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 Le ventre creux | Typhon

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Orenha
~ Eversha ~ Niveau I ~

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Orenha
Lun 09 Oct 2023, 16:28


"Abundance" par Audra Auclair
Le ventre creux
Typhon & Orenha

RP lié : Le Bal de Seaghdha

Un soupir de soulagement ébranla la poitrine d’Orenha lorsque la besace de cuir lui apparut sous le tapis de mousse. Elle la fouilla un instant pour vérifier que tout y était ; c’était le cas. Elle ne contenait presque rien, à vrai dire, mais c’était tout ce qu’elle possédait. Rien n’avait vraiment de valeur si ce n’était le passeport qui lui était nécessaire pour utiliser les pontons.

Lorsqu’elle s’était réveillée seule au milieu d’un champ sans le moindre souvenir de ce qui l’avait amenée là, elle avait craint d’avoir tout perdu. Elle était tant affaiblie qu’il lui avait fallu plusieurs minutes pour se relever. Malgré la brume qui envahissait son esprit, elle avait pu aisément reconnaître les lieux ; l’immense nappe chatoyante que constituait le Lac Bleu ne pouvait être confondue avec quoi que ce soit d’autre. Au loin, Orenha pouvait apercevoir Vervallée qui surplombait l’étendue d’eau.
Heureusement, sa cachette n’était pas loin. Peut-être n’avait-elle pas été déposée là comme elle l’avait initialement pensé mais qu’elle s’était écroulée avant d’atteindre sa destination. Lentement, elle s’était dirigée vers le petit bosquet qui se nichait en contrebas, au pied d’un talus abrupt. La glissade dans la terre piquetée de roches saillantes et de branchages lui avait arraché une grimace de douleur. Tout son corps l’élançait. Mais elle ne s’était pas découragée et était parvenue à retrouver la souche creuse où elle avait mis ses affaires à l’abri.

« Vous voilà. » Les quelques noix qui tapissaient le fond du sac roulèrent dans sa paume ; c’était tout ce qui lui restait comme pitance, et ce n’était pas assez. La Femme-Gerbille les enfourna dans sa bouche, se forçant à les mastiquer le plus longtemps possible pour calmer la faim qui lui tordait les entrailles. Il lui semblait qu’elle n’avait pas mangé depuis des jours. Les noix n’eurent que pour seuls résultats de décupler son appétit et dessécher sa gorge. La nouvelle priorité serait d’étancher sa soif ; elle aurait tout le temps de réfléchir à ce qui lui était arrivé plus tard.

Ajustant la bandoulière de sa besace sur l’épaule, elle tourna le dos à la civilisation et se laissa engloutir par l’ombre des arbres. Sans un sou en poche, la ville ne lui serait d’aucun secours et de toute façon, elle ne s’y sentait pas plus à son aise qu’un poisson hors de l’eau. L’Eversha avait fait un peu de repérage ; plus loin, le bois s’épaississait jusqu’à devenir une vaste forêt, son terrain de prédilection, le seul qu’elle connaissait. Ragaillardie par ses retrouvailles avec ses maigres possessions, elle se mit en route moins laborieusement, même si chacun de ses pas lui coûtait, d’autant plus que le sentier forestier se faisait de moins en moins égal au fur et à mesure que le paysage devenait plus sauvage. Elle se mit à remonter le cours d’un ruisselet qui lui semblait prometteur et en fut récompensée par la découverte de sa source seulement une vingtaine de mètres plus loin. Ses genoux fléchirent plus qu’ils ne se plièrent à sa volonté lorsqu’elle se mit à quatre pattes pour avaler l’eau fraîche à grandes goulées voraces.
« Merci Phoebe. » fut tout ce qu’elle put articuler d’une voix étranglée une fois sa soif étanchée, avant de lever le nez vers la cime, dense et protectrice. Les éclats de l’astre du jour parvenaient encore à la percer ça et là ; la nuit et sa guide étaient encore loin.
Lorsque la jeune femme reporta son regard sur la surface de l’eau, qui avait enfin repris son vernis lisse après l’assaut de ses furieuses lampées, son cœur manqua un battement.

Dans l’eau claire, une femme plus pâle que la mort la fixait de ses yeux exorbités, billes noires au milieu d’un visage crayeux, un linceul presque entièrement couvert de sang pendant en lambeaux sur le corps décharné. Horrifiée, la Femme-Gerbille bondit en arrière, et la vision disparut. « La magie du Lac coule jusqu’ici ? » Si les pontons pouvaient transporter les corps et leurs âmes dans d’autres lieux, peut-être que les plans d’eau pouvaient aussi faire office de miroirs vers l’outre-monde ? Orenha se pencha timidement en avant et effleura la surface de l’étang du bout de ses doigts. L’apparition se brouilla mais resta là, immobile et muette, comme prisonnière de la source. Ce n’est que lorsque les ondulations cessèrent que Ren comprit qu’il ne s’agissait que de son propre reflet. Le soulagement fut bref, rapidement remplacé par une profonde angoisse. « Qu’est-ce qui m’est arrivé ? » Son murmure n’eut que pour seules réponses les bruissements des feuillages et le gazouillement du ruisseau.

Mais la faim s’éveilla de nouveau, plus forte encore que précédemment, maintenant que la soif s’était tue. Elle n’avait pas le temps de se morfondre, quelle que fut l'étendue de sa confusion. Elle décida de se débarrasser de sa tenue aussi cauchemardesque que peu pratique. Le tissu était tant gorgé de sang qu’il en était devenu rêche et rigide par endroits ; pour gagner du temps, elle le taillada avec son couteau et le laissa choir sur le sol. C’est à ce moment qu’elle remarqua que son corps était recouvert de plaies étranges ; des paires de trous sanguinolents, espacés l’un de l’autre de quelques centimètres, qui se concentraient surtout sur ses bras mais qui ponctuaient aussi ses cuisses. À certains endroits, elles étaient accompagnées d’hématomes qui fleurissaient en nuances de bleu et de jaune. Ravalant la peur grouillant dans sa gorge, la jeune fille attrapa une chemise et un pantalon en chanvre dans sa musette et les enfila rapidement. Elle gardait les souliers : ils avaient pris une vilaine couleur à cause du sang, mais étaient en parfait état.

Il lui fallait maintenant trouver de quoi remplir son estomac. Prenant une direction au hasard, elle s’enfonça dans la forêt. Elle espérait pouvoir glaner ce qu’il lui faudrait : noix, baies, fruits, champignons, plantes et fleurs comestibles. Lorsqu’elle vivait dans sa meute, la cueillette était l’une de ses spécialités, elle connaissait donc une grande variété de denrées forestières. Pourtant, au fur et à mesure qu’elle progressait, fouillant arbustes, buissons, sol et racines, ses mains et son ventre restèrent désespérément vides. Elle ne reconnaissait rien. La flore d’ici était distinctement différente de celle du Rocher au Clair de Lune.
Au bout d’une longue marche infructueuse, elle s’allongea sur le tapis forestier, humant l’odeur de terre. À ce stade, c’était elle qui finirait par nourrir les vers. « Bon appétit... » souffla-t-elle à un mille-patte qui se frayait un chemin sous une feuille en décomposition.

