait fou, et extrêmement agressif. Depuis, ça avait bien changé. Elle s'amusait même mais gardait un point d'honneur à ne pas révéler ce détail aux autres.

La vagabonde se releva. Elle était habillée d'une longue veste bleu marine à capuchon. Après avoir réglé ce qu'elle devait au gérant, elle passa à travers les corps pour s'échapper dehors. A l'intérieur, beaucoup riaient. C'était toujours drôle de voir des hommes voler sans qu'ils ne possèdent d'ailes.

Ses yeux bleus se posèrent sur le corps de l'homme. Il restait là, sans bouger alors que la pluie rongeait ses vêtements et il dut sentir cette présence dans son dos, qui passa par la suite à ses côtés pour l'aider à se relever. Le corps d'Ophalee n'était peut-être ni grand ni fort mais assez robuste pour devenir une bécquille. « Allez. » Elle poussa sur ses jambes. « Debout ! » et finit enfin par le relever. Elle ne resta pas là bien longtemps car les hommes qui l'avaient viré ne tarderaient pas à sortir pour voir si leur victime était encore là. Elle le fit alors avancer jusqu'à une ruelle, sans présentation, sans un mot et s'arrêta qu'une fois à l'abri de l'orage et des hommes. Une fois que cela fut fait, elle s'écarta de lui, se décapuchona et l'observa longuement avant de lui demander « Es-tu bien Eerah Scaldes ? » Bien sûr qu'il était Eerah Scaldes. Il n'y avait aucun doute, elle l'avait vu dans son esprit. C'était une simple formalité.

Avant qu'il n'admette quoique ce soit, elle ajouta « Pour faire preuve d'esprit, il faut déjà avoir les idées claires. » Et il était loin de les avoir car il avait bu de tout son soûl. C'est ainsi qu'elle lui proposa un morceau de pain avant de décliner son identité. « Je suis Ophalee. Si tu retiens ce prénom lorsque je me présenterai de nouveau à toi demain midi, je t'expliquerais la raison qui fait qu'en ce moment même je m'adresse à toi. Où que tu ailles, Eerah, je te retrouverai. Mais sois gentil, reste quand même dans les parages, d'accord ? » car là elle ne pouvait rien faire pour lui, si ce n'est lui trouver une auberge dans lequel il passerait la nuit. Ils étaient sous un portillon, derrière lui il y avait une porte, le lieu conseillé par Ophalee.

Et l'homme put voir que la femme partait, on entendait ses pas claqués dans les flaques d'eau.
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Eerah
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Eerah
Ven 09 Aoû 2013, 23:29

Il aurait pu rester ainsi des heures. Une éternité, à vrai dire, jusqu'à ce que les éléments aient raison de son enveloppe charnelle, et qu'il ne soit plus qu'un souvenir, une trace éthérée dans l'esprit des badauds qui l'observaient en ricanant. La pluie lui martelait le visage, alourdissait un peu plus chaque instant ses vêtements détrempés. D'ordinaire, Eerah aimait la pluie. Elle avait ce côté purifiant, exempt de tout vice, de toute saleté; chaque goutte qui frappait le sol était pour lui comme une clochette lui montrant une partie de son monde, un petit écho révélant une surface minime, mais qui, combiné avec des dizaines de milliers d'autres, traçait dans son esprit les lignes de ce qui l'entourait, aussi clairement que s'il avait pu poser les yeux dessus. Mais ce soir-là, il ne percevait rien. Rien d'autre qu'un vacarme irrégulier, incompréhensible pour son esprit dévasté par l'alcool.  Cet instant qui aurait pu - qui aurait du - être relaxant, d'une paisible sérénité, s'était transformé en torture acoustique, sans queue ni tête. Sa pseudo-vie de liberté l'avait finalement conduit à gâcher le plus menu de ses plaisirs. Les larmes qui coulaient de ses yeux s'intensifièrent, et une boule de bile vint se coincer dans sa gorge en un sanglot étranglé.

Il les entendait tous, eux, les satyres, les moqueurs, mauvaises-langues et commères avides de ragots, le considérer avec dégoût en murmurant des insanités révulsantes. Il les entendait l'enjamber sans le regarder, le ramenant au niveau des insectes et des déchets. Lui, un grand ? Un héros, un puissant ? Un rire jaune lui montait en lèvres en pensant qu'un jour il ait cru pouvoir s'enorgueillir de ces termes racoleurs. Sa propre déchéance le dégoutait, bien plus que tout ce qu'il avait pu commettre jusqu'alors, et quand il perçut le pas léger qui s'approchait de lui, il s'attendait sans surprise à être dépouillé par un quelconque enfant des rues qui passait par là. Lorsque qu'une petite main d'une force surprenante l'aida à se relever, il n'était plus relié à la réalité. Quelque part, une voix féminine lui adressait la parole, mais les mots et les syllabes se mêlaient à la pluie, et à son fracas incessant. Peut-être qu'on allait encore frapper ? Après tout, il avait perdu le compte des personnes qu'il avait défié ou importuné au cours de ses délires imbibés, et de toute façon, il ne comptait pas riposter. Avec un peu de chance, le prochain coup toucherait un point vital, et tout finirait très vite. Mais rien de vint. Au lieu de cela, il sentit que l'on passait son bras par dessus une épaule, et se laissa guider sans opposer de résistance. Où l'emmenait-on ? Se pourrait-il que la mystérieuse jeune femme ait des scrupules à le détrousser en pleine rue ? Cette hypothèse, peu envisageable dans une ville comme Stenfek, le fit hoqueter de rire, et réveilla la douleur de ses membres, tordant son visage en une grimace involontaire.

Ils marchèrent lentement, jusqu'à ce que les aiguilles glacées de la pluie cessent de le tourmenter, et que les cris de la taverne ne soient plus qu'un écho lointain. Ils étaient certainement dans une des ruelles qui bordaient la grande avenue où il avait été jeté, un endroit parfait pour faire disparaitre un homme, ou plus simplement, pour agir discrètement. Les brides de son esprit qui pensaient encore clairement sentirent une intrusion psychique, qu'il n'eut pas le courage d'empêcher. Il entendit de nouveau la voix de la jeune femme, et s'apprêtait une fois de plus à ne pas y faire attention, lorsqu'il discerna son nom dans le fouillis des mots qu'elle prononçait. Ses sourcils se froncèrent, et instinctivement, comme un reflexe du soldat qu'il n'était plus, il releva la tête, et se raidit légèrement. Une seule question lui taraudait pourtant l'esprit : Comment diable faisaient toutes ces personnes pour connaitre son nom sans qu'il ne l'eut prononcé ne serais-ce qu'une fois ? Plus par acquis de conscience que par réel intérêt, il fit en sorte d'essayer de comprendre les phrases qui suivirent. Son interlocutrice parlait posément, avec une autorité certaine. Il accepta sans piper mot le morceau de pain qui lui fut proposé, et le grignota avec empressement, tel un enfant affamé. Au travers des ses bruits de mâchouilles, Eerah l'entendit se présenter succinctement, avant de lui donner rendez-vous. Ophalee. Un prénom seul, mais un prénom chantant. Il remua les lèvres sans le dire comme pour s'assurer qui ne l’oublieraient pas. La curiosité avait planté ses serres dans le cœur du Déchu, et il mourrait maintenant d'envie de savoir ce qu'elle lui voulait.

Alors qu'elle terminait sa phrase, il s'asséna une puissante gifle mentale, alors qu'il était à deux doigts de se rendre ridicule en lui faisant, à la manière des soudards de fond de taverne, un compliment plus ou moins bien formé sur son apparence physique, que sa condition d'aveugle aurait rendu encore plus risible. Il se retint in extremis, et alors qu'il s'apprêtait à confirmer les questions de la jeune femme sur son identité, il entendit le bruit de ses pas fendants les flaques d'eau qui constellaient la ruelle. Eerah tituba encore quelques instants, le temps d'analyser ce qui venait de se passer, avant de trébucher, et de s'appuyer sur la porte derrière lui. Il passa sa main sur le bois, jusqu'à atteindre la petite pancarte qui nommait l'établissement. Au contact de ses doigts, celle-ci se métamorphosa discrètement, et chaque lettre se changea en aspérité rugueuse, des symboles braille. Il décrypta alors rapidement, caractère après caractère, jusqu'à former la phrase en entier : "Auberge d'Emeteline, vous êtes le bienvenu !". C'était proposé si gentiment qu'Eerah haussa simplement les épaules, et poussa le panneau en bois, avant de pénétrer dans le lieu de repos. Le reste de sa soirée lui échappa complètement, et ne devait lui laisser au lendemain qu'un vague souvenir, en grande partie incomplet, dans lequel se mêlaient rêves et réalité.

Lorsque le Déchu se réveilla, le soleil était déjà levé depuis longtemps, ses rayons filtraient au travers des rideaux, comme autant de lames de lumière. Si son dos et ses muscles étaient encore endoloris de la veille, ce n'était rien, comparé au mal de crâne qui lui sciait littéralement la tête en deux. Pendant une dizaine de minutes, il se contenta de gémir, la main sur le front, avant de se rendre compte de plusieurs choses. La première, c'était qu'on lui avait enlevé son bandeau, ce qui augurait des coups d'œil gênés et parfois même, dégoûtés. La seconde, c'était qu'en plus du bout de tissu noir, on l'avait délesté de tous ses autres vêtements, et qu'il était entièrement nu sous le drap blanc qu'il avait souillé de transpiration tout au long de la nuit. Il lui fallu une minute de plus pour se rappeler où il était, et pourquoi il y était. Il se remit en tête son début de soirée, la bagarre, puis la rue, et la dépression en avait résulté. Une conclusion s'imposait, aussi dure fut-elle à entendre : il avait l'alcool mauvais - et c'était un euphémisme. Douloureusement, il se releva du lit, en grognant lorsque son dos s'étira en un craquement désagréable. L'aveugle chercha à tâtons ses armes et ses fripes, et finit par les dénicher sur une chaise, dans un coin de la pièce. Quelqu'un les avait lavés et ils étaient complètements sec, débarrassés de l'humidité glaciale de la pluie.

Quand il repensa à l'averse qu'il avait essuyé, un nom lui revint soudain en tête, et avec lui le rendez-vous qui était prévu. Ophalee. Non sans mal, il enfila ses vêtements, pris ses armes et sortit précipitamment de la chambre. C'était une des raisons pour lesquelles Eerah détestait se réveiller dans un lieu inconnu. Il n'avait aucun repère, aucune idée de comment en sortir; d'autant plus que la gueule de bois dont il était en train de subir les effets n'était pas là pour l'aider. Il s'obligea à prendre une inspiration, ignorer les battements de son cœur qui résonnaient bruyamment dans son esprit, et essayer de se situer. À priori, il était à l'étage, et au bout d'un long couloir. Prudemment, il s'avança, jusqu'à ce que son pied atteigne la première marche. Il descendit alors dans la pièce principale, et s'approcha de la tenancière, qui faisait ses comptes en marmonnant. Quand il fut près d'elle, elle releva la tête, et un grand sourire traversa son visage.

-« Ah ! Bien dormi, bel homme ? »

C'était donc elle qui l'avait déshabillé. Passablement mal réveillé, il grommela une réponse inaudible, avant de se racler la gorge, et de demander :

-« Combien je vous dois ? Pour la nuit et les vêtements ? »

La question fut accueillie avec un sourire malsain qu'Eerah fut content de ne pas voir. Pourtant, le ton que la vieille femme employa était très révélateur.

-« Oh non, je vous en prie… J'ai déjà été correctement payée ! Hihi ! »

Elle posa une main moite sur celle du Déchu, qui endura avec peine la sensation désagréable, affichant même un sourire crispé. Afin de vite changer de sujet et de se séparer du contact poisseux de la tenancière, il recula d'un pas vers la porte et demanda à tout hasard l'heure qu'il était.

