Isley? L’œil porté sur l’horizon, j’attendais sa réponse tout en détaillant, avec une certaine hâte, chaque silhouette qui traversait mon champ de vision. Un à un, les profils déambulaient, méconnaissables, et étaient rapidement étudiés avant que mon attention ne saute sur le prochain visage. Cependant, aucun ne portait les traits de l’Ange. Où était-il? Se rendre jusqu’à la fontaine n’aurait dû lui prendre qu’une trentaine de secondes à peine – et je calculais cela en considérant qu’il s’y engagerait d’un pas sans empressement. Ton sens de l’orientation est vraiment à déplorer si cela te prend autant de temps pour arriver, me moquais-je en toute douceur. S’il ne donnait pas réplique à mes appels, c’est parce qu’il avait certainement été distrait par quelque chose.
« C’est merveilleux! Nous avons toutes nos nouvelles équipes formées maintenant! »
Le plaisir de la jeune femme s’expulsa de sa voix et flotta jusqu’à nos oreilles, tel le premier souffle de l’été. Malgré les quelques parties qu’elle semblait déjà avoir dirigé au courant de la journée, son dynamisme n’avait pas diminué d’un iota.
« Comme vous l’avez compris, il s’agit d’une chasse au trésor et vous devrez retrouver chacune de vos six statues, qui ont été cachées au cœur de la ville, pour pouvoir réclamer votre prix. Un sourire s’étira sur le pan de ses lèvres, alors qu’elle nous expliquait que chaque équipe possédait un thème bien précis, celui-ci pouvant être facilement deviné grâce à l’apparence des marbres qui figuraient sur les cartes qui nous avaient été distribuées. Bustes de héros légendaires ou sculptures mimant les scènes les plus mémorables d’une genèse : à vous de découvrir où vous mènera cette sublime aventure à travers l’Histoire et les mythes des Orines et des Anges. Faisant rebondir ses boucles brunes dans le sillage de sa déambulation, la jeune femme poursuivit en pointant du doigt quelques-unes des cartes que nous tenions en main. Sur vos plans, vous pouvez apercevoir le périmètre dans lequel devrait se trouver vos statues, mais ouvrez tout de même l’œil : nous les avons bien dissimulé! Théâtrale, elle arrêta soudainement son pas et tapa dans ses mains. Est-ce que vous avez des questions? Tout le monde a compris? Elle se tourna légèrement dans ma direction : Et vous, mademoiselle? »
Ramenée brusquement sur terre, je clignais rapidement de la paupière tout en redressant mon visage.
« Oui, bien sûr. »
Je ne paraissais nullement convaincante et son sourire m’indiquait que je n’étais pas la seule à avoir eu cette impression. Je soupirais. Chasse au trésor, statuettes, mythes et légendes sur les Orines et les Anges : je croyais pourtant avoir enregistré les informations les plus importantes.
« Très bien dans ce cas! Si tout le monde est prêt, nous pouvons commencer. O dara orire! Kōun o! (Bonne chance!) »
Au cri de départ, je me retournais vers mon binôme avant de m’incliner respectueusement.
