Chère ange, vous êtes belle à faire rêver d’amour. L’expression de mon visage alternait de façon inexplicable entre rire et ire. Je ne pouvais décemment pas croire que qui que ce fût eût pu écrire ce genre de mots à l’attention de Muscarine. Cette poésie maladroite devait être l’œuvre d’un plaisantin. Néanmoins, la possibilité que ce ne fût pas le cas ne me plaisait pas. Ma bouche afficha un rictus digne du Chef des Armées sorcières. Je devais trouver le fin mot de cette histoire… et me débarrasser de ce qui encombrait mes bras avant de tout lâcher. « Monsieur ? » Je tournai la tête en direction de la voix. Monsieur… ? En me penchant, mon regard croisa celui d’une jeune fille qui devait avoir trois ans de moins que moi. Ses copines l’attendaient en gloussant plus loin, tout en tentant de ne pas jeter des coups d’œil dans notre direction, tentative vaine. « Je… Je vous ai vu et j’ai trouvé que vous étiez très beau. » « Merci. » dis-je, soudainement mal à l’aise pour une raison inconnue. Cette fille, rouge aux joues et lèvres palpitantes manquait clairement d’élégance et de contrôle. La situation m’échappa réellement lorsqu’elle m’agrippa les mains, mains occupées par ailleurs à tenir les décorations pour l’ublys. « Vous ressemblez à Lhéasse Taiji ! Je suis tellement fan de lui ! C’est un Sorcier mais il a toujours été aux côtés de Dame Aliénor et je trouve leur histoire teeeellement romantique. » Je notai la répétition du mot tellement malgré moi, malgré le reste. « C’est mon père et il est marié à ma mère. Il n'y a rien entre lui et Dame Vaughan. » précisai-je, avant de me rendre compte qu'avouer notre lien ne ferait qu’aggraver la situation. Je songeai aussi soudainement que la personne ayant écrit la lettre à Muscarine devait fatalement être un Magicien. Ils étaient les seuls à pouvoir oser ce genre de mots… eux et les Anges et les Ygdraë. Néanmoins, un Ygdraë aurait forcément fait une allusion à un végétal quelconque. « Marions-nous ! » « Hein ? » L'enchainement était totalement inattendu. « Je vous aime ! » « Quoi ? » Je reculai, surpris. Le monde était fou ces derniers temps. Heureusement, mon esprit me protégeait de ce qu’il s’était passé à Boraür. J’étais dans le déni, afin d’éviter de vomir cinq fois d’affilé. « Marions-nous ! C’est le destin qui vous a mis sur ma route. » Plus loin, ses copines lui faisaient des signes pour tenter de modérer ses ardeurs. Elle ne les écoutait pas. « Pas du tout ! Lâchez-moi. Je suis déjà fiancé. » lui répondis-je, en essayant de maîtriser ma voix et de m’échapper de sa prise. Ce peuple de dégénérés méritait de cramer en Enfer. Quand je réussis enfin à la repousser malgré ma charge, je me tournai prestement et me mis à marcher d’un bon pas jusqu’à ce que ce que je portasse ne rencontrât brutalement un obstacle. « Je suis déjà fiancé je t’ai dit ! » m’énervai-je, en tutoyant cette gourgandine mal dégrossie. Ce n’était simplement pas elle.

521 mots

La gourgandine mal dégrossie

French Cancan - Monsieur Sainte Nitouche

Philomena se tordait les mains nerveusement. Les gants qui les recouvraient s'étaient fatalement salis pendant l'étape de construction de l'Ublys mais elle trouvait préférable de les garder afin de cacher le duvet de poils noirs qui recouvraient le dos de ses mains. Ce n'était cependant pas ce qui ennuyait le plus l'Eversha à cet instant. « Ça devrait pourtant être ici... » Elle se courba pour regarder sous un drap abandonné au sol en attendant de jouer son rôle de voile, sans succès. Elle se mordilla la lèvre inférieure et sentit l'angoisse faire danser des serpents dans son ventre. Toutes ses listes de bonne conduite avaient disparu. Elle y faisait toujours très attention, ces petits feuillets l'ayant sauvée à maintes reprises d'épineuses situations où ses instincts aboyaient plus fort que l'étiquette. Peut-être que quelqu'un les lui avait volés ? Qu'allait-elle faire sans ses aide-mémoire ? Celui qui prétendait que le ridicule ne tuait pas ne s'était jamais retrouvé dans ses pattes, car Philomena s'était humiliée à de multiples reprises.

