Nastaé avait grandi. Il avait appris bien des choses sur la terre, sur le monde humain, et il était temps pour lui de retourner aux sources. Ses parents lui manquaient plus que tout, et il se devait de partir. Ayant quitté Morvan sur la côte, et avec un petit pincement de cœur, il plongea dans la vaste étendue d’eau. D’après ses prédictions, il allait arriver lors de la chasse annuelle. Avec un peu de chance il pourrait y participer. A peine avait-il détourné les yeux de la silhouette du blond, qu’il lui manquait déjà. Il ne fallait pas qu’il s’attache autant… Quoi que les sentiments de son binôme étaient partagés, jusqu’à un certain point. Mais ça lui allait. Il s’en fichait, tan qu’il pouvait rester près de lui quelque soit les situations. Nageant rapidement, Tora sur les talons, il pu rejoindre l’océan dans un temps records. Ravis, il fit une pause avec sa tigresse, mangeant pour recouvrir leurs forces, et repartir de plus belle.
Lorsque sa cité se distingua plus loin, il n’hésita pas à y foncer. Certains de ses congénères le reconnurent et souriaient à sa vue. Quand il atteignit l’endroit où résidaient ses parents, il passa l’arche qui pouvait servir de porte d’entrée et cria :

-Papaaa !! Mamaaaaan !! Je suis rentré !

Des têtes sortirent de derrière les murs et les retrouvailles furent accompagnées de chaudes larmes. Mais après quelques minutes de pleurs et de joie, il entendit des ricanements dans son dos. Se retournant, il vit ses frères qui commençaient à comploter derrière lui, le regard noir, la voix basse… Ne s’en occupant pas il préféra parler à ses parents qui avaient l’air d’avoir tan vieilli.

-Tu as beaucoup manqué à ta mère tu sais fils.

Alors que Nastaé voulu répliquer, son père fut appelé à préparer la grande chasse. Entendant cela, le jeune fils se fit suppliant :

-Oh papa ! Je pourrais me joindre à vous ?

La mine de son paternel s’affaissa :

-Non… Tous les postes sont déjà prit, mais dès qu’il y aura un désistement je te le dirai.

Souriant il partit rejoindre les festivités. L’ondin resta avec sa mère :

-J’ai rencontré des gens formidables !

-Ont-ils étaient… Méchants avec toi ?

Sa douce main maternelle, caressa sa joue d’enfant. Appréciant ce contact qu’il attendait depuis tan de temps, il dit doucement :

-Non maman… Au contraire… Surtout un.

Elle sourit lorsqu’elle vit son fils légèrement transporté, vers la fin de sa phrase. Lui voyait son visage, et ses yeux bleus.

-Il faudrait que tu le rencontres, tu l’adorerais…

-Mais mon chéri, c’est un humain, et ils sont interdits ici, tu le sais… Il ne ta pas fait de mal quand il a su ta vraie nature ?

-Non, au contraire. Il m’a apprit à marcher, à courir et à aimer la vie sur terre. Et a découvrir de nouvelles choses…

Rougissant à cette parole, ses souvenirs revinrent dans sa tête, comme une fusée. Il était partit depuis à peine une jour et il voulait déjà le revoir…
Sa mère était heureuse pour son fils. Heureuse que son enfant se soit épanoui hors de ce monde étriqué. Il lui raconta comment étaient les gens qu’il avait rencontré, et les pouvoirs qu’il avait découvert chez certain. La multitude de races, et de caractères différents. Tout était mieux qu’ici, tout était plus dangereux qu’ici… Et ça excitait Nastaé de repartir déjà. Mais il se calma en disant :

-Et comment vont mes frères ?

Elle leva les yeux au ciel.

-Ne m’en parle pas. Ils font tourner ton père en bourrique. Depuis que tu n’es plus là, ils ont une espèce de… Bande avec d’autre et ils sèment la panique dans les villages voisins. J’ai tellement honte d’être leur mère…

L’ondin fut choqué d’apprendre que ses propres frères étaient si différents de lui, et qu’ils ne cherchaient qu’à semer le désordre et la discorde chez les voisins. Prenant son visage dans ses mains il se dit qu’il devait les résonner, mais il n’y arriverait jamais seul. Sa mère renchérit :

-Ils se sont inscrits à la grande chasse.

-Tous ?

Elle acquiesça. Nastaé mit une main sur ses yeux, dégoûté de s’être fait piquer la place de justesse.