Soudain, une effluve de viande grillée chatouilla ses narines. La Femme-Gerbille bondit aussitôt sur ses pieds. Cette odeur, qu’elle trouvait répugnante d’ordinaire, l’avait immédiatement fait saliver.  Abasourdie, elle se laissa guider entre les arbres par le parfum que son corps réclamait si violemment.

1133 mots


Le ventre creux | Typhon Gfo3

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Typhon Gargantua
~ Eversha ~ Niveau V ~

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Typhon Gargantua
Ven 13 Oct 2023, 18:43



Spécialités :
- Agilité : 12
- Force : 12
- Charisme : 10
- Intelligence : 21
- Magie : 11

Description : la forme humaine de Typhon est celle d’un homme dans la vingtaine d’une taille de 1 m 65. Obtenu par son pouvoir, Purification Eversha, cette forme humaine requière le sacrifice de la majorité de sa puissance physique et magique. Typhon s’en retrouve ainsi drainé de sa force, de son agilité, de son charisme et de sa magie. Seul son intelligence est épargnée. Il dispose autrement de toutes les capacités magiques de sa forme originale.



Typhon initia un voyage en solitaire aux Terres du Lac Bleu dans sa nouvelle forme humaine. Il s’agissait de la première d’une série d’excursions visant à offrir son aide aux changeurs de forme qui vivaient en dehors des territoires appartenant aux Evershas. Heureusement, et en dépit de la nature spontané de son voyage, passer par la Gare Principale de Vervallée fut une formalité vite résolue. Être l’ambassadeur désigné du peuple eversha comportait quelques avantages administratifs. Il aurait autrement été bien plus difficile de faire comprendre aux Magiciens que de « partir à la recherche d’Evershas errants » était une raison touristique légitime. N’en étant pas à sa première visite au Lac Bleu, la nostalgie poussa Typhon à partir à la recherche de son ancien campement.

Il y a de ça plusieurs années, bien avant que Typhon acquière son rang actuel, lui et son épouse vécurent plusieurs mois durant dans les étendus sauvages des Terres du Lac Bleu. Ils tentaient alors d’obtenir un passeport des Magiciens pour emprunter le portail menant au Rocher au Clair de Lune. Les Evershas ayant une aversion naturelle pour la bureaucratie, il fut difficile aux Magiciens d’identifier les deux voyageurs changeurs de forme et de valider leurs dires. Par chance, les talents de chasseur de Typhon et son assiduité à tenir un kiosque pour vendre le produit de sa chasse lui donna tout juste assez de crédibilité pour faire pencher la balance en sa faveur.

Après tant de temps, la nature avait certainement repris ses droits en ce lieu. Cela dit, c’était un bon point de référence pour évaluer ses capacités actuelles. Un Eversha digne de ce nom devait être minimalement capable de monter un camp et de survivre par ses propres moyens. Et avec la présence de Vervallée à quelques kilomètres de là, Typhon ne pressentait aucun péril insurmontable. Dans cette situation, les connaissances et l’expérience qu’il avait acquis au cours des dernières années devraient compensés la perte de son Totem causé par sa transformation en Hesshas chimérique, ainsi que la faiblesse du nouveau corps humain créer par magie.

***

C’est avec surprise que Typhon découvrit qu’une partie de son campement de jadis avait survécu au passage du temps. Il serait plus simple de restaurer que de partir de rien. De plus, se retrouver dans cet environnement familier lui était plaisant. Le voyageur ressenti alors de la un bref regret pour le lui d’autrefois, avant qu’il ne se retrouve emmêlés dans les intrigues politiques des Evershas. Typhon se souvient de ce lui, un lui libre et indépendant… mais aussi un moins que rien. Le chef de meute avait beaucoup souffert depuis ce moment plutôt agréable de son existence, mais il ne souhaitait pas revenir en arrière pour autant. Après tout, un Eversha vivait sa vie dans le présent.

Typhon commença les travaux de réaménagement en nettoyant la clairière des débris qui l’encombrait. Il construisit ensuite un abri temporaire sur les fondations de l’ancien et passa le reste du temps de la journée à ramasser du bois pour le feu. Pour l’instant, le voyageur disposait de quelques provisions achetées à Vervallée, mais ça ne saurait le soutenir bien longtemps. Et qui plus est, Typhon ignorait combien de temps il pourrait passer en forme humaine avant que sa magie ne s’épuise complètement. Tôt ou tard, il devrait reprendre sa forme monstrueuse et il aurait alors besoin d’une grande quantité de viande pour se repaître convenablement, retrouver ses forces et retrouver sa forme humaine. Le but de ce voyage était justement de déterminer ce genre de limites.

Le deuxième jour de survie en forêt débuta dès l’aube. Typhon pris son arc et procéda à chasser une proie assez consistante pour lui donner le temps nécessaire pour établir un camp digne de ce nom. Après tout, ce voyage avait également un but précis. S’il y avait des jeunes Evershas qui vagabondaient dans les parages, c’est à l’écart de la civilisation magicienne que Typhon allait dispenser son mentorat à qui voudra bien le recevoir. Et même s’il n’y en avait aucun présentement, les portails du Lac Bleu pouvaient bien faire changer la donne à tout moment. Ce campement pouvait même devenir une sorte de camp de base pour faire escale avant de passer à des excursions plus éloignées.

***

Au bout de trois jours, Typhon fut satisfait de sa performance. Il avait abattu une proie convenable, il n’avait toujours pas été forcé dans sa forme monstrueuse et le camp permettait de passer des nuits presque confortables. Il était donc temps pour le chasseur de procéder à une véritable chasse. Comme il l’avait appris par le passé, tenir un kiosque de marchandises était un bon moyen d’amorcer des discussions, de développer des contacts avec la population locale et de se faire une réputation. Vendre des produits dérivés de la chasse ne serait pas forcément rentable, mais ce n’était pas le but recherché.

Maître chasseur en plus de son affinité naturelle avec les animaux, Typhon n’eut aucun mal à abattre un large éventail de proies de toute sorte. L’Eversha pris soin de cibler des animaux âgés, malade ou visiblement en surpopulation. Il espérait ainsi offrir une démonstration de ses talents et gagner un aperçu de ce qui intéresserait la population locale. Cela dit, pour peu que la qualité fût bonne, le cuir était une valeur sure. Les bottes et les chaussures nécessitaient un approvisionnement constant, alors rares étaient les agglomération ou cette matière n’était pas en demande. La fourrure et les os pouvaient parfois se vendre à bon prix, mais Typhon n’était ni couturier, ni sculpteur. Il pouvait donc difficilement les mettre en valeur. Mais pour l’heure, c’est l’éviscération et la séparation des éléments importants qui primait.

