Eutropius réajusta la pile de livres pour la remonter contre son torse. Leur tranche trahissait ses préoccupations du moment : Seaghdha et les manipulations mentales. Depuis son retour de la ville de Juvaniel, il avait été assailli ponctuellement de visions. La première fois, il n'en avait rien tiré. En pleine classe, la silhouette du professeur s'était troublée pour laisser place à un raz-de-marée qui balayait impitoyablement un champ. L'horizon brillait, ceinturé par une barrière d'eau qui ne cessait de grossir. Il avait cligné des yeux et la scène avait disparu. Puis le matin même, le phénomène s'était reproduit alors qu'il enfilait ses vêtements. Il avait trébuché et en tombant sur ses genoux, avait vu en lieu et place du sol des flots grisâtres s'écraser sur des bâtiments, s'insinuer dans les rues d'une ville qu'il avait fini par reconnaître.
De l'autre côté du pont, il vit Hélène arriver en sens inverse. En règle générale, il évitait cette espèce hybride qu'elle représentait, heureusement rare, sans parler de son anti-magie qui ne lui inspirait que répulsion, mais il la connaissait de plusieurs activités périscolaires. Il songea qu'elle pourrait certainement lui apporter un autre éclairage sur ses recherches, il avait eu l'occasion de noter sa perspicacité et son appétit pour se renseigner sur tous les sujets attirant sa curiosité. « Hélène. » dit-il, tant pour la saluer que pour attirer son attention. Il s'arrêta à bonne distance mais sentit malgré tout son estomac se retourner comme un gant. Dégoûtante espèce que la sienne, songea-t-il. Son sentiment ne dura pas. L'Humaine réussissait à compenser ses tares, il voulait bien l'admettre et faire une exception. Et elle n'était pas désagréable. Mieux encore, elle n'avait pas une personnalité envahissante ou bruyante, ce pour quoi il lui était reconnaissant. Il se ressaisit, se demandant pourquoi il était en train d'énumérer ses qualités. « Tu étais à Seaghdha aussi, non ? Je voulais vérifier quelque chose, tu aurais des recommandations de lecture ? Je m'interroge surtout sur la géographie de la ville, et ses alentours. » expliqua-t-il en se rapprochant sans s'en rendre compte. Il lui montra ses livres. « J'ai pris ça pour l'instant, et... » Il avait levé les yeux pour la regarder et se tut, le souffle coupé. Il se sentait pris de vertiges, comme chaque fois qu'elle était trop près, mais il n'y avait pas que ça. Le chaud et froid murmuraient en lui. Les livres chutèrent de ses mains mais il ne leur accorda pas un regard. En un pas, il fut tout près. Il l'attrapa par les épaules et d'une pression, l'amena contre lui. Ses bras l'enlacèrent et il ferma les yeux en posant sa joue contre la sienne. Il se sentit à la fois mieux et terriblement nauséeux à la fois.
Message I | 488 mots
Priam et Laëth ~ Ange ~ Niveau III ~ ◈ Parchemins usagés : 3875 ◈ YinYanisé(e) le : 02/02/2018◈ Âme(s) Soeur(s) : La bière et le saucisson | L'adrénaline et les problèmes ◈ Activité : Berger [III], traducteur [II], diplomate [I] | Soldat [III], violoncelliste [I]
Les vacances à Boraür s’étaient bien passées. L’absence de leur père et de Lucius n’avait pas crevé la poitrine des enfants Paiberym, d’abord parce qu’ils étaient habitués à celle du premier qui, pour des missions liées aux Magiciens, pouvait s’absenter plusieurs mois, ensuite parce que l’île ne permettait pas à la tristesse d’exister. On en avait conclu que le Dragonnier devait être avec ses amis ; l’Archimage leur avait promis qu’ils se retrouveraient bientôt. Là-bas, Hélène n’avait pensé à aucun de ses tracas. Elle n’avait pas réfléchi à la proximité d’Adriæn et de Kiara à la soirée pyjama, à l’union de son frère avec cette dernière, à la révélation d’Alaster Dah Numen sur la filiation de son père, à son étrange et dissonant mariage avec Freyja, à la ressemblance frappante entre Lucius et Érasme, au désir de rencontrer son père qu’avait formulé Eméliana Salvatore, à la proximité qui l’attachait à Lucius. Depuis qu’elle était revenue à Basphel, elle y songeait régulièrement. Plonger la tête dans ses cours lui permettait d’oublier. Souvent, pourtant, elle se demandait si elle ne devait pas essayer d’écrire à la Princesse Noire et, ce jour-là, elle avait emprunté à la bibliothèque des livres de généalogie. Taiji, Paiberym, Salvatore. Ces trois noms l’intéressaient. Récemment, elle les avait trop vus côte à côte.
En entendant qu’on l’appelait, l’Humaine releva la tête. « Bonjour, Eutropius. » Un Sorcier aussi. Dogma, Eutropius Dogma. À chaque fois qu’ils se retrouvaient à l’un de leurs clubs, elle avait remarqué qu’il prenait soin de se tenir à une distance respectable de sa personne, comme à cet instant précis. Elle n’avait jamais essayé de la franchir. Son Ma’Ahid mettait de plus en plus les Basphéliens mal à l’aise. Il n’y avait que Sympan pour s’y exposer avec enthousiasme. Pour Ësse’Aellun, son père lui avait offert une bague capable de la changer en Magicienne, mais elle ne l’avait pas encore essayée. Elle préférait d’abord se renseigner sur le sujet. « Oui. » Elle ne prêta pas attention au fait qu’il s’approchait, et avança elle-même naturellement de plusieurs pas dans sa direction. Elle baissa les yeux sur les ouvrages qu’il lui présentait, tenant toujours les siens contre sa poitrine, comme si elle avait besoin d’y serrer quelque chose. « Celui-ci est bien. Mais je pense que le plus complet, c’est Seaghdha : les artères d’une ville de Dimitri Sendancre. » Les livres chutèrent ; elle releva deux yeux étonnés vers lui, avant de sentir ses mains sur ses épaules. D’ordinaire, elle aurait eu un mouvement de recul. Elle n’avait jamais été très à l’aise avec les contacts physiques. Pourtant, celui-ci lui vint avec une étrange évidence. Près de la fenêtre, elle tendit le bras pour y poser ses livres, avant de l’enrouler autour du Sorcier. La chaleur de sa peau éveilla la sienne. Comme le faisaient la plupart des touchers, celui-ci la brûla, mais ce ne fut pas aussi désagréable que cela pouvait l’être d’ordinaire. L’Humaine se tenait à l’écoute de ses sensations ; il lui semblait qu’elle ne pouvait pas lutter contre, alors elle les observait avec curiosité et une pointe de malaise. Sous ses doigts, les reliefs du dos de l’adolescent se dessinaient. Elle ferma les yeux.
Plus tard, elle serait incapable de mesurer le temps écoulé entre le début et la fin de cette étreinte. Au bout d’un moment, néanmoins, elle se racla la gorge, puis lâcha le garçon et recula d’un pas, ses mains lissant machinalement son uniforme. « Je… Disima et la tendresse de la jungle. Je ne me rappelle plus de l’auteur. C’est euh… » Elle ramena une mèche de cheveux derrière son oreille et se décala pour récupérer ses livres. « Il n’est pas très vieux. Le livre. Tu devrais le trouver facilement au rayon géographie ou Vampires. » Comme elle pivotait pour lui faire face, ses iris se posèrent à nouveau sur lui. Il lui fit soudainement penser à quelqu’un. Elle ne savait plus qui.
Message I – 657 mots
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Quand je vois une bêtise plus grosse que moi et que je décide de la faire.
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Merci Kaahlinou
Dorian Lang ~ Vampire ~ Niveau II ~ ◈ Parchemins usagés : 236 ◈ YinYanisé(e) le : 22/08/2022◈ Activité : Chômeur grincheux
Aussi loin qu'il s'en souvienne, Eutropius ne se souvenait pas avoir jamais reçu la moindre marque affectueuse de la part de ses parents, ou de quiconque sauf en d'extrêmement rares occasions, si bien qu'il se souvenait de chacune d'elles, non sans malaise. Douce aussi pouvait parfois être envahissante, sa main ou son genou effleurant le sien par "accident" comme elle semblait vouloir lui faire croire mais ça n'allait jamais plus loin, sauf lorsqu'elle était inconsciente. Il laissait alors plus librement ses mains explorer sous ses vêtements même si ce n'était pas ce qui l'excitait réellement, c'était simplement par curiosité. Avec sa cousine aussi, c'était différent. Il la caressait comme on aurait caressé son vase préféré, avec la satisfaction de savoir qu'il est à soi et pour vérifier que tout est parfaitement à sa place, sans le moindre défaut.
Il inspira et l'odeur d'Hélène pénétra ses narines, propre et intrigante car nouvelle. Il rapprocha son nez de son cou et des images nées de son imagination dansèrent derrière ses paupières fermées, des images où sa nature monstrueuse ne le dégoûtait pas autant, mais l'excitait au contraire. Inerte, son anti-magie serait-elle aussi épouvantablement présente ? Il avait entendu dire que certains s'y habituaient, avec le temps et à force de côtoyer des Humains. Il n'avait pas pour projet de mettre cette théorie à l'épreuve mais cette proximité inattendue ouvrait son esprit à une curiosité tout aussi inattendue. Ses mains quittèrent l'espace entre ses omoplates pour descendre, côte après côte jusqu'à la partie plus moelleuse. Il pouvait sentir toutes ses formes contre lui et ce n'était pas désagréable contrairement à la dernière fois où il avait vécu une étreinte. Avant d'entrer à Basphel, il se souvenait avoir salué sa mère qui restait alitée, abrutie de diverses drogues pour endormir ses phases hystériques, et pour l'occasion, elle avait quitté son lit et, comme un fantôme, l'avait attrapé pour le serrer sur son cœur. Pétrifié, il n'avait su comment réagir. Elle avait finit par lui murmurer à l'oreille que le dragon se cachait dans la cheminée et qu'il ne fallait pas manger de cerises quand le soleil se couchait. Mal à l'aise, il s'était détaché de ses bras et l'avait guidée jusqu'à son lit. La démence la rongeait depuis plusieurs mois, à la suite d'une erreur dans ses confections de potions et son esprit altéré ne semblait pas vouloir revenir à la raison. Son père avait mis de côté le problème en assignant des domestiques à la surveillance de sa femme et afin qu'ils puissent subvenir à ses besoins immédiats. Eutropius se demandait combien de temps encore cette situation durerait et si son père n'allait pas tout simplement se débarrasser d'elle maintenant qu'elle n'était plus qu'un légume. Il lui semblait qu'ils avaient pour projet d'avoir un autre enfant, ou en tout cas c'est ce qu'il avait surpris dans une discussion en écoutant à la porte de leur chambre comme il lui arrivait de faire. Il n'y avait qu'ainsi qu'il apprenait des choses, on ne lui disait jamais rien autrement.
Il pensait encore à sa mère, à la sensation anormale de ses bras autour de lui alors que ceux d'Hélène quittaient son dos. Quelques plumes de ses ailes chatouillèrent ses mains quand il les retira et une grimace de dégoût lui tordit les lèvres et les intestins. Il n'écouta pas ce qu'elle disait. Des spasmes soulevaient son estomac. En sentant la sueur s'accumuler sur son front et dans son dos, le Sorcier comprit qu'il n'arriverait pas à réprimer sa nausée. Son teint devenu aussi cireux que celui d'un Vampire, il plaqua sa main sur sa bouche et fit volte-face pour courir aux toilettes les plus proches, abandonnant au sol devant Hélène ses livres.
Message II | 672 mots
Priam et Laëth ~ Ange ~ Niveau III ~ ◈ Parchemins usagés : 3875 ◈ YinYanisé(e) le : 02/02/2018◈ Âme(s) Soeur(s) : La bière et le saucisson | L'adrénaline et les problèmes ◈ Activité : Berger [III], traducteur [II], diplomate [I] | Soldat [III], violoncelliste [I]
Le visage d’Eutropius pâlit. Hélène pensa à l’aspect du ciel lorsque, la nuit, des nuages s’étiraient autour de la lune blanche, et teintaient ainsi la voûte d’une brume opaline, adoucissant sa noirceur. Son épiderme emprunta la voie des feux du soleil couchant ; elle sentit ses joues la chauffer soudainement, comme si elle réalisait ce qu’il venait de se passer et retrouvait le sentiment désagréable que lui suggéraient usuellement les étreintes. Croiser le regard du garçon l’avait brutalement arrachée à son indifférence feinte. Elle se souvint de sa main glissée dans celle d’Adriæn, à Seaghdha, puis des lèvres de Sympan sur les siennes, lors de la soirée pyjama. Désireuse de recouvrer toute sa contenance, elle inspira et se redressa. Il fallait trouver quelque chose à dire, autre chose que les livres, quelque chose qui désamorcerait la tension qu’elle venait tout juste de percevoir entre eux ; mais avant qu’elle eût pu dénicher la moindre idée, l’adolescent plaqua sa main sur sa bouche, fit volte-face et s’enfuit en courant. L’Humaine ailée le suivit des yeux, interdite.
