L'élu

The Happy Fits - Mary

Les bras levés au dessus de ma tête, je m'étirai en ronronnant de plaisir. Détendu par les habiles gratouilles de Léopoldine, je me félicitais de savoir qu'elle était à Basphel. Je savais qui aller voir pour mon câlin quotidien. Je n'en dirais rien aux autres, je la voulais juste pour moi, comme Claer. Enfin, comme tout le monde s'installait dans l'ublys, je les imitai et pris soin de poser mes fesses là où une tête de chien idiot avait été peinte. J'avais tenté de les convaincre de modifier notre thème en leur expliquant que cela n'avait aucun sens d'inclure les chiens au même niveau que les chats mais ma requête avait été repoussée. Une longue queue de chat, fabriquée avec des guirlandes en papier, flottait au vent comme un drapeau à l'arrière de l'ublys. La mienne, je la gardai lovée contre moi après que quelqu'un eut l'audace de marcher dessus en grimpant dans le bateau. Il arborait désormais une longue estafilade sanglante sur la joue, et ma haine éternelle.

Après le sifflet de départ, nous poussâmes sur nos rames pour donner à l'embarcation l'impulsion nécessaire pour avancer, ou plutôt, ils poussèrent pendant que, le nez au vent, je savourais l'air frais du lac bleu. J'avais pris une rame pour qu'on me laisse tranquille et effectuais de faibles et inutiles mouvements avec. « Allez, Eden ! C'est bien ! Continue ! » m'encouragea une fille. Amélia, quelques bancs plus loin, encore trempée après être revenue à la nage jusqu'à la berge, me lança un regard mauvais. Je lui rendis son regard et la fixai. « Je trouve que ta présence instaure ici une négativité ici qui n'est pas la bienvenue et qui pourrait affecter notre performance. » déclarai-je. « Il n'est pas trop tard pour quitter l'ublys. Tu ne me manqueras pas. J'aurais préféré que Léopoldine soit à ta place, ou Claer. » conclus-je. J'avais appris que mon ancienne bipède était dans l'équipe d'une Sirène qu'elle détestait. Je ne m'inquiétais pas vraiment, car ce n'était pas mon rôle. Dans l'ordre des choses, c'était elle qui devait s'inquiéter pour moi, s'assurer de mon confort et de mon bien-être.

« C'est quoi ça ? » fit soudain un garçon, coupant court à la réponse d'Amélia qui semblait prête à m'assommer avec sa rame. Tout le monde regarda dans la direction qu'il indiquait. Un mince filet d'eau arrosait le fond de l'ublys. Des rires fusèrent. Ce ne fut pas mon cas. Tous mes poils se dressèrent sur mon derme. Une flaque commençait déjà à se former et à couler dans nos pieds. Sitôt que l'eau toucha les miens, je feulai comme si je pouvais convaincre l'eau de m'éviter. Face à sa désobéissance, je n'attendis pas d'en voir plus et reculai jusqu'à bousculer un grand brun. Je levai les yeux. « Toi. Protège-moi. » En l'absence de mes bipèdes, il fallait bien sélectionner un nouvel élu. « Je te laisserai me caresser. Les filles aiment les garçons qui sont gentils avec les chats. »