-« On approche de Midi moins dix, mon chou ! Pourquoi, tu es pressé ? »

L'heure du rendez-vous n'était pas passée. Il éluda la question en la remerciant rapidement, et sortit de l'auberge sans perdre de temps. Derrière lui, la vieille Emeteline lui soufflait un baiser langoureux, qui fit couler une sueur froide dans le dos du Déchu. Une fois dehors, il referma rapidement la porte, et, prit d’un frisson, se promis d'oublier au plus vite cet épisode de sa vie.

L'atmosphère de la ruelle avait complètement changé de la veille, la pluie et l'orage avaient laissé la place au soleil, et la plupart des flaques s'étaient dors et déjà évaporées. L'air était de nouveau frais et léger, les effluves d'alcool ne brouillaient plus son odorat. Pourtant sa migraine ne faiblissait pas, loin de là. Pire, même, il se rendait peu à peu compte du ridicule dont il avait fait preuve la nuit dernière. La perspective de rencontrer une personne qui avait été témoin de cette beuverie ne l'enchantait guère. Eerah soupira doucement, priant pour que cette "Ophalee" ne lui en tienne pas trop rigueur. Il organisa rapidement ses cheveux en quelque chose de présentable, et attendit, l'oreille et le flair au aguets.



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Sam 10 Aoû 2013, 00:47

Une main se calla dans le pelage fantôme de Telne qui accompagnait sa sœur dans les sombres ruelles de Stenfek. La pluie battait toujours de son plein. Il leva son museau pour regarder la mine décomposée par la fatigue qu'elle avait. Elle lui dit tout doucement « Cela fait si longtemps... Depuis combien de temps, déjà ? Des mois, des années ? » Le loup abaissa le museau vers le sol. « Je ne pourrais te dire moi-même, Opha. » Elle s'arrêta, s'accroupissant pour voir le fantôme de face et fit mine de prendre sa gueule dans les bras. Le loup d'éther accepta volontiers de suivre les gestes qu'elle faisait et apprécia d'autant plus l'affection que sa sœur lui portait, aussi tenace malgré la mort. Cette épisode des êtres sans-âmes qui vagabondaient les ruelles, allant s'attaquer à des passants ou des animaux... Ce silence mortelle qu'il y avait eu dans la forêt, ces rencontres inopinées et lui, tué par ces êtres sans esprit, sans cœur ni vie... On ne sut exactement dire si c'était la fatigue ou la pluie qui causait de tels yeux rouges à Ophalee, en tout cas une chose était sûr, c'est que son frère lui manquait. Depuis qu'elle avait reçu ce don étrange qu'est la vision des morts, Telne lui avait plus manqué encore. Elle le voyait, elle lui parlait, elle le sentait, mais ne pouvait jamais le prendre dans ses bras, profiter, jouer, comme ils le faisaient quand il était encore vivant. Et pis encore, Telne qui voyait sa sœur souvent dans de mauvaises passes, ne pouvait jamais réellement l'aider. Il assistait alors, désolé de ce qui lui arrivait. Mais Ophalee, un jour, lui fit une étrange promesse. Et lui seul savait bien que sa sœur les tenait jusqu'au bout, car c'était une jeune femme de parole et elle s'y tenait toujours. Elle avait dit « Alors que Phoebe nous regardera du haut du ciel, les rayons traversant ton corps et sur un rocher, je te tiendrais de nouveau dans mes bras, comme avant. » Peut-être était-ce l'alchimie de la solitude qui avait fait pousser à sa sœur des idées comme celles-ci. Quoiqu'il en soit, il dut partir. L’au-delà l'appelait et malgré toute la tristesse qu'elle avait dans les yeux, Ophalee se redressa, caressa une dernière fois son frère avant qu'il ne disparaisse sous ses yeux.

Le reste de la nuit, Ophalee trouva refuge dans une auberge à l'opposé de celle où elle avait conduit Eerah. Pour une fois, aucun rêve ne vint la charrier dans son sommeil. Aucun démon, aucun feu, aucun personnage. La tranquillité absolue, comme si Fûzail la remerciait du service qu'elle leur rendait. Eerah, elle l'avait bien vu, était un homme en piteux état. Oh, non, elle ne faisait certainement pas allusion à son style vestimentaire ou à son allure, mais à son comportement. Il n'y avait pas besoin d'être télépathe ou même empathe pour voir que l'homme souffrait d'un malaise que peut-être lui seul connaissait l'origine. Quoiqu'il en fut ou quoiqu'il en serait, Ophalee trouva la paix dans ses songes et c'est tel un bourgeon à la vue du soleil qu'Ophalee se réveilla quelques heures plus tard. En forme elle était, joyeuse aussi et surtout vigoureuse à souhait. Elle prit le temps de s'habiller, de se coiffer et même de déjeuner du poisson avant de partir chercher l'homme qu'elle avait rencontré la veille. Lorsqu'elle leva le nez, le soleil qui flirtait avec un nuage était à son zénith. Dix minutes de plus ou de moins, cela l'importait peu, elle ne se référait pas à l'horloge des humains, mais comme elle l'avait toujours fait à la nature. Il y avait des signes distinctifs partout lorsqu'on prenait le temps de regarder partout et le soleil, par exemple, en faisait parti.

Et comme elle s'y attendait, elle vit au loin l'homme qui lui tournait dos. Elle arriva sans se presser, s'arrêtant à une distance respectable et dit d'une voix claire – on entendait quelques notes de gaieté « Bonjour, Eerah. » Un pas en avant, attendant qu'il se retourne avant de courber la tête, respectueusement. « J'ai le plaisir de te rencontrer en plein jour. » Non, elle n'ajouta aucune divagation par rapport à la veille. Rappeler dans quel état était l'homme n'était sans doute pas l'approche la plus judicieuse – et puis, elle n'était pas assez moraliste pour ça. Elle respira la bonne air et expirait la bonne humeur. Toutefois, l'homme gardait une odeur de chaussettes sales, il n'avait pas du prendre de bain depuis la veille. « Hier soir, nous nous sommes rencontrés. Je t'ai dit mon nom... » elle posa son regard dans le sien ; « … et à moins que tu n'aies oublié, j'aimerai bien l'entendre de nouveau. Si tu veux, bien sûr, connaître les raisons de ma venue et de mon intéressement qui paraissent soudaines. » Ce n'était pas réellement elle qui était intéressée par l'homme, mais plutôt les esprits, ils en avaient une longue sur Eerah et Fûzail avait pris son temps pour les énumérer à Ophalee.

Des pas s'approchaient d'eux et en tournant la tête, Ophalee crut reconnaître les hommes de la veille, ceux qui avaient viré dehors Eerah. Ils rigolèrent mais ne firent pas attention au couple qui se formait là, comme si la veille n'était qu'un souvenir parti en fumée, comme pour Eerah.
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Dim 11 Aoû 2013, 01:53

Le temps s'écoulait lentement, dans les rues de Stenfek. Ce qui ne devait être qu'une dizaine de minute tourna rapidement en un semblant d'éternité, pour le Déchu. Pour ne pas se laisser surprendre par l'inconnue qui lui avait donné rendez-vous, il prêtait attention à chaque bruit de pas, chaque odeur féminine qui traversait l'air. Parfois trop forte, parfois pas assez, il n'arrivait pas à deviner laquelle était propre à cette Ophalee, et finissait par s'attendre à l'entendre arriver à tout instant. Il perdit rapidement le compte du nombre de fois où il avait tourné la tête en espérant reconnaitre sa voix, avant de prendre conscience qu'il ne s'agissait que d'une rombière un peu bruyante. En plus de son nom, la seule chose qui pouvait permettre à Eerah de la reconnaitre était le son de sa voix. Il avait été trop sou, la nuit dernière, pour retenir son parfum, et même maintenant qu'il commençait à peine à décuver, l'âpreté de sa propre odeur écrasait les fragrances les plus fines.

Pour la énième fois, il releva la tête en entendant un bruit de pas, et pour la énième fois, le bruit s'éloigna de la ruelle sans la moindre hésitation. Peu de monde semblait s'attarder dans cet endroit de la cité, lui préférant les quartiers riches et les grands boulevards, surement par peur de se faire attaquer et dépouiller. Ils n'avaient pas forcément tord, et si lui même était contre ce procédé peu loyal, il ne pouvais s'empêcher d'être consterné par le soin que mettaient certaines personnes à montrer au monde entier à quel point elles étaient riches, en attirant évidemment tous les regards des faiseurs de poches, des brutes, des prestidigitateurs véreux, et autres charognards, prêts à fondre sur leur proie à la moindre occasion. Son attente se poursuivit ainsi durant de longues minutes, sans qu'il ne parvienne à localiser la jeune fille. Peut-être que son attitude de la veille l'avait effrayée, et qu'elle avait décidé d'annuler leur rendez-vous. Tout était possible, et la patience d'Eerah en était rudement mise à l'épreuve. Au dessus de lui, le soleil parvenait paresseusement à son zénith, jusqu'à ce que les ombres s'amincirent et disparaissent sous les pieds des passants. Alors qu'il ne s'attendait plus à la voir arriver, une odeur particulière lui parvint, légèrement ténue, comme masquée par les autres senteurs de la ville, une odeur de loup. Aux aguets, il posa sa main sur le fourreau de son couteau, et chercha à discerner un bruit de pattes sur le sol pavé, sans succès. Comme depuis plusieurs minutes, rien ni personne n'était venu traverser ruelle.

C'est donc avec un sursaut à peine contenu qu'il entendit La voix. La voix qui l'avait raccompagné jusqu'à l'auberge, qui lui avait glissé son nom, et donné rendez-vous; la voix d'Ophalee. Il pivota vers elle, en mettant sur le compte de sa gueule de bois ces histoires de loup. Quand à son arrivée, il avait surement fait preuve d'inattention, voilà tout. Alors elle était là, finalement. Il inclina légèrement la tête en réponse à son salut, tachant vainement d'avoir l'air le moins déconfit possible. Elle eut la décence de ne pas lui rappeler ses pérégrinations de la veille, et il lui en fut gré, Eerah n'avait pas la moindre envie d'affronter la réalité. Du moins pour l'instant. Il ne disait toujours rien, attendait, sans vraiment savoir quoi. Après tout il ne savait rien, absolument rien d'elle, alors que, visiblement, ce n'était pas réciproque. Elle avait su piquer sa curiosité à vif le soir précédent, et sans cet appât qu'était le secret qu'elle cachait, il ne se serait surement jamais déplacé jusqu'au rendez-vous. Est-ce qu'elle le connaissait à ce point ? Il en doutait, et espérait sincèrement que ce ne fut pas le cas, sans quoi elle allait pouvoir exiger n'importe quoi de lui sans qu'il ne puisse un seul instant refuser. La perspective de ne pas savoir quelque chose le répugnait trop. C'est pour cette raison que lorsqu'elle lui demanda son prénom avant de continuer, il fit un énorme effort sur lui-même pour ne pas répondre avec empressement.

-« Ophalee. Vous... Tu m’as dit te nommer Ophalee. »

Il venait de terminer de parler quand, derrière lui, il entendit un ricanement bien connu, et le fumet délicat de la testostérone, de la sueur et du musc lui parvint. Une odeur qu'il connaissait bien, pour l'avoir sentie de très près, quelques heures auparavant. Le mot vengeance lui brûlait les lèvres, mais il souffrait encore de ses contusions, et il était exclu de se rendre ridicule deux fois de suite devant la même personne. Il les ignora donc en se concentrant sur la jeune femme, et pour ne pas entamer un nouveau combat inutile, poursuivit en faisant mine de ne pas les avoir remarqué, ajoutant, non sans une pointe de gêne à demi-masquée sous un ton étale et neutre :

-« Merci. Pour hier soir. J'avais eu une dure journée. »

Ce n'était totalement un mensonge dans le sens où, effectivement, la journée de la veille n'avait pas été riche en bonnes nouvelles. Tout comme les soixante précédentes; mais ça, la jeune femme n'était pas obligée de le savoir. Cependant, puisque de toute façon elle semblait en savoir beaucoup sur lui, et donc à priori sur ses motivations, cela importait peu. Tout ce qu'il voulait savoir, c'était pourquoi. Pourquoi lui, pourquoi ici, pourquoi maintenant, et enfin, simplement : pourquoi ? Un nombre de question bien trop important pour l'esprit d'Eerah, qui ne pouvait en supporter d'avantage. Il lui fallait se débarrasser de certaines de ses interrogations.

