« Glurps ». ce fut le seul mot qui me vint à l'esprit en fixant l'Antre Enflammée de Vulcain. Un bon gros « glurps » qui me resta en travers de la gorge.. Le bâtiment était véritablement énorme. Plus que cela, même. Immense. A tel point que je ne lui avait jamais connu de semblable tant par sa grandeur, son air imposant et son architecture menaçante. Ce fut la raison pour laquelle je n'arrivais que difficilement à déglutir. Et mon compagnon semblait pense de même, à son air singulier. Je m'armais de courage et m'avançais vers l'unique pont qui reliait la terre ferme à cette île flottant sur la lave. Il faisait extrêmement chaud, et j'eus toutes les peines du monde à ne pas rebrousser chemin afin de trouver un coin ombreux et frais. Astomaseth ne semblait pas aussi affecté que moi par cette température élevée, mais je devinais que cela était dû à sa condition de serpent. Plus il avait chaud, mieux il se portait. Et alors que lui glissait tranquillement, je suffoquais toujours. La salive me manquait, et je n'avais pas pensé à prendre une gourde d'eau avec moi. De toute façon, l'eau s'évaporerait avant d'atteindre ma bouche... Ce fut en sueur que j'arrivais de l'autre côté du pont et la température n'avait pas baissé d'un degré, au contraire, elle semblait s'être intensifiée. Je commençais déjà à en avoir assez de cet endroit à la noix... Ce lieu était fait pour les Elémentals, pas pour un Magicien.

Et puis, je me retrouvais bientôt devant les lourdes portes constituées de bois et de fer, qui garantissaient une protection excellente contre toute attaque ennemie et qui paraissaient aussi agréables qu'un millier de prédateurs affamés en quête d'une quelconque nourriture... Malgré la chaleur, un long frisson parcourut mon dos et me fit frémir. Je ne m'arrêtais pourtant pas à cela et décidais d'examiner plus attentivement la bâtisse. Creusée à même le roc, belle d'une beauté brute et sauvage, elle me dominait telle un colosse antique. Et puis, ce colosse, ce géant, ce barbare, me faisait... Mmh pas vraiment peur, mais il était sûr que sa silhouette menaçante, les rocs coupés grossièrement autour du château lui-même, cette apparence presque fantastique...  On aurait dit que tout avait été fait pour repousser les voyageurs, leur ôter l'envie de se rendre en ceoupés grossièrement autour du château lui-même, cette apparence presque fantastique...  On aurait dit que tout avait été fait pour repousser les voyageurs, leur ôter l'envie de se rendre en ces lieux. Mais j'avais entendu dire que la maîtresse des lieux – la Reine des Elémentals, d'ailleurs, rien que cela – réservait une aile entière pour accueillir les voyageurs. Sombre paradoxe que voilà... Enfin, moi, ,je n'étais pas venu pour que l'on m'offre l'hospitalité. De toute façon, de par mon statut de Magicien, je me ferai décapiter dans la nuit. Non, j'étais venu car la souveraine Elémentale tenait une forge et vendait donc des armes. Je ne venais cependant pas pour des armes tranchantes, coupantes, ou même qui pouvaient faire du mal de quelque façon que ce soit. J'en avais déjà trop, et je songeais à m'en débarrasser, car cela ne convenait pas à un défenseur de la paix, quelqu'un qui prétendait régler les conflits de façon entièrement pacifique... Non, l'Elémentale vendait aussi des armes adaptées aux Magiciens et je voulais découvrir de quoi il en retournait.