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« Te caresser ? » répondis-je d’abord, surpris. Je le crus fou ou homosexuel avant de considérer le fait qu’il pût être un Eversha. Le spécimen que j’avais rencontré plus tôt aurait pourtant dû me mettre la puce à l’oreille. La place de ces bêtes était dans les zoos ou les laboratoires, bien qu’elles fussent de bons vecteurs. Certaines maladies se propageaient parfaitement grâce aux animaux. Les Evershas avaient la particularité de pouvoir les transmettre à tous, êtres humains comme bestiaux en tout genre. Je le détaillai. Il avait un petit air de peluche qui aurait vraisemblablement attendri n’importe quelle Magicienne. Je me pris à penser à Muscarine. Si je le lui offrais, le mangerait-elle ? Je doutais qu’elle le caressât mais peut-être avais-je tort. Pour le pachyderme, un animal pouvait s’avérer être un excellent palliatif contre la solitude. Je m’imaginai lui offrir un chat et attendre qu’elle s’y attachât pour mieux le clouer à un mur ensuite. Finalement, je souris au garçon. Il pourrait m’être utile, que ce fût pour les germes ou pour détruire mon imposante et répugnante fiancée. « Tu as raison. » Lana aimait-elle les chats ? J’eus comme un doute. Une pensée en entraînant une autre, je me mis à l’imaginer avancer à quatre pattes sur mon lit, de fausses oreilles de chat sur le sommet de la tête, une laisse autour du cou. Ma mère ne voudrait jamais que je l’épousasse, que ce fût en deuxième mariage ou non. Mon père serait plus facile à convaincre. Je fixai encore l’homme chat et une vision impromptue m’agrippa l’échine. Il y avait cette vieille femme dont j’avais rêvé et qui s’imposait parfois à la place de l’Ondine lorsque je me touchais. Aimait-elle les chats ?

« Vous comptez aider ou pas ? » La voix désagréable me sortit de ma bulle. Mon regard se fixa sur le trou puis sur l’Eversha. « Je vais essayer… » soufflai-je, en m’approchant de l’endroit qui pissait de l’eau. Cela n’aurait tenu qu’à cet Ublys, j’aurais entraîné sa chute pour m’amuser de la mine épouvantée du matou. Malheureusement, si je ne faisais rien, Muscarine risquait de finir la course avant moi. C’était inconcevable. Je passai ma main sur le bois, tout en tentant d’activer la Valse Destructrice. En modifiant la matière, la plaie se refermerait peut-être. Ma magie tressauta, mal habile. Au lieu de se résorber, l’ouverture devint béante. « Ah… » L’eau s’infiltra avec plus de force. « Je crois que c’est foutu, le trou est trop gros… » annonçai-je, comme si je n’étais pour rien dans l’état actuel des choses. Si notre Ublys coulait, celui de Muscarine devrait subir le même sort. Ainsi, je ne perdrais pas.

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L'élu

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« Oui, me caresser. » répondis-je, en m'impatientant légèrement. Il n'était pas très vif celui-ci. Néanmoins, la situation imposait qu'il fasse un effort. « Tu verras, c'est vraiment efficace. Plutôt sous ma forme de chat d'ailleurs, je suis très mignon, car sinon j'ai noté que ça ne fonctionnait pas aussi bien. Alors ? » C'était une question rhétorique, je ne lui laissais pas le choix.

Heureux de voir qu'il faisait preuve de bon sens en acceptant, je lui souris. Brave bipède. Je le contournai donc pour me positionner derrière lui pour lui laisser le champ libre et exécuter mes ordres. J'en profitais pour reluquer mon élu un peu mieux. Physiquement, ce n'était pas le chevalier qu'on décrivait dans les contes qui se lisaient chez les Magiciens, mais c'était une bonne chose dans cette situation. S'il avait été plus lourd, l'ublys aurait coulé plus vite. « Allez, vas-y ! » l'encourageai-je, la voix un peu tendue de voir que l'eau ne cessait son avancée dans le fond du bateau. De loin, je surveillais son ouvrage avant de tourner mon regard vers la berge. L'appréhension forma une boule dans ma gorge en la voyant si loin. Des cris éclatèrent, de colère et de surprise. Je ramenai mon attention sur Léonidas et mes yeux s'arrondirent comme des soucoupes à thé. La terreur crût en moi à l'image de la fontaine qui jaillissait dans l'ublys, et ne fit que monter, submergeant toute parcelle de réflexion que j'aurais pu avoir. J'allais mourir. Cette réalisation me traversa comme un électrochoc. J'eus un violent hoquet et soudain, en un claquement sec, mon corps se comprima. J'ouvris la bouche pour émettre une plainte mais à la place, un miaulement misérable m'échappa. De la fourrure recouvrait peu à peu mon visage et mes membres et je rapetissais inéluctablement jusqu'à tomber à quatre pattes sur le banc. Je tremblais comme une feuille, complètement terrifié. De ce nouveau point de vue, l'eau qui inondait rapidement l'embarcation était plus terrifiante encore. Un nouveau miaulement s'échappa de ma gueule, déchirant. Il ne s'interrompit que pour laisser la place à un autre, puis un autre tandis que tout le monde s'agitait pour tenter de résorber l'ouverture béante.