-« Qu'est ce qui vous, enfin, t'as amené jusqu'à moi ? C'est le vieux Vilipare qui t'as donné mon nom ? Qu'est-ce que... »

Il se coupa net, en secouant la tête. Il en faisait trop. S'il continuait ainsi, elle risquait de prendre peur, et de partir sans rien lui dévoiler. Dans un soupir las, il compléta :

-« Désolé. »

Le moment était peut-être venu de se montrer à la hauteur de ses deux siècles et demi d'existence. Il inspira profondément et se pinça le haut de l'arête du nez en fermant les yeux. Quand il les rouvrit, il avait un peu retrouvé son calme. Le Déchu se mit à sourire faiblement, et d'un ton plus enjoué, continua son monologue.

-« J'ai faim. Tu as faim ? Je te paye le repas, tu m’expliqueras tout ça à ce moment-là. »

D'un pas plus assuré qu’auparavant, il s'approcha d'elle, tendant son coude avec une galanterie qui lui devenait de plus en plus habituelle, maintenant qu'il prenait le temps de vivre.



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Dim 11 Aoû 2013, 10:05


Enfin il se tourna légèrement surpris qu'elle lui vienne de dos. L'homme qui se présentait à elle avait une mine grisée par la veille. On discernait sous son regard des poches de fatigue et son teint n'en était que plus pâle. Chose qui, la veille Ophalee ne l'avait pas remarqué, était qu'il fixait un point précis au-dessus de la tête de cette dernière. Elle plongea son regard dans le sien, il avait des yeux vairons. Toutefois, il regardait le front d'Ophalee et non ses yeux. Soit il aimait cette partie là du visage, soit il était aveugle. « Oui, je suis bien Ophalee. » affirma-t-elle en hochant la tête. Les raisons du fait que Fûzail l'est demandé devenaient plus claires pour la jeune femme qui se tenait devant lui. Il avait une bonne mémoire ce qui lui serait utile pour la voie de la Tortue. Ophalee elle-même en était une disciple et certainement l'une des seules. Un peu de compagnie lui ferait peut-être du bien, ce qu'avait certainement suggéré Fûzail à travers le service demandée. Quoiqu'il en soit, elle l'écouta attentivement.

Ils étaient dans le dernier périphérique de la ville de Stenfek, le plus populaire et le moins riche. Il y avait beaucoup d'hommes et de femmes qui marchaient dans les rues, vêtus pour la plupart de haillons. Pour les plus riches d'entre tous les pauvres, des habits de coton étaient priviligiés. Ophalee ne passait pas réellement inaperçu avec le long vêtement qu'elle se promenait. Quelques hommes s'étaient retournés sur son passage et elle avait vu de l'envie dans certains regards d'enfants. Cela faisait bien longtemps qu'elle ne traînait plus dans les endroits les plus pauvres des continents. On lui avait enseigné comme s'habiller. Toutefois, sous sa longue cape, elle gardait des vêtements assez courts. Elle était presque nue – d'après certains. En effet, elle supportait bien mal que tant de couches s'amassent sur sa peau, trouvant cela peu pratique pour la marche ou le combat. Sa vie dans la nature avait favorisé sa capacité à supporter les changements de température.

On entendit dans la voix d'Eerah une excuse par rapport à la veille. Il n'avait pas vraiment besoin de se justifier car ce n'était pas Ophalee qui allait l'enfoncer. Peut-être avait-il simplement peur des préjugés qu'elle pouvait avoir sur lui. Par chance, elle n'en avait aucun. Du moins, elle était sûre que le damoiseau ne puisse pas voir car depuis tout à l'heure, il regardait au-dessus de sa tête. Elle était beaucoup plus petite que ça !

Enfin les questions tombèrent. C'était amplement justifié. Une inconnue qui appelle un homme par son nom importe toujours des interrogations. Mais elle allait prendre son temps, sans précipitation, s'expliquer calmement. Il s'excusa d'ailleurs pour sa curiosité qu'il jugeait certainement maladive. Elle opina du chef, ce n'était pas grave. Insufflait-elle autant de stress ? Quoiqu'il lui en ait coûté, il lui proposa de manger. Peut-être était que l'homme était malvoyant mais sa clairvoyance était magique. Bien sûr, manger. Qui pourrait refuser ça ? Certainement pas Ophalee ! Il lui tendit le bras et il put remarquer la vivacité avec laquelle Ophalee y glissa son bras nu qui avait écarté l'étoffe qui la couvrait. « Volontiers ! »

Ils se mirent à marcher. Ophalee évitait soigneusement chaque flaque qui se présentait à ses pieds en faisant quelques longs pas ce qui pouvait dépêcher la marche d'Eerah. Elle s'en excusa « On me fait des présents et j'arrive toujours à les abîmer. » La cape qu'elle possédait était un cadeau pour son anniversaire – du moins, on lui avait inventé une date ; début printemps. A sa connaissance, Ophalee avait vécu pas moins de quinze hivers et vingt été. Peut-être plus, personne ne le savait et selon là où elle se trouvait, le lieu dans lequel elle posait le pied changeait. Les étés pouvaient très bien devenir des automnes pendant des années et les hivers qu'un souffle froid sur les germes fraîches du printemps.  

« Eerah Scaldes. » articula-t-elle comme si elle cherchait la prononciation parfaite, avec son accent qui favorisait les consonnes et les sons au fond de la gorge, le nom de famille de ce dernier n'était pas facile à prononcer. Elle l’appellerait simplement Eerah. « On m'a envoyé te quérir. » Par qui, elle ne précisa pas. « Et le plus tôt serait le mieux. » Elle serra doucement la manche de l'homme pour qu'ils s'arrêtent. Non loin, il y avait un combat de rue. Ignorer était chose facile mais elle intima par un geste simple l'approche des bruits. Ils longèrent ainsi une petite ruelle pour déboucher sur une place, c'était un peu Ophalee qui menait la danse, limite si elle ne tenait plus son bras que par la main pour l'emmener avec elle. Les hommes exerçaient leur voix avec une telle force qu'ils en faisaient peur. Ils acclamaient le combat.

Un grand cercle s'était formé devant deux jeunes gens, réprouvés en passant, qui se battaient pour... des paris ? L'image de monnaies échangée vint à la tête d'Ophalee. Elle ne lâcha toutefois pas le bras d'Eerah, allant les mêler à la foule des hommes. Le cercle était trop grand pour que cela soit un combat pour simples coqs. Elle se haussa sur la pointe des pieds pour mieux voir et pencha sa tête sur le côté pour souffler à l'oreille de l'homme « Pense-tu que la violence pourrait résoudre leur soucis d'argent ? » elle ajouta « ...Si je devais parier un vainqueur, je perdrais rapidement le mien... Dis-moi les raisons qui les poussent à se battre, Eerah. Si tu vois juste, je payerai le repas. » Il y avait bien du monde, assez pour que l'homme comprenne la genèse du conflit.

Brusquement la jeune femme fut arrachée de ses côtés par la foule qui se déplaçait vers une autre ruelle.
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Eerah
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Lun 12 Aoû 2013, 00:01

Le pas serein et l'allure un peu plus altière que lorsqu'il s'était levé, Eerah s'était avancé vers Ophalee, et sans plus de complexe, elle s'était emparé de son bras, sa peau nue en contact avec celle du Déchu, et ce faisant lui procurant la sensation la plus rafraichissante qu'il ai connu depuis qu'il avait quitté les plaines. Ravi de voir qu'elle n'était pas plus dégoûtée que ça par son allure de trappeur, son visage encore engourdi et sa coiffure approximative, il lui emboita le pas, vers la grande avenue et la promesse d'un bon repas. La dernière fois qu'il s'était promené avec une jeune femme remontait à une paire d'années, encore plus en ne comptant pas les filles de joie. Il eut un demi-sourire, devant une nouvelle preuve de la rigidité de son ancienne vie; qu'il était plaisant de déambuler en bonne compagnie, sans avoir à se soucier de la sécurité d'une ville, ou même simplement sans la perspective de pouvoir partir à tout instant pour répondre à l'appel de la Garde.

Pour une fois, au moins une fois, il oublia ses tourments, pour se concentrer sur l'instant présent, et en occurrence, éviter les flaques d'eau au même rythme que la jeune femme, qui les enjambait habilement. Lorsqu'elle s'en excusa, expliquant que sa tenue était un cadeau, il réajusta son bras, pour effleurer le tissu, qui se révéla tissé avec une grande finesse, et qui coutait certainement bien plus que l'intégralité de sa tenue. Que ce soit un cadeau ou un achat, elle semblait savoir de quoi elle parlait, et pour qu'elle conserve en tout temps un ton si assuré, elle devait avoir une prestance qu'il était presque désolé de ne pas être en mesure de voir. D'ailleurs il était étonné qu'elle n'ait pas émis de commentaire sur son infirmité. C'était peut-être simplement par courtoisie, ou par gêne, mais en tout cas, elle ne pouvait pas ne pas s'en être rendu compte, son bandeau était suffisamment clair. C'est en se faisant cette réflexion qu'il se rendit compte de la sensation de l'air sur ses paupières. Il leva rapidement sa main à son visage, et ravala de justesse un juron. Il avait du laisser le morceau de tissu dans l'auberge. C'était absolument hors de question s'y retourner, aussi il ne dit rien, et continua d'avancer, commençant à se tourmenter sur l'impression qu'il avait du laisser à la jeune femme. Elle s'en était peut-être offusqué, peut-être qu'elle ne s'en était pas encore aperçu. Il était de toute manière trop tard, et il lui faudrait attendre d'être au calme pour chercher une solution de secours dans son sac.

Ophalee venait justement de lui parler, prononçant son nom en entier, comme si elle cherchait la meilleure manière de s'adresser à lui. Eerah sourit en entendant de nouveau son patronyme, toujours incapable de saisir de quelle manière elle avait pu s'en emparer. Il était possible qu'il lui ai donné, pendant une autre de ses buveries, mais il en doutait. Elle poursuivît après une courte pose, en commençant à lui expliquer les raisons de sa venue. Ainsi c'était quelqu'un qui l'avait envoyée pour venir le chercher, une personne qui ne pouvait donc pas se déplacer jusqu'à lui, ou qui était trop gradée pour s'en charger elle même. Le premier cas semblait cependant plus probable, puisque qu'il ne connaissait personne en haut-lieu, et qu'il n'y avait aucune raison valable pour que cela commence maintenant. Il se contenta de hocher la tête, attendant d'en savoir plus. Au même moment, ils s'approchèrent de la grande rue, et la clameur des combats leur parvint d'un peu plus loin. L'agitation était palpable, les cris emplissaient l'air, et en sentant la prise de la jeune femme se raffermir, il ralentit le pas. Elle avait peur ? Non, elle se mit même en quête de la source du vacarme, le tirant à sa suite. À sa manière de la tenir, de le mener par la main dans les ruelles, Eerah en conclut qu'elle avait vu qu'il était aveugle, et visiblement, elle ne semblait pas plus choquée que ça. Tant mieux.

Au bout de quelques secondes, ils débouchèrent enfin sur une grande place, l'épicentre de la tension qui filtrait aux alentours. Le Déchu discernait une centaine de voix différentes, des hommes, des femmes, certains enfants même, qui criaient et hurlaient sur les combattants qu'ils entouraient sans vergogne, pariant, glapissant sur le probable vainqueur, encourageant tantôt l'un, tantôt l'autre, souhaitant parfois la défaite des deux. L'assemblée qui leur faisait face était un sublime exemple de la perversion de l'esprit humain, des vices et noirceurs qui pouvaient l'habiter. Nombre de ses confrères déchus étaient tombés dans l'excès de cette violence, de cette colère. Lui n'en usait que si cela s'avérait nécessaire, et très rarement pour le plaisir. Les choses étaient un peu différentes lorsqu'il s'agissait d'Anges. Mais de son point de vue, ils ne valaient pas mieux que des parasites. S'en débarrasser était un cadeau fait au reste de l'humanité. Et y mettre un peu de zèle, n'était pas si grand péché. Perdu dans ses pensées, il reporta rapidement son attention sur le combat quand Ophalee lui susurra à l'oreille.