Plusieurs peaux jugés de qualité décentes furent rapidement étendus pour éventuellement être tannés. Cela dit, la priorité du jour alla à la viande, qui fut extraite avec une partie réservé à la grillade et une autre à être séché ou salé pour la conservation. Lorsque le risque de contamination de la viande fut écarté, Typhon se permis un tri sommaire des autres matières organiques. Le chasseur eversha faisait ainsi de son mieux pour tirer le maximum de chaque carcasse et minimisait les rejets. Ultimement, c’est plusieurs dizaine de kilos de viande saine qui furent choisi pour le festin du jour. Après avoir passé trois jours à se contenter de maigres rations, il était tenu de célébré l’abondance comme il se devait. Car tout chasseur qu’il était, Typhon était aussi un cuisinier de formation. Ce n’était pas un maître, mais il avait les compétences nécessaires pour servir dans la plupart des restaurants.

Ces grillades épicés et préparer avec tous les soins permis par cette cuisine de style rustique eurent l’effet d’un appât. Et bien que ce ne fut pas son intention, Typhon attira ainsi sa première vagabonde. Il faut dire que le chasseur-cuisinier n’avait pas lésiné sur son festin. Le repas principale était constitué d’une variété de viandes avec champignons sautés à la poêle, qui allait être servit avec une sauce au poivre. En accompagnement, il y avait une salade à la menthe et aux baies sauvages. Et pour compléter le tout, une tisane aux aiguilles de pin avec un soupçon de miel.
«  On dirait que je ne suis pas le seul à camper dans ces bois, se dit Typhon à voix haute en entendant l’arrivé précipité de ce qu’il jugea être une créature humanoïde. Ouh là… Toi, tu ne l’as pas eu facile dernièrement, s’exclama-t-il en constatant le physique meurtrie de la voyageuse. Mais qu’attends-tu ? Viens t’asseoir près du feu, je t’y invite ! Tu prendras certaines une tisane, oui ? »


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Orenha
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Orenha
Jeu 02 Nov 2023, 17:00


"Abundance" par Audra Auclair
Le ventre creux
Typhon & Orenha

Orenha avait suivi les effluves pleines de promesses sans se soucier du vacarme qu’elle produisait ; cherchant à faire au plus court, elle repoussait fiévreusement les fourrés qui lui faisaient obstacle malgré les branches qui lui mordaient les bras et s’emmêlaient dans sa chevelure. L’adrénaline crépitait dans son corps, dissipant la fatigue et les courbatures pour ne laisser qu’un trou béant dans son ventre. Pour une fois, l’Eversha regrettait de ne pas voir son Totem pointer le bout de son museau ; sous forme de gerbille, il lui aurait été plus aisé de traquer la piste odorante. Des raccourcis se seraient dévoilés entre les troncs pelotonnés les uns contre les autres, dans les courbes de leurs racines et au travers des buissons au feuillage dense. Mais l’animal qui se blottissait au fond de ses entrailles était aussi exténué qu’elle, aussi affamé, sans même une goutte de magie à laper. Orenha se sentait trop grande, trop encombrante, elle agitait ses bras sans force, brassant un air végétal et acéré, sans savoir ce qui faisait mouvoir ses longues jambes.

Pourtant, la clairière finit par se dévoiler à elle, baignée de lumière ; sans réfléchir, privée de sa prudence habituelle à cause de son état de fatigue avancé, elle y plongea aussitôt. L’odeur de viande qu’elle avait suivie jusqu’ici se déclinait désormais en une multitude d’arômes alléchantes qui assaillaient ses narines de picotements et noyait sa bouche de salive. Avalant l’air épicé à plein poumons, ses yeux cherchèrent frénétiquement sa source.
Lorsqu’elle aperçut l’homme, elle se figea brusquement, tous ses sens en émois. C’est le danger qu’elle reniflait, à présent. Elle aurait pu faire demi-tour, courir en sens inverse au travers des branchages qu’elle avait brisés sur son passage. Son instinct de survie papillonnait, incapable de se décider sur le sens des priorités. La faim l’interdisait de fuir tandis que la peur la défendait d’approcher.

Clouée sur place, la jeune fille observa. Un chasseur. C’était son campement. Il était bien fourni ; la chasse avait été prolifique. Des peaux, des carcasses, du feu, des montagnes de provisions et d’ustensiles de cuisine. Tout était bien rangé et trié, tout avait sa place. Du travail de professionnel ; du moins, de quelqu’un qui avait fait ça de nombreuses fois. Orenha pouvait presque imaginer le chasseur évoluer dans cet espace qu’il semblait connaître du bout des doigts, passant d’un plan de travail à l’autre. Quelque chose dans cette minutie la rassurait. C’était une scène qui lui était extrêmement familière, lui rappelait sa meute, sans les feulements et les grognements, l’hostilité ambiante.                                      
L’homme se tenait dans une posture détendue qui confirmait la cordialité de ses propos. Malgré le fait qu’elle avait pénétré sur son territoire sans s’annoncer, il n’était aucunement sur la défensive. En quelques mots, il avait fait de l’intruse une invitée. Celle-ci finit par se décider ; elle s’approcha du chasseur, lentement, comme si elle avait peur de déranger l’ordre des lieux. La chaleur du feu l’enveloppa. Elle s’assit prudemment sur une souche sèche et lisse. Le feu la séparait de l’homme, son visage brouillé par les flammes, qu’elle n’osait de toute façon pas regarder.

« Oui. » finit-elle par répondre, simplement, en tendant les mains pour accueillir la tasse. Ses doigts engourdis se lovèrent autour avec délice, s’imprégnant de sa chaleur réconfortante. Sans attendre, elle avala la moitié du breuvage, qui coula dans sa gorge en lui brûlant le palais et la langue. Elle n’en avait cure. C’était bon, chaud, sucré. Des frissons de plaisir lui parcoururent l’échine.
« Merci. » La Femme-Gerbille se lécha les lèvres et entreprit de boire le reste plus lentement. Son corps se réveillait. Après s’être raclé la gorge, elle reprit :
« J’ignore depuis combien de temps je n’ai pas mangé quelque chose de nourrissant. Je risque de ne pas tenir très longtemps si je continue comme ça. » Ce n’était pas une plainte mais un simple constat, énoncé de sa voix monocorde. « Je n’ai pas d’argent ni de denrées rares en échange de ton hospitalité. Mais je suis assez habile de mes mains, et je suis rapide. Si tu acceptes de me donner un repas chaud, je peux exécuter quelques menues tâches pour toi. » Elle jeta un nouveau coup d’œil aux alentours. Même si tout semblait ordonné, il y avait toujours de quoi faire. Surtout avec un butin pareil. « Tu as un beau campement. »

Déjà, le trou dans son estomac se rouvrait, plus grand encore. Pour le calmer, la jeune fille ramassa ses jambes contre elle et les serra fort contre son ventre, la tête posée sur ses genoux osseux. Sans bouger, elle se mit à détailler scrupuleusement son environnement.
Le rideau vert et brun de l’orée de la forêt, tout autour. Un rocher presque entièrement recouvert par une mousse mouchetée de minuscules champignons pâles. Là, sous le long corps d’un pin sylvestre, un réseau sinueux de puissantes racines qui s’enfoncent dans le sol pour y puiser la vie, et plus loin, celles qui s’arrachent de la terre comme les doigts crochus d’un revenant vengeur. Une colonie de fourmis qui s’avance en pointillés, parfois ligne, parfois courbe, parfois cercle, mais toujours en mouvement et dans le même sens. Leur acheminement avait quelque chose d’hypnotique. Elle s’abîma dans leur contemplation.        

