Qu’aimait-il ? Les croquettes et l’herbe à chat ? Les yeux rivés sur le petit bout de papier qui lui assignait son Ësse’Aellun Secret, Lana fit la moue. Comme elle n’en avait jamais entendu parler, elle avait interrogé la personne des Enfants du cœur qui lui avait donné son nom afin d’en savoir un peu plus à son sujet. Elle avait appris qu’il s’agissait de l’un des Evershas d’une portée féline récemment arrivée à Basphel. Le concept la dégoûtait. Si elle aimait bien les chats, imaginer un hybride entre l’humain et l’animal avait pour conséquence immédiate d’éveiller son mépris. Faisait-il ses ongles sur des tapis, ses besoins dans une litière ou derrière des fourrés, sa toilette à l’aide de sa langue ? Tout ce qui chez la bête paraissait naturel s’auréolait de répugnance quand on l’appliquait à la silhouette humanoïde. Elle avait cependant souri à la fille de l’association et dit quelque chose comme « ça doit être adorable, un Eversha chat » sans en penser un traître mot. Ce à quoi la brune lui avait répondu qu’elle ne savait pas pour Jasmin, qu’il avait peut-être un sacré caractère, parce qu’il était très proche de Lazare – on racontait qu’ils avaient grandi ensemble. Tiens donc. Un Magicien avec une boule de poils-peau aux origines douteuses. Certains Mages Blancs possédaient un don pour récupérer toutes les bêtes qui n’auraient eu leur place qu’au fond des caniveaux – au point que parfois, elle en venait à douter que Claer fût une Lyrienne.

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« Bonjour, Lazare. » Elle posa ses deux mains sur la table d’échecs. L’adolescent sursauta. « Pardon, je ne voulais pas te faire peur. » s’excusa-t-elle en reculant d’un pas, un sourire faussement embêté sur les lèvres. « J’ai pas eu peur. C’est juste… ça m’a surpris, c’est tout. Tu veux quoi ? » Il la regarda par-dessous ses sourcils froncés. La Sirène baissa les yeux sur le plateau de jeu. Elle ne connaissait pas grand-chose aux échecs, mais il semblait être en pleine partie contre lui-même. Elle jeta un regard circulaire autour d’eux : le parc de l’école baignait dans une quiétude arrosée de douceur. De la neige couvrait les talus, mais le froid sec ne venait pas à bout des vêtements chauds que portaient les quelques étudiants présents. Lazare n’avait même revêtu qu’un gros pull en laine bleu ciel. « Désolée de te déranger. » Elle tira la chaise face à la sienne et s’y assit, rajustant la chute de son manteau pour être plus à l’aise. « Je voudrais juste savoir si tu pouvais m’aider un peu pour trouver une idée de cadeau à Jasmin. Je suis tombée sur lui pour l’Ësse’Aellun Secret et on m’a dit que tu le connaissais bien. » - « Ouais. » Elle le scruta, dans l’attente de la suite. « C’était le chat de ma famille, avant qu’on découvre que c’était pas un chat. Et il aime bien, bah… La danse, le dessin, le tricot et puis plus classiquement le carton, les pelotes de laine et les couvertures moelleuses. Et manger, aussi. Il vaut mieux ne rien laisser traîner à côté de lui. Ta copine Susannah devrait faire attention. » Il lui sourit, elle haussa un sourcil. À son humble avis, Jasmin aurait pu et dû voler tous les goûters de la bleue. Cela lui aurait évité la possibilité d’un jour ressembler véritablement à une baleine céruléenne. L’éclat d’un sourire ourla ses lèvres. Elle s’apprêtait à répondre lorsque le Magicien enchaîna : « Je lui prépare une petite maison en carton pour dormir quand il sera sous sa forme de chat, mais j’avais aussi hésité à lui prendre un ruban, pour la danse. » Hors de question de lui offrir une pelote de laine ou une couette à mettre dans la maisonnette construite par Lazare. Il n’y avait que les Magiciens pour aimer faire des cadeaux à leurs animaux de compagnie. S’il lui fallait offrir quelque chose à Jasmin, elle choisirait ce qui à son sens s’accordait le mieux à son côté humain. « Il a une couleur préférée ? » - « Euh… le orange ? Ou le vert ? Je sais plus trop. » Elle lui sourit. « Ce n’est pas grave. Merci beaucoup pour tes idées. Je vais aller me promener et réfléchir de mon côté. » Elle se leva. Prête à partir, elle s’arrêta pour lui souhaiter, sourire aux lèvres : « Bonne partie. »

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« Jasmin. » Lana arrêta le chat dans un couloir. Sa taille l’étonna encore : il la dépassait d’une bonne demi-tête, tandis qu’avant de le voir pour la première fois, elle s’était figuré un individu petit et chétif – et chétif, il l’était. « Bonjour. » Elle lui tendit le paquet emballé qu’elle tenait. « Joyeux Ësse’Aellun. J’espère qu’il te plaira. » Elle lui sourit chaleureusement. Elle avait passé des heures à se composer une gamme de sourires qui, à force de répétition, étaient devenus plutôt convaincants.