« Ce n’est pas ma taille. » fis-je remarquer à l’étudiante à l’air stupide qui me faisait face. Ses boutons d’acné étaient pire que les miens car ils avaient tous une sorte de petit chapeau blanc douteux. Enfin… elle ne les grattait pas, elle, donc ça n’avait rien à voir. Je prenais toujours un malin plaisir à lier mes doigts entre eux pour faire sortir le jus blanchâtre qui s’y trouvait. Quant à mes points noirs, j’attendais qu’ils fussent bien visibles avant d’en faire sortir le sébum. C’était un vrai plaisir. Parfois, je me demandais jusqu’où le serpentin irait. Une fois, il m’avait fallu plusieurs pressions pour tout évacuer. « Tu as compris ? » lui demandai-je, avec l’impression que son œil droit était aussi vide d'intelligence que son œil gauche. Elle me fixait, la bouche béante. « Oui oui… Pardon… Ce sont des tailles uniques et on pensait que… Je vais demander au Magicien de l’association d’arranger ça… »

Quand elle me rendit le pyjama, il me parut avoir été étiré à l’excès. Le tissu qui le constituait criait son mal être. Je le pris néanmoins. Même s’il craquait, ça ne me dérangeait pas. Habillée de noir des pieds à la tête, j’avais pris soin de prendre une tenue moulante qui irait en dessous dès qu’on m’avait dit que nous devrions nous changer dans le labyrinthe. Il était hors de question que n’importe quel garçon eût le privilège de voir un morceau de mes cuisses ou de mon ventre. Les bras et les mollets passaient mais le reste était intime… sauf à la piscine. « Je crois que c’est ton partenaire. Il s’appelle Lorcàn. » Mon regard suivit le sien pour s’arrêter sur une sorte de chose mouvante aux longues oreilles. Mes yeux détaillèrent ses pieds, ses mollets, ses jambes, les formes qu’il n’avait pas, son torse et sa tête. Se prenait-il pour une fille ? Il avait l’air très soigné, trop. C’en était dérangeant. Je souris en songeant qu’il devait se parfumer à la rose et être un adepte des foulards en soie. Je m’avançai, reniflai une fois devant lui et lui adressai la parole. « Bonsoir Loraine. » commençai-je, l’air de rien. Il devait être homosexuel. Aucune femme digne de ce nom ne voudrait de ce freluquet, même s’il dégageait un petit quelque chose. Ce petit quelque chose devait être réservé aux hommes, c’était sûr. Il n’aurait pas fait tache au milieu des femmes Sorcières en manque d’admiration. Légèrement fatiguée, je baillai, sans mettre ma main devant ma bouche. « Tu devrais récupérer ton pyjama. Le mien est moche. » Je n’avais pas reconnu l’animal. Il ne ressemblait à rien, surtout depuis qu’il avait été étiré. « Ils veulent qu’on se donne la main dans le labyrinthe. » J’allais cracher dans ma paume avant de la lui donner. Hors de question que la sienne restât enfermée dans la mienne.

Plus tard, après avoir mis de la bave sur ma peau comme prévu, je fis un geste dans sa direction. « Viens, donne-moi la main. »

472 mots

Ça coûte combien un raticide ?
Muscarine & Lorcán

☙ Vangelis - The Charge
(j'avais besoin de quelque chose qui soit à la fois tragique et épique, mais la salière m'a échappé des mains)

« Amuses-toi bien, Lorcán ! » Lorcán confondit le sourire torve de Pépita pour de la complicité. Selon lui, la Déchue avait un faible pour lui, c'était une certitude. Ils avaient souvent échangé dans le cadre de l'AAAP et il lui avait confié vouloir biaiser les algorithmes de l'association afin de se retrouver avec Lana. Son souhait était on ne peut plus sérieux mais il voulait aussi voir si ça la blesserait. La petite rousse s'était contentée de prendre sa main en lui promettant de voir ce qu'elle pourrait faire. Il s'était demandé si elle avait pleuré amèrement ensuite de savoir qu'il soupirait après une autre. Briser des cœurs était si facile.

