Jouer aux échecs entre dieux : un vrai calvaire. Pourtant, c'était exactement ce que Mitsuko était en train de faire en compagnie de William, fixant l'homme dans les yeux alors que l'une de ses mains déplaçait un pion. « C'est pas mal » lui dit-il en souriant. « Je ne pensais pas que tu jouerais ton fou vois-tu. ». « Frapper là où on ne m'attend pas, j'ai compris la leçon depuis ma défaite d'il y a une heure. Le meilleur moyen de t'égarer est de jouer sans aucun fondement logique. ». Le sourire de l'homme s'agrandit « Tout a un fondement logique. Les mortels ne le voient pas, c'est tout. ». Elle sourit à son tour. Si tous les deux jouaient ensembles, ce n'était absolument pas parce qu'ils s'appréciaient. En réalité, ils ne s'aimaient pas vraiment, se tolérant, ayant des pensées bienveillantes parfois et d'autres beaucoup plus noires. Et puis, de temps en temps, il est vrai, la jeune femme repensait au baiser qu'ils avaient échangé, encore la pure contrepartie d'un de leurs petits arrangements. Et lorsque William était dans les parages, un grand sourire narquois apparaissait sur son visage, comme s'il savait que, quelque part, il avait empoisonné son esprit. Peu d'Aetheri vivaient avec les mortels, elle était sans doute une grande exception d'être mariée à l'un d'eux. Non, les dieux tombaient dans les méandres du plaisir entre eux, leur puissance et leur force bien trop élevées pour que quiconque survive à leurs moments de colère ou de violence. « Mais Zéleph est un titan qui arrive à supporter ta puissance, n'est ce pas? ». La jeune femme grinça des dents, détestant lorsqu'il lisait dans son esprit. Le seul problème c'est qu'elle n'avait pas assez de puissance pour l'en empêcher. Il déplaça l'un de ses pions « Échec. ». Elle sourit, se dégageant de l'échec. « Que feras-tu Mitsuko lorsqu'il ne sera plus là? Après tout, il a beau être éternel, il arrivera bien un jour où il mourra, un jour que tu verras venir, une fin qui te rongera de l'intérieur. Alors oui, je me le demande, que feras-tu? ». « Je me marierai avec toi? ». Elle rit à cette blague de plus prévisible, déplaçant de nouveau ses pions sur l'échiquier sous le regard imperturbable de William. « Hum oui, c'est une idée. ». « Échec et mat. ». Ses yeux se reportèrent alors sur le jeu d'échec, légèrement étonné de par cette défaite. Il releva son regard, un petit sourire illuminant son visage. « Je t'aurai bien laissé savourer cette victoire mais un mortel vient d'entrer dans le temple, une femme qui a un grand besoin de justice. Une élémentale du prénom d'Anwen. Enfin, peu importe. Suis la procédure et tout devrait bien se passer. Et puis, ça t'occupera le temps que ton mari n'est pas ici. D'ailleurs, pour info, il a organisé une festivité à Sceptelinôst et il semblerait qu'il ait omis d'enfiler un caleçon... ». Il ricana, disparaissant, laissant Mitsuko rejoindre la pièce où se trouvait la nouvelle venue.

Se téléportant, la déesse se retrouva dans la salle où se tenait Anwen. Elle la regarda un instant puis tendit ses bras pour faire naître l'eau sous leurs pieds, de la végétation poussant doucement pour les maintenir au sec. Des lianes se soudèrent entre elles, des fleurs naquirent, si bien que la pièce fut bien vite méconnaissable, ressemblant à une sorte de jardin laissé à l'abandon mais toujours splendide, des orchidées tombant du plafond. Mitsuko créa un fauteuil de lianes sur lequel elle s'assit, fermant un instant les yeux pour écouter le ruissellement de l'eau sous leurs pieds. Depuis quelques jours, elle ne cachait plus qu'elle était enceinte, laissant son gros ventre prendre la place qui lui convenait dans sa robe de grossesse d'un blanc immaculé. Elle allait bientôt accoucher mais ne pouvait prédire quand exactement. Ouvrant les yeux alors que l'une de ses mains se plaçait sur son ventre par habitude, elle sourit à la jeune femme qui se trouvait devant elle. Les questions qu'elle allait poser étaient tout à fait inutiles car les renseignements que cette dernière allait lui donner étaient déjà connus par la jeune femme. Cependant, parfois, cela permettait de constater une différence d'opinion de l'individu par rapport à la réalité des choses. Alors, elle finit par parler. « Bonjour, je suis Mitsuko, déesse de la justice et huitième esprit de ce temple. J'aimerai que tu me révèles ton identité et que tu me contes ton histoire. Aussi, la procédure veut que je te questionne sur l'objectif qui a conduit tes pas ici. Enfin, j'aimerai que tu me parles de tes convictions, en quoi crois-tu? ». Certains croyaient en l'amour dur comme fer, d'autres en l'amitié. Il y avait tellement de croyances que les mortels pouvaient avoir, que ce fut la justice, l'espoir, la connaissance. Oh oui, il y en avait énormément et si cette femme venait ici pour embrasser l'une des voies du temple, elle devait forcément avoir des principes de vie concordant avec la voie qu'elle avait choisi.