Chaque esprit avait sa manière et sa façon de contacter les disciples du temple. Parfois, ils leur arrivaient de jouer dans l'original et d'autres fois, ils faisaient comme les mortels, mais leur demande restait toutefois toujours surprenante. Personne ne s'attendait à recevoir un courrier ou un signe de leur part et c'était pour la plupart du temps une perte de temps considérable ; jamais un aether n’obéissait aux pensées et aux mots des communs foulant le sol.

Ophalee était dans le palais de Minehegys lorsqu'elle vit le signe. Un oiseau qui tenait dans son bec un petit morceau de papier froissé arriva aux bords de la fenêtre. La caractéristique de l'animal était sans doute dans la matière de ses plumes, ayant l'allure d'être un petit nuage plutôt qu'une colombe. Il fit tomber de son bec le papier par terre qu'Ophalee ramassa. Il y avait strictement rien d'écrit dessus. Lorsqu'elle s'en aperçut, l'oiseau reprit son envol. Bien étrange façon, pourrait-elle penser, qu'un esprit du temple contacte l'un des sujets mais Fûzail était ainsi. À son souvenir, dans l'examen post-entrée au temple, la bélua s'était retrouvée sur une île de nul part avec des animaux plus étranges les uns que les autres. En jetant le morceau au feu, une drôle de fumée sortie des cendres, inscrivant quelque chose d'elfique dans l'air. Ophalee ne comprenait pas trop le langage des elfes et encore moins leur écriture mais elle acquiesça comme si elle avait compris quelque chose. Ainsi, la reine des béluas alla se préparer pour partir le lendemain même.

« Où vas-tu ? » aborda le Cygne alors qu'Ophalee rangeait quelques babioles dans sa mini bourse. Elle mit un certains temps avant de lui répondre « Quelque part. » Il soupira. « Nous devons nous tenir au courant, ma reine... » Elle redressa les yeux sur Erik et acquiesça « Je comprends. » avant de partir vers la sortie, mais le totem l'arrêta bien avant. Ophalee jugea un instant le bras devant elle, puis l'homme. Il finit par enlever sa main dans un grand soupir exprimant son ennui face à la situation. Pour le rassurer, elle dit « C'est une affaire urgente, beau Cygne, et si je ne m'y rends pas, je risquerai de causer quelques ennuis. Ah, aussi, tu peux dire à l'Oiseau de garder ses moineaux avec lui. Je ne veux pas qu'on me suive, ni de loin ni de près. Rien ne m'arrivera. » avant de quitter sa chambre, elle lui lança un regard compatissant. Vraiment, il était dur de la cerner et elle le savait mais il y avait certaines choses qu'elle ne pouvait dire dans l'intérêt de tous. Être disciple du temple n'était pas un secret en soi, mais cela restait ses affaires personnelles et le royaume n'était pas obligé de se tenir au courant de tout. Ophalee montrait ce qu'elle voulait bien montrer, dans le cas contraire, elle exprimait généralement et très fortement son mécontentement.

« Est-il scellé ? » demanda la reine en direction de Garenne. « Je n'suis pas palefrenier... J'saurai t'dire. » Elle avança vers Tu'hum qui l'attendait patiemment, comme si il avait reçu son message de loin. Elle lui flatta les écailles du cou puis son aile gauche avant de dire à Garenne « Alors qu'est-ce que tu fais là ? Si tu n'es ni palefrenier, ni maréchal-ferrant, je ne vois pas ton utilité. » L'homme qui dépassait la bélua de deux têtes facilement s'avança. Il avait un air bien menaçant et il effrayait facilement les enfants et les petites vieilles avec son regard d'enjôleur maudit. Mais Ophalee n'était pas dupe et encore moins impressionnée par son allure. Garenne regarda en arrière pour vérifier qu'il n'y avait personne, s'abaissa pour lui souffler « Tu dois aller où ? » Elle leva la main et poussa sur son visage pour qu'il dégage de son espace « Tu n'es pas obligé de savoir. » L'homme haussa les épaules. « Je n'y suis pas obligé mais toi si. » Elle s'arrêta un instant de sceller le dragon qui n'appréciait pas vraiment qu'on l'emprisonne dans du cuir tanné et des sangles. Elle leva son index dans sa direction et dit d'une voix très fluette « Je t'assure que non. » Puis il rit. « C'est vrai... Je n'ai pas à te demander puisque je sais où tu comptes aller. » Magie de meute, bonjour. « Mais pourquoi là-bas ? » Ophalee l'arrêta in extremis. « Je t'arrête Garenne, cesse de faire le malin et occupe toi de tes affaires, nous nous en porterons que mieux mon ami. » Il avait un grand sourire aux lèvres. « Ah, les femmes... Toujours aussi mystérieuses mais quand on les découvre, pouf, plus rien. » - « Ne sois pas insolent et dégage de ma vue, sinon je dicte à Tu'hum de te dévorer en partant. » - « Ce gros lézard qui n'a pas de dents ? Tu rigoles... Puis je suis sûr que tu es plus affamé que lui. » Ophalee l'entendit partir après qu'il eut énoncé sa dernière bêtise de la soirée.

