Faust venait de finir son cours de géographie, quittant Seth avec une petite moue sur le visage. Il s'était fait réprimander parce qu'il pensait que l'université de magie se trouvait sur le continent de matin calme. Pourtant, à lui, ça lui paraissait logique. Il allait le dire à son précepteur quand celui-ci lui avait fait comprendre sèchement que s'il faisait le moindre commentaire, il allait l'envoyer dans l'enceinte même de ce lieu qui rendait fou quiconque y allait. Le petit déchu était donc sorti de la salle une fois le cours fini, à la limite des larmes, se demandant pourquoi il était si nul. Et puis, ça faisait longtemps que Zéleph n'était pas venu et le petit garçon se demandait si c'était à cause du fait qu'il ne l'aimait plus? Ou peut-être avait-il fait quelque chose de mal? Il se demandait si il allait l'abandonner aussi comme son père. Dans tous les cas, il trainait les pieds dans le manoir, à la recherche de rien en particulier, juste comme ça, ne sachant pas vraiment quoi faire pour se rassurer. Peut-être devrait-il aller chercher un grand verre de lait dans les cuisines, bien que monsieur Zéleph lui avait dit que c'était essentiellement contre les mauvais rêves. Mais que devait-il faire si la réalité devenait comme un cauchemar. La seule chose qu'il aimait par dessus tout et qui restait près de lui c'était sa mère, bien qu'elle soit souvent occupée en ce moment. Il fit de nouveau la moue, se demandant si elle était dans le manoir ou pas. Peut-être que Zéleph et elle s'étaient disputés à cause de lui? Il se demandait d'ailleurs s'il reverrait un jour Neros. Il le trouvait chouette son grand frère, même s'il ne l'avait pas vu beaucoup. Réfléchissant au mariage de sa maman avec monsieur Zéleph, il se dit que lui aussi il voulait se marier un jour. Il avait d'ailleurs conserver le bouquet de fleur de Mitsuko, le faisant sécher pour qu'il dure éternellement. C'était l'un de ses frères qui le lui avait appris. Enfin, peu importait, il ne savait pas quoi faire, tout seul, perdu dans cette grande maison. Baissant les yeux vers ses chaussures, il commençait à se dire qu'il devrait peut-être demander à Tara ou Alicia de jouer avec lui quand soudain, il heurta quelque chose avec une étrange douceur. Levant les yeux, il aperçut un homme grand avec d'étranges cheveux bleus.
« Euh... pardon. »
Regardant de plus près, il vit que l'homme en question portait un bandeau sur les yeux. Celui-ci ne semblait pas le voir, ayant tout de même baissé la tête vers la provenance du son de la voix de l'enfant. Il demanda alors : « Qui es-tu? ». Le petit garçon hésita un instant avant de déclarer : « Je m'appelle Faust. Je suis le fils de Mitsuko, et aussi de Dante... c'est mon papa, il est très fort mais il m'a abandonné. Maintenant y a monsieur Zéleph qui s'occupe de moi. Il est gentil mais je crois que j'ai fait quelque chose de mal... il vient plus... ». L'homme sembla réfléchir un instant. Il savait très bien qui était le seigneur De Mallet, avait appris pour sa disparition même s'il n'était rien d'autre qu'un magicien. Il s'était toujours intéressé aux relations entre les races, à l'histoire, fin connaisseur. Il avait d'ailleurs commencé à parler plus en détails avec Mitsuko et ils s'entendaient bien. Elle réussissait à lui changer les idées malgré le drame qu'il venait de vivre. Et puisqu'elle lui avait juré que justice serait faite, il essayait de se tenir à cette infime espoir. « Et vous? ». Sortant de ses pensées, l'homme sourit, lui répondant alors : « Je m'appelle Lonathas, magicien. Je vais vivre ici un certain temps, celui nécessaire à mon adaptation sans doute. Dis moi Faust, tu as quel âge? ». Ce n'était vraiment pas une question facile pour l'enfant. Il savait très bien que même le jour où il aurait mille ans, il serait toujours un petit garçon, dans son corps et dans son esprit. « Je suppose que j'ai entre huit et dix ans monsieur. ». « Comment cela entre huit et dix ans? ». « Hé bien, c'est maman qui m'a créé. Mais je suis pas né normalement, je suis né par magie. Alors je resterai petit et faible pour toujours. Pourtant, moi j'aimerai tellement ressembler à mon papa ou à monsieur Zéleph! Ce serait vraiment bien! Mais je n'ai pas de magie... ». L'enfant avait l'air déçu, même si le mage blanc ne pouvait pas le voir. Un petit silence se fit et Lonathas finit par demander : « A quelle race appartiens-tu mon petit? ». « Celle des anges déchus, comme mon papa! ». « Et tu veux devenir plus fort? ». « Oui! ». « Pour quelle raison? ». « Hum... pour protéger ma maman, et monsieur Zéleph et aussi mes frères... et puis ma petite sœur qui va naître! Et en plus, moi, j'aimerai bien devenir roi des déchus un jour quand je serai grand... ». Il soupira. « Enfin, je grandirai jamais mais bon, moi j'aime bien rêver. Peut-être que je deviendrai comme mon papa et qu'il reviendra. Et puis un jour je veux faire comme maman et me marier! Et je veux protéger ma femme! Et aussi lui montrer que je suis fort pour la séduire, parce que c'est comme ça qu'il a fait monsieur Zéleph avec maman. Enfin... je crois. ».