Elle en était là de ses réflexions et de ses recherches d'importance capitale quand elle se prit de plein fouet une autre personne. « Oof ! » Un glapissement semblable à ceux qui lui échappaient quand elle se faisait mal à la queue s'échappa d'entre ses lèvres. Une fois son équilibre rétabli, Philomena leva deux yeux chargés de mécontentement sur le grossier personnage qui venait de la bousculer comme une paysanne dans les champs et reconnu Léonidas Taiji. Ses sourcils se froncèrent et elle coinça ses poings sur ses hanches. « Oui je le sais bien que tu es fiancé, je pense que tout Basphel est au courant d'ailleurs. » observa-t-elle d'un ton pincé. Les rumeurs à leur sujet avaient enflé à leur retour de Boraür et Philomena en avait souvent entendu parler. Que ce soit dans les vestiaires avec les autres Puff-Puff Gueurles ou dans les couloirs, tout le monde s'échangeait derrière une main levée sa propre version du baiser échangé entre Muscarine et Léonidas. Comme les autres, la brune s'était interrogée sur les raisons de ce baiser, et de savoir si l'un ou l'autre éprouvait de réels sentiments. Au fond, elle sentait un peu son palpitant cogner en imaginant tel scénario. Elle aussi voulait tomber amoureuse de l'homme que ses parents choisiraient pour elle, ou encore mieux, que lui soit épris d'elle au premier regard. Toutefois, Philomena ne s'était pas encore remise de la maladresse de l'adolescent et elle le doucha d'un regard noir. « Ce n'est pas une raison pour se montrer aussi malpoli. Tu as failli m'éborgner avec toutes tes affaires ! Je croyais les Sorciers moins malotrus que ça. » En tout cas, c'est ce que sa Mère disait, que leur éducation était d'ailleurs leur unique qualité, avant de toujours conclure qu'il valait mieux les éviter quoi qu'il en soit et Philomena s'y était employée docilement. De surcroît, on disait des Sorciers qu'ils étaient les vecteurs des plus horribles maladies que les terres de Sympan pouvaient porter, alors l'Eversha préférait garder sa truffe loin d'eux. « Si tu crois que tout va t'être pardonné parce que tu es joli garçon, tu te fourres le doigt dans l'œil. » l'avertit-elle en se baissant pour ramasser des décorations tombées lors de la collision. « Et quelle idée de se déplacer avec autant de choses, il vaut mieux faire plusieurs voyages ou demander de l'aide. » le gourmanda-t-elle en adoptant sans le savoir les mêmes inflexions de voix que sa mère. « Où est ton Ublys ? »

620 mots

La voix qui s’éleva n’était pas celle de la Magicienne. Je m’en rendis compte rapidement. Je levai les yeux au ciel et laissai échapper un soupir d’entre mes lèvres. Ces Mages Blanches auraient ma peau un jour, si cette fille ne l’avait pas avant. Elle semblait affreusement remontée. Ses mots me firent néanmoins penser aux rumeurs qui couraient sur Muscarine et moi. Je détestais Boraür. Je détestais ce baiser que nous avions échangé et les mots prononcés par la Sorcière. Beaucoup de bruit pour pas grand-chose. Je clignai plusieurs fois des paupières, encore sous le choc d’une telle déclaration. Sur le coup, ça avait été. À présent, j’y pensais souvent. Que cette sale truie ne ressentît rien en embrassant quelqu’un comme moi m’était inconcevable. Elle aurait dû me remercier mille fois d’avoir accepté de le faire avec elle. Et maintenant, en plus de devoir gérer les conséquences de ce répugnant baiser, je devais en plus me farcir une Magicienne amoureuse et une fille qui se prenait visiblement pour la maîtresse la plus stricte de l’école. Si seulement elle avait été habillée d’une combinaison en cuir… mais non.  « Attends, il y a méprise… » tentai-je de lui faire entendre. Le problème c’est que lorsque ce type de personnalité partait, il était difficile de les arrêter. Je relevai néanmoins un élément : elle me trouvait joli garçon. Un petit sourire discret apparut sur mes lèvres. Elle aurait dû le dire plus tôt. « Par là-bas. » lui répondis-je, tout en me baissant pour déposer ce que je tenais par terre. Je me redressai et la regardai enfin en entier. « Comme je le disais, il y a méprise. » Je lui souris plus franchement. « Tu as raison : les Sorciers ne sont pas des malotrus et je suis désolé si c’est l’opinion que tu as eue de moi. Pour être franc, je cherchais à échapper à une Magicienne et je t’ai prise pour elle. Je lui avais déjà expliqué plusieurs fois que j’étais fiancé et j’ai perdu patience en pensant qu’elle revenait à la charge. » Je la regardai encore. « Tu ne lui ressembles pas du tout en plus mais avec mes décorations dans les bras je ne te voyais pas. Maintenant je te vois. » Je rabattis une mèche de cheveux derrière mon oreille et lui pris la main en veillant à ne pas lui faire lâcher les décorations qu’elle avait ramassé. « Je te prie de m’excuser. » avançai-je, avant de m’incliner et d’approcher mes lèvres du dos de sa main. Je ne les posai pas dessus et me redressai ensuite. « Je te serais reconnaissant si tu voulais bien m’aider pour éviter que ce genre de situation se reproduise mais si tu ne veux pas, je comprendrai. » Mon sourire ne me quittait plus. Je laissai passer quelques secondes puis l’interrogeai. « Je suis vraiment joli garçon ? »