Il était toujours impressionnant de voir un couché de soleil sur le dos d'un dragon. Ophalee s'émerveillait de ce spectacle que peu avait la chance de voir. Ils étaient assez haut dans le ciel pour qu'Ophalee craigne le froid. Elle s'était vêtue d'un lourd manteau, fourni de plusieurs couches d'épaisseur, parfait pour les escapades en montagne. C'est sans aucun doute qu'ils arriveraient bien assez tôt dans la matinée à la bordure du continent naturel, à l'extrémité du monde connu.

Mais il y eut un problème durant le vol et Tu'hum dut se poser à terre. Certains dragons n'étaient pas aptes à marcher comme les montures au sol mais ce dragon-ci, oui. Il était après tout un enfant de la terre et il possédait bien six membres au lieu de quatre. En effet, il avait une paire d'ailes et quatre grosses pattes qui pouvaient lui permettre de creuser le sol. On discernait d'ailleurs à l'extrémité de ses pattes avant, de gros doigts crochus et dépourvus de griffe du fait de la terre qui pouvait, sans doute, briser ces dernières. Quoiqu'il en soit, ils avançaient tranquillement sur les terres et les chemins connus de tous. Ils avaient déjà franchis les Géants blancs et quelques forêts, ce qui les écartait d'éventuels obstacles naturels.

Ophalee s'affala sur le dos du dragon qui avait une bonne marche jusqu'à rencontrer quelques marchands et agriculteurs de bonne heure le matin. Ils n'étaient pas beaucoup mais assez pour les ralentir de leur arrêt soudain. Ils observaient avec une curiosité fascinante la créature qui se promenait là au lieu de squatter le ciel. Tu'hum leur accorda bien des regards de prudence alors qu'Ophalee se redressait, souhaitant le bonjour à qui voulait l'entendre.

Une fois écartée de ce groupe d'individus, la bélua ordonna doucement à son ami de reprendre son vol pour ne plus être dérangé. Si le dragon s'était posé là, c'est qu'en vol il avait connu une fatigue subite après avoir franchi la barrière naturelle des montagnes de l'Edelweiss. Il étendit ses ailes mais une crampe persistait dans l'une. Alors ils durent continuer leur chemin ainsi. Et le nombre de marchands, de vendeurs à la sauvette et de divers gens augmenta plus le soleil se levait. Au bout d'un moment, Ophalee se retrouva dans le carcan d'un marché populaire alors qu'ils étaient censés être sur des routes. Curieuse de tant d'agitations, Ophalee demanda « Que faites-vous tous ici ? Il y a quelque de prévu ? » La femme à qui elle s'adressait se retourna, avertie par la main de la bélua avant de tomber nez à nez avec le gros lézard qui était derrière Ophalee. La reine des béluas vit la stupeur dans le regard de la bonne femme « Aussi doux qu'un bœuf. » l'assura-t-elle. Ayant capté de nouveau son attention, elle lui reformula la question et celle-ci répondit « Oh, et bien nous sommes sur la voie commune et nous nous rendons à Avalon, Drosera et Dhitys. » Interloquée par le chemin qu'ils prenaient tous, Ophalee rétorqua « Mais Dhitys c'est tout au Sud... » La position des autres villes étaient aussi en contradiction avec les mots de la dame mais celle-ci ne parut pas surprise. Après tout, elle suivait son mari, marchands et vendeurs... Ophalee reprit sa route, ayant décidé de quitter le dos du dragon pour marcher à ses côtés.

Quand une ombre leur cacha le soleil, Tu'hum redressa sa lourde tête et grogna quelque chose à Ophalee qui vit une silhouette qu'elle reconnaissait. Avant même qu'elle n'ajoute quelque chose, le dragon étendit ses ailes mais elle l'arrêta. Il ne fallait pas qu'il perturbe les autres gens sur la route qui s'étaient mis à le regarder, il ne fallait surtout pas les arrêter. Ophalee positionna ses mains autour de la bouche de telle façon à canaliser sa voix et cria « EERAH ! » mais son prénom fut avaler par le bruit de la foule. « Attention tu vas rencontrer un arbre. » l'interpella-t-elle d'une façon peu conventionnelle...