« Désolée pour cette distraction. Je pensais que mon Aisuru aurait pu nous accompagner, mais il semblerait qu’il soit occupé ailleurs. Je me relevais tout en m’assurant que mes cheveux camouflaient toujours la partie défigurée de mon faciès. Je m’appelle Ren Muramasa et vous? »
Depuis la guerre, les relations avec les Réprouvés, déjà peu abondantes, s’étaient davantage taries. Le contact avec Stenfek demeurait aisé, mais les interlocuteurs de Sceptelinôst semblaient avoir disparu. Quant à Bouton d’Or, en termes d’ouverture, le village s’apparentait plus à un bourgeon prématurément mis à mort par une gelée inattendue qu’à une fleur épanouie prête à absorber les rayons du soleil. Rien n’entrait, rien ne sortait. Nalim avait enjoint à Priam de s’y rendre, mais il avait refusé de façon parfaitement irrationnelle. Puis, cet âne n’avait pas trouvé mieux à faire que d’être battu à mort à Seaghdha. Le diplomate ne croyait pas au hasard. Quoi que la soirée s’auréolât d’étrangeté et de secrets, il n’accordait aucun crédit à un coup de malchance. Son disciple n’avait pas été au mauvais endroit au mauvais moment : il s’était simplement trouvé avec la mauvaise personne. Si son semblant de relation avec Aliénor Vaughan lui avait permis d’expirer bien des taquineries, il l’avait cru assez malin pour ne pas prendre de risques inutiles. Pour ne pas agir avec inconséquence. Il fallait croire qu’il n’y avait dans son crâne guère plus que le petit pois qui servait de cerveau à certains de ses congénères particulièrement obtus. Elle était enceinte. La diatribe virulente que Nalim avait servi au Petit Pigeon n’avait eu d’égale que son inquiétude lorsqu’il l’avait vu chez lui, à l’article de la mort, avec pour seul lien au monde des vivants la présence de son Orine à ses côtés. Certains avaient d’ailleurs cru à son trépas, tant les rumeurs connaissaient les chemins les plus courts quand il s’agissait de tronquer la vérité. Son court séjour à Juvaniel avait commencé à rétablir un soupçon de véracité. Il arrivait encore que l’on vînt à sa rencontre pour lui présenter ses plus sincères condoléances. Agaçant au possible.
Pour se sortir toutes ces contrariétés de l’esprit, et pour accomplir son devoir d’expert en relations extérieures, il s’était rendu sur Iyora, où l’art de la sculpture était magnifié par la présence des Orines. Il comptait aussi tenter de se renseigner, dans un second temps, sur l’état de leur communication avec les Réprouvés de Bouton d’Or, desquels il les savait proches. Il avait d’abord préféré s’imprégner de l’ambiance et de l’esthétique de la rencontre entre les femmes des arts et le peuple des cieux. De fil en aiguille, il s’était engagé à participer à une chasse au trésor. La carte entre les mains, il releva le nez vers la rousse avec qui il formait un binôme. Il la connaissait. Il l’avait déjà vue, autrefois. Avec un bras en plus et un visage intact, qu’aucune masse de cheveux n’avait besoin de couvrir. À une époque, elle avait été une amie de Kagamiko, l’Orine de Priam. Il lui semblait que leur lien s’était distendu. Il répondit à sa salutation par un hochement de tête courtois. « Peut-être a-t-il aussi été pris en otage pour une autre chasse au trésor ou une partie de cache-cache. » Les lèvres de l’Ange s’étirèrent d’amusement. Qu’elle parlât d’Isiode ou d’Isley, il se les imaginait mal participer à de telles réjouissances. « Je me rappelle de vous. Nalim Edastür. » se présenta-t-il, avant de préciser : « Je travaille avec Priam Belegad. Il me semble que vous connaissez son Orine. » L’Ailé se plaça à son côté et tendit la carte devant eux. « J’imagine que vous êtes familière avec les cartes. Moi aussi. Nous devrions nous en sortir. » déclara-t-il avec humour, tandis que ses yeux déambulait entre les lignes du plan. « Je vous propose de commencer par chercher la statue de Delix. » Il se mit en marche, direction l’ouest de la citadelle Doka. Autour d’eux, l’effervescence régnait. Elle n’avait rien de désagréable, cependant. C’était comme de se promener entre des parterres de fleurs bercés par le doux bourdonnement des abeilles. Au bout de quelques secondes, il demanda : « Avez-vous l’occasion de vous rendre régulièrement à Maëlith, ou à Onikareni ? »
Message I – 661 mots
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Quand je vois une bêtise plus grosse que moi et que je décide de la faire.
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Merci Kaahlinou
Isiode et Isley ~ Ange ~ Niveau III ~ ◈ Parchemins usagés : 1066 ◈ YinYanisé(e) le : 04/01/2016◈ Activité : Soldats
Nalim Edastür. Cet homme se rappelait de moi? Nous nous étions déjà rencontrés auparavant? Curieuse, l’interrogation se mit à flotter sur ma figure, alors que je creusais jusqu’au fond de ma mémoire, à la recherche d’une réminiscence que je ne parvins malheureusement pas à restituer, malgré les bribes du passé. Toutefois, à la mention de Monsieur Belegad, de vieux souvenirs surgirent dans mon esprit, tous affiliés à un nom – une personne – en particulier : Kagamiko.
