À la renverse

Musique

« Allleeezzz !!! Vous êtes les meilleurs !! » Padmë s’égosillait depuis les gradins. Sa gourde était vide. Le contenant était vert et une frimousse de lapin s’y trouvait dessinée. Elle l’amenait partout avec elle et la remplissait – ou la faisait remplir – de liquide. Elle avait ab-so-lu-ment souhaité goûter une boisson à la mode. Comme une compétitrice forcenée – et aussi parce qu’elle avait vraiment soif – elle l’avait vidée d’une traite. Son thermomètre énergétique était à présent brûlant. Son corps bougeait partout et mille idées se bousculaient dans son esprit. Elle supportait les concurrents sans distinction, même si elle avait une petite préférence pour l’Ublys Comme chien et chat. Cela n’avait rien à voir avec la barque. Simplement, à l’intérieur, il y avait Léonidas. Ce n’était pas très sage – il était fiancé après tout et elle l’avait vu à Boraür – mais elle ne faisait que rêver. Tant que personne n’était au courant, elle pouvait bien fantasmer un peu. De toute façon, son numéro un – auquel elle n’osait plus penser depuis son passage sur l’île d’Ësse’Aellun – restait Zeryel. Les Anges étaient les meilleurs partenaires possibles et celui-ci avait fatalement un petit côté sauvage du fait de sa naissance à Stenfek. Un sourire tendancieux illumina son visage. Elle imaginait peut-être des choses coquines. Dans tous les cas, Zeryel n’était pas là et elle devait donner le meilleur d’elle-même pour encourager les candidats. L’un des organisateurs avait dit que le spectateur le plus impliqué aurait un cadeau. Elle le voulait et elle l'aurait ! « ALLEZ-Y !! » Elle sautillait sur elle-même, son ventre parfois dévoilé malgré elle par son haut trop bien ajusté et absolument pas fait pour ce genre d’activités. Dès qu’elle levait les bras en l’air, le tissu suivait le même mouvement. « Je vous aiiiiimmmee ! » Surtout Léonidas mais ce n’était pas vraiment de l’amour. Si elle croisait Marie-Madeleine, Prune ou encore Éloïse, elle leur dirait que se relâcher de temps en temps était bon pour le moral. En plus, les Magiciennes se prêtaient à l’exact même jeu qu’elle. Certaines avaient d’ailleurs des avantages de poids ; ils bougeaient à chaque fois qu’elles sautaient sur place. Si elle avait été un garçon, Padmë se serait probablement laissé tenter. La boisson énergétique la rendait plus souple que d’habitude. Elle les aurait jugées de dévoiler ainsi leurs atouts, sinon. Alors qu’elle redoublait de virulence dans ses encouragements, elle perdit l’équilibre. Un cri aigüe sortit d’entre ses lèvres alors qu’elle tombait sur une autre fille, un cri vraiment ridicule.

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Je réceptionnai la rousse. Un sourire confiant ourla mes lèvres. Depuis quelques temps, un phénomène nouveau touchait notre système : nous étions à présent tous capables de modifier l’apparence du corps de Gyzyl pour faire ressortir le physique que nous voulions. Certaines entités le faisaient avec plus ou moins de facilité. Judas et Persée se livraient une guerre intestine et n’étaient pas remontés à la surface depuis plusieurs semaines mais il ne faisait aucun doute que le deuxième saurait y faire. Quant au premier, il semblait découvrir les prémices de la magie, ce qui n’augurait rien de bon. Ça effrayait tout le monde, sauf Jaal’Akim qui tentait de jouer les médiateurs entre les deux tarés, tout en ayant érigé une zone de protection pour ceux qui ne désiraient pas participer au conflit.

L’une de mes mains vint caresser le visage de la jeune fille. « Dis donc, ça t’arrive souvent de tomber dans les bras des gens ? » lui demandai-je, tout en lui souriant. Mes yeux la dévorèrent. Depuis que j’étais arrivée dans les gradins, je l’écoutais s’exciter toute seule. Elle sautillait sur place en criant. Plusieurs fois, je m’étais retournée pour la regarder sans qu’elle ne me remarquât. Ses cheveux suivaient les mouvements de son corps, à l’instar de sa poitrine. Sa taille était serrée et ses joues me rappelaient celles de certaines de mes amantes pendant l’amour. « Pour un peu, je croirais presque que tu l’as fait exprès. » Heureusement que j’étais dominante dans le corps. Si elle était tombée sur Judas, il aurait probablement eu une approche différente. Il aurait enfoncé deux de ses doigts profondément dans sa culotte ou l’aurait découpée. Quant à Persée, il l’aurait lâchée de façon à lui faire le plus mal possible. Les autres auraient été bien plus mesurés. Finalement, peut-être que les deux hommes et moi constituions le trio problématique du système. Je n’étais cependant pas aussi puissante qu’eux et ne cherchais qu’à protéger les autres tout en m’amusant. « Je m’appelle Pandore. » lui susurrai-je à l’oreille, après avoir avancé mes lèvres jusqu’à elle. « Et maintenant, tu es à moi. » lui signifiai-je, en me reculant, mon regard dans le sien. « Je te ferai découvrir l’orgasme comme personne avant et après moi. Sous le jeu de mes doigts, tu oublieras jusqu’à ton nom. » Le fait que nous puissions changer d’apparence était une réelle aubaine. Gyzyl ne risquait plus d’être accusée de quoi que ce fût. Malheureusement, nous avions gagné une liberté dangereuse.