Sans s'émouvoir de cette violence, elle lui posa une question, qui sonnait comme un défi. Comprendre comment et pourquoi ces hommes, ces réprouvés, à en juger les claquements d'ailes et l'accent typique qui pointait dans leur insultes, en étaient arrivé là. Cela sonnait comme une mise à l'épreuve, une occasion pour Eerah de montrer de quoi il était capable, et il adorait ça. Un sourire presque carnassier lui montait aux lèvres, alors qu'il acceptait avec joie la provocation. Il abaissa ses paupières, et se concentra sur son ouïe. Il avait à disposition cent personnes, cent sources d'informations différentes qui pouvaient chacune lui donner une partie de la vérité. Il passait au-dessus des gens comme une oreille éthérée, attentive et absolue. Ici, certains hommes parlaient de paris, là, de l'argent qui était en jeu. La sœur d'un des deux était là, hurlant son nom : Friedrich; tandis que de l'autre côté, une bande qui semblait soutenir l'autre scandait d'une seule voix : "Braal !". Il prenait toutes ces brides de mots, de phrases, les comparait avec d'autre, en déduisait des tendances, des nœuds communs. Son esprit fusait sans cesse, ignorant tous ses autres sens, se concentrant uniquement sur sa tâche. Il aurait pu poursuivre encore longtemps, quand un choc douloureux le ramena à la réalité. La jeune femme venait de lui être arrachée par un mouvement de foule, et quelqu'un l'avait poussé en arrière, l'envoyant percuter un mur proche. Il secoua vivement la tête, avant de jurer. Il allait devoir remettre ça à plus tard. Pour l'instant, il lui fallait retrouver Ophalee.

Ses ailes jaillirent vivement, et d'un bond, il s'éleva au-dessus de la foule, combinant son flair et son ouïe pour localiser la jeune femme. Il entendit sa voix un peu plus loin, et avec surprise, retrouva cette étrange odeur de loup qu'il avait senti auparavant. Peut-être qu'il n'avait pas halluciné, finalement. Les plumes claquèrent, et il descendit au dessus de la foule, attrapant son invitée par le poignet, la hissant hors du flot, avant de mieux l'attraper par la taille, et sous les genoux. Pendant un instant, il flottèrent ainsi au-dessus des têtes et des visages avides de combat, jusqu'à ce qu'Eerah prenne conscience de la manière cavalière avec laquelle il la portait. Il s'empourpra légèrement, et alla la déposer sur un des toits qui surplombait le cercle. En contrebas, les deux réprouvés se disputaient toujours, et quelques coups commençaient à voler. Le Déchu évita résolument le regard de la jeune femme, faisant comme s'il observait le combat. Tout en fouillant dans son sac à la recherche de ses lunettes de soudeur, il commença à faire le résumé de ce qu'il avait entendu, et de ce qui lui parvenait encore :

-« Ahem... Le premier homme, le blond, se prénomme Friedrich. Il a parié quarante-huit pièces d'or et dix-neuf pièces d'argents, soit l'équivalent de deux mois de son salaire de serrurier, avec Braal, l'homme qui lui fait face, un maçon. Les deux sont amis depuis l'enfance, et l'objet du pari concernait les résultats du dernier match de brute-ball, organisé entre l'équipe de Maelïth et celle de Stenfek. L'un eux, Braal, a parié que l'écart serait supérieur à quatre, l'autre à huit. Le score final était de quarante-et-un à cinquante-sept, en faveur des locaux, à savoir les "insurgés" de Stenfek. Braal, semble-t-il, a tenté de jouer un sale coup à son ami, en argumentant qu'au final, il avait gagné, puisque si l'écart était supérieur à huit, il était forcément supérieur à quatre, et il a ainsi refusé de payer. Bref, ils sont tout deux présentement en train de se battre pour des raisons complètement stupide, et... Et... »

Ses lunettes se calèrent sur son visage, les gros verres teintés enchâssés dans la monture en acier cachant ses yeux aveugles. Il cherchait quelque chose à rajouter, mais une autre question le taraudait, et il n'en pouvait plus.

-« Et... Et pourquoi est-ce que tu sens le loup ? »

Voilà. Il avait craqué, et aurais voulu se donner des baffes. Sa question était malpolie, indiscrète, et complètement hors sujet. Une fois de plus, il se reprit immédiatement, en s'excusant platement :

-« Désolé, vraiment. C'est plus fort que moi... Oublie-ça. »

Fatigué de sa propre bêtise, Eerah prit une grande inspiration, tomba sur son postérieur et en expirant d'un air las, montra d'un arc de cercle de la main la foule en contrebas.

-« Pour répondre à ta question première, à priori, la seule chose qui résoudrait leurs problèmes d'argent, c'est une table et deux bonnes bières. Et quelques neurones supplémentaires. »

En ajustant la lanière de ses besicles, il ne put s'empêcher d'ajouter, en marmonnant pour lui-même :

-« Et pour moi aussi… »



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Lun 02 Sep 2013, 17:34

Ophalee remercia la finesse de son corps lorsqu'on faillit lui tomber dessus. D'un pas sur le côté, elle s'écarta du bourru qui en profita pour se rattraper. Elle souffla, toujours autant menée par la foule qui se précipitait ailleurs. Elle n'avait plus Eerah dans son champ visuel depuis un petit moment déjà. « Hé, tu peux faire attention ! » balança la jeune demoiselle à un homme qui venait par mégarde de lui mettre un coup de coude dans les côtes. Il tourna la tête, toisa quelques secondes à peine la jeune femme avant de reporter sa pleine attention sur le combat qu'il pouvait voir grâce à sa hauteur. « Très bien Erbak, je vois qu'on ne cherche pas à comprendre la langue commune. Et bien ta femme saura que tu traînes encore les combats de rue. » Voilà, elle venait de crier ça aux oreilles de l'homme qui de suite, eut l'air plus attentif. Trop tard, lorsqu'il voulut la rattraper pour demander comment elle savait tout ça, Ophalee était déjà partie.


Envolée même, Eerah la tenait dans ses bras. Le faciès du visage de la belua changea sous le joug de l'étonnement, elle ne s'était pas attendue à avoir affaire avec un ange et encore moins déchu. Fûzail ne lui avait pas tout dit, semblait-il. L'homme la tenait si bien qu'elle sentit ses doigts à travers l'épais tissus qui la couvrait. Elle détourna un instant les yeux pour regarder la foule rétrécir sous leurs pieds. Cela valut à la demoiselle une petite panique. Elle n'aimait pas spécialement les airs, ce n'était pas son milieu, de plus dans les bras d'un inconnu qui pouvait la lâcher à tout instant. Seule cette capacité était appréciée lorsqu'elle montait son dragon, dans le cas contraire, la demoiselle paniquait. La poigne qu'elle avait sur le corps de l'ange se fit plus pressante, surtout au niveau du cou qu'elle enlaçait pour se tenir.

Il n'y avait pas de quoi sérieusement paniquer car l'ange comprit sans doute qu'il était temps de trouver un toit où il la déposa en portant son regard au loin. Ophalee apprécia la dureté des tuiles sous ses pieds à peine couvert et d'un coup, elle se détendit. Cela faisait du bien de sentir en plein pouvoir.

Eerah en profita pour annoncer ses découvertes. Ophalee ne dit rien jusqu'à ce qu'il ait fini. Mais alors qu'elle ouvrait la bouche pour parler, l'homme la coupa d'une question. De suite, il s'excusa, trouvant cela déplacer. Le regard de la bélua se posa sur lui avant de le porter lui aussi sur la foule puis au loin, observant sans réellement regarder Stenfek. « Dépossédé de vue, tu es capable de me dire en détails ce qu'il s'est passé et ce qu'il se passera. Je n'en attendais pas plus, pour tout te dire... Et je comprends désormais pourquoi l'on m'a envoyé te chercher. C'est... » elle s'abaissa sur les tuiles pour se pencher un peu plus vers le vide. Le combat s'achevait, sans vrai gagnant. « ...Étonnant, il est rare de croiser des personnes capable de sonder les esprits aussi rapidement. Je n'ai moi-même pas cette cette compétence. » Elle se releva pour poser un regard respectueux sur Eerah. « Je te remercie de m'avoir posé la question, c'est plus correct qu'entrer dans l'esprit de quelqu'un sans lui demander la permission. » Sourire aux lèvres, Ophalee n'était pas toujours correcte.

Elle en profita pour s'avancer vers lui et posa une main sur l'avant-bras gauche de l'ange pour se mettre sur la pointe des pieds et être à peu près à sa hauteur. Assez proche de lui, elle avança son cou, ses lèvres se dirigeant vers l'oreille droite d'Eerah et elle souffla « Ce n'est pas vraiment une odeur physique que tu as senti... » Enfin, elle s'écarta, détachant sa main du bras pour retrouver sa place. « … Mais plutôt celle d'un être tout entier. Je suis une infante de la Lune, enfant des forêts et l'esprit qui cohabite avec l'humain est un Loup. C'est ce loup que tu as senti. »

Nullement marquée par la question curieuse de l'ange déchu, Ophalee continua « Bon et bien, tu as deviné à peu près ce que je voulais voir. Si tu avais la gentillesse de nous faire descendre du toit... Je t'offrirais bien le repas et la bière que tu souhaites. » Elle ne voyait pas d'issus à ce petit problème. Sauter d'une maison de trois étages ? Jamais ! Les ailes pouvaient se montrer être utiles parfois. D'ailleurs elle se demandait comment les anges et les réprouvés faisaient pour les dissimuler... Car ayant vu celles d'Eerah, elle jurerait que cela ne devait pas être une mince affaire. « Et puis je te dirais ce que j'fais ici car ce n'est pas le hasard d'un aether. »
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Eerah
Mar 03 Sep 2013, 19:53

Si elle s’était sentie insultée par la question téméraire, elle eut la bienveillance de ne pas le montrer. À l’entendre, on aurait même pu jurer qu’elle ne l’avait pas entendu. Ophalee semblait établir une sorte de bilan de sa performance, et il se surprit à aimer être « noté », comme à l’époque de ses classes. Une évaluation, un résultat et un classement, voilà qui permettait toujours d’être sûr. Des données pures, mesurables, et surtout, comparables. Il semblait avoir fait une bonne prestation, puisqu’une pointe de respect pouvait percer dans ses paroles. Eerah s’en sentait presque gêné. Une fois de plus, il avait sauté sur l’occasion de se rendre intéressant, sans penser qu’il pourrait, au-delà de ça, paraitre prétentieux. Il accueillit donc le compliment avec une certaine humilité, sans sourire ni soupirer. Ce qu’il faisait, il le faisait depuis plus de deux-cents ans, et – télépathie ou pas – c’était le fruit d’éléments indépendants de sa volonté. Son ouïe s’était développée sans qu’il s’entraine, son odorat avait évolué sans qu’il n’y fasse attention. De là à dire qu’il n’avait aucun mérite, le chemin n’était pas long. Plutôt que d’afficher un air plat et neutre, il resta obstinément tourné vers le combat, comme absorbé par ce qu’il s’y déroulait. Peu à peu, l’agitation retombait au fur et à mesure que les deux combattants s’épuisaient en insultes et provocations faiblardes, sans finalement avoir beaucoup frappé. Décevant.