Son kigurumi sous le bras, l'Alfar s'était présenté au labyrinthe. Comme Lana n'était pas encore arrivée, il en avait profité pour parfaire quelques derniers détails sur son apparence en l'attendant. Pour l'occasion, il avait débusqué dans son armoire qui avait récemment nécessité un charme d'agrandissement un pyjama en flanelle dorée. Il ne le garderait pas longtemps sur le dos puisqu'il devrait enfiler l'autre costume, mais il savait que l'Ondine avait autant le sens du détail que lui. Ses doigts entortillaient quelques mèches pour qu'elles retombent dans un effet décoiffé élégant et il regrettait ne pas avoir de miroir à disposition quand il sentit une présence. Son sourire charmeur dégringola comme un château de cartes dès qu'il reconnu Muscarine. Il attendit qu'elle passe son chemin, mais c'est là qu'elle s'arrêta, devant lui. Figé de stupeur, Lorcán la fixa, et un tic nerveux agita sa paupière à la variante donnée à son nom. Enfin, dans un effort mental colossal, il réussit à se reprendre. Avec un geste lent, il croisa les bras et coinça deux doigts sous son menton en l'étudiant de haut en bas. « Tu es sûre que tu es avec moi ? » Ce devait être une erreur. Pépita avait dû se tromper. « Je vais vérifier. » déclara-t-il avant de tourner les talons, ses boucles d'oreille s'entrechoquant vivement.

Quelques instants plus tard, le roux revint, les traits maquillés d'une fureur mal contenue. Cette humiliation ne serait pas gratuite. Pépita, et tous les autres, regretteraient chèrement cette petite plaisanterie. Muscarine n'avait rien d'une plaisanterie. C'était une tragédie, et il ne voulait pas en faire partie. Cette fille, ou femme parce que vraiment, elle n'avait rien d'une adolescente, lui faisait pitié. Pourquoi ne faisait-elle rien pour maigrir ? Elle n'avait jamais entendu parler de la magie ? Ou du sport ? Lui-même suivait un régime alimentaire strict, rien ne passait dans sa bouche avant d'avoir été scrupuleusement analysé. Il visait un corps sain et divinement taillé, digne d'être sculpté et représenté en peinture.

Muscarine à l'inverse devait être une grosse feignasse. Il n'aurait pas été étonné d'apprendre qu'elle était ici uniquement parce qu'ils ne voulaient pas garder cet échec sous leurs yeux en permanence. C'était une pensée terrible, car c'était exactement son cas à lui. Mais lui au moins faisait des efforts pour se perfectionner. Il trouvait surprenant que personne n'ait jamais tenté de l'empoisonner si elle leur faisait tant honte. Avec tout ce dont elle s'empiffrait, y glisser de l'arsenic aurait dû être un jeu d'enfant. Peut-être quelqu'un avait déjà dû essayer, comme son fiancé. Les rumeurs racontaient qu'elle avait vomi récemment. Il trouvait regrettable que la tentative ait échoué. Il termina d'enfiler son pyjama, par dessus ses propres vêtements, avant de scruter la main de la Sorcière tendue dans le noir. Il ne fit pas un geste pour la prendre. Plutôt se brûler les yeux à l'acide que toucher à un seul morceau de cette chair grasse et malsaine. « Je ne crois pas, non. » répondit-il sur un ton doucereux. « Je fait partie de l'association alors j'ai le droit de faire des entorses au règlement. Et je me nomme Lorcán. »