« Oui, je la connais. Joignant le geste à la parole, je bougeais doucement ma tête de haut en bas en signe d’affirmation. En revanche, ça fait longtemps que je n’ai plus pris de ses nouvelles. »
De la même manière que je n’avais plus entendu parler de la douce Saya depuis des lustres désormais; j’en prenais soudainement conscience. Autrefois, à Maëlith, nous avions été inséparables malgré nos caractères plus que distincts, mais chacune de nous avait fini par emprunter une voie bien différente de sa consœur, et avec la distance venait très souvent la rupture. Nous étions comme des poissons. Naissant et grandissant au sein du même bassin, nos chemins s’étaient séparés dès l’instant où nous nous étions laissées emporter par des ruisseaux opposés. À ce constat, je sentis un léger pincement au creux de ma poitrine, que je réprimais par une longue inspiration. Parfois, c’était le courant que prenait la vie.
« Comment va-t-elle? » Me surpris-je finalement à lui demander, avant que notre intérêt ne se focalise sur la carte et ses trésors.
D’un signe, j’acquiesçais à l’initiative de l’Edastür et suivit son pas. C’est au même moment que j’entendis alors sa voix. Ren? Désolé de ne pas t’avoir répondu plus tôt, mais tu ne devineras jamais sur qui je suis tombé. Isley reprenait contact. Ah? Qui donc? Il avait piqué ma curiosité. Cependant, je fis à peine attention à la nature de sa réponse, puisqu’à la fébrilité ambiante, qui bourdonnait dans mes oreilles, se rajouta l’inflexion tranquille de Nalim à proximité. Pourtant, en posant une œillade sur ses épaules, je me mis à le dévisager. Essayait-il de faire la conversation?
« Non, et encore moins récemment. Je lui épargnais les détails, reportant plutôt mon visage sur l’horizon et les festivités qui réjouissaient les populations. La dernière fois que je suis retournée chez mes sœurs… Je réfléchissais. C’était pour la fête qui a eu lieu à Aïkisu. Est-ce que vous vous en souvenez? Il s’agissait d’un festival culturel, axé autour de la musique. Ça commence à être loin, n’est-ce pas? Lui révélais-je, quelque peu honteuse, une main à ma nuque témoignant de mon embarras. Puis, il y a eu beaucoup d'événements entretemps. L'installation de Wakiya à la maison, le siège d'Arcadia, mon accident et l'avènement des monstres dans nos mers, pour ne citer que ceux-ci. Pourquoi cette question? Êtes-vous curieux des prochains événements qui pourraient se dérouler chez les Orines? »
S’il cherchait quelqu’un pour le mettre à la page, il n’avait malheureusement pas sollicité l’aide de la bonne personne. Nous continuâmes de marcher et de discuter jusqu’à ce que je ralentisse mon pas.
« Je crois que nous venons d’entrer dans le périmètre de recherche. En observant une nouvelle fois le plan, nous pûmes confirmer notre position. Dans ce cas, la statue devrait se trouver dans les environs. Je me demande à quel point elle a été cachée… »
Devrons-nous nous montrer extrêmement méticuleux dans nos recherches ou les idoles nous sauteraient tout de suite aux yeux?