876 mots


Le ventre creux | Typhon Gfo3

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Typhon Gargantua
Dim 05 Nov 2023, 19:03



Spécialités :
- Agilité : 12
- Force : 12
- Charisme : 10
- Intelligence : 21
- Magie : 11

Description : la forme humaine de Typhon est celle d’un homme dans la vingtaine d’une taille de 1 m 65. Obtenu par son pouvoir, Purification Eversha, cette forme humaine requière le sacrifice de la majorité de sa puissance physique et magique. Typhon s’en retrouve ainsi drainé de sa force, de son agilité, de son charisme et de sa magie. Seul son intelligence est épargnée. Il dispose autrement de toutes les capacités magiques de sa forme originale.



La vagabonde hésita avant d’accepter l’invitation de Typhon, permettant à ce dernier de mieux observer l’état de son invitée. Pour sûr, elle n’allait pas bien, mais encore fallait-il déterminer le contexte avant d’offrir aveuglément de l’aide. Visiblement, la jeune femme adoptait une posture tendue, prompte à prendre la fuite au premier signe de danger. Il devait s’agir d’un réflexe, car le chasseur n’était pas certain qu’elle en ait encore la force. Son physique témoignait d’une malnutrition prolongée. Plus encore, son teint cadavérique laissait à penser qu’une blessure se dissimulait sous ses vêtements.

« Bon, réfléchi mentalement Typhon, à quoi est-ce que j’ai affaire ? Pas d’anti-magie, alors ce n’est pas une Humaine. Hum… Son aura est très faible, mais je pense qu’elle n’est pas ténébreuse… »

Malheureusement, il n’y avait rien de plus à tirer d’une observation sommaire de la jeune femme. Les limitations de la forme humaine de Typhon ne lui permettaient pas de percevoir la faible aura magique qui émanait de son invité. Elle était trop affaiblie physiquement et cela se reflétait sur sa magie. Il en aurait été une autre histoire si le changeur de forme avait eu sa forme monstrueuse naturelle. Or, le chasseur n’avait d’autre choix que de se servir de sa tête s’il ne voulait pas faire fuir la nécessiteuse. Qu’importe ce qu’elle était, un chasseur-cuisinier digne de ce nom ne pouvait pas abandonner ainsi une affamée à son sort.

« Réfléchi Typhon, réfléchi… »

Les commentaires de cette jeune femme indiquaient qu’elle n’était pas perdue. Pourquoi autrement proposer ses services en échange de l’hospitalité ? Une perdue aurait plutôt fait le souhait de retourner à Vervallée, ou au plus proche village. Dans un même ordre d’idée, ne pas demander à quitter la forêt en dépit de son état indiquait que la vagabonde ne devait pas avoir une bonne réputation avec le milieu civilisé. Et puis, il y avait le commentaire sur la pauvreté. Peut-être s’agissait-il d’une voleuse ?
«  Tu es mon invité, pas ma servante, annonça Typhon avec un sourire qui se voulait amical au visage. Quel genre d’hôte serais-je si je faisais payer mon hospitalité !?! Fais-moi plaisir et accepte simplement de me laisser partager mon repas avec toi !  »

C’est avec douceur et des gestes lents que le chasseur éloigna la viande du feu. Elle n’était pas encore tout à fait prête, mais le cuisinier ne pouvait présentement pas y consacrer l’attention qui lui était nécessaire. La cuisson s’en trouverait appauvri, mais l’arrivée impromptue d’une bouche à nourrir nécessitait une attention particulière. Typhon se leva, évitant soigneusement les gestes brusques et s’approcha progressivement de la jeune femme pour avoir une meilleure idée de son état. Il se garda d’offrir un contact physique, tout comme il chercherait à le faire pour amadouer progressivement une bête sauvage dans le besoin.
«  En vérité, affirma Typhon en s’accroupissant au côté de la vagabonde, tu n’es pas plus en état d’honorer ton offre que de comprendre sa valeur. Une semaine. C’est le minimum qu’il me faudra pour rétablir ton corps et ton esprit. Ensuite tu choisiras ce qu’il te convient de faire si tu souhaites me remercier.  »

Le chasseur resta en position basse en reculant de quelques pas avant de lentement se redresser et retourner de l’autre côté du feu. Il prit un tout petit bol fait de pain, qu’il garnit de salade aux baies et à la menthe et d’un tout petit morceau de viande, cuite et assaisonnée à point, ainsi que de quelques morceaux de champignons grillés. Il y avait toutefois là qu’une infime partie du festin et tout juste de quoi faire une entrée, même en considérant le bol comestible.

Prenant quelques instants pour soigner la présentation de son mets, Typhon retourna du côté de son invité et déposa le modeste bol sur un petit tapis de fourrure, à quelques pas de la vagabonde. Le cuisinier retourna ensuite s’asseoir de son côté, puis remit le reste de la viande au-dessus des braises de son feu de cuisson. Il procéda ensuite à lentement faire tourner celle-ci pour qu’elle cuise sur tous ses côtés.
«  Je te servirai autant de tisane qu’il te plaira, mais c’est tout ce que je peux t’offrir aujourd’hui. Demain, tu recevras plus. Dans une semaine, tu recevras une pleine portion. Reste avec moi jusqu’à la prochaine pleine lune et tu auras droit à un festin traditionnel eversha.  »

L’état de famine était une affliction bien connue des cuisiniers. Le profane pouvait penser qu’il suffisait d’offrir de copieux repas pour faire retrouver la santé, mais les conséquences d’un tel geste pouvaient être mortelles. Connaître le pourquoi du comment dépassait les compétences culinaires, mais reconnaître cet état physique était particulièrement important pour la réputation d’un cuisinier. Car rien n’était pire pour un maître des arts culinaires qu’un client décédant des suites d’un repas inapproprié. Et c’était peu dire, car le maître de Typhon en la matière fut un Démon pour qui la vie avait bien peu de valeur. Le cas présent, l’état de faiblesse de la vagabonde laissait penser que son corps s’autocannibalisait pour subvenir à ses besoins. Le remède était donc de « convaincre » le corps d’à nouveau puiser son énergie dans l’alimentation.