La mine très professionnelle qu’il tentait en vain d’afficher fut complètement mise à sac par le contact de la peau fraiche de la jeune femme sur son bras. Il tressaillit d’autant plus lorsqu’elle murmura à son oreille, un frémissement causé à parts égales par la proximité troublante de l’odeur agréable de ses cheveux, et par la satisfaction d’avoir une nouvelle réponse. Le Déchu était bien en mal de choisir laquelle de ces deux émotions lui plaisait le plus. Finalement, elle se détacha de lui, et fit quelques pas en arrière, ne laissant dans les airs que le tapotement qu’auraient pu produire les coussinets d’un chat sur les tuiles instables. Une tension insaisissable habitait chacun des muscles d’Eerah, une fébrilité semblable à celle qui l’étreignait avant un combat, avant une traque. Qui est-elle ? Qu’est-elle alors ? Lorsqu’enfin elle relâcha ses lèvres et laissa couler de sa bouche les mots tant attendus, il n’en perdit pas une goutte, avide de savoir, avide de réponses.

Ainsi, Ophalee l’étrangère, Ophalee la femme qui l’avait sauvé, était ce que la plupart appelaient une Bélua. Une infante de la Lune, en reprenant ses mots. C’était tellement plus poétique, tellement plus chantant que « Déchu ». Un horrible nom, donné par d’horribles tortionnaires. Eerah finit enfin par se fendre d’un sourire. Lui qui s’attendait à tout sauf à obtenir ce qu’il voulait, il n’y avait pas plus doux sentiment. La jeune femme-loup, elle, ne sembla pas s’en émouvoir plus que cela, et c’était tant mieux. Il n’avait pas besoin d’une autre personne pour le considérer comme une bête de foire. Au contraire, elle semblait presque compatissante, sans faire étalage de sa pitié. Que demander de plus, après tout ? Elle poursuivi, l’air de rien, sur un ton plus badin, et il se tourna enfin vers elle, sans se départir de son sourire. Rien d’étonnant pour une femme de la terre de se sentir mal à l’aise aussi loin du sol. S’il avait pu deviner ses origines plus tôt, il ne l’aurait pas amené en hauteur. En fait, peu de monde devait aimer l’altitude, si l’on écartait les races ailées. Il aurait dû y penser.

Maudissant sa maladresse, il la prit par la taille, demandant au préalable son assentiment du regard, et d’un pas léger, prit son envol. Il n’avait pas pris la peine de ranger ses ailes depuis son « sauvetage » en pleine foule, et percuta, au moment où il battait des ailes pour se diriger vers une place un peu plus libre de monde, qu’elle n’avait peut-être pas la moindre idée de ce qu’il était. Après sa cécité, il enchainait décidément les surprises désagréables. Résigné, il ne pipa mot. Et que dire ? J’ai trahi la confiance des cieux, je suis un homme de péché ? Inutile, ses ailes noires parlaient pour lui. Eerah s’empressa de les faire disparaitre dans son dos, modifiant juste assez son apparence pour se retrouver allure humaine. Le tissu de sa chemise ondula un instant en se reformant sous la déchirure causée par les appendices dorsaux. Sans plus de cérémonie, il lui tendit de nouveau le bras, reprenant l’air de rien la promenade qu’ils avaient mis entre parenthèse le temps de la rixe de rue. Qui aurait pu se douter en les voyants que se trouvaient là un immortel jeté hors du paradis et une femme-loup aux instincts bestiaux ? Personne dans cette partie de la ville, du moins. Pas sans un minimum d’intelligence, pas sans magie.

La menant sans l’entrainer, ils se dirigèrent finalement vers un restaurant à l’allure modérément attrayante, mais à ce que le Déchu en savait, c’était là où on mangeait le mieux aux alentours. Ce n’était au final qu’une auberge un peu mieux entretenue que les autres, mais cela suffisait à en faire un endroit convivial. Ils se firent placer à une table non loin de la cheminée, dans un coin de la salle. Y brulait un brasier purement décoratif, il ne faisait pas si froid, et la viande était cuite en cuisine, loin des yeux curieux. Une fois qu’il eut tiré la chaise pour installer la jeune femme, il alla s’asseoir, butant par mégarde dans le pied de son propre siège. Enfin bien installés, un serveur ne tarda pas à venir prendre leur commande. Il patienta qu’Ophalee choisisse son repas avant de parler à son tour. Un filet de bœuf, une salade et une bière au houblon firent son affaire. Il n’avait de toute façon pas la moindre envie de laisser une demoiselle payer son repas, pari ou pas. C’était une question de principe, et de toute façon, il était loin d’être à sec, au niveau de ses économies. Alors qu’ils pouvaient enfin discuter, ce fut Eerah qui ouvrit le tir en premier.

-« Alors. Tu as parlé d’Aether, je crois ? Raconte-moi tout. »



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Mer 04 Sep 2013, 12:29


Quelques secondes plus tard, Ophalee posait enfin son pied à terre, remerciant l'homme qui l'y avait mené. Puis ils commencèrent à marcher, à la recherche d'une auberge. Eerah les menait tandis qu'Ophalee suivait calmement, regardant les alentours, découvrant une autre facette de Stenfek au fil de la marche. Enfin, ils rentrèrent dans une modeste auberge. Il y faisait chaud, cela obligea la bélua à se défaire de son lourd vêtement, le donnant à la femme d'accueil qui alla l'accrocher à un porte-manteau plus loin. Une tunique de lin couvrait une partie seulement de ses épaules, laissant les bras nus. De même, elle portait un demi pantalon en tissus de bonne qualité, toutefois pas très beau à regarder. Elle avait presque l'allure d'une femme aisée de ferme en ôtant la cape qu'elle avait. Bref, elle s'assit, remerciant une fois de plus Eerah et lui disant que cela n'était pas la peine d'en faire autant. N'ayant pas l'habitude des coutumes à la mode entre homme et femme, cela lui faisait bizarre.

« Je souhaiterai un Frimzes et du vin de Megido. » « La viande, tartare ou grillé ? Nous n'avons plus de vin de Megido. » « Tartare. Alors un hydromel de Bouton d'Or ? » « D'accord, et vous monsieur ? » Eerah passa lui aussi la commande alors qu'Ophalee s'accoudait à la table, découvrant les lieux des yeux. Enfin, ils purent discuter. La bélua lui devait bien quelques explications et c'est avec un ton détaché qu'elle répondit cordialement à sa demande « Oh, c'était une expression, ce n'est pas vraiment un aether qui m'a envoyé, je ne pense pas avoir autant de contact avec les Cieux. Ce serait plutôt un, voir plusieurs esprits... Oui, il est rare qu'eux interagissent avec notre monde. Et lorsqu'un lien est établi, voilà ce qu'il se passe. Ils envoient leur disciple. » Tout cela pouvait paraître confus. Elle toussa pour avoir une voix encore plus claire. « Ce n'est pas une religion comme je prierais Phoebe, mais plutôt une forme de philosophie. Avec des voies différentes. »

Enfin la serveuse arriva avec un pichet de vin au miel et une choppe de bière. Elle les disposa sur la table. Ophalee en profita pour porter son verre aux lèvres mais avant que l'objet n'y parvienne, son bras s'immobilisa. « Comme on dit par ici... Haas ! » Et le liquide put se déverser doucement dans sa bouche sèche. Elle s'arrêta bien vite de boire, quelques gorgées à peine suffire. « Cinq voies existent. Dragon, Tigre, Tortue, Phœnix et Serpent. On ne peut en exercer qu'une. Comme tu l'auras sans doute deviner avec ce que j'ai dit, je suis moi-même une disciple. Les noms de chaque voie indiquent bien leur spécificité... » Elle prit son doigt, commençant à faire des cercles sur la table de bois. Il ne voyait rien, toutefois ce qu'elle faisait était plus pour elle, pour qu'elle puisse se souvenir sans se répéter. « Le dragon est une majestueuse créature qui implique à ses disciples de prendre une voie gracieuse, un chemin d'orateur et de bonnes coutumes. Les personnes qui s'y mettent sont généralement très convaincantes... Si je puis faire une petite référence, ta Reine est un parfait exemple. On leur apprend à maîtriser le don de parole. Le tigre est quant à lui plus féroce, plus violent, mais aussi un fin protecteur envers ceux qu'il chérit. On retrouve là des personnes à l'imposante musculature... à la carrure d'un taureau, une force colossale. L'entraînement ici sera physique. Une autre petite référence, le Roi de cette même ville en fait parti... Tu dois te demander comment sais-je tout cela. Là est la spécificité de la voie que j'emprunte. On apprend à tout connaître, à tout mémoriser pour mieux utiliser à des fins plus intelligentes. Le jeu des échecs a plusieurs règles. On apprend à la lettre les normes en les appliquant sagement... Jusqu'à découvrir la faille. La voie de la tortue est une voie de visionnaire, d'homme pensant et cultivé. » Petite pause s'imposa lorsque la serveuse vint avec les plats qu'elle disposa sur la table. Devant elle, Ophalee avait un plat de riz avec pour accompagnement des haricots rouges et une sauce blanche, alors que la viande blanche était à peine cuite. Comme Ophalee les aime. Couteau et fourchette en mains, elle commença calmement et reprit la conversation une fois qu'elle eut fini la moitié de son plat. « Le Phœnix est un être de la création et de la magie, pour faire court, ceux qui souhaitent développer à la perfection leur don magique sans passer par l'école d'Aeden l'empruntent. Takias, Reine du feu, en fait notamment parti... Et puis pour finir, le Serpent. La souplesse et la rapidité sont de mises. Il ne serait pas étonnant de voir un de leur disciple faire des acrobaties ingénieuses... » Comprenait-il tout ce qu'elle lui disait ? « Si tu ne comprends pas certaines choses, n'hésites pas à me demander. Je suis là pour ça, après tout... »

Maintenant qu'il savait le comment, Ophalee allait répondre au pourquoi. « L'ennui c'est que les esprits ont la fâcheuse manie de poser des énigmes, sachant qu'ils ne possèdent pas tous la faculté de pouvoir bavarder à des kilomètres de distance, ils nous donnent une situation à peu près exacte, comme Stenfek, avec des détails sur la personne, sur son talent comme son physique... Mais cela n'est toujours pas pratique, sachant que sur ces terres, bons nombres ont la capacité de faire de leur apparence ce qu'ils en veulent... J'ai un passé qui me facilite, peut-être est-ce pour cela qu'on m'a envoyé et non un autre. Bref, tout cela pour dire qu'un esprit te recherche. Je ne reprendrais pas ses mots, je les interpréterais bien mal. Il serait plus sage que je te le fasse rencontrer. »

Elle termina son verre avant de demander un autre pichet de vin. « Bien sûr, tu peux prendre ton temps à la réflexion... Mais je ne resterai pas longtemps à Stenfek et malgré tes ailes, je doute que tu sache pertinemment où le Temple des Esprits se trouvent. J'ai en dehors de la ville, une monture ailée qui peut bien vite nous y conduire... C'est à deux trois jours de vol d'ici. » C'était beaucoup mais d'autant plus à vol d'ange ou à pied. Interpellant la bonne femme, Ophalee dit « Puis-je avoir l'addition ? Sauf si tu veux quelque chose de plus, Eerah. »
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Eerah
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Eerah
Lun 09 Sep 2013, 23:26

Il était frappant de constater avec quelle aisance ils arrivaient à discuter. On aurait pu croire à un déjeuner mondain, entre deux affaires importantes, deux amis prenant le temps de se restaurer à la même enseigne pour y évoquer des souvenirs ou les derniers sujets d’actualité. Eerah et sa cécité étant tournés vers le mur, personne pour les dévisager ou les étudier du regard, personne pour déglutir en espérant qu’ils ne soient pas des assassins, personne pour frissonner à l’idée de se faire dérober. Non, pour l’heure, ils n’étaient rien de plus que des citoyens ordinaires, à l’allure certes plus élégante que la majorité, mais des gens normaux tout de même. Eerah ne se souvenait plus de la dernière fois où il ne s’était pas senti au centre des murmures et des quolibets. Il n’avait pas à ignorer tout ce qu’il entendait, pas à faire semblant de ne pas saisir les insinuations, et profita largement de ce répit pour se consacrer à l’écoute de la jeune femme en face de lui. En attendant qu’ils soient servis, elle lui évoqua ses commanditaires, et un mot qui refroidit un tant soit peu le Déchu ; « Disciple ». Esprits, Dieux, peu importe, le mot disciple indiquait souvent une forme de religion, et jusqu’à ce qu’il n’ait la preuve de son utilité, ou bien qu’il fasse quelque chose pour lui, Eerah n’avait confiance en aucun culte.