« Plutôt bien, je dirais. » Depuis que Priam s’était éveillé et récupérait peu à peu, elle se sentait mieux. Le coma de l’Ange avait été une épreuve difficile pour elle. Nalim avait tenté de l’aider comme il l’avait pu, mais face à son inquiétude, la sienne propre le rendait totalement impuissant. Il préféra néanmoins changer de sujet, peu désireux de s’étendre sur l’état de Kagamiko et, surtout, les événements afférents. « Je n’y étais pas mais j’en ai entendu parler. C’était il y a quelques temps déjà, en effet. » Il lui sourit, aimable. Depuis, le monde avait été bouleversé de bien des manières. La guerre, la carte stellaire, la sauge, les gemmes, et tant d’autres éléments venus révolutionner la vie du commun des mortels. « Il n’est pas toujours aisé de retourner chez soi, lorsque l’on est pris dans le tourbillon de l’existence. » ajouta-t-il, désireux de défaire l’embarras de la jeune femme. Il aimait taquiner, mais il veillait à ne créer de la gêne que chez ceux qui lui étaient proches – ou qui l’agaçaient suffisamment pour mériter ces petits instants de malaise. Avec honnêteté, il répondit : « Pas vraiment. Je tentais surtout de vous faire la conversation. » Il agita doucement la carte qu’il tenait entre ses mains afin d’en lisser les plis. « Je suis diplomate, mais j’ai peu travaillé avec votre peuple. Peut-être s’agit-il d’un manque à gagner pour moi, mais d’autres s’en chargent sans doute bien mieux. Mon appétence limitée pour l’art aurait tôt fait de scandaliser vos pairs. » s’amusa-t-il, une lueur espiègle dans le regard. Ce n’était pas tout à fait vrai. Il avait adoré la musique, autrefois.
Comme elle ralentissait, il l’imita. Ses iris céruléens scrutèrent à la fois leur plan et le paysage qui les entourait. « Vous avez raison. » Les lieux bucoliques offraient un contraste saisissant avec l’histoire violente de Délix. Le chant des oiseaux s’harmonisaient à celui d’un petit cours d’eau. De hauts arbres tutoyaient les nuages et masquaient l’horizon de leurs épais feuillages. L’Ange reprit une marche plus active. « Restez à l’affût, on ne sait jamais. » Il sourit, malicieux. « Certaines légendes content l’éveil de statues ensorcelées, et je crois que je préfère encore croiser le fer que la pierre. » Ses iris pétillaient tant que l’on pouvait douter de la véracité de ses propos. Si Nalim maîtrisait un art, c’était celui de paraître insaisissable. Ils n’avaient qu’à espérer que les sculptures n’excellaient pas dans le même domaine.
Fin
Message II – 415 mots
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Quand je vois une bêtise plus grosse que moi et que je décide de la faire.
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Depuis la guerre, les relations avec les Réprouvés, déjà peu abondantes, s’étaient davantage taries. Le contact avec Stenfek demeurait aisé, mais les interlocuteurs de Sceptelinôst semblaient avoir disparu. Quant à Bouton d’Or, en termes d’ouverture, le village s’apparentait plus à un bourgeon prématurément mis à mort par une gelée inattendue qu’à une fleur épanouie prête à absorber les rayons du soleil. Rien n’entrait, rien ne sortait. Nalim avait enjoint à Priam de s’y rendre, mais il avait refusé de façon parfaitement irrationnelle. Puis, cet âne n’avait pas trouvé mieux à faire que d’être battu à mort à Seaghdha. Le diplomate ne croyait pas au hasard. Quoi que la soirée s’auréolât d’étrangeté et de secrets, il n’accordait aucun crédit à un coup de malchance. Son disciple n’avait pas été au mauvais endroit au mauvais moment : il s’était simplement trouvé avec la mauvaise personne. Si son semblant de relation avec Aliénor Vaughan lui avait permis d’expirer bien des taquineries, il l’avait cru assez malin pour ne pas prendre de risques inutiles. Pour ne pas agir avec inconséquence. Il fallait croire qu’il n’y avait dans son crâne guère plus que le petit pois qui servait de cerveau à certains de ses congénères particulièrement obtus. Elle était enceinte. La diatribe virulente que Nalim avait servi au Petit Pigeon n’avait eu d’égale que son inquiétude lorsqu’il l’avait vu chez lui, à l’article de la mort, avec pour seul lien au monde des vivants la présence de son Orine à ses côtés. Certains avaient d’ailleurs cru à son trépas, tant les rumeurs connaissaient les chemins les plus courts quand il s’agissait de tronquer la vérité. Son court séjour à Juvaniel avait commencé à rétablir un soupçon de véracité. Il arrivait encore que l’on vînt à sa rencontre pour lui présenter ses plus sincères condoléances. Agaçant au possible.
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