D'ailleurs, autre paradoxe, il était amusant de constater qu'une Elémentale vendait des armes prévues pour des Magiciens à des Magiciens, étant donné que les deux races étaient franchement ennemies. Mais peut-être que le travail lui imposait de ne négliger aucune race, de faire même abstraction de la sienne, rien qu'un instant, un instant pendant lequel elle devenait une vendeuse, et celui ou celle devant elle, simplement un acheteur ou une acheteuse. Je trouvais cela plutôt bien comme concept. J'aurais vraiment aimé qu'il n'existe pas de guerre entre race pour ce genre d'affaire futiles. Je ne pouvais malheureusement que m'apitoyer sur le sort de ceux qui mouraient chaque jour à cause de ces guerres. « Reine Elémentale ! Je suis Magicien, mais je viens en tant que client ! Alors, ouvrez-moi ou bombardez-moi mais faites quelque chose ! » Je ne savais même pas si elle pourrait m'entendre. Mais à défaut de pouvoir enfoncer et défoncer la porte, il fallait bien que je fasse moi aussi un truc constructif. Quoique fracasser une porte n'était pas vraiment constructif. Plutôt destructeur. « Tu es sûr de ton coup, là? » - « On verra bien... »

Dans le corridor, le silence était pesant. Voire encore plus que ça. Il était lourd, écrasant, chargé de menaces voilées mais bien réelles. Il aurait été faux de dire que j'étais totalement confiant, sûr de moi et détendu. C'était même plutôt le contraire. Savoir qu'une Reine surpuissante vivait ici, en compagnie de toute une armée d'Elémentals... C'était à frissonner. Dès le départ, on me l'avait fait savoir. Je n'étais pas le bienvenu, loin de là. Même le garde qui m'avait fait entrer dans le château me l'avait bien fait comprendre. Il s'était arrêté devant moi, m'avait toisé d'un regard pénétrant et mauvais autant que dédaigneux, ce qui voulait tout dire, puis avait marmonné quelque chose comme « Puisque la Reine l'a ordonné... » puis m'avait accompagné dans cette immense pièce, gardée – sûrement à cause de moi, d'ailleurs – par quelques gardes. Je m'étais assis sur un siège de velours, attendant que quelque chose se passe, essayant tant bien que mal d'ignorer les regards des gardiens Elémentals qui, je l'avait su, pesaient sur moi tels de terribles charge de pierres. Il m'en avaient voulu. Pourquoi ? Que leur avais-je fait, à ces gens ? Rien, strictement rien. A ce que je savais – c'est-à-dire, pas grand chose – les Elémentals venaient au monde soit par enfantement normal, soit lorsqu'un Magicien ou un Sorcier les frappaient avec un sort élémentaire alors qu'il étaient d'une autre race. Or, je n'avais encore jamais utilisé contre quelqu'un le pouvoir de la Terre, le seul pouvoir élémentaire que je possédais. Évidemment, ils ne pouvaient pas le savoir, mais pourquoi suspecter et détester les gens d'office, sans les connaître, eux et leurs actions ? Cela n'avait pas beaucoup de sens.

Enfin, un autre chevalier de la Reine s'était annoncé, était apparu et, fort peu courtoisement, m'avait invité – plutôt forcé – à me rendre dans un corridor qui, d'après lui, était la dernière pièce avant la forge de la Reine. J'en étais rendu là, attendant ladite Reine et évaluant la situation. J'avais abandonné mes armes de mon propre chef devant l'entrée du château ainsi que mon compagnon mais, cette fois, on m'avait obligé. Je n'aimais pas laisser Astomaseth dehors, loin de tout cela, car cela me donnait l'impression qu'il n'était au fond qu'une bête qui devait rester là où on lui disait d'être. Or, mon compagnon était tout sauf une bête. Enfin, il faudrait que nous nous en accommodions, l'un comme l'autre. Il n'y avait rien à faire dans cette pièce, rien à part contempler les murs et les différentes armes exposées. Certaines étaient jolies à voir, d'autres donnaient l'impression que le créateur – ou plutôt leur créatrice, dans le cas présent – était un psychopathe tant leur apparence était glauque et horrible. Enfin, elles devaient sûrement servir à effrayer les ennemis sur le champ de bataille, ce qui marcherait à coup sûr... Tout de même, je déglutis difficilement. La longue attente recommença. La maîtresse des lieux se faisait vraiment prier pour venir... Tout de même, j'étais sûr que, si j'avais été un Elémental, elle serait arrivée aussi vite que la foudre... Ah, ces préjugés raciaux... Tant de discrimination dans ce monde de dingue... C'était tout de même le propre de l'homme que de posséder des défauts, même en être empli, mais tout de même, ce n'était pas plaisant à voir. Et, alors que j'étais plongé dans mes réflexions, sans que je m'y attende, la porte s'ouvrit en grand. Avec un semblant de sourire aux lèvres et une bonne humeur de circonstance, celle qui devait être la Reine me souhaita la bienvenue.