Lonathas s'accroupit du mieux qu'il le put pour se retrouver à la hauteur du petit garçon. Il tendit les deux mains vers son visage, Faust se laissant faire. Il parcourut ses traits avant de lui dire posément. « Ecoute moi attentivement. Si tu es un ange déchu, tu as forcément, quelque part en toi, un soupçon de magie. Il faut simplement que tu apprennes à la développer, que tu crois en elle. Je suis un magicien un peu spécial car je peux révéler la magie enfouie. Souvent, à la suite d'un traumatisme, certains individus perdent l'usage de leur magie ou celle-ci devient incontrôlable. Avant d'être ici, j'aidais les gens à retrouver l'usage de leurs dons magiques. J'ai eu une formation très complète sur ce qui touche à la magie, à la confiance en soi et également à la force physique. Je suis un peu un médecin, sauf que je soigne les maladies magiques. Et, j'ai été soldat dans l'armée des magiciens durant deux cents ans, avant de rencontrer ma femme. Je suis éternel en quelque sorte. Si tu veux, petit Faust, je peux essayer de libérer la magie qui est en toi, parce que tes raisons de vouloir devenir plus fort me semblent honorables. ». Le déchu resta silencieux un moment. Il ne savait pas trop s'il devait accepter car c'était Seth qui était sensé l'instruire et lui apprendre la magie, dernier point qui semblait à l'ombre totalement désespéré. L'enfant finit tout de même par murmurer un petit « D'accord », comme s'il fallait que personne d'autre n'entende. « Très bien, conduis moi dans une pièce comportant un sofa. Nous travaillerons dedans. ». Ainsi fut-il. Le mage blanc demanda à Faust de s'allonger dans le canapé, prenant place à ses côtés avant de commencer à lui parler, le petit obéissant au son de sa voix.
« Il faut que tu cherches au plus profond de toi une zone inexplorée, une zone magique. Tu dois la sentir, la voir, mais pour cela, tu as besoin de fermer les yeux. Cela semble paradoxale certes, mais tu dois accéder à ton âme, à ton esprit, toi seul peu lire en cette dernière, toit seul peut voir ce qu'elle renferme. Pense au moment de ta vie le plus heureux puis, pense à celui qui a été le plus terrible. Durant ces deux instants, tu as dû ressentir cette chose au fond de toi, la force du désespoir, la puissance de son contraire. C'est cette force qui nourrira ta magie. C'est celle qui devient incontrôlable pour certaines personnes dès que la rage, la honte, le déshonneur ou la tristesse s'abat sur elle. C'est celle qui peut produire des merveilles quand les sentiments ressentis sont positifs. La magie des individus peut avoir une forme définie, certains disent qu'ils voient en eux une étoile, d'autres un animal, d'autres encore un objet ou une personne. Tu dois puiser cette force qui est en toi, la faire briller de plus en plus pour révéler ton potentiel magique. Beaucoup de gens découvrent leurs pouvoirs par hasard. La première fois peut être dangereuse, étonnante ou grandiose, et, si certaines races comme les Béluas ont des rites initiatiques, d'autres laissent cette découverte magique libre. »
Soudain, sur le canapé, le corps de Faust muta, prenant alors l'apparence de son père, un homme plus vieux, une barbe de quelques jours sur le visage, de lourds muscles recouvrant son corps. Bien entendu, les vêtements de l'enfant avaient été arraché. Bien entendu, Lonathas ne pouvait pas voir le résultat, mais il savait que quelque chose s'était produit, il le sentait. Quand l'ange déchu ouvrit les yeux et qu'il voulut se lever, il trébucha et s'effondra sur le sol, créant un trou plutôt grand dans le plancher. Sa première pensée fut qu'il allait se faire gronder par Seth mais lorsque son regard croisa par hasard son reflet dans la glace alors qu'il se relevait, il en tomba en arrière. Il ressemblait tellement à son père. Doucement, manquant de tomber de nouveau en se redressant, il s'approcha du miroir, s'observant. Puis, il regarda le monde autour de lui, ses jambes tremblotantes. Il n'était pas habitué à se sentir si lourd, si.. corpulent, si grand. La pièce avait une toute autre allure de si haut! Il se sentait vraiment fort et il finit par rire, l'expression de son visage changeant totalement quand il entendit sa voix, grave, puissante. Seulement, le sort ne dura pas longtemps et, bientôt, il redevint le petit garçon qu'il était auparavant. Il dut tout expliquer à son nouvel allié, à son nouveau professeur et ami, et, dès qu'ils se quittèrent des heures après que l'enfant ait fini de dire en boucle combien l'expérience avait été super, Faust se dit qu'il irait le dire à sa maman! Sauf qu'il fut déçu de voir qu'elle n'était pas là. Mais dès qu'elle reviendrait, il lui dirait, promis juré!
1681 mots (donc plus que 70 lignes XD)
