Lily-Lune jeta un bref regard vers l'horizon, se berçant quelques courts instants des vagues qui dansaient frénétiquement au gré des vents marins, comme heureuses d'avoir retrouvé la sérénité d'antan, débarrassées des monstres immondes et répugnants qui avaient tenté de souiller les profondeurs de l'Océan. Lentement, elle longeait la berge, laissant ses pieds nus s'engouffrer dans le sable doré à chaque pas. Elle n'avait pas perdu de temps et avait quitté ses compagnons d'infortune aussi vite que possible, gênée par sa posture et pressée par les obligations qui l'assaillaient. Mais maintenant qu'elle était seule, elle aspirait à quelque chose de bien simple qu'elle n'avait pourtant pas pu obtenir durant de longues semaines interminables, celles menées par le chaos et l'anarchie des morts-vivants, et cette petite chose qu'elle voulait était la solitude. Un peu de calme et de répit, pour qu'elle puisse se perdre dans les méandres de son esprit et rejoindre le petit monde qu'elle avait créé au fin fond de sa tête. Il lui importait peu qu'elle était presque totalement nue, maintenant, ou que ses si longs cheveux de jais dégoulinent d'eau sur son corps déjà gelée, ou encore que ses membres soient endoloris voir blessés... Elle souhaitait simplement avoir un peu de temps pour elle. Durant toute cette sombre affaire, elle avait tendu la main à qui le voulait et s'était démenée comme une diablesse pour le bien d'autrui, pour son peuple comme tout les autres. Son sommeil avait été des plus sommaires et sa faim rarement satisfaite. Elle qui était déjà si fine s'était encore davantage affinée. La jeune femme passa délicatement ses longs doigts dans sa chevelure trempée, les démêlant distraitement, l'air rêveur.

L'Orine ne chercha pas à aller à un point précis. Elle se laissait guider sur le sable comme un bateau sur les flots. Durant combien d'heures marcha-t-elle ainsi? Dur à dire. Mais lorsqu'elle releva les yeux, le soleil au lointain avait presque terminé sa descente et les étoiles s'illuminaient doucement dans les recoins les plus noirs des cieux. Ses lèvres frémirent tandis qu'elle laissait un petit soupire amusé s'échapper. Ses yeux vagabondèrent dans les environs, et elle ne tarda pas à vérifier sa première pensée : elle s'était perdue de la façon la plus stupide qu'il soit. La brise qui soufflait il y a peu n'était plus, elle avait cédé sa place à quelque chose de bien plus froid et violent. Son visage était d'une pâleur de craie et ses lèvres ensanglantée prenaient des teintes bleutées. Par réflexe, Lily croisa les bras sur sa poitrine, regrettant soudainement de ne pas avoir de vêtement sous la main. Mais au moins était-elle armée. Parmi les bruissements de la nature, elle crut distinguer quelques crépitements étranges, murmure d'un danger imminent qui la menaçait. Bien que frigorifiée, elle déposa délicatement sa main sur le fourreau de son sabre, tapotant de ses grands ongles les décorations dorés qui l'ornaient, prête à dégainer à tout moment.

Il devenait bien difficile de discerner quoi que ce soit aux alentours tandis que la météo s'assombrissait. Méfiante et toujours à l'écoute, Lily-Lune scrutait du mieux qu'elle pouvait les environs, s'éloignait lentement mais prudemment. Parmi la brume épaisse, elle finit par discerner le contour hésitant d'une silhouette enfantine. Mais elle demeura alerte, ne souhaitant pas se laisser berner par ce qui semblait être un enfant mais qui pouvait dissimuler sous cette apparence confuse d'innocence les traits d'un monstre sans précédant. Et ses soupçons furent vite confirmés. La démarche étrange, ce regard si particulier, ce son provenant des tréfonds de la gorge... L'enfant n'était plus. Devant elle se tenait un des rares morts-vivants qui devait subsister dans les parages, surement épargner grâce à son apparence.

Pendant à peine une seconde, Lily-Lune aussi hésita. Il était tellement plus dur d'abattre sa lame sur le cou d'une petite créature, même si l'enfant avait disparut, la jeune orine faisait partie de ceux qui croyait à un antidote pour soigner toutes ces pauvres créatures. Mais qu'adviendra-t-il d'eux si on leur tranchait la tête? Elle n'eut pas le loisir d'y réfléchir plus longtemps, le mort-vivant n'était plus qu'à quelques pas d'elle, se léchant presque les babines qu'un si succulent repas lui soit livré sur un plateau d'argent. Le combat fut rapide et les doutes de la jeune femme jouèrent surement dans son issu. Si elle eut le temps de brandir son arme et de trancher la tête de son agresseur, elle ne l'empêcha pas pour autant de planter ses dents noirs dans sa cuisse. Un cri suraigu de douleur s'échappa des lèvres de Lily-Lune qui se laissa tomber au sol, le souffle court. Une très légère larme perla au coin de ses grands yeux noirs pour rouler en silence le long de sa joue. Elle savait ce que cette morsure signifiait. Et si elle voulait conserver son esprit et sa vie, elle devait agir aussi vite que le vent.