Une semaine était un court délai pour retrouver la santé, ce pourquoi Typhon cherchait à attiser la cupidité et la curiosité de son invité pour lui convaincre de rester plus longtemps. À quelques nuits de la nouvelle lune, la pleine lune aurait lieu dans un peu plus de deux semaines. Si la vagabonde acceptait de rester aussi longtemps, le cuisinier avait bon espoir qu’elle reprendrait du poids, et donc, la santé.
«  Permets moi de réitérer mon invitation comme il se doit. Je suis Typhon de Gargantua et voici le campement qui me sert à mener ma mission aux Terres de Lac Bleu. J’y séjournerai pendant encore plusieurs semaines, alors sent-toi libre de t’y établir avec moi, au moins jusqu’à ce que tu retrouves la santé.  »

983 mots
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Orenha
Ven 17 Nov 2023, 18:14


"Abundance" par Audra Auclair
Le ventre creux
Typhon & Orenha

Sans quitter du regard la procession de fourmis et leur rythme de marche régulier, constant, la Femme-Gerbille surveillait le chasseur qui évoluait dans son champ de vision. Elle avait remarqué la prudence qu’il mettait dans chacun de ses gestes, la douceur dans sa voix. Il voulait la mettre à l’aise. Rien dans son comportement n’évoquait la menace, la moquerie ou la ruse. Orenha en conclut qu’il était sincère. Pourtant, elle pouvait se tromper ; elle n’était pas douée pour lire les gens, en général. Mais depuis qu’elle avait quitté les siens, elle avait appris que parfois, certaines personnes aidaient les autres sans rien attendre en retour. Elle pensa à Zelphaba, la pourfendeuse de loups, et ceux qui l’avaient aidé à Basphel. Même un grand Dragon l’avait autorisé à voyager sur son dos. Elle, qui  ne possédait rien, qui ne valait rien.
De toute façon, elle n’avait pas assez d’énergie pour continuer à entretenir la méfiance, érigée autour d’elle comme un mur de paille susceptible de s’écrouler au moindre coup de vent.

Tandis qu’elle écoutait d’une oreille attentive l’homme lui parler, Orenha comptait dans un murmure presque inaudible les minuscules insectes noirs, machinalement. « ...seize, dix-sept, dix-huit, dix-neuf, vingt, un, deux, trois, quatre... » Elle n’avait appris à compter que jusqu’à vingt dans la langue commune et ne se permettait plus d’utiliser le dialecte de son peuple depuis qu’elle avait fui la meute. Il n’y a qu’à l’occasion de ses prières à Phœbe que les voyelles chaudes de sa langue natale refaisaient surface du fond de sa gorge et que les consonnes abruptes ricochaient de nouveau jusqu’à la pointe de sa langue.

Ce fut le fumet du bol posé à côté d’elle qui brisa le décompte. Après un dernier coup d’œil jeté au chasseur pour s’assurer de sa permission, elle se jeta sur la nourriture. Si la tisane lui avait paru merveilleuse, ce mets repoussait les limites de la satisfaction. L’arôme de la menthe lui envahissait le palais, rafraîchissant chaque bouchée qu’elle se forçait à mâcher jusqu’à l’excès pour ne pas que son corps, trop vide depuis trop longtemps et désorienté par l’apport brusque de nutriments, ne cherche à les rejeter. Lorsque le morceau de viande et les champignons furent avalés, elle picora les baies et les feuilles de salade avec plus de lenteur.
D’ordinaire, elle se serait sans doute contenté des fruits et aurait laissé le reste de côté. La viande la répugnait. Elle n’y voyait que la carcasse d’un être qui n’avait pas mérité de mourir pour elle – surtout pas pour elle.
Tout le processus impliqué dans l’acte de manger lui était pénible : devoir mastiquer des aliments - dont la texture la dégoûtait déjà le plus souvent - jusqu’à ce qu’ils se transforment en une bouillie encore plus désagréable, une boue visqueuse aux saveurs embrouillées et bâtardes, la sentir traverser son corps et la porter en elle jusqu’à ce qu’elle doive l’évacuer.
Aux plats de viandes et de légumineuses cuisinées, elle préférait les noix et les graines, les boissons épicées et les fruits gorgés d’eau, qu’elle grignotait à sa convenance. Bien entendu, ce régime alimentaire ne lui permettait pas une constitution saine et solide, mais elle survivait.

Seulement, l’état de famine dans lequel elle se trouvait lui faisait miraculeusement oublier ses réticentes habituelles. Alors qu’elle finissait de manger le pain qui avait accueilli son repas, l’odeur de la viande que l’homme avait remis à cuire la faisait déjà saliver. Bien que son estomac lui semble sur le point de craquer, ses sens en réclamaient toujours plus.

Un mot, cependant, vint lui glacer le sang et elle oublia momentanément sa faim et tout le reste. Eversha ? Est-ce qu’il savait ? Pour elle ? Ou parlait-il de lui-même ? La peur fit contracter les muscles de son ventre et de la nourriture remonta le long de sa gorge. Serrant les dents, la jeune femme se détourna pour qu’il ne puisse pas voir sa réaction.
Le mur de paille s’était de nouveau élevé. Elle tenta de réfléchir. L’aspect familier de son campement s’expliquait, s’il était lui aussi Eversha. Elle qui n’en avait jamais vu d’autres ne saurait comparer. L’homme ne présentait aucune caractéristique animale visible. Un pur sang ou un sang-mêlé comme elle, ou tout autre chose ; tout était possible.
Mais déjà, il enchaînait, et la pierre qui alourdissait son estomac doubla de volume.
« Typhon Gargantua ? » répéta-t-elle platement, dans un souffle, l’air bourdonnant à ses oreilles. Si elle ne le remettait pas tout à fait, ce nom lui était familier, elle l’avait entendu de la bouche de ses pairs, plusieurs fois. Elle ne l’avait pourtant jamais vu. Cela ne pouvait signifier qu’une chose : il était bien un Eversha et sans doute même une figure importante de la hiérarchie. Elle était si loin de chez elle et pourtant, ils l’avaient retrouvé. Jamais elle n’aurait imaginé qu’on souhaiterait sa mort à ce point.
« Es-tu… es-tu envoyé par les Kahfrel ? Non, par Phœbe elle-même ? » Elle s’était affalée sur elle-même, formant un petit tas minable de chair et de tissus, comme si les minces fils d’espoir qui la maintenaient encore en un seul morceau avaient enfin cédé. « Je ne voulais pas leur faire honte, ni à eux ni à Phœbe, c’est pour ça que je suis partie. » Elle discourait d’un air résigné, dénué d’inflexions plaintives. « Mais peut-être est-ce pour ça que je suis réellement tombée en disgrâce, ou bien peut-être qu’elle remonte bien avant tous ces évènements, qu’elle réside dans mon existence même, que ma naissance fut une erreur, que mon corps est habité par la mauvaise âme, ou inversement. D’abord, j’ai eu la bêtise de penser que je pourrais expier mes péchés par l’exil, puis j’ai eu l’arrogance de croire que je ne voulais rien quand en réalité, vouloir vivre était déjà un blasphème. » Un à un, elle lécha ses dix doigts. « Merci de m’avoir accordé ce dernier repas et pour ton chaleureux accueil. » La Femme-Gerbille leva le regard, fouillant de ses yeux le ciel zébré de branches en bataille pour faire ses adieux à l’astre nocturne. Un voile noir lui recouvrit les yeux et sa conscience s’éteignit aussi vite que la flamme vacillante d’une bougie.  