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À la renverse

Musique

Padmë écarquilla les yeux. Elle vit d’abord les lèvres de la jeune fille – femme ? – puis son visage dans son ensemble. Ses yeux lui semblèrent étrangement perçants, si bien qu’elle chercha à s’en détacher. Personne ne l’avait jamais regardée comme ça par le passé. « Bien sûr que non. » se défendit-elle, rouge pivoine. « J’ai glissé. » L’Orisha n’était pas bien sûre. Avec la boisson énergétique dans l’estomac, elle avait perdu tout contrôle sur la situation. « C’était un accident, vraiment. » continua-t-elle de se justifier. Elle avait pourtant lu dans Femmesdedemain magazine qu’il ne fallait surtout pas se justifier lorsqu’on était mise en cause. Malheureusement, la pratique ne suivait pas forcément la théorie et le visage de cette fille provoquait chez elle l’envie impérieuse d’en rajouter toujours plus pour se défendre d’avoir tenté quoi que ce fût. « Je ne t’avais même pas vue. » La rousse continua d'articuler des phrases sans queue ni tête que l’autre ne sembla pas prendre en compte. Elle chercha également à se redresser afin de récupérer sa liberté mais ne parvint à rien de concluant. Puis, le visage de celle qu’elle apprendrait vite s’appeler Pandore se rapprocha du sien. Oh la la, pensa Padmë. « Je… quoi ? » Son visage entier ne devait plus être qu’un brasier incandescent. Dans sa tête, la scène se transposa malgré elle. Si ça avait été Zeryel, Ikar ou Léonidas, elle aurait adoré être au centre du spectacle. Elle rêvait souvent de déclarations enflammées. Le problème c’est que les garçons étaient généralement bien moins audacieux que dans les livres. Ils étaient plus maladroits et peureux. Cette fille, elle, ne souffrait d’aucune honte. Elle était directe. Mais elle restait une fille. C’était bien le souci. « Hein ? » La suite n’avait plus rien de romantique… ou peut-être que si ? L’Orisha ne savait plus. Ses idées se bousculaient dans sa tête sans qu’aucune ne ressortît plus que les autres. La rouquine produisit une suite de sons sans aucune signification, des débuts de phrases inachevées, des commencements d’insurrection qui moururent sous le regard de la brune. Elle devait se reprendre. Si les garçons qu’elle visait la voyaient dans cette position, ils risquaient de se faire des idées. Sans parler de Marie-Madeleine et compagnie. D’un autre côté, c’était… Elle ne vivrait pas ça tous les jours. « Est-ce que tu es vraiment une fille ? » fut la seule chose intelligible qui sortit d’entre les lèvres de Padmë.

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  <= Padmë

Face à une jeune fille plus charismatique, je n’aurais pas été aussi sûre de moi. Néanmoins, ma présence dominait la sienne et, de ce fait, mon caractère en ressortait bien plus assuré. Je la fixai sans aucune once d’hésitation, comme un spectateur contemple la toile encore vierge d’un artiste en mal d’inspiration. Elle était à moi et ses balbutiements portés par son cœur affolé n’y changeraient rien. Comme un cadeau pour fêter ma première prise de contrôle effectif du corps de Gyzyl, qui était devenu mon corps, elle m’était tombée dessus. Je ne l’oublierais jamais et je ferais en sorte qu’elle ne m’oubliât pas non plus. « Vraiment une fille ? » Un sourire charmeur s’invita sur mes traits. Je détaillai ses yeux et, surtout, le bijou qui ornait son front. « Tu es déçue ? Tu préférerais que je sois un homme ? » Mon pouce effleura ses lèvres. « Si j’étais un homme, tu m’embrasserais ? » Mes questions n’attendaient aucune réponse véritable. J’avais compris que les femmes n’étaient pas son truc. C’était bien dommage mais le problème n’existait pas. Puisque je pouvais prendre ma véritable apparence, j’étais également capable de changer de sexe. Les débuts seraient probablement expérimentaux mais avec la pratique, je pourrais faire illusion. Je la lâchai partiellement. Seule ma main resta sur elle. Elle rejoignit la sienne, en caressant son bras au passage. « Tu ferais mieux d’oublier les autres garçons. Il n’y aura que moi pour toi à partir de maintenant. » Je tournai la tête vers elle, alors que la compétition continuait devant nous. La foule en délire ne faisait qu’exacerber mes sens. J’étais l’une des entités les plus dominantes. J’aimais dicter. Les autres obéissaient, à l’exception des pontes de notre système. Les Judas n’obéissaient à personne, pas plus que les Persée. Jaal’Akim était calme et bénéfique mais il n’était pas pliable pour autant. J’avais besoin d’exercer mon autorité. J’aimais provoquer et, surtout, je savais que mes déclarations la troubleraient. Elle l’était déjà, troublée. « Je vais faire en sorte que tes yeux ne se posent que sur moi. Je serai comme tu voudras… » Je lui fis un clin d’œil. « Je serai un garçon. » Je me pinçai la lèvre inférieure et m’approchai encore. « Décris-moi le physique de ton garçon idéal et je le deviendrai. » C’était simple, même si je ne savais pas si être un homme m’amuserait longtemps. Je préférais leur sauter dessus. Les imiter était une autre histoire. Néanmoins, je pouvais faire une exception pour elle. Au fond, je resterais toujours une femme. « En échange, sors avec moi. »

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