-Ça m’étonnerait que d’ici demain ils se désistent, surtout pour moi…

Haussant les épaules il partit dans un coin de l’océan qu’il connaissait par cœur et où il avait l’habitude d’aller pour se reposer tranquillement. Une fois assis sur un rocher, il leva les yeux vers la surface. Son esprit était hanté par une seule personne, et Tora l’avait remarqué.

*Tu ne peux pas communiquer avec lui, comment vas tu le retrouver ?*

-Je ne sais pas.

Il la prit dans ses bras, caressa son pelage qui flottait dans l’eau.

-Je n’aurais pas du partir…

*Si, tu avais besoin de revoir tes parents, et on ne peut pas se permettre de laisser tes propres frères semer la panique autour d’eux. *

Nastaé acquiesça, perplexe sur la façon dont il allait les arrêter. Il était si… Faible à côté d’eux. Ca l’énervait. Lui avait la magie et ses frères la force. Mais il essayerait de faire quelque chose lors de la grand chasse demain. En parlant du loup, il vit ses cinq frangins débarquer dans son espace intime. Se mettant sur la défensive, il fit attention à ne pas se faire toucher par l’un d’eux, sinon c’était la mort assurée. Il avait failli y passer une fois, pas deux. Mais l’aîné s’approcha rapidement de lui et passa un bras autour de son cou, le serrant contre lui :

-Salut fréro, alors, on vient pas nous dire bonjour ?

Un ricanement se fit entendre de la part de tous, sauf d’un. L’ondin n’y fit pas attention et essaya de se dégager de l’emprise de son frère. Ses ongles griffaient sa peau.

-On a une bonne nouvelle pour toi… Demain, la chasse, il manque une personne, et comme par hasard tu es là au bon moment.

Le visage crédule de Nastaé s’illumina.

-C’est vrai ? Je… Je peux venir ?

Tora se tenait à l’écart, essayant de détourner les pensées de son maitre, mais il était trop heureux de pouvoir participer… A la mutinerie qui se montait contre lui.
Ainsi, il prit le poignet de son frère, autour de son cou, un peu plus gentiment qu’avec ses ongles.

-Oui, mais il ne faut pas le dire à papa et maman, c’est une surprise…

L’ondin ne comprit pas pourquoi cette cachoterie mais sans soucis, ça lui allait ! Il ne prit pas en compte les ricanements autour de lui, les regards malsains, la violence des gestes de son aîné… Il participait à l’événement annuel, alors à quoi bon ? Lorsque les hommes repartirent, l’ambiance lourde et mauvaise s’en alla avec eux. Soufflant un peu il se jeta sur Tora. La grande chasse… Ouiiii !

Le lendemain, ce fut de bonne heure qu’il se prépara, et qu’il se vêtit de ses armes les plus mortelles, de manière à faire honneur à son peuple. Il sait qu’il ne serait pas le meilleur, mais il serait heureux de faire le maximum. Ainsi doucement, il partit au lieu de rendez vous. Quand le leader le vit arriver, il dit :

-Tiens, tu es de la partie toi aussi ?

Mais avant que Nastaé pu faire quoi que ce soit, son frère aîné se jeta sur lui pour le prendre par les épaules.

-Il est avec nous…

Son sourire démontrait tout, mais l’ondin, ne pu le voir. Une fois la stratégie d’attaque faite, le monstre ciblé et les armes prêtes, ils se mirent en route. Cette fois ci c’était un grand prédateur. Les ondins ressemblaient à un banc de plancton à côté de ce vorace animal. Doucement, sans faire de bruit, le leader indiqua là où ils se cachait, et comme prévu envoya l’appât. Ils attendirent une minute tout au plus, puis le souterrain trembla, faisait vibrer l’eau aux alentours, et un des chasseurs sortit rapidement. Détruisant la moitié de la roche, le prédateur suivit, plus enragé que jamais. Nastaé fut secoué en le voyant. C’était un monstre des Abysses. Ceux qui vivaient au fond étaient des prédateurs à quatre vingt dix neuf pour cent, mais celui qui était tout en haut de la chaine alimentaire… C’était lui. Son envergure dépassait un porte-avion, et l’ondin blêmit, se demandant comment ils allaient le tuer. Malheureusement, bien qu’il fût raisonnable, il ne pouvait fuir. C’était sa fierté qui était en jeu, et sa réputation, alors quand le museau de la créature apparut, tous se dispersèrent. Le jeune homme s’arma, mais ne savait pas vraiment quoi faire. D’ailleurs la bête le sentit de suite car, malgré sa cécité, elle détectait la confusion et la peur. Donc automatiquement elle se dirigea vers l’ondin aux yeux émeraude. Sachant que c’était totalement inutile de la piquer de son harpon, il décida de l’emmener vers les autres. Au moins s’il faisait l’appât parfait, ce serait déjà un bon point. Du coup fonçant vers ses confrères, ils essayèrent de l’attaquer. Mais les pics qu’ils lui donnèrent, étaient semblables à la piqûre d’une aiguille. Se laissant rapidement submerger, l’une des sirènes fut attrapée et réduite en charpie, entre les dents acérées de la créature. A la vue de cette scène, Nastaé en laissa tomber une larme qui se perdit dans l’océan. Les deux mains sur sa bouche, il pensait qu’il allait défaillir. C’était… Un de son village… Un des siens… Mort comme ça…
La tigresse lui donna un grand coup de tête, ce qui le fit revenir à la raison. Bougeant de l’endroit où il se tenait, il essaya d’éviter les crocs ensanglantés de ce prédateur, se reposant sur les autres pour le tuer. Pourtant optimiste, là, Nastaé trouvait que c’était du suicide. Se rapprochant du groupe il ennonça affolé, sa solution. Mais l’aîné lui dit :

