Le sorcier n’eut à attendre que quelques minutes et Takias, l’Impératrice du Tout fit son entrée. Elle était accompagnée d’un lion. Sans se formaliser, il se leva déployant sa hauteur et fit se plia dans une courbette pour signaler sa déférence. L’élémentale qui lui faisait face, était une femme, une longue chevelure noir aux reflets cuivrés rougeâtres, des yeux de braise, rougeoyant eux aussi et un ton pâle mettant son regard en contraste. Elle paraissait musclée, des muscles discrets et féminins. L’Impératrice portait sa couronne, et ses habits noirs faisaient ressortir son teint pâle. Elle dégageait un charme étrange, plus encore elle ressemblait à beaucoup de choses et de façon surprenante elle n’était pas comme ce l’était imaginé Valkan.

Ma Dame, Impératrice du Tout, sachez que ce ravissement est partagé.

Valkan portait une chemise noire, en flanelle et un pantalon en cuir tout aussi noir. Le tout était serré mais pas trop, juste ce qu’il fallait pour mettre la finesse de sa carrure en valeur. La couleur contrastait avec ces yeux dorés qui brillaient légèrement. Elle l’invita à s’installer, il s’exécuta et lui proposa bientôt un verre. Bien qu’Aya n’aime pas trop ça, elle n’était pas là et ce n’était pas un verre qui allait le perturber.

Un scotch, sans glaçon.

Rapidement le serviteur fut sorti et Takias montra de l’impatience, plantant son regard dans celui du sorcier, elle semblait avide de savoir de quoi il retournait. Valkan eut un sourire, un sourire amusé en soit.

Avant tout de choses, Ma Dame, sachez que j’apprécie cette rencontre qui risque d’être aussi intéressante pour vous que pour moi. Et je vous remercie d’avoir accepté de me rencontrer. Si je vous ai contacté en connaissant votre adversité pour les Sorciers, c’est qu’aujourd’hui vous êtes certainement la seule personne qui puisse me donner un semblant d’explications.

Il fit une pause, laissant les mots suivre leurs cours. Il leva une main devant lui et un vieux grimoire fit son apparition au creux de sa paume. C’était un grimoire assez massif, il le posa sur la table devant lui et Takias le reconnut tout de suite.

Oui, c’est le Codex d’Ignis Velakarian. Ce n’est pas une copie c’est l’original. Pour ce qui est de l’obtention d’un tel ouvrage, je ne préfère pas vous donner les détails de la provenance. J’ai entendu bon nombres d’histoire sur votre race, bon nombre de légendes et c’est certainement l’ouvrage qui se rapproche le plus de la réalité et malgré ma possession de ce codex, plusieurs zones d’ombres subsistent et c’est pour cela que j’ai demandé une entrevue avec vous.

Il ouvra la bouche pour continuer et la porte s’ouvra. Le grimoire disparut et on leurs servit leur commande. Une fois le servant sortit, le livre réapparut, Valkan but une gorgée de son verre et passa la main au-dessus du grimoire. Il s’ouvrit et fit défiler plusieurs pages avant de s’arrêter.

Le codex dit beaucoup de choses sur votre race, cependant il n’y a qu’un passage qui m’intéresse et qui vous concerne en soit.

Le sorcier se pencha en avant et se mit à lire.

« …au-delà de toutes ces choses, il est important de savoir que les Elémentales sont l’expression magique et céleste de la magie dans sa plus belle forme. Il est coutume de dire qu’ils sont la création raté d’une expérimentation magique poussée, pourtant c’est souvent au travers de ses expérimentations que la magie évolue. Il existe de nombreux éléments et les élémentales sont une représentation homogène et véritable de cette évolution. Malgré cette splendeur réelle, il est bon de préciser que dans toutes ces expressions magiques, il existe une part d’ombre. Une ombre qui détient la clé de beaucoup d’éléments. Cette ombre est le filigus santi. Le secret des Imperator et des Impératrices, transmis de générations en générations. Au-delà des quatre éléments et des éléments alternatifs, il en existe un autre. Le seul qui mérite autant d’ombre et cette ombre s’étend sur leurs races et sur le monde de manière réelle, puisque si il est avéré que cet élément existe, alors toute la théologie élémentalique et glyptiques seraient remise en cause. J’ai répertorié les éléments et au fil des recherches élémentaristes, j’ai trouvé le filigus santi. Il est dit qu’il exista un élémental, un élémental qui serait la pierre angulaire de tous les autres éléments. Cet élément serait l’Elkrin Shakan. L’énergie. »