Message III | 1038 mots


Le ventre creux | Typhon Gfo3

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Typhon Gargantua
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Typhon Gargantua
Dim 19 Nov 2023, 17:55



Spécialités :
- Agilité : 12
- Force : 12
- Charisme : 10
- Intelligence : 21
- Magie : 11

Description : la forme humaine de Typhon est celle d’un homme dans la vingtaine d’une taille de 1 m 65. Obtenu par son pouvoir, Purification Eversha, cette forme humaine requière le sacrifice de la majorité de sa puissance physique et magique. Typhon s’en retrouve ainsi drainé de sa force, de son agilité, de son charisme et de sa magie. Seul son intelligence est épargnée. Il dispose autrement de toutes les capacités magiques de sa forme originale.



Comme rejet d’invitation, il y avait plus cohérent. Mais c’était le choix de la vagabonde et tout Eversha qu’il était, le chasseur n’insisterait pas. De l’aide, ça s’offrait, ça ne s’imposait pas. L’homme adressa donc une prière muette à son interlocutrice, lui souhaita verbalement bon courage pour la suite… et puis la jeune femme s’effondra.

Après quelques instants d’incertitude, le chasseur se leva et s’en alla confirmer l’état de la vagabonde. Son corps était inerte, mais elle respirait toujours. C’était un bien mauvais signe. Si Typhon n’avait jamais douté de la pertinence des guérisseurs, il regrettait de ne pas avoir prêté plus attention aux conseils de son défunt compagnon d’armes qui exerça cette profession. Enfin, il n’était jamais trop tard pour apprendre.
«  Je n’ai aucune idée de si tu m’entends, mais je vais quand même te parler. Il parait que ça aide. Première étape. Je vais retirer tes vêtements pour voir si tu es blessée, commenta Typhon alors qu’il dénudait la vagabonde. Ouais, blessures multiples par morsure de Vampire. Principalement les bras, mais aussi les cuisses. Pas étonnant que tu as perdu connaissance, il ne doit pas te rester beaucoup de sang. Bon, nettoyons tout ça.  »

Déplaçant l’inconsciente à l’intérieur de sa tente, Typhon déposa celle-ci sur le matelas de branches de pin recouvert de couvertures. Puis, à l’aide d’un seau d’eau, d’une barre de savon odorant et d’un linge propre, le chasseur s’appliqua à nettoyer les plaies de la vagabonde. La nudité étant une banalité chez les changeurs de forme, le chasseur ne se donna pas la peine de protéger l’intimité de la jeune femme. Avoir une vue d’ensemble lui permettait de mieux observer les actions et les réactions du corps de sa patiente. Et surtout, Typhon put confirmer que la femme était une changeuse de forme. C’était une Wynmeris Anba, comme son épouse, reconnaissable par une tache de naissance très caractéristique.

L’information était pertinente, car une technique de survie typiquement eversha consistait à récupérer de ses blessures en forme animale. Cela dit, la jeune femme venait de manger, alors le soigneur amateur voulait éviter que la transformation rejette cette nourriture dont ce corps en carence avait tant besoin. Qui plus est, la faiblesse physique de la changeuse de forme appauvrissait davantage une magie peu développée. Dans cet état, Typhon ne donnait guère de chance à la vagabonde de se transformer, volontairement ou non. C’était bien dommage.
«  Bien. Prochaine étape. Il faut nous assurer que tu digères ton repas. Tu vas avoir besoin d’énergie pour régénérer le sang que tu as perdu. Je vais te faire un massage digestif. Ça ne sera pas agréable.  »

Frottant ses mains ensemble pour générer de la chaleur, Typhon s’appliqua à masser le ventre de la vagabonde afin de stimuler les mouvements digestifs naturels de son corps. En état de famine, le système digestif était lent et amoindri. Le massage allait engendrer une force mécanique sur les organes, leur redonnant une partie de leur efficacité normale. Ce massage consistait en une série de pressions délicates, débutant sous les seins pour aller stimuler les organes, de la cage thoracique jusqu’au pubis.
«  Ce serait beaucoup plus simple si tu étais consciente. Bien, on dirait qu’il y a du mouvement là-dessous… Je vais laisser agir normalement quelques minutes. Profitons-en pour vérifier les muscles maintenant.  »

Les plaies nettoyées et pansées et l’estomac reparti, Typhon passa en revu le reste du corps partiellement inerte. L’aspirant soigneur ne sentit pas d’os brisés sous ses doigts. Il ne sentit pas grand-chose d’autre de prometteur cela dit. Les muscles étaient atrophiés, possiblement, le signe d’une malnutrition persistante. Cela dit, le corps ne présentait pas les déformations qu’une carence alimentaire aurait pu infliger si la jeune femme avait été mal nourrie depuis sa naissance. Ça laissait présager une enfance relativement saine et une malnutrition possiblement récente.

« C’est une Wynmeris Anba. Je ne vois pas de marque d’esclave, alors elle a probablement vécu une enfance normale jusqu’à l’éveil de son Totem. J’imagine que c’est soit une fugue, soit un exile. Ensuite, elle a parlé de Phœbe… C’est aussi quand j’ai prononcé le mot Eversha, et à nouveau quand je me suis présenté, qu’elle a réagi. Ouais… ça veut tout dire et ne rien dire en même temps ! »

Typhon ne disposait pas assez d’information pour déterminer si cette changeuse de forme était une exilée du Rocher au Clair de Lune, ou la descendante d’un couple interracial en fugue. D’un cas comme de l’autre, le Grand Totem ne pouvait pas fermer les yeux sur la vagabonde. Typhon avait un devoir auprès des Magiciens. Un animal Totem incontrôlé avait le pouvoir d’engendrer des monstres par sa morsure. Qu’importait ses origines, en tant que réceptacle, cette jeune femme ne pouvait pas être laissée sans surveillance en dehors des territoires evershas. Sa décision prise, Typhon reporta son attention sur la femme inconsciente et conclue l’examen sommaire de son état physique.
«  Je ne pense pas qu’il y ait de dommage irréversible au niveau des muscles et des articulations. Voilà le plan. Je vais alterner entre un massage digestif et un massage musculaire. Ça devrait aider à maintenir les fonctions vitales. En revanche, tu vas avoir mal partout quand tu vas te réveiller.  »

Le chasseur ne l’annonça pas verbalement, mais à partir de cet instant, la jeune femme était sous sa responsabilité. Survivrait-elle, se porterait-elle mieux, pourrait-elle s’intégrer à la société eversha ? Il y avait là bien des questions sans réponses et les nuits entourant la nouvelle lune, telle la nuit à venir, ne permettaient pas à Typhon de profiter des visions que lui conférait la déesse de la lune et de la nature. Toutefois, les signes ne présageaient pas un trépas immédiat, alors il se concentra sur cette bonne nouvelle.