-Fuir ? Fuis c’est pour les lâches comme toi. Va donc retrouver maman, et lui pleurer dans les nageoires… Nous on reste !

Mais lorsqu’il observa tout le monde, il sentit le leader un peu sur la défensive, et le plus jeune de ses frères quasiment tremblant de peur. Alors que tout le monde se sépara à nouveau, il resta avec son frère. Le prenant par les épaules il dit :

-Ant’, tu n’es pas obligé de rester avec eux.

Il nia de la tête, regardant où les autres allaient.

-Tu ne comprends pas !

Se dégageant de son étreinte il s’enfuit vers le reste du groupe. Nastaé leva les yeux au ciel et décida d’abandonner. Commençant à faire demi tour, son aîné le vit de loin, et fonça vers lui pour le rattraper. Lui tirant violemment les cheveux il lança enragé :

-Tu as voulu venir, tu restes. Jusqu’à la mort tu m’entends ?

Nastaé voulut se défaire, quitter à s’arracher les cheveux, mais il faisait trop de bruit, Il allait les entendre. D’ailleurs, ça ne manqua pas. Le prédateur fonça vers eux, et tout se passa très vite. Le jeune homme vit la grande mâchoire du monstre s’ouvrir, prête à se refermer sur lui et son frère. L’un était tétanisé, alors que l’autre se débattait. Il a été subjugué une fois pas deux. Essayant de faire lâcher sa tignasse à son frère, il reçut finalement un grand coup dans le ventre. Sa respiration fut bloquée un moment, mais il haleta rapidement. Lorsqu’il leva la tête, il vit le prédateur à quelques mètres, en train de… Tuer son frère. Ses yeux s’embuèrent de larmes, et là aussi mains devant la bouche il dit :

-Non ! Nini…

Et oui, aussi improbable que cela puisse paraître, le petit surnom de Navil, son frère aîné, était Nini pour les intimes ! Ce gros ondin robuste, fier, et avec un égo plus gros que lui, viril, masculin… Se faisait appeler Nini par ses proches. Ca perdait de suite le charme. Mais pour Nastaé, c’était son frère. Son grand frère. Se tournant vers Nanti –là aussi, Ant’ pour les intimes- il comprit que c’était grâce à lui qu’il était encore en vie. Le prenant par la main, et appelant mentalement Tora, il s’échappa.

-Il faut fuir andouille !

Et son frère se laissa emmener par Nastaé, regardant la moitié du corps de son frère flotter dans l’océan, avant d’être à nouveau happer par la créature.
Une fois chez eux, Nanti tremblait comme une feuille, et se réfugia dans les bras de sa mère, alors que son père venait vers Nastaé.

-Comment vas tu ? Comment se fait-il que tu y sois allé ? On ta cherché partout !

-Nini…

Il eut un hoquet, réalisant qu’il était maintenant de l’Atre côté.

-…m’a dit qu’il y avait une place, mais de ne pas vous en parler.

Son père jura.

-Oh ! Quand il reviendra je…

Des larmes se créèrent chez l’ondin.

-Papa… Papa ! Il est mort ! Navil est mort tu m’entends ?

Et là, sa mère prit dix ans d’un coup. Elle avait perdu un de ses bébés. Sous le choc, rien ne se produisit, et Nanti se dégagea de son étreinte devenue molle, puis ses deux parents versèrent des larmes de chagrin, qui déchirèrent le cœur de leurs deux fils, présent à ce moment. Contre toute attente, Nanti se tourna vers son cadet :

-Il faut aller chercher les autres, on ne peut pas se permettre de perdre notre famille.