Valkan arrêta sa lecture et posa son regard doré au creux des yeux de braises de Takias. L’effet était là, c’était de manière théâtrale qu’il avait choisi ce passage en particulier. Il but une nouvelle gorgée de son verre et se mit à sourire.

Si ce que dit cet ouvrage est vrai, alors vous êtes la seule personne à savoir la vérité. Et je suis venu réclamer cette vérité. Est-ce qu’il est possible qu’un élément de ce genre existe Impératrice du Tout ?

Il resta stoïque réfléchissant au propos que venait de tenir l’impératrice du Tout. Son regard changea, les yeux rouges de l’Impératrice devinrent pourpres, il avait entendu que son regard était l’expression de ces émotions. Ce qui voulait dire que cela allait devenir intéressant. Puis elle se leva, il l’écoutait en silence, restant dans son fauteuil, bientôt de dos, elle continua face à la fenêtre qui donnait sur un paysage brulé et sombre. La prophétie ? Valkan commençait à croire qu’il était le jouet d’un destin capricieux, que sa vie était écrite au creux d’ancien ouvrage et qu’il n’aurait guère le choix. Cela dit il était là pour obtenir des réponses, des réponses qui lui permettraient enfin de comprendre tout ce que signifiait ce caprice destinique. Et il ne put répondre, elle se jeta sur lui, avec rapidité et force il se retrouva plaqué contre le mur, il vu l’éclat de la flamme et elle fut absorbée, disparaissant en lui, il ne sentit que cette chaleur réchauffé sa peau. Elle recula d’un pas et le sorcier toucha de nouveau le sol, sa chevelure avait voletée et plusieurs mèches tombaient sur son visage. Il respirait lentement, ça l’avait surpris mais ça ne l’avait pas étonné. Takias était Takias. Cette femme était aussi sauvage et indomptable que pouvait l’être le feu et plus encore, elle était intéressante. Il resta là, l’observant s’assoir de nouveau, il se mit à sourire. Tuer ? Un verbe des plus intéressants donnants lieux à multiples questions. S’approchant sans un mot, il vint se placer derrière elle. Ses deux mains se posèrent sur les épaules de l’Impératrice, il se pencha lentement. Son geste était déplacé, et pourtant c’est elle qui avait commencée. Une fois qu’il fut proche de son oreille, il lui chuchota les mots, chuchotant avec ce grondement sous-jacent.

A l’avenir, il serait préférable de me poser la question. Auquel cas je pourrais devenir brutal à mon tour. Je ne vous en tiens pas rigueur, cependant ne faites pas l’erreur de me voir comme un jouet, vous pourriez être déçue. Quel que soit les écrits, je reste libre de ma volonté. Dites-vous, chère Impératrice qu’en tout et pour tout, nous avons besoin l’un de l’autre.

Et il relâcha ses épaules, son visage s’éloignant, son sourire toujours aux coins de ses lèvres. Et il lui fit face, s’asseyant face à elle, ses prunelles dorées dansantes, dansantes de cette vélocité, cette vélocité qui était la sienne. Inspirant profondément, il l’observait. Cette femme était surprenante et dans un certain sens, elle était comme il l’avait pu l’imaginer.

Le trône n’est pas une priorité pour le moment, je suis un paria de toute façon. En revanche, il est vrai que c’est légèrement ironique. Ça aurait pu être n’importe quel être touché par tout cela, mais ce fut un sorcier qui se présenta à vous, moi en l’occurrence, je peux donc comprendre votre désarroi. Je pense que nous avons été clair tous les deux. Maintenant que nous nous sommes jugés tous deux, je pense qu’il serait temps de passer aux choses sérieuses. Je suis prêt à vous laisser le codex. En échange, je veux le pouvoir. Je veux que vous m’aidiez.