Elle dut percevoir son trouble, puisqu’elle s’empressa de le rassurer sur les motivations de ces esprits. Une jeune servante s’approcha à pas feutrés, un plateau à la main, surmonté de leurs deux boissons. Une fois qu’elle se fut écartée, ils purent reprendre leur conversation, mais pas sans avoir trinqué à la façon du pays. Il leva sa choppe, hocha la tête, et ajouta :

-« Haas ! »

Quelle divine sensation que de sentir enfin la caresse d’un liquide dans son gosier dépareillé. Depuis la veille, il n’avait pas pu ingurgiter quoi que ce soit, et il se débattait depuis près d’une heure avec sa voix éraillée, tachant sans résultat de ne pas paraitre plus embrumé qu’il ne l’était. Enfin, ses cordes vocales retrouvèrent leur flexibilité, et enfin, il se sentit pleinement réveillé. Cerise sur le gâteau, le breuvage était de bonne qualité, bien plus que ce avec quoi il s’était enivré la nuit précédente. On y sentait pleinement toutes les épices, le parfum boisé que lui avait confié son tonneau, et même un peu de l’odeur de l’homme qui l’avait brassée, quelques mois auparavant. Au risque de paraitre rustre, il s’autorisa un bonne lampée, avant de reposer sa choppe sur la table, goutant sans vergogne aux plaisirs que lui procuraient ses papilles gustatives. Ophalee reprit bien vite là où elle s’était arrêtée. Elle lui parla longuement, des Esprits, de leurs voies, des significations qu’elles renfermaient. Le Déchu ne l’arrêtait jamais, ne parlait pas, il se contentait d’imprimer dans son esprit chaque information qu’elle lui délivrait, hochant la tête de temps à autre.

Pendant qu’elle parlait, il l’entendait dessiner quelque chose du bout du doigt sur la table, surement pour elle-même plutôt que pour lui. Les gens avaient souvent ce genre de reflexe face à des aveugles. Lui-même ne s’était rendu compte qu’une fois privé de la vue à quel point les gestes pouvaient être important dans une conversation. Une grande partie de la compréhension de son interlocuteur dépendait souvent de ces petits mouvements si anodins. Il s’appliqua à ne pas manquer un mot de tout ce qu’elle disait. Lorsqu’elle évoqua la voie de la Tortue, il se redressa, intéressé. Tout ce qu’elle évoquait, la connaissance, l’intelligence, la sagesse, les plans et la stratégie, tout cela lui évoquait ses propres buts. Et Ophalee en faisait partie. Cela expliquait certaines choses, beaucoup de choses. Quant à supposer que son appartenance à la voie qui lui convenait personnellement soit une coïncidence, il ne se faisait pas trop d’illusions. Il avait à faire à bien plus grand que lui cette fois-ci. À peine avait-elle fini d’évoquer sa philosophie que la serveuse revint les interrompre, cette fois pour apporter le plat. La jeune demoiselle disposa devant eux les différents plats, il la sentit à peine hésiter quand elle lui donna ses couverts, semblant hésiter entre les lui mettre directement dans la main ou les poser sur la table, comme tout le monde. Dans le doute, elle choisit la seconde solution, et Eerah lui en fut reconnaissant. Il n’avait pas besoin de compassion, ni de pitié.

Pendant plusieurs minutes, ils se contentèrent ainsi de manger, sans parler. Le Déchu songeait à tout ce qu’elle venait de lui raconter, se demandant encore et encore quel était le but final de sa visite. Il se doutait que ces Esprits devaient lui vouloir quelque chose pour avoir dépêché une de leurs disciples, mais la question restait de savoir pourquoi. D’un geste assuré, il trancha un morceau de son filet de bœuf, et porta à ses lèvres la viande saignante. Les morceaux de choix comme celui-ci se faisaient inévitablement rares lorsqu’on entamait une carrière d’aventurier, et il avait appris à les savourer. Il huma d’abord le fumet qui s’en échappait par volutes entières, corsé par le poivre et la cendre, radouci par le citron et l’orange. Aucun doute à présent sur la qualité du chef, et les raisons pour lesquelles on lui avait recommandé l’établissement étaient maintenant évidentes. Avec une lenteur calculée, il écarta les lèvres pour y faire entrer le bout de viande fiché sur sa fourchette. Les premières sensations ne furent pas longues à arriver. Tendre, moelleuse à souhait, la cuisson était tout bonnement parfaite. Si le cœur du bœuf était fondant, les pourtours du morceau avaient conservé cette douceur braisée, cendrée qui en faisait un met de choix. La marinade utilisée pour l’attendrir était puissante et discrète, omniprésente et pourtant effacée, avec des teintes d’agrumes parfaitement ajustées. Il finit par mordre dedans, le faisant aller et venir entre ses molaires et ses canines, jusqu’à l’avaler dans un déglutis satisfait. Il n’en fallait pas plus pour le convaincre de profiter au mieux du reste de son assiette.

Finalement, il en était presque à la moitié lorsque la jeune femme reprit la parole. Elle aussi semblait avoir apprécié son repas, à l’odeur, une viande particulière, à peine cuite. Une fraction de seconde, il se demanda si cela pouvait avoir un rapport avec sa condition de louve, puis il se perdit de nouveau dans les explications d’Ophalee, ignorant tout le reste. Et finalement, il eut sa réponse. Ou du moins, une partie de sa réponse. Un Esprit le cherchait, et il avait envoyé Ophalee pour le récupérer. D’après elle, le mieux était encore qu’il se rendre au fameux temple. Et pourquoi pas ? Après tout, il n’avait pas grand-chose d’autre à faire, et elle ne lui avait pas donné une seule raison de ne pas lui faire confiance. Perdu dans ses pensées, il l’entendit à peine finir et demander l’addition ; il remua négativement la tête à sa question. C’était peut-être une occasion en or, peut-être que cet Esprit possédait la clef de son problème. Même si ce n’était pas le cas, il lui fallait essayer. D’autant plus qu’Ophalee avait réussi à le convaincre, avec son discours. Ces voies semblaient toutes indiquées pour lui, en particulier celle de la Tortue. Non, définitivement, il n’avait pas de raison de refuser l’offre.

Avant de donner sa réponse, il mordit encore une fois dans sa viande, et après avoir avalé, déclara :

-« C’est d’accord. Je te suis. De toute façon, rien ne me retiens ici. »

Et lui de continuer à trancher son filet de bœuf. Au moment de porter à la bouche ce qu’il venait de découper, il s’immobilisa en l’air, la fourchette suspendue à mi-chemin entre son assiette et ses lèvres. Il sembla songer à quelque chose, puis demanda à la jeune femme :

-« Je voudrais juste savoir… Qu’attend-t-on de moi en échange ? Je ne suis pas idiot, rien n’est gratuit dans ce monde. Je veux savoir à quoi je m’engage avant de faire quoi que ce soit. »

C’était surtout une manière pour lui de ne pas avoir l’air trop crédule et simplet. Il n’avait pas réellement l’intention, sauf réel problème, de contester ce que demanderaient ces Esprits, la récompense était suffisamment alléchante pour en valoir le coup de toute façon. Avant qu’elle ne réponde, il sentit la servante revenir vers eux. Elle était de l’autre côté de la pièce, le petit papier sur lequel elle avait résumé leur consommation prêt. D’une main, Eerah se saisit de sa bourse, y ôta quelques pièces d’or, et lança le tout à la serveuse, avant qu’Ophalee n’ait eu l’occasion de payer. La demoiselle attrapa maladroitement le précieux paquet, et roula de grands yeux vers le Déchu, qui haussa la voix à son attention :

-« Il devrait y avoir le compte, plus le pourboire. Gardez le tout, et félicitez le chef de ma part, c’était grandiose. »

Non, décidemment, il allait devoir apprendre à ne pas attirer l’attention sur lui à la moindre occasion.



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Mar 10 Sep 2013, 20:08

La faim s'était estompée pour la demoiselle qui avait ni terminé son assiette ni son verre. Le pichet de vin d'hydromel était encore bien remplie pour deux autres verres mais l'envie n'y était pas. Ophalee n'était pas spécialement gourmande, suffire à sa faim était suffisant. Peut-être une raison du fait qu'elle gardait cette taille si mince, peu en chair pour son âge. Et elle porta sur l'homme son regard ciel. Il était d'accord de la suivre puisque disait-il, il n'avait rien à faire. Toutefois, il ne voulait pas le faire à l'aveugle. En effet, il y avait bien des buts mais ça, Ophalee ne pouvait y répondre car elle-même ne le savait pas trop. Elle s'était engagée dans la voie en espérant devenir une femme meilleure, que son esprit puisse être doté de finesse du monde dans lequel elle vivait, toutefois elle n'assimilait pas encore tout. Comme le fait que l'homme paie à sa place, cela la surprit beaucoup. Les hommes se contredisaient. Ils étaient sans doute des esprits bien plus complexes que des aetheri. Elle voulut lui attraper le bras pour l'en empêcher mais arriva trop tard, déposant sa légère main sur la manche de Eerah. « Il y a bien des choses que l'on ne m'a pas apprises... Comme : pourquoi lorsqu'on demande à un homme de payer celui-ci râle et lorsqu'on lui dit qu'on payera, il le fait à la place ? ... Et dans ces cas-là, suis-je censée remercier ? » Elle pensa aux pensées de Vergil adressées à la demoiselle après son départ. Elle était partie comme une voleuse, d'après lui, alors qu'elle l'avait prévenue. Enfin bref, elle retira sa main, laissant cette question en suspend.

« Tu as raison de te poser cette question, car tout est subjectif, finalement. Toutefois... Il serait bien indiscret de ma part de répondre à la place d'un Esprit. » Il était temps qu'ils partent. L'assiette d'Eerah n'était pas tout à fait vide encore. « Si je peux te dire ce que j'en sais, ce que les Esprits nous disent en général, c'est qu'il faut s'exercer pour se dépasser. Ils attendent de nous qu'on devienne peut-être des surhommes à la complexité sans pareil histoire qu'ils ne s'ennuient plus dans leur lieu de culte... Excusez-moi si vous m'entendez du restaurant de Stenfek, mais n'est-il pas vrai ? » Cette dernière phrase était destinée aux aetheri curieux, une forme d'excuse peut-être. Quoiqu'il en soit, elle reporta de nouveau son regard sur Eerah. « Tu en apprendras bien plus par toi-même Eerah que par la bouche savante d'une fille sauvage. » Sauvage, sauvageonne, bête... Voilà les qualificatifs qu'on adressait à des idiots, à des hommes dont l'éducation manque. Elle se releva.

« Je t'en prie, je pense que tu as fini. Il est temps que nous nous en allions, Eerah. » Le prénom de ce dernier était toujours prononcé avec un fort accent qui aspirait le 'i' et mettait en valeur le 'r'.

Elle invita l'ange à se reveler et en profita pour glisser subtilement son bras autour de celui d'Eerah. C'est ainsi qu'elle quitta le restaurant, menant cette fois la danse jusqu'à la sortie de Stenfek.  « Je ne suis pas sûre que tu reverras cette ville de sitôt. » Les yeux de la jeune femme se posèrent sur les divers bâtiments puis sur l'homme qu'elle avait au bras. Etait-il chanceux d'avoir attisé la curiosité d'un aether ?

Enfin ils furent à la sortie de la ville et c'est quelques centaines de mètres plus tard qu'Ophalee se stoppa, lorsque le monde eut disparu. Ils avaient depuis longtemps dépasser les écuries, peut-être que cela intriguait Eerah. Mais Tu'hum n'était pas un dragon qu'on attachait. Il avait l'esprit d'un orisha dans le corps d'un grand animal écailleux. Il aimait sa liberté et y tenait particulièrement. De plus, cela n'avait de toute façon pas été dans les intentions d'Ophalee d'attacher son compagnon à un vulgaire poteau. Il aurait pu attirer les regards et ça non, elle le savait trop bien timide. « Il faut qu'on attende un peu, sinon c'est pas drôle. » lança la bélua sur un ton amusé. Il allait venir, c'était certains.