Mes plaintes cessèrent en levant les yeux sur le brun. Cet idiot maladroit qui ne servait à rien et qui allait tous nous tuer. Mes muscles se rassemblèrent et je sautais de banc en banc pour me rapprocher. Dès que cela fut possible, je fis un bond jusqu'à lui. Mes griffes se plantèrent dans sa chemise. Tout en feulant, je me hissai plus haut jusqu'à atteindre son visage que j'entrepris de déchiqueter, le poil tout hérissé sur tout mon corps.

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Tu peux le jeter à l'eau, je dirais qu'un pnj vient le sauver

« J’espère que vous savez tous nager. » lançai-je, en espérant que ce ne serait pas le cas de la plupart d’entre eux. Si certains mouraient ici, la réputation de la course d’Ublys en serait ternie et, fatalement, celle des Magiciens avec. Certains, à Basphel, racontaient que les Mages Blancs et les Mages Noirs appartenaient au même peuple. Leur bêtise était sans fin. Comment pouvaient-ils nous comparer ? Les habitants du Lac Bleu étaient grossiers, les femmes vulgaires avec leurs gorges découvertes et leurs manières de poissonnières. Les hommes étaient faibles et se laissaient marcher dessus par leur épouse, sans parler du fait qu’il était possible de voir deux personnes du même sexe s’embrasser en pleine rue. C’était déjà particulièrement déplacé en temps normal. Là, c’en était à vomir. Cette culture était à éradiquer au plus vite au profit de celle des Sorciers, j’en étais convaincu. La Magicienne qui m’avait harcelé plus tôt avait fini de me convaincre.

Un bruit étrange me tira de mes pensées perfides. Je tournai la tête vers le garçon qui m’avait proposé de le caresser plus tôt. Entre surprise et dégoût, je fus obligé, comme les autres, d’assister à l’étrange et dégoûtant spectacle de sa transformation. Que c’était laid. Je ne pus m’empêcher de songer, une fois le processus terminé, qu’il était effectivement plus mignon en chat. Cependant, en sachant ce qu’il était vraiment, jamais je ne le laisserais monter sur mes genoux. Dans tous les cas, ce n’était pas recommandé. Les animaux étaient porteurs de germes et ne faisaient qu’accroître les risques d’infection. Que les autres peuples s’amourachassent de compagnons au potentiel mortel si ça leur chantait : ce serait sans moi. Après tout, ma future femme était déjà un croisement entre un pachyderme et une truie.

Alors que l'envie de le chopper par le cou pour l’envoyer à l’eau me prenait doucement, je captai son regard. « Quoi ? » demandai-je, avant le drame. Lorsqu'il me bondit dessus, je poussai un cri semblable à un râle. Que faisait-il ? Ces bestioles étaient pires que les Démons. Je reculai. Mon pied heurta un objet quelconque et je me sentis basculer en arrière. Mes mollets tapèrent sur le bois puis mon dos rencontra les décorations. Je crus un moment être sauvé, malgré la douleur sur ma joue et dans mon cou, mais mon poids eut raison du reste. Notre balai commun se termina par un bruit caractéristique, un plouf magistral qui éclaboussa les autres participants. Vu l’état de l’Ublys, ils seraient bientôt dans l’exacte même état que nous : trempés jusqu’aux os. Seulement, si je pouvais noyer mon assaillant avant qu’un militant pour les droits des animaux ne me tombât dessus, ce serait parfait.

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