Sans un mot dire, ils partirent. Sur les lieux, ils prirent les trois frères qui restaient et les forcèrent à rentrer. L’un d’eux était gravement blessé, donc il ne rechigna, mais Ant’ dû se battre avec les autres. Au final, tout le monde se mit à fuir et la créature retourna dans les Abysses, contre toute attente. Une fois chez eux, le constat fût fatal. Nastaé s’occupa du blessé. Il n’avait plus de clavicule, et bien qu’il le soigna du mieux qu’il pu, il ne pourrait plus jamais utiliser son bras comme avant.
Une fois réunis, le père cria sur tout le monde, ne faisant aucune distinction entre chacun, alors que la mère pleurait les pertes. Nastaé faisait tête basse, et Nanti resta près de lui, essayant de redonner le moral à Novi, le blessé. L’atmosphère était lourde, comme si un nuage de douleur s’était crevé juste au dessus d’eux, rependant son fiel putride dans leurs esprit. Son père était au bord de la folie, et sa mère prête à mourir de chagrin. L’ambiance était insupportable. Il voulait juste partir… S’en aller. Il était rentré la veille, et voilà ce qu’il y avait, ce qu’il dû subir…

Se détournant de sa famille, il partit un peu plus loin, se reposant sur un rocher, repensant à tout cela. Les images revinrent dans sa tête, lui rappelant sans cesse ce qu’il venait de voir, de découvrir, et d’assister. C’était un vrai drame. Et il se mit à pleurer son frère. C’était trop pour lui. Il était de petite constitution et là, ça prenait toute son ampleur. Rien ne lui permettait de cacher ses émotions, lorsqu’il sentit, au milieu de son esprit confus et embrumé, une main sur son épaule. Se retournant, il vit Ant’ qui était près de lui. Il savait qu’il partageait les mêmes émotions, les mêmes images. Depuis toujours ce fut le frère dont il avait été le plus proche, et qui ne lui avait jamais fait de mal. Il avait juste suivit, par pression, Navil, mais en aucun cas il ne voulait faire de mal a personne. Alors Nastaé comprit tout, et ressentit tout. Ils avaient toujours été proche malgré cette distance et les événements précédant allaient les rapprocher, comme avant, comme lorsqu’ils étaient petits. Ils n’avaient que deux ans de différence, et la complicité revint entre eux. Il était malheureux qu’il ait fallu pareil drame pour les rapprocher. Mais le réseau était démantelé pour le coup. Plus de meneur, plus personne pour reprendre. S’asseyant l’un près de l’autre, ils ne disaient rien, s’appuyant l’un sur l’autre, partageant leurs émotions, leur chagrin, leur peur, leur peine. Même si c’était le pire des démons, c’était leur frère. Ant’ enroula sa nageoire autour de celle de son frère et dit tristement :

-Que va-t-on devenir sans lui ?

Mais l’ondin fut plus choquer par cette parole, que par le décés de Navil. Prenant son frère par les épaules en le secouant il dit :

-Tu es quelqu’un de bien Ant’ ! Tu n’as jamais eu besoin de lui, vous allez tous faire votre vie, comme vous auriez dû ! Aider maman et papa à surmonter tout ça. Ils ont besoin de vous plus que jamais ! Tu dois les aider !

-J'ai tellement honte ! Le but de Navil était de t'emmener à la chasse pour te tuer. J'ai participé à tout ça même si c'était de force... J'ai honte...

Il prit la tête de son frère contre son buste

-Ce n'est pas grave Ant', je vais bien... Grâce à toi...

Nanti ne dit rien acquiesçant juste. Nastaé avait raison. Il n’y avait plus de mauvaise influence à présent.

Restant quelques jours près d’eux, il les aida et soigna son frère un maximum. Au final, il du partir, retourner sur la terre ferme. Il espérait secrètement que celui qui hantait son esprit et son cœur, pensait à lui, et l’attendait, même si c’était inconsciemment.
Quand il partit, s’assurant de l’honnêteté de ses frères, il atterrit à nouveau sur la plage. S’habillant une fois ses jambes retrouvées, il galopa pour partir de là, et aller un peu plus vers les terres. Il avait n’avait pas grandit, mais avait gagné en maturité, en puissance physique et intellectuelle. Il avait évolué. Son visage paraissait moins naïf, même s’il avait encore beaucoup de choses à apprendre.

Il se promit ainsi de revenir dans quelques temps, pour faire découvrir à Nanti le monde terrestre.