Une tâche noire dans le ciel fit apparition pour finalemeur faire de l'ombre au soleil sur les corps des deux gens qui se tenaient là. Le vent fut soudain plus fort et on entendait très clairement de forts battements d'ailes, certainement pas ceux d'un grand oiseau au plumage. En effet, les coups d'aile imposaient à l'air de supporter la masse et ils purent entendre quelques grognements. Le dragon posa enfin pattes à terre, observant d'un œil méfiant l'homme qui se tenait au côté d'Ophalee. Il ne s'approcha que lorsque la bélua quitta Eerah, allant l'accueillir. Des bruits plus aigus sortirent de la gueule de ce dernier, semblable aux gémissements d'un dragonneau. Tu'hum était encore une jeune créature malgré son aspect impressionnant. « Tu'hum, je te présente Eerah... Et Eerah, je te présente... Tu'hum. Mon compagnon. » Le dragon cessa les câlineries pour se redresser, la tête haute, tout œil sur l'homme. Il semblait avoir compris ce qu'elle lui avait dit et la regarda d'une bien étrange manière comme s'il lui demandait qu'est-ce qu'elle fichait-là. Une dernière caresse au niveau du torse, câlinant ses douces écailles et elle rejoignit Eerah pour l'attirer vers l'animal. « Je t'en prie Eerah, il ne fera jamais le premier pas. » Jamais pour un inconnu, pensa-t-elle. Elle avait un grand sourire aux lèvres car la jeune femme était contente de revoir son compagnon. Il lui avait manqué. « Pose ta main là... Et là... » Elle lui donnait les directives, lui tenant le poignet pour le guider, sans lui laisser une manœuvre de liberté. Toute personne ne pouvait pas forcément agir selon la réaction demandée. Ici, il fallait qu'il le salue d'une manière plus directe. Après tout, le dragon allait l'accueillir sur son dos quelques jours durant et avec un tel animal, tout pouvait tourner au vinaigre en moins de deux. Ophalee en avait déjà fait l'expérience au-dessus de l'océan. Affolé, le dragon avait fait de nombreuses voltiges, perdant son contrôle dû à la peur de l'eau. Enfin, elle avait réussi à l'apaiser avec des mots, des intentions et des caresses en quelques secondes seulement. Une autre fois, un grand enfant s'était approché de trop près de sa queue. Le dragon l'en avait fortement poussé, surprit par celui-ci. Bref, il fallait mieux faire attention.

Puis elle laissa Eerah faire comme bon lui semblait. S'écarter ou rester étaient ses choix. Pour l'instant le dragon ne disait rien, signe de bonne volonté de sa part et d'une confiance aveugle en la jeune femme. Alors elle s'écarta pour le sceller. Cela valut au grand animal un bond. Il n'aimait pas être scellé, il n'aimait pas qu'on l'emprisonne dans du cuir et des fers. Il le fallait bien cette fois-là, Ophalee ne pensait pas pouvoir supporter des jours sur son dos dans une position inconfortable.

Lorsqu'elle eut terminée, elle s'avança vers l'ange et glissa sa main sur son coude puis jusqu'à la main pour le mener. « On dit qu'une fois qu'on sait monter un cheval, on sait tout monter. Là est l'erreur, le dos d'un dragon est bien haut-placé et peut-être trop étroit pour ceux qui ne savent pas où mettre les mains et les pieds. Il m'en a fallu du temps avant de comprendre. Ah, et ne repose pas tes pieds sur ses ailes et ne pense surtout pas à t'allonger sur sa queue. Dans les deux cas, tu risquerais de tomber de haut... » Paroles d'expérimentée.
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Eerah
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Lun 16 Sep 2013, 22:43

Sitôt la serveuse filait murmurer et discuter avec ses collègues qu’Ophalee posait sa main sur le bras du Déchu. Avec un sourire fin, aux bornes de l’insolence, il tourna la tête, comme pour la regarder. Ses yeux filaient bien au-delà de son épaule, loin du regard de la Bélua, mais l’intention y était. La question de la jeune femme était légitime, aussi compliquées puissent-être les femmes, leurs opposés savaient également se montrer énigmatique quand l’envie pouvait leur prendre.

-« Disons que c’est une question de principe. Il est tellement plus agréable de lire un sourire surpris qu’une mimique automatique régie par les lois de la bienséance. De plus, je ne pense pas – pour l’instant – avoir fait quoi que ce soit qui puisse te pousser à me remercier ; c’est moi qui te suis redevable. »

Il le pensait sincèrement. Sur ses mots, elle finit par se retirer, pour répondre à sa question première. De toute évidence, ce n’était pas la première fois qu’elle devait parler d’eux, ses idées étaient formées, son opinion forgée. En un sens, le fait d’être probablement écouté en permanence par une entité divine était à la fois grisant et effrayant. D’un côté, cela signifiait qu’il avait su attirer l’attention à lui, de l’autre, qu’il n’avait plus vraiment droit à l’erreur. L’avaient-ils vu, l’avaient-ils écouté lorsqu’il rampait dans la boue, quelques heures auparavant ? Probablement. Et pourtant, Ophalee était là, et ils ne l’avaient pas rappelée. Peut-être également qu’il n’en avait pas la capacité. S’ils pouvaient donner des ordres à cette distance, pourquoi s’ennuyer avec un intermédiaire, après tout. À la remarque de la femme-loup, il inclina la tête, intrigué. De ce qu’elle lui avait montré depuis qu’ils se connaissaient – ce qui, au final, ne voulait pas dire grand-chose – elle était loin d’être sauvage, du moins dans ses raisonnements et ses actions.

-« Moins sauvage que sage, si tu veux mon avis. Pour l’instant, celui qui a fait le plus preuve d’étroitesse d’esprit jusqu’ici, c’est moi, il me semble. »

Boire, se battre, se faire battre, et pleurer. On aurait pu trouver mieux, en matière de sagesse. Là où il se rendait, on attendrait de lui mieux que cela. Autant s’y faire tout de suite. Pressé par la jeune femme, il entreprit de gouter une dernière fois à sa viande, savourant probablement la meilleure nourriture qu’il aurait avant un long moment, et quelques secondes plus tard, ils sortaient bras dessus-bras dessous, repus et parés au voyage. Évitant cette fois les foules et les ruelles à risques, Ophalee le mena au travers de la ville, jusqu'à la sortie sud. Elle avait probablement raison, il doutait également que ses pas le ramèneraient de sitôt dans la ville des Réprouvés. Et même si sa nature le poussait invariablement à préférer les paysages et les ambiances désertiques, une certaine nostalgie le prit, tandis qu'ils dépassaient les derniers bâtiments de Stenfek, goûtant une dernière fois aux odeurs des rues, aux bruits des marchés. À de nombreux aspects, elle lui rappelait Avalon, par sa vitalité et l'impression de vice qui s'en dégageait sans cesse.

Quand devait d'ailleurs venir la prochaine fois où il hanterait de nouveau les rues de la ville Déchue, sa ville ? Certainement pas avant longtemps. Pas avant qu'il n'en soit digne. Les dernières murailles s’effacèrent dans leur dos, laissèrent place à la forêt. Ils dépassèrent les écuries, Eerah tiquant légèrement en sentant les odeurs d’équidés s’éloigner derrière eux.  Selon les dires de la jeune femme, le voyage était trop long à pied, et il était certain de l’avoir entendue parler d’une monture. C’était peut-être maintenant qu’il se faisait égorger derrière un arbre. Certes, il aurait fallu pour ça qu’il soit en présence de l’esprit le plus détraqué et le plus patient qui soit. Mais la Garde l’avait formé à être ouvert à toute éventualité, après tout. Ses doutes finirent par disparaitre quelques minutes plus tard. Ophalee l’avait fait s’arrêter hors de vue des remparts, un peu moins d’un kilomètre plus loin sur la route, et là, ils avaient attendu. Le Déchu n’aurait pas su dire ce qu’il attendait exactement, du moins jusqu’à ce que le premier claquement d’aile lui parvienne. Un grondement puissant, et, à en juger de la distance d’où il provenait, appartenant surement à une créature gigantesque. S’il fut dans l’expectative une seconde, cela ne dura pas longtemps, tandis que le bruit se faisait de plus en plus écrasant, et qu’il commençait à sentir les effluves discrets, caractéristiques des reptiles. Il n’en croyait pas ses sens. Devant eux, brutal et imposant, se posait un dragon. Le souffle dégagé par ses immenses ailes membraneuses envoya voler les pans des vêtements de l’aveugle, agitant ses cheveux derrière sa tête et mettant en évidence son expression incrédule. Incapable de se décider entre l’effroi et l’extase, il se contentait de remuer légèrement les narines, bouche bée, à l’affut du moindre son, de la moindre odeur qui pourrait trahir une attaque imminente.

La jeune femme à ses côtés ne semblait pas avoir le même genre de préoccupation. Au contraire, elle se dirigeait maintenant vers la bête, sans frémir ni hésiter. La seule chose qui empêcha alors le Déchu de crier, jurer et l’attraper par le bras pour la tirer en arrière était la tétanisation qui avait pris tous ses membres. Il ne pouvait simplement pas bouger.

Soudain, la créature se mit à pousser de petits cris plus aigus, et, n’entendant pas le son caractéristique des crocs tranchant la chair, il en déduit que la femme-loup n’avait pas encore été dévorée. Sa bouche s’entrouvrit davantage encore lorsqu’elle fit les présentations. Elle recelait décidemment bien des surprises. Après un long raclement de gorge, il fit mine de s’incliner, avec toute la déférence possible. Hors de question de le mettre en colère. Et pourtant cela ne suffisait pas, comme la Bélua devait lui montrer bien vite, elle l’amena jusqu’au dragon, et l’entraina de la main à effleurer des points précis sur ses écailles. Plus par précaution qu’autre chose, il suivit sans rechigner ses instructions, tachant de ne pas laisser paraitre sa peur. Finalement, elle le laissa agir de lui-même. Eerah se laissait guider par les vibrations qui émanaient de l’animal, apprenant vite à reconnaitre le contentement de l’agacement. Lui-même s’étonna de la vitesse à laquelle il pouvait se débrouiller lorsque sa vie était en jeu. Tu’hum, comme il s’appelait, était probablement un dragonneau. Les contes relataient des titans capables d’avaler un cheval d’une simple bouchée, et même si le compagnon d’Ophalee était parfaitement à même de le déchiqueter en deux temps trois mouvements, il n’atteignait pas encore cette taille.

-« Je pourrais presque m’y habituer, finalem… »

Le dragon effectua une violente embardée lorsque sa maitresse le scella, et le Déchu fit un bond en arrière, manquant de peu de lâcher un cri fort peu viril. Au lieu de cela, il jura violemment et passa machinalement la main dans ses cheveux dépareillés. La jeune femme lui fit des recommandations de dernière minute, auxquelles il répondit par une série de hochements de têtes affirmatifs. L’idée de monter un prédateur plus dangereux que lui ne lui plaisait guère, mais ils n’avaient de toute façon pas vraiment le choix.

-« De toute manière, si je tombe, j’aurais de quoi me rattraper. »

Il sorti une seconde ses propres ailes, comme pour les comparer avec celles du dragon, et les rentra tout aussi vite lorsque celui-ci grogna. Le Déchu attendit qu’Ophalee soit montée sur la selle, et la suivit tant bien que mal, se guidant de ses mains sur le cuir ouvragé. Le reste fut rapide, il ne sentit qu’une très forte impulsion, et les sensations habituelles du décollage vinrent lui saisir le creux du ventre. De mémoire d’immortel, il ne se souvenait pas avoir un jour volé sans se servir de ses ailes. C’était une sensation étrange que de sentir la gravité faiblir sans avoir à fournir le moindre effort, si ce n’est celui pour se maintenir sur en selle. Reposante, en fait. Assis derrière la jeune femme, il fallait hausser fortement la voix pour pouvoir parler, il s’assura rapidement qu’elle était réceptive à la télépathie. Il n’avait de toute façon pas grand-chose à dire, le vol se déroulant essentiellement au-dessus des nuages, il était difficile de causer paysage. Le voyage allait être long. Malgré tous ses efforts pour rester éveillé, le balancement régulier de leur monture finit par le bercer, et il s’endormit, la tête posée sur l’épaule de la jeune femme.