Il ne la quittait pas des yeux. Ce qu’il venait de dire était assez impromptu, malheureusement le système marchait de cette manière, un prix pour un rendu. Il attrapa son verre et but une nouvelle gorgée. Il réfléchissait. L’énergie…Un élément qui semblait offrir des possibilités infinies. Le pouvoir, rien que du pouvoir à l’état brut.

Je suis prêt à tout vous dire, mais j’attends la même chose de votre part. Je paie toujours mes dettes, Impératrice du Tout, et sachez que je vous serais redevable si vous m’aidez. Vous pouvez toujours me laisser ainsi, mais ça serait dommage. Qu’en pensez-vous ?

Valkan observait l’Impératrice, une lueur étrange aux creux de ses prunelles. La discussion prit un tournant et le sorcier n’avait pas imaginé une demande de la sorte. C’était bien plus qu’elle demandait, elle semblait aussi avide que lui. Elle appelait à la vengeance. Une vengeance qui semblait la dévorée et la plonger dans la haine et la folie douce. Le sorcier connaissait bien ce sentiment et bien que ce soit une ambition justifié ça impliquait un nouveau lien, une nouvelle dette. Avait-il le choix ? Non. Ses prunelles dorées se firent intense, plongé dans la réflexion. Il but une nouvelle gorgée du liquide ambré qui luisait dans son verre. Etrangement depuis qu’il était revenu à la civilisation, depuis qu’il avait cherché une nouvelle voie, c’était comme si toutes les personnes qu’il rencontrait se retrouvait impliqué dans les sombres abysses de son destin. Il réfléchissait aux propos de l’Impératrice. Elle voulait se venger d’un sorcier, et ce n’était certainement pas la seule qui en avait après l’un des leurs. Cela dit il était un paria et depuis l’affaire douteuse dans laquelle il avait été impliqué avec Zélie, les contacts avec sa race étaient devenus inexistant. Les temps changeaient cela dit. De toute façon, le pouvoir était une quête qui exigeait des sacrifices. Et ce n’était pas seulement le pouvoir qui le poussait à devenir plus. Le pouvoir n’était qu’un outil. Un outil qu’il voulait pour accéder à son objectif final. Le pouvoir de protéger son enfant et plus encore Aya. Il se racla la gorge, le regard intense. Takias était un allié de poids mais plus encore cette femme pourrait l’amener à beaucoup plus dans son contrôle que n’importe qui.

Je le sais, oui. Vous semblez aller à l’essentiel sans passer pour des chemins douteux. J’apprécie cela. Vous êtes une femme pleine de ressource en tous les cas. Il semble que je vous ai sous-estimé, malgré ça, il nous arrive à tous de faire des erreurs. Les conditions me conviennent. Apprenez-moi donc à contrôler ce qui est en moi et vous aurez votre vengeance, Impératrice.

La décision était prise, il n’y aurait plus de retour possible. Il fit un léger sourire, ce serment serait certainement des plus intéressant. Le sorcier se releva, déployant sa hauteur et attrapa la dague des mains de Takias avec légèreté. Inspirant lentement, il s’entailla la paume. La lame était légère et bien forgée, elle était aussi tranchante que possible, la douleur ne se fit presque pas sentir. Et il y eut ces petits arcs ténébreux se former autour de la plaie. Venant lécher la lame de manière étrange. On aurait dit de l’électricité, pourtant c’était plus lourd, plus dense. De l’énergie. A son état pur. L’effet cessa enfin, il tendit la lame marquée de son sang vers Takias, à elle de faire son œuvre. Sans l’attendre, il s’approcha du Codex et tourna les pages pour trouver un passage qu’il devait montrer à l’Impératrice. Le serment les empêcherait de faire des actes répréhensibles, l’un envers l’autre et ce n’était plus au programme.