Alors, simultanément, presque en même temps, nos yeux s'agrandirent sous l'effet de la surprise. Je venais de la reconnaître. L'Elémentale avec qui j'avais parlé au Sanctuaire, cette Elémentale si prompte à s'énerver, à se mettre en colère ou, comme elle disait elle-même, à réduire tout en cendre, c'était la Reine ! D'ailleurs, en me voyant, elle se débarrassa de sa bonne humeur factice et sur son visage vint un air froid et déplaisant. Là, j'étais vraiment dans le pétrin. A compter qu'elle me laisse en vie, j'étais quasiment certain qu'elle ne me vendrai jamais rien. Pourquoi, sur des milliers de personnes, avait-il fallu que je mécontente la Reine elle-même ? De plus, la souveraine des Elémentals était accompagnée d'un gigantesque lion. Je me dis tout de même que mon compagnon était quand même plus grand que ce fauve et cela suffit pour un instant à me remonter le moral. Puis, l'horreur de ma position revint. Pendant quelques instants, nous nous regardâmes en chien de faïence, jusqu'à ce qu'un des gardes vienne, un air inquiet sur le visage et demandant à sa souveraine s'il se passait quelque chose. Durant une seconde, j'eus peur qu'elle lui demande de me jeter dans son plus profond cachot mais heureusement, elle le congédia bien vite. Et elle me fit une réflexion comme quoi je désirais vraiment ses armes mais ce fut vraiment son lion qui fut le plus poli et qui m'invita à m'asseoir. Ce fut plutôt bienvenu, car j'avais déjà fait une révérence, comme l'étiquette l'ordonnait, quoiqu'elle fût moins basse que si j'avais eu devant moi ma propre souveraine – ou mon propre souverain. « Non, merci, je ne désire pas de boisson. » Fis-je en réponse à la question du lion.

Je m'assis donc avec lenteur, ne détachant pas mes yeux de l'Elémentale ni de son compagnon car je savais qu'un seul faux pas de ma part sonnerait le glas de mon destin et de mon espérance de vie, pourtant si chère à mon cœur. Voyant que la Reine prenait aussi place sur un des fauteuils, je me dis que relancer la conversation ne serait pas de trop. « Mmh... Effectivement, je tiens à acquérir une de vos armes car l'on m'a longuement vanté vos compétences et j'en ai conclu que vous étiez la personne la plus apte à me présenter ce que je recherche ardemment... C'est-à-dire, un moyen d'augmenter l'efficacité de ma magie blanche. Ai-je tort en pensant que vous détenez cela ? » Ce fut en parlant que je m'aperçus que, pour moi, la souveraine n'était pas réellement une femme, plutôt un monstre sanguinaire, car je ne bafouillais pas et ne m'embrouillais pas comme je le faisais en d'autres circonstances face à une femme. Mes yeux ambrés fixaient ceux, de feu, de Takias Mirsaalak. Comment allais-je sortir de ce château ? Dans quel état ? C'était sans doute ce genre de question que se posaient ceux qui se trouvaient dans un guêpier semblable au mien ou, pour être encore une fois familier, dans la gueule du loup. Je soupirais. « J'ai parfaitement conscience de ne pas être le bienvenu ici, surtout depuis notre petite... Altercation. Seulement, j'ai besoin de ces armes et vous êtes la meilleure. De plus, je ne me serai jamais permis de venir ici si j'avais utilisé ne serait-ce qu'une fois de la magie élémentaire contre quelqu'un. Evidemment, vous ne pouvez juger de ma bonne foi si rapidement, mais les magiciens ne sont pas tous mauvais. » J'attendis quelques secondes. « Donc, seriez-vous d'accord pour me vendre des armes ? » Pour le moment, je ne faisais pas trop attention au lion, mais je savais, je voyais à son regard, qu'il était aussi intelligent que nous, voire plus.