955 mots
3e message
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Orenha
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Orenha
Jeu 30 Nov 2023, 00:13


"Abundance" par Audra Auclair
Le ventre creux
Typhon & Orenha

Dans la brume épaisse de son inconscience, Orenha s’enfonçait comme dans un lac sans fond. Elle avait beau sombrer encore et encore, la surface restait accrochée au-dessus de son crâne. Au milieu de la pénombre sibylline tremblotaient les contours d’un cercle argenté, et c’est lui qu’elle fixait en tombant, pas réellement intéressée mais plutôt mue par cette indolente curiosité de ceux qui ont baissé les bras mais n’ont pas encore fermé les yeux. Elle aurait pu crever la surface d’un geste, d’une chiquenaude de ses longs doigts maigres ; elle n’en avait pas envie. Ses jambes restaient inertes, des poids l’emmenant vers le fond. L’eau s’était densifiée et refroidie, l’avait délestée de ses vêtements qui avaient flottés dans les hauteurs avant de se dissiper en écume mousseuse.

Au loin une voix se déroulait sans discontinuer, assourdie par le silence mais diligente. C’était cette voix qui maintenait la surface au-dessus de la tête de la Femme-Gerbille. Les mots avaient charmé des plantes aquatiques, tiges de lotus et de nénuphars ; elles avaient émergé des abysses pour se tisser dans son dos, douces et parfumées, caressantes et purifiantes. Orenha aurait voulu leur dire que c’était inutile et qu’elles s’échinaient pour rien. Son corps était creux de l’intérieur ; elle revoyait comme des éclairs dans ses yeux les papillons qui avaient fourmillé sur sa peau et l’avaient vidée de sa substance. Elle aura tôt fait de s’éparpiller sur les galets du fond, de se décomposer dans la boue sableuse, loin de Phœbe et de son œil implacable. C’était ça, le rond d’ivoire qui scintillait derrière le miroir d’eau, elle le comprenait à présent.
Orenha ferma les yeux pour se soustraire à son jugement, pleine de honte, mais la Lune resta imprimée derrière ses paupières. Les lignes de ses courbes dansaient avec la brise et les ondulations de l’eau. Imperturbable et insaisissable.

Des créatures aux longues moustaches ondulées émergeaient maintenant de la végétation aquatique ; petites, les yeux sans paupières comme des perles noires, fourrure huileuse et longue queue qui ondoyait derrière elles en esquissant des sillons d’argent. Mi-rongeurs mi-poissons. Elle vinrent se blottir contre le ventre de l’Eversha. Chaudes, elles courraient et roulaient et fouissaient sans relâche.
« Lâchez-moi, laissez-moi, ça ne sert à rien. » protesta faiblement Ren, effrayée des changements qu’elle sentait dans son corps, de la vie qui résonnait et pulsait dans ses veines malgré elle ; elle avait mal et ça voulait dire qu’elle existait encore.
Les museaux continuaient de s’agiter, étrangement humides, sondant ses plaies et éprouvant sa chair, les dents s’enfonçant dans ses muscles sans forces et les vibrisses lui chatouillant sous les coudes et les épaules. « Non, je ne veux pas. » Sa voix était plus forte, plus claire. La sueur coula dans sa bouche, salée, se dilua dans l’eau douce. Elle voulut esquisser un mouvement pour chasser les gêneurs et réalisa qu’elle en avait l’énergie. Au fur et à mesure que les mécaniques de son corps se remettaient laborieusement en mouvement, les pattes des créatures se faisaient plus précises et plus puissantes ; leurs petits corps pressés les uns contre les autres formaient une paume lourde et massive qui la pétrissait avec vigueur. Non, ne me rendez rien, ne remettez rien à sa place, laissez-moi pourrir tout en bas. Chaque objection qu’elle jetait dans le vide était plus tangible que la dernière. Sourdes, les bestioles serpentaient maintenant le long de son épine dorsale, sautillant sur les vertèbres, rigoureuses et scrupuleuses. C’était douloureux mais c’était bon.
Désespérée par ce reflux de vitalité,  la jeune femme se mit à battre des pieds pour s’éloigner de la surface, de Phœbe, pour aller s’enterrer là où le clair de Lune ne l’atteindrait jamais plus. Mais elle avait beau s’orienter dans tous les sens, chacun de ses gestes la rapprochait en réalité de ce qu’elle cherchait à fuir. Lorsqu’elle sentit que l’inévitable allait la frapper de plein fouet, elle gonfla ses poumons pour hurler.

« Non ! »

Ses oreilles se débouchèrent d’un coup. L’obscurité la fit cligner des yeux, infiniment plus dense et réelle que dans son lac de brume éthérée. Dans les ombres et la confusion, le filet de voix qui l’avait guidée jusqu’ici était désormais limpide et elle remonta à sa source comme elle avait remonté le ruisseau un peu plus tôt. À chaque seconde qui s’égrenait, un élément prenait forme, se précisait. Sur elle, les mains larges. Le parfum de savon et de pin. La brise qui faisait frissonner sa peau nue. Les pans protecteurs de la tente, à la fois murs et plafonds. Au bout des bras au-dessus d’elle se tenait un homme : le chasseur. Comme un bois humide qui s’embrase enfin, les souvenirs de la Femme-Gerbille s’entrechoquèrent brutalement dans son esprit pour s’emboîter avec netteté.
« Alors, tu ne voulais pas me tuer. » constata-t-elle d’une petite voix. Elle ne bougea pas tout de suite ; son corps lui donnait l’impression d’avoir été roué de coups. Ce n’est pas ce qui était arrivé, cependant. « Tu ne me veux pas de mal. » Si elle n’avait pas compris les mots qu’il lui avait dit pendant qu’elle était inconsciente, elle en avait saisi la chaleur. « Je t’ai entendue tout au long de mon sommeil. Tu n’as pas voulu me laisser couler au fond. Pourquoi ? » Ses interrogations étaient sincères. Même si il n’avait pas de mauvaise intention à son égard, pourquoi l’aider et la soigner alors qu’elle n’avait de toute évidence rien à lui offrir ?

Une grimace froissa un instant son visage lorsque doucement, elle entreprit de se redresser à demi. Ça ne la dérangeait pas d’être étendue ainsi, nue, dans la tente d’un inconnu. Petite, lorsqu’on se souciait encore un peu d’elle, on l’avait souvent envoyée chez le guérisseur. C’était des moments de chaleur, d’attention et de soin qui constituaient encore de précieux souvenirs.
De plus, la nourriture dans son estomac ainsi que son bref repos avaient apaisé ses nerfs et estompé ses craintes. Cet inconnu lui était plus familier que quiconque elle avait pu rencontrer depuis sa fugue. Après avoir repris son souffle et le fil de ses pensées, la jeune femme fit un dernier effort et parvint à s’asseoir. Il lui semblait que pour la question qu’elle s’apprêtait à lui poser, c’était important.
« Qui es-tu, Typhon Gargantua ? » Elle secoua la tête, la bouche plissée dans une moue désapprobatrice. « Oh. Je crois que c’est plutôt mon tour. Je suis Orenha. Je pense que tu le sais, mais je suis aussi une Eversha. Je ne porte plus le nom de la meute où j’ai vu le jour. Ni aucun autre. Juste Orenha. » Interruption songeuse. Qu’avait-elle de dire de plus à son sujet ? Qu’est-ce qui lui appartenait, à elle et rien qu’à elle ? Il y avait bien ça – mais c’était une confession bien douloureuse à faire à un membre de sa propre race. « Mon animal Totem est la Gerbille. » Maintenant, il savait ce qu’elle valait – c’est-à-dire rien. Si il avait encore des espoirs à ce sujet, il pouvait les abandonner. « Elle est ici, quelque part. Elle se cache ou elle dort. » Son doigt s’enfonça dans le creux de sa poitrine. Il lui semblait qu’elle ne sentait plus sa présence récemment, ou très faiblement. Songeuse, elle releva la tête sur le chasseur sans toutefois le regarder directement dans les yeux. « Que se passerait-il si je l’affamais pour qu’elle ne se réveille plus jamais ? »