Dans le labyrinthe, il lui jeta un coup d'oeil. Quel cauchemar. Il était furieux. « Ton costume est effectivement hideux. Je me demande à quoi ils pensaient à l'AAAP en te donnant ça. Ils disent que c'est du hasard, mais c'est un mensonge. J'ai du mal à voir quel animal c'est pour toi. Une sorte de rat ? Dothasi merci, Basphel n'a pas d'aussi gros rats entre ses murs. Enfin, jusqu'à aujourd'hui. J'ai d'ailleurs cru au début que tu faisais partie des personnes qui se sont portées volontaires pour effrayer les participants. » lâcha-t-il, tout mielleux. De son côté, il lissa les fausses plumes en duvet qui se déployaient en ailes s'il levait les bras. Ce kigurumi était parfaitement ridicule. Comment les concepteurs de ces costumes avaient pu autant manquer de respect à un oiseau aussi noble et élégant que l'aigle ? Finalement, ce n'était pas plus mal que Lana ne le voit pas ainsi. Quelque chose atterrit sur son épaule avec un bruit mou et humide. Lentement, il baissa les yeux et tomba nez à nez avec une larve blanchâtre. Un violent frisson le parcouru des orteils jusqu'à la pointe de ses cheveux et il sautilla sur le côté pour se débarrasser de la bête en poussant un hurlement aigu. Ses pieds s'emmêlèrent et il trébucha. Son corps heurta Muscarine et il se rattrapa par réflexe à la première prise qui lui venait, indiscernable sous les poils de son déguisement. En tout cas, c'était mou. Horrifié de l'avoir touchée, l'Alfar poussa un geignement sourd et se projeta en arrière sans chercher à deviner ce qu'il venait de palper. Il se frotta les paumes de main comme s'il venait de mettre les mains dans des immondices. Sa peau violine s'était dégradée vers un mauve pâle et il se sentait fébrile. « Que ce soit clair, je n'ai pas voulu te toucher, ou quoi que ce soit alors ne va pas te faire des idées. »

Message I | 1026 mots (c'est le prix de son trauma)

Pépita va mourir.

Des entorses au règlement ? Oui, c’était parfaitement crédible. Monsieur pouvait faire des entorses au règlement mais passait son rendez-vous avec moi. Je me mis à ricaner et arrêtai mon regard sur les cheveux de Loraine. L’envie de fourrer mes doigts remplis de caramel dedans me prit. Il y avait aussi ces produits qui se vendaient en ville et qui pouvaient rester en bouche longtemps. Ils étaient collants et faisaient des pièges parfaits. L’image de sa chevelure recouverte d’une matière jaunâtre qui s’infiltrerait partout accentua mon rire de hyène. Il fallait que je me calmasse. La dernière fois, j’avais failli m’étouffer en mangeant des cerises et, finalement, j’avais recraché les fruits à moitié mâchés, leur noyau, ma salive et ma morve à la face de mon interlocutrice. Mon hilarité s’était alors intensifiée, qu’importassent le jus sanguin et les morceaux répandus sur mon menton.

« J’aurais dû, c’est vrai. Est-ce que tu savais que les rats sont porteurs de la leptorose ? » C’était la leptospirose mais je n’arrivais pas encore à retenir tous ces noms compliqués. J’avais étudié la chose dans l’espoir de pouvoir contaminer Léonidas. « Peut-être qu’en enfilant mon costume, je pourrais contaminer les autres ? On ne sait jamais… Je suis une Sorcière après tout. » Nous étions familiers avec les maladies en tout genre. « Enfin… » Lentement mais sûrement, je commençai à enfiler mon costume. C’était compliqué. Me baisser était un exercice délicat. Mes chevilles avaient tendance à être fragiles et mon poids rendait mon agilité problématique. J’y arrivai tout de même, au prix de deux belles auréoles sous les bras et d’un souffle lourd.

Alors que je boutonnais mon habit, mon haleine chaude sortant encore d’entre mes lèvres par soubresauts, j’entendis un cri suraigu à mes côtés puis, un mouvement frénétique en entraînant un autre, le corps de Loraine rencontra le mien. Je me redressai. « Oh. Je vois… Je ne me faisais pas d’idées tu sais. » Il avait raison, j’aurais dû postuler pour faire peur… ce qui ne voulait pas dire que je ne pouvais pas m’amuser à le faire maintenant. En profitant de la pénombre, je me rapprochai de lui, sortis ma langue, la plaquai contre sa joue et la remontai vers sa tempe dans un bruit humide de bave. Je ricanai, tout en me remettant à marcher. « Voilà, tu es contaminé maintenant. » J'espérai que ce fût vrai. Après tout, il m’avait traité de gros rat. Lui était censé être un aigle mais il ressemblait plus à un moineau rikiki qui aurait eu la mauvaise idée de prendre un bain de peinture. « Oh, d’ailleurs tu devrais faire attention. Il y a des maladies qui touchent exclusivement les homosexuels… » La guillotine aussi les touchait parfois…  

419 mots
Adieu Pépita.