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Sam 21 Sep 2013, 11:26

On remarquait l'aspect jeune du dragon du fait d'une mâchoire encore peu développée et d'une tête bien trop proportionnelle au corps. En effet, sa tête était tellement grosse qu'il ne pouvait plus la rentrer facilement dans un tonneau. Ophalee, toutefois, savait qu'il allait encore grandir mais à quelle vitesse ? Elle n'en savait strictement rien. Le jeune dragon avait la faculté de pouvoir prendre la taille d'un lézard, ce qui restait étonnant pour un être d'une telle envergure. « Fais attention Ee... » Ces mots résonnèrent trop tard. L'homme venait d'être bousculé par le grand reptile qui n'aimait pas qu'elle le scelle. Elle recula d'un pas, le travail n'était pas tout à fait fini. « Tout va bien ? » Il se redressa comme si de rien était et étendit à la suite ses larges ailes qui eurent le don de rendre nerveux le dragonneau qui de suite, gronda. La bélua posa une main sur une écaille, une toute jeune, avant de la détourner pour gratouiller la peau de Tu'hum « Du calme, du calme... » Les caresses de la demoiselle apaisèrent instantanément le reptile qui garda cependant un mauvais regard sur le déchu. Elle rigola. « Je l'ai bien éduqué cet enfant, dis donc. »

« Fais attention. » dit Ophalee en aidant Eerah à grimper sur le dos du reptile ailé. Le dragon, sous le regard de sa 'sœur', ne pipa grognement. Il en avait assez fait pour le moment et il fallait qu'il comprenne bien qu'il ne pourrait pas toujours agir ainsi avec les invités d'Ophalee. Il le comprenait et néanmoins, n'appliquait pas toujours les formules directives de sa grand 'sœur'. Une fois installé, elle le rejoignit. Ainsi, ils purent décoller. Voler était une sensation agréable lorsqu'on y prenait goût et malgré tout, Ophalee avait parfois des vertiges. L'air n'était vraiment pas son milieu favoris, ni l'eau d'ailleurs. Mais elle faisait avec et s'habituait au mieux qu'elle pouvait. De plus, Tu'hum connaissait la faible phobie d'Ophalee ce qui l'empêchait de faire n'importe quoi car malgré sa condition d'enfant, il restait toutefois un être remarquablement attentif et intelligent.

Le vol dura des heures. Au bout d'un moment, elle sentit Eerah tomber sur son épaule. Elle écarta sa tête pour lui faire un peu de place, ne disant rien. Le sol était loin sous ses pieds, contrairement à Eerah, si elle tombait, elle ne pourrait pas se rattraper. Elle avait beau possédé une forme d'insecte, la pression et la chute seraient tels qu'elle ne survivrait pas.

Après avoir passé un certains nombre de temps sur le dos du dragon, il fallut se reposer. Ils s'arrêtèrent brièvement à terre pour reprendre pied. Leur voyage dura un jour et demi avant qu'ils n'atteignent enfin le lieu qu'Ophalee souhaitait. Le lourd dragonneau fit une manœuvre qui déforma ses muscles et bougea la scelle d'une façon telle qu'il fallut se cramponner à elle pour ne pas tomber ni en avant ni en arrière. « Attends, Eerah. » dit la demoiselle qui descendit rapidement du dos de son 'frère'. « Donne-moi ta main et pose ton pied-là. » De suite, elle lui prit la main droite, le tenant fermement et lui indiqua où poser les pieds. Il avait beau avoir une condition d'aveugle, la demoiselle aurait fait pareil avec une personne ayant la vue. D'une certaine façon, elle le considérait comme un voyant puisqu'après qu'il soit descendu, elle l'abandonna près du dragon pour avancer. Elle éternua, le pollen des coquelicots lui chatouillaient les narines. Ophalee n'était pas non plus une fanatique de la flore, elle n'en avait pas vraiment eu l'habitude dans la forêt des Murmures.

Une grotte se dressait devant eux. A première vue, elle semblait vide de vie mais surtout profonde. Avant de passer l'entrée, Ophalee salua Tu'hum qui étendit une fois de plus ses ailes pour s'envoler ailleurs. Il n'allait bien évidemment pas rester ici à les attendre comme un chien. Il avait besoin lui aussi d'un peu d'espace et de temps pour son propre équilibre. Il en profita pour montrer la puissance de ses ailes à l'ange en les battant fortement histoire qu'il soit décoiffé. Il l'avait en quelque sorte mérité, selon lui, puisqu'il l'avait défié de ses ailes de jais. « Si tu voyais les statues qui nous regardent Eerah, je suis sûre que tu changerais d'avis. Et c'est pour cette raison que je te pose la question, sans doute la dernière avant qu'on ne rentre enfin dans le temple : te sens-tu prêt ? Si non, nous pouvons repartir. » Elle s'approcha de lui et une fois à sa hauteur, détailla son regard. Elle porta ses mains à sa mâchoire et d'un geste doux, lui descendit le visage. « Ma tête est ici. » S'il voulait passer pour un voyant, peut-être devait-il faire un peu plus attention à là où il posait les yeux. Bien sûr, elle était sans doute une disciple du temple mais surtout une femme ayant foi en Phoebe, une divinité qui n'appartenait pas au même panthéon. Alors, après tout, il était normal de s'assurer qu'il le souhaitait vraiment car elle n'avait pas dans la ferme attention de l'embarquer sans être certain dans une philosophie qui n'était au départ pas la sienne.
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Eerah
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Eerah
Mar 01 Oct 2013, 22:12

Curieusement, son sommeil fut exempt de rêves. Et chose d’autant plus étonnante, il en éprouvait un soulagement à peine contenu. Sa dernière nuit lui avait laissé un goût amer, une impression d’incompréhension totale qui faisait franchement tache avec sa maniaquerie maladive pour le contrôle du savoir absolu. S’endormir et se réveiller sans s’être perdu dans des métaphores sans queue ni tête, uniquement pour le plaisir de se reposer, ça avait du bon. A tel point que le fait de s’éveiller sur le dos d’un dragon ne lui parut pas si terrible à première vue. Il parvint même à se souvenir assez rapidement de où il se trouvait, avec qui et pourquoi. Ce qui le surprit d’avantage, c’était le ridicule de la position dans laquelle il s’était endormi. Priant de toutes ses forces pour ne pas avoir ronflé ou bavé, il se redressa brusquement, en se raclant la gorge.

-« Désolé. »

Son murmure se perdit dans le vent, et il en vint à s’accorder un peu plus tard que cela valait mieux. C’était comme si les dieux s’étaient arrangés pour réduire sa dignité à néant en présence des gens qui en valait la peine. À quoi bon bien paraitre devant un rustre si c’était pour s’étaler dans sa médiocrité devant une jeune femme intelligente. Il garda donc le silence, étudiant les quelques informations qui filtrait entre le vacarme du vent et l’absence d’odeur propre à l’altitude. Rien de bien nouveau n’en résultait. Son sommeil l’avait privé de toute notion de temps et de distance, ils auraient aussi bien pu avoir voyagé un an qu’il ne s’en serait pas rendu compte. Puisque ses options se résumaient à attendre ou dormir à nouveau, Eerah réajusta son postérieur sur la selle, et s’employa à méditer sur ce qu’il avait appris récemment. Et la tâche était loin d’être évidente. Faire un résumé sur les Aethers et le Temple qu’ils tenaient paraissait compliqué, d’autant plus lorsqu’on savait qu’Ophalee elle-même ne lui avait surement pas tout dit, et qu’elle ne savait pas tout de ces esprits non plus. Comprendre le système dans sa globalité devait demander une capacité d’abstraction divine. Surement ce qu’il allait apprendre auprès de ces êtres éthérés.

Finalement, après une éternité, il sentit la créature sous ses jambes entamer une descente. Même malgré les efforts évidents qu’elle réalisait pour ne pas fondre en piqué, ils durent se faire force pour ne pas être désarçonnés par les mouvements compliqués du reptile. Ils étaient ballotés de gauche à droite et de haut en bas, sans qu’Eerah soit certain que le sol ne se rapproche d’eux ou qu’ils ne soient en train de s’en éloigner de plus en plus. Au bout d’un interminable atterrissage, les pattes su dragon se posèrent lourdement sur le sol meuble, et une dernière vibration ébranla le corps des passagers. Eerah fit craquer son dos en s’étirant, et s’apprêta à sortir ses ailes pour s’extraire de la selle, quand le caractère de la créature se rappela à son bon souvenir. Heureusement, il n’eut pas à s’inquiéter bien longtemps, la Bélua sauta prestement à bas de sa monture et le guida par la main. Si en temps ordinaire une telle condescendance aurait pu le vexer, il se devait d’avouer que la perspective de vexer un lézard géant, que ce soit avec ses ailes ou à cause d’un faux pas, ne lui plaisait guère. Il suivit ses instruction à la lettre, goutant à un soulagement indescriptible une fois ses deux pieds au sol et éloigné de quelques pas du prédateur à sang froid.

Pendant une seconde, le Déchu fut un peu perdu. Il s’apprêta à émettre un long sifflement pour se repérer, mais Ophalee lui facilita la tâche en éternuant bruyamment. Les échos de sa voix se répercutèrent sur chaque surface à des centaines de mètres à la ronde, et une carte se dessina progressivement dans l’esprit d’Eerah. Distraitement, il lâcha un « À tes souhaits » à peine audible, et emboîta le pas de la jeune femme, vers la grotte qui résonnait encore du petit cri. Mais même sans s’aider de son ouïe, il devinait la profondeur de la cavité, qui s’enfonçait profondément dans la montagne. Il en émanait des odeurs de champignon, de renfermé et de roche humide. Derrière eux, Tu’hum prit son envol avec une violente préméditée, qui fit de nouveau voleter les mèches du Déchu. Celui-ci ne pipa mot, préférant une sage attitude soumise à la provocation. En réalité, il préférait surtout et essentiellement rester en vie. La jeune femme l’interpella, et sans aucune hésitation, il répondit :

-« Oui, je suis prêt. »

L’ange Déchu tressaillit légèrement lorsque ses doigts effleurèrent sa mâchoire, et il baissa docilement son regard. Dans son domaine, elle était maitresse de maison. Lui ne connaissait rien à l’endroit où il se trouvait, ce qui devait s’y trouver ou ce qui l’attendait. De toute manière, il était allé trop loin pour renoncer. Sans rien ajouter, il s’engouffra dans l’obscurité, marchant comme dans un long couloir en ligne droite. Les échos de ses pas l’informaient sans cesse de ce qui l’entourait, une torche n’aurait pas eu meilleur effet pour un non-aveugle. Parfois, il sentait près de lui la présence froide des statues qu’avait évoquées Ophalee, et il posait avec précaution ses doigts sur la pierre taillée en essayant de se figurer ce qui y était représenté. Chaque forme était lisse, et étrangement parfaite ; ces choses n’avaient pas été taillées par un artisan mortel.

Ils marchèrent ainsi pendant un temps indéterminé. Tantôt il s’impatientait d’entendre ou sentir quelque chose, tantôt il avait l’impression de n’avoir parcouru que quelques mètres. Les odeurs et les sons se ressemblaient et se répétaient sans cesse, comme une boucle sans fin. Puis l’humidité s’estompa. Les effluves de terre humide disparurent, le sol se mua en marbre, les échos se firent plus tranchants, acérés, et un courant d’air vint les caresser de face. Eerah s’arrêta, et pivota vers la jeune femme.

-« Hum. Après toi ? »

Ce n’était pas une histoire de confiance. Non, simplement, quitte à respecter un certain rituel, autant bien le faire, et foncer dans le tas avait peu de chance d’émouvoir un esprit.



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