482 mots

La gourgandine mal dégrossie

French Cancan - Monsieur Sainte Nitouche

« Ah... Il fallait le dire plus tôt, je ne savais pas. » marmonna Philomena, penaude. Au lieu de réagir gracieusement comme ses professeurs de bienséance lui avaient appris, elle l'avait houspillé comme une mégère au marché. « Désolée. » ajouta-t-elle honteusement. Si sa mère la voyait, elle serait probablement déçue de son mouvement d'humeur. Qu'il soit Sorcier ou autre, peu importait, elle devait toujours être irréprochable.

Sa main fut attrapée et Philomena releva brusquement ses yeux sur Léonidas. Ils s'arrondirent comme des soucoupes en le voyant rapprocher sa bouche du dos de sa main. Comment fallait-il réagir déjà dans cette situation ? Elle eut un pincement au cœur en songeant à ses fiches perdues dans la nature sur lesquelles existait la solution. Ses joues s'infusèrent en un instant d'une teinte incarnat et elle fut soulagée de récupérer sa main qui brûlait presque autant que son visage. Elle la plaqua avec sa jumelle sur les quelques affaires du Sorcier récupérées contre elle et s'efforça de passer outre ce qu'il venait de faire pour se concentrer sur sa requête. Sans qu'elle le réalise, sa queue s'était mise à remuer dans son dos. Elle adorait aider, se rendre utile car à la maison, c'était toujours synonyme de compliments et de caresses et de "bonne fifille" ou "ma brave Pralinette" jusqu'à en faire une overdose de positivité où elle finissait sur le dos, le ventre à l'air et la patte frétillante. « Avec plaisir ! Pour m'excuser d'avoir été si prompte à t'accuser. Maman m'a fait parvenir justement un livre de stratégies pour mieux s'en sortir en société, je pourrais te le prêter si tu veux ! » Si l'un de ses frères ou sœurs ne l'avait pas mordillé comme il leur arrivait de leur faire avec tout ce qui passait à portée de crocs.

À sa question, la Hanove le dévisagea ensuite avec plus d'attention et ne se sentit plus en voyant le sourire si lumineux du brun qui lui était adressé rien que pour elle. « Oh oui, vraiment. » acquiesça-t-elle. Sa bouche s'entrouvrit et sa langue sortit. La queue battant plus que jamais, Philomena se mit à haleter joyeusement et de la salive s'accumula aux commissures de ses lèvres. C'est en sentant la bave menacer de tomber sur son menton que la réalisation la frappa comme une gifle. Son expression se décomposa et elle plaqua ses deux mains sur sa bouche, lâchant du même coup toutes les décorations. « Oh non ! » s'exclama-t-elle d'une voix étouffée. Ses yeux s'emplirent d'effroi et de larmes. Mortifiée, elle recula d'un pas, de deux, puis fit volte-face et prit la fuite aussi vite qu'elle pouvait.

468 mots