Ça coûte combien un raticide ?
Muscarine & Lorcán

☙ Mozart - Lacrimosa

Encore dégoûté d'avoir été en contact avec les bourrelets de Muscarine, de s'y être accroché, Lorcán vérifia frénétiquement que d'autres larves ne rampaient pas sur sa personne. Il agita ses fausses ailes, exécuta deux petits sauts, agita ses jambes l'une après l'autre, se passa une main sur la crête plantée au sommet de sa capuche. Percevant instinctivement un mouvement dans sa direction, il cessa son manège. Au moment où il tournait la tête, sa joue rencontra une chose chaude et baveuse. Il crut qu'une autre larve venait de tomber sur son visage. Il allait hurler. Il ouvrit la bouche. La réalité était bien pire. Le faciès de Muscarine était tout proche. Il inspira et put presque goûter son haleine et ses relents. Il hurla. De toutes ses forces. Sa voix se brisa au faîte de son ascension et finit sur un son étranglé, comme une toux qui aurait du mal à sortir, ou un de ces terribles haut-le-cœur qui précédaient un vomissement. Tremblant comme s'il était pris d'une fièvre particulièrement féroce, il s'essuya vigoureusement la joue avec sa manche. Comment ça, contaminé ? Il allait pleurer. Peut-être pleurait-il déjà. Il ne savait plus. C'était trop affreux. Sa jolie peau, si douce et veloutée, qu'il entretenait avec les meilleurs produits que les Orines pouvaient produire, sa peau parfaite, comme une prune violette bien lisse, souillée par de la bave de gros rat infect. Il allait la tuer. Mais après. Là, son cœur battait à un rythme trop fébrile, il avait chaud, il n'arrivait plus à réfléchir, n'arrivait pas à penser à autre chose qu'à cette langue repoussante engluée à son précieux visage. Même sa dernière remarque n'avait pu lui tirer une réaction, même s'il y repenserait plus tard, une fois le choc passé, quand il réussirait à repenser à ce labyrinthe sans ressentir le besoin non négociable d'aller se laver le visage.  

L'Alfar la vit se remettre en marche comme si de rien n'était. Il ne bougea pas d'un iota. Son visage le brûlait. Sa salive avait-elle des propriétés d'acide ? Est-ce que sa peau allait finir rongée, qu'il se réveillerait demain et qu'il serait possible de voir l'os à travers les chairs ? Un sanglot d'effroi traversa sa poitrine. Dans un état second et il trébucha jusqu'à un mur où il se laissa glisser lentement. Et si elle l'avait empoisonné ? Et qu'on ne le découvrirait que lorsqu'il ne serait plus qu'un cadavre recouvert de pus ? Plus loin, la silhouette de Muscarine s'éloignait, pour devenir indiscernable dans la pénombre. Il ne fit pas un geste pour la rattraper. Il n'osait même pas toucher son visage avec ses doigts nus, de peur que la matière ne touche aussi ses doigts. Cette folle allait le lui payer si elle l'avait défiguré. Il se fichait qu'elle soit la fille de quelqu'un d'important. De toute façon, s'il avait eu ça comme fille, il aurait été heureux que quelqu'un l'en débarrasse. En fait, il l'aurait très certainement tuée lui-même, ne souhaitant pas gâter sa lignée avec ce monstre infâme. D'ailleurs, jamais cela n'aurait été admis dans sa famille. Ce n'était pas à Basphel qu'on l'aurait envoyé, mais directement au dernier Plateau de Drosera, avec les Nägs. Éventuellement, Lorcán finit par se remettre debout, forcé de constater que son visage n'était pas en train de fondre ni en train de le faire muter en blob informe, même s'il aurait aimé pouvoir le vérifier à l'aide d'un miroir. Deux mains griffues le saisirent soudainement à la taille et il glapit en bondissant en l'air. Sans prendre le temps de définir l'identité de son agresseur, il détala, le cœur au bord des lèvres.

Message II | 659 mots

Encore une mention de ses aisselles humides et je quitte ce forum, c'est trop T__T