Message IV | 1246 mots


Le ventre creux | Typhon Gfo3

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Typhon Gargantua
Lun 04 Déc 2023, 03:23



Spécialités :
- Agilité : 12
- Force : 12
- Charisme : 10
- Intelligence : 21
- Magie : 11

Description : la forme humaine de Typhon est celle d’un homme dans la vingtaine d’une taille de 1 m 65. Obtenu par son pouvoir, Purification Eversha, cette forme humaine requière le sacrifice de la majorité de sa puissance physique et magique. Typhon s’en retrouve ainsi drainé de sa force, de son agilité, de son charisme et de sa magie. Seul son intelligence est épargnée. Il dispose autrement de toutes les capacités magiques de sa forme originale.



La vagabonde reprise conscience au bout de quelques divagations auxquels Typhon ne porta guère d’attention. Le chasseur était plutôt concentré sur la respiration de la jeune femme. La reprise de vigueur du soulèvement de sa poitrine confirmait qu’elle prenait du mieux. Puis, les mots de plus en plus audibles et distincts s’enchainèrent. Il était d’ailleurs surprenant à quel point la Wynmeris était bavarde considérant sa situation. Typhon aurait préféré que sa patiente reste étendue, mais il ne s’opposa pas aux gestes de la dénommée Orenha.

Le chasseur s’accroupit derrière la vagabonde afin d’utiliser sa jambe droite pour donner un appui au dos de la jeune femme et ainsi maintenir le contact physique. Typhon recouvrit ensuite les épaules de sa patiente d’une couverture. Il se passa plusieurs minutes avant que le jeune homme accepte que l’état de santé de la jeune femme fût assez stable pour une conversation. Non pas qu’elle allait bien, mais la Wynmeris semblait avoir plus à bénéficier d’une réponse que du silence. Typhon poursuivit donc la conversation.
«  J’imagine que tu as caché ton Totem à ta meute et que tu t’es enfuie.  »

Le visage du chasseur s’encombra d’une profonde tristesse. Puis, doucement, le jeune homme enlaça Orenha d’un chaleureux câlin, une larme à l’œil. Typhon n’avait pas l’habitude des excès émotifs, mais sa forme humaine y était beaucoup plus sensible que sa forme originale. Maintenant qu’il avait une meilleure idée du passé de son invité, le chasseur ne pouvait tout simplement pas refouler les émotions qui le submergeaient.
«  Tu n’es ni une disgrâce, ni une honte. Phœbe m’en soit témoin, ta vie à de la valeur, Orenha. Je t’en supplie, laisse notre déesse te caresser du regard sans te dérober. Accroche-toi à la vie. Il y a une place pour toi en ce monde !  »

Tant bien que mal, et avec plus de mal que de bien, Typhon repris un semblant de contrôle sur ses émotions. Il libéra la vagabonde de son étreinte et chercha à prendre un air plus jovial. Il fallut trois tentatives, et plusieurs grandes respirations, mais éventuellement, les larmes cessèrent de couler. En dépit des apparences, toutefois, le Grand Totem réfléchissait et assimilait les informations qui lui étaient présentées. L’émotivité causée par les limitations de sa forme humaine affectait ses gestes et sa capacité à communiquer, mais pas son discernement.

La réalité était que l’avenir d’Orenha pouvait encore prendre un mauvais tournant. La décision finale lui revenait, mais Typhon avait des obligations qu’il lui incombait de respecter. Une Wynmeris errante qui ne maîtrisait pas son Totem représentait une menace qui pouvait troubler la paix en ces terres magiciennes. En ce sens, Typhon avait le devoir d’empêcher la vagabonde de commettre l’irréparable, soit la transformation d’un innocent en monstre Hesshas. Or, le jeune homme espérait y arriver sans qu’Orenha se sente privée de sa liberté. L’exilée avait déjà bien assez souffert.
«  Désolé… J’ai perdu l’habitude des faiblesses du corps humain. Alors, à mon tour. Dans la hiérarchie eversha, je suis Grand Totem. Je suis la voix des Hesshas et je représente les Evershas en dehors des territoires bénis par Phœbe. Ça peut sembler important, mais… Hum… Gardons la politique pour plus tard, tu veux bien ?  »

Typhon se donna quelques instants pour réfléchir à la suite des choses. Il voulait convaincre Orenha de mettre fin à son isolement et de revenir vivre chez les Evershas, mais sans brusquer la Wynmeris. Elle portait probablement des séquelles de sa jeunesse. D’abord, le chasseur devait éviter de pleurer en repensant à la misère qu’avait endurée la vagabonde. Puis, Typhon devait trouver le moyen d’être le plus honnête possible, car ses faiblesses émotionnelles faisaient de lui un piètre menteur. Un plan fut établi à la hâte et le jeune homme espérait tant bien que mal à aboutir au résultat souhaité.
«  Pour tout dire, je prends congé des responsabilités et des contraintes de ma position. J’ai inventé cette excuse de rapatrier les Evershas égarés pour justifier mon absence. Et puis, tu es venu à moi. Je ne peux donc pas vraiment ne pas faire ce que j’ai dit que je ferais… n’est-ce pas ? Alors ça serait vraiment sympa si tu pouvais jouer le jeu.  »

Typhon avait remarqué l’insistance des questions d’Orenha sur la gratuité de l’aide qui lui était offerte. Le chasseur espérait qu’en offrant une excuse égoïste, il convaincrait plus facilement la vagabonde de le suivre volontairement pour un temps. C’était une demi-vérité, ce qui permit au jeune homme de ne pas immédiatement désavouer son affirmation. La vérité entière, c’était que le but premier de l’escapade de Typhon était de mieux maîtriser sa forme humaine nouvellement acquise. Le congé de responsabilités était simplement une nécessité du projet. Quant au rapatriement des Evershas errants, ça aussi, c’était partiellement vrai. C’était l’excuse publique.

L’interaction actuelle démontrait très bien la nécessiter de cet entraînement. C’était évidemment un sujet de raillerie à l’encontre du chef de meute qui devait réapprendre les bases de ce qu’était vivre comme un changeur de forme. Or, un Grand Totem des Evershas ne pouvait pas simplement disparaître dans la nature sans éveiller la curiosité de ses rivaux. Une armée d’espions aurait alors été dépêchée pour épier ses faits et gestes, pour comprendre ses motifs… et probablement aussi saboter ses efforts. Rien de tel, dans ce cas, que d’entamer un travail pertinent, mais long et ennuyant.
«  Si tu te sens assez forte, allons discuter près du