Mon regard descendit jusqu’aux pieds du fameux Lazare, avant de remonter jusqu’à son visage. Encore un énième garçon à l’originalité douteuse. « Non. » lui répondis-je, tout en évaluant les tabourets. Ils ne me semblaient pas bien solides, de quoi soutenir un étudiant à l’allure d’asperge tout au plus. Ils se ressemblaient tous, comme de petites allumettes plantées dans du sable. « J’aimerais que tu me fasses un maquillage spécial. » Je pris le temps de réfléchir mais pas trop. Les histoires les plus simples étaient les meilleures. « Tu connais un certain Lorcán ? Il a la peau foncée, comme une prune bien mûre. » précisai-je, l’eau à la bouche en imaginant une escalope de dinde aux prunes. « J’étais avec lui dans le labyrinthe et il m’a avoué vouloir se faire appeler Loraine. » Je bousculai le métal avec mon pied et me dis qu’il faudrait bien que je m’assisse pour qu’il me fît le maquillage. Je me courbai et opérai une descente vers mon objectif. Lorsque mes fesses touchèrent le bois, le haut meuble disparut. Ma graisse engloba l’objet. Je risquais d’avoir la marque du rond, tout comme le rond aurait certainement quelques marques de transpiration. Je n’aimais pas marcher et l’avais trop fait à mon goût dans le dédale. « Heureusement que ce n’est pas un Sorcier, surtout qu’il m’a dit qu’il était en… comment a-t-il dit ? Pâmoison ? En pâmoison devant un garçon de son dortoir. » Je souris, le gras de mes joues se soulevant. Mon haleine se répandit d’autant plus dans les environs. Il aurait fallu que je reprisse l’habitude de me laver les dents. Je trouvais ça agaçant. Le bon goût des aliments se perdaient et ne restait plus ensuite sur ma langue qu'un goût mentholé exécrable. De toute façon, ça n’aurait servi à rien. J’aimais sucer des caramels avant de dormir et en mangeais parfois au beau milieu de la nuit. Le matin, des traces supplémentaires constellaient souvent mon oreiller. Ça ne me dérangeait pas, pas plus que les crottes de nez que je collais ici et là. « Moi je n’ai rien contre ça mais si j’étais dans son dortoir, je ne serais pas rassurée. » argumentai-je. Même si Loraine ne m’avait rien dit, j’étais convaincue qu’il était homosexuel. À moins qu’il ne se sentît femme ? Cela expliquerait sa façon de se vêtir, particulièrement dérangeante pour un homme. Heureusement, son pyjama avait gommé ce désastre. « Néanmoins, par soutien, j’aimerais bien que tu me maquilles le visage de la même couleur que le sien. Ce soir, je veux être Loraine la petite prune. » Pour ne pas dire autre chose. Un sourire doucereux apparut sur mes lèvres. « Et toi ? Que veux-tu ? » Je me ferais un plaisir de ne pas faire ce qu’il me demanderait. Je bougeai et le tabouret hurla sa douleur.

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« Zachary ? Non… je ne crois pas que ce soit lui. » Je lui souris. Mes dents se découvrirent. Les autres adoptaient différents comportements avec moi. Certains ne cachaient pas leur répugnance. D’autres tentaient de rester polis. Généralement, ça ne durait pas bien longtemps. Les beaux principes dans lesquels ces concombres vivants se roulaient avaient des limites. J’aimais les voir les outrepasser et sombrer dans tous les sentiments négatifs que je leur évoquais. Une fois, j’avais dit à mon lapin en peluche, lapinou, que je pensais que le monde entier n’était que pourriture. Il ne pouvait pas parler mais, étant donné la nourriture qui se décomposaient ici et là sur son tissu, il était bien sûr au courant. « En squelette ? » l’interrogeai-je. Il y ressemblait déjà, avec sa face de myrtille. Ce n’était pas bien original. « Si tu veux. »

Je pris la palette et le pinceau entre mes doigts boudinés. Ma respiration n’était jamais silencieuse. Elle sifflait doucement dans ma gorge. C’était pire lorsque je marchais longtemps, sans parler de la sueur qui dégoulinait le long de mes bourrelets. Elle traçait les plis et contournait les amas graisseux. J’approchai mon visage pour contempler la peau du Magicien. J’espérai que le maquillage lui donnerait des boutons ou, pire, des verrues. « Je ne le connais pas trop mais vu comment il s’habille, ça ne m’étonnerait pas… » Je l’écoutai parler des bombasses de l’école. Il était comme les autres. « Le genre hors d’atteinte ? » questionnai-je, tout en dessinant des champignons autour de ses yeux. C’était bien mieux que de lui faire une tête de mort. « Attends, ne bouge pas, je vais écrire des paroles effrayantes sur ton front. » Je traçai un J’aimerais que Lana mange mon vomi dans ma langue natale. Seuls les Sorciers comprendraient. « C’est en Obien Syliath par contre… Je n’en connais pas des plus horribles que ça en langue commune. » précisai-je. « Je crois qu’il n’y a même pas de traduction satisfaisante. Ça parle de malédiction. » J’échangeai le pinceau contre mon doigt. Je lui étalai un peu les chapeaux des champignons et en allongeai le corps. Ça ressemblait davantage à des pénis à présent. Des pénis à la couleur douteuse et purulents « Je ne suis pas très douée en dessin… » constatai-je, faussement contrariée. « Susannah, c’est pas elle qui a déjà fait de la prison pour avoir éventré un garçon ? Je crois qu’elle a failli éborgner Titus l’autre jour… » Titouan mais ça n’avait aucune importance.

Une fois que j’eus fini, je me levai. Le tabouret hurla son soulagement. « C’est bon. À bientôt Lézard ! Euh… Lazare… C’est ça ? » Je me tournai, souris et lâchai un pet silencieux mais horriblement puant.

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