Jamais son père n’avait discriminé ses enfants dépourvus de magie et ils avaient grandi entourés de personnes qui les aimait malgré la gêne ou le danger qu’ils pourraient à terme représenter. Il ne leur avait jamais caché qu’un jour, leur race pourrait susciter des réactions négatives, et que leur Ma’Ahid les éloignerait inévitablement des peuples magiques. Hélène avait toujours été en paix avec cette idée, car elle savait que sa famille ne l’écarterait pas à cause de cela, mais soudain, alors qu’elle regardait s’enfuir la silhouette titubante d’Eutropius, elle se demanda quel avenir elle pourrait avoir au sein d’un monde qui n’était pas calibré pour elle. Comment pourrait-elle travailler avec des scientifiques de renommée mondiale ? Discuter avec des politiciens de tous horizons ? Voyager, découvrir, apprendre ? Elle était connue pour être un oiseau un peu solitaire, un peu sauvage ; mais elle avait conscience que rien ne s’accomplissait dans la solitude, que les recherches avançaient parce que les idées étaient partagées et parce que les esprits entraient en émulsion. Des échanges épistolaires suffiraient-ils ? Et si, un jour, elle désirait fonder une famille ? Lui faudrait-il ne côtoyer que des Humains ou des Anges, ou bien porter cet artefact magique et ne plus être tout à fait elle-même ? Elle inspira, s’accroupit pour ramasser les livres d’Eutropius et les glissa dans son sac avant de prendre les siens et de les serrer contre sa poitrine. Elle pouvait supporter toute la solitude du monde. Elle était heureuse dans le silence. Elle aimait l’odeur des livres, de leurs couvertures de cuir et de leurs feuilles parcheminées, de l’encre fraîche et de la flamme des bougies, le murmure du vent et les paysages de campagne qu’aucune ombre humaine ne striait. Et pourtant, pour la première fois de sa vie, elle en doutait.
Fin
Message II – 476 mots
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Quand je vois une bêtise plus grosse que moi et que je décide de la faire.
Eutropius réajusta la pile de livres pour la remonter contre son torse. Leur tranche trahissait ses préoccupations du moment : Seaghdha et les manipulations mentales. Depuis son retour de la ville de Juvaniel, il avait été assailli ponctuellement de visions. La première fois, il n'en avait rien tiré. En pleine classe, la silhouette du professeur s'était troublée pour laisser place à un raz-de-marée qui balayait impitoyablement un champ. L'horizon brillait, ceinturé par une barrière d'eau qui ne cessait de grossir. Il avait cligné des yeux et la scène avait disparu. Puis le matin même, le phénomène s'était reproduit alors qu'il enfilait ses vêtements. Il avait trébuché et en tombant sur ses genoux, avait vu en lieu et place du sol des flots grisâtres s'écraser sur des bâtiments, s'insinuer dans les rues d'une ville qu'il avait fini par reconnaître. 
Les vacances à Boraür s’étaient bien passées. L’absence de leur père et de Lucius n’avait pas crevé la poitrine des enfants Paiberym, d’abord parce qu’ils étaient habitués à celle du premier qui, pour des missions liées aux Magiciens, pouvait s’absenter plusieurs mois, ensuite parce que l’île ne permettait pas à la tristesse d’exister. On en avait conclu que le Dragonnier devait être avec ses amis ; l’Archimage leur avait promis qu’ils se retrouveraient bientôt. Là-bas, Hélène n’avait pensé à aucun de ses tracas. Elle n’avait pas réfléchi à la proximité d’Adriæn et de Kiara à la soirée pyjama, à l’union de son frère avec cette dernière, à la révélation d’Alaster Dah Numen sur la filiation de son père, à son étrange et dissonant mariage avec Freyja, à la ressemblance frappante entre Lucius et Érasme, au désir de rencontrer son père qu’avait formulé Eméliana Salvatore, à la proximité qui l’attachait à Lucius. Depuis qu’elle était revenue à Basphel, elle y songeait régulièrement. Plonger la tête dans ses cours lui permettait d’oublier. Souvent, pourtant, elle se demandait si elle ne devait pas essayer d’écrire à la Princesse Noire et, ce jour-là, elle avait emprunté à la bibliothèque des livres de généalogie. Taiji, Paiberym, Salvatore. Ces trois noms l’intéressaient. Récemment, elle les avait trop vus côte à côte.
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