Un sourire fleurit à la commissure des lèvres de la veuve. C'était agréable d'entendre une voix familière de laquelle ne ressortait ni mépris, ni pitié. C'était agréable d'autant plus considérant les événements de ces derniers jours. Adénaïs approuva d'un hochement du chef.
« Oui, nous y serons plus tranquilles. » fit-elle tout en glissant un bras sous celui du soldat l'accompagnant à ses appartements, non pas à sa suite, mais bien à ses côtés.
« Tu n'as pas à t'excuser. » le rassura-t-elle ensuite avec un signe de la tête.
« On ne retourne pas aux affaires du quotidien du jour au lendemain après un coup d'état. D'autant que la façon dont semble vouloir régner Zebella m'a l'air drastiquement différente de la vision que pouvait avoir Merlin du Pouvoir. ». Elle réprima une grimace à la mention du défunt suzerain. Elle espérait que le temps lui fasse oublier la sensation de ses mains pleines du sang de son fils sur son corps. Son exercice du Pouvoir avait été une belle preuve que ce n'était pas une chose qui pouvait être mise entre les mains de n'importe qui.
« J'ai pu parler avec elle, hier. ». La prostituée marqua un court temps, se remémorant leur échange, les expressions qui avaient ponctué son discours, son attitude.
« Elle a le potentiel pour supporter une Couronne. Elle n'est encore qu'une adolescente, mais elle sait déjà ce qu'elle veut et ne veut pas. ». Sans parler de sa capacité à mettre ses rancœurs de côté pour se faire le plus d'alliés possible. Même adultes certains en sont incapables.
« J'imagine que grandir sous la coupe de Judas doit aider à accélérer le processus de construction et à se forger un mental de fer. ». À cause de ça, cette fille n'aura surement jamais eu droit à une véritable enfance. Son cœur de mère se trouva écorché à cette idée. Songer qu'un être encore si jeune n'aura jamais pu pouvoir profiter de quelques années d'insouciance, qu'encore en pleine puberté elle se retrouve à supporter un Royaume et tous les devoirs qui accompagnent la Couronne, lui était terrible à imaginer.
Elle relâcha Childéric une fois seuls, s'aventurant dans la pièce le temps qu'il referme la porte derrière eux. Alors elle se tourna vers lui et le détailla plus intensément, puis sourit.
« C'est agréable de ne pas te voir qu'en souvenir. » reprit-elle en s'approchant pour glisser une main dans ses cheveux, seule altération physique des souvenirs qu'elle avait gardée de lui depuis son départ de Lieugro.
« Tu vas les laisser pousser ? » lui demanda-t-elle avant de faire redescendre ses doigts sur la clavicule de son amant, en silence, son cœur cognant avec force sous sa poitrine.
« Je ne pensais pas ressentir ça aussi fort, mais tu m'as manqué. Je suis heureuse de te revoir. ». En même temps elle enlaça Childéric, sa tête reposant sur son torse. Mais, alors qu'elle profitait de ce moment partagé, elle se rendit compte qu'elle était, inconsciemment, en train d'éviter la principale question qu'elle voulait lui poser. Elle aurait aimé encore repousser le moment de la question. Mais c'était important. Trop pour qu'elle fasse l'impasse dessus. Aussi se jeta-t-elle enfin à l'eau. [/color]« Comment ça se fait d'ailleurs ? Qu'est-ce qui s'est passé à Narfas pour que tu sois revenu si rapidement ? Avec Zebella qui plus est. »[/color]. Il y avait une information qui lui échappait, et elle se tracassait trop avec pour ne pas avoir ne serait-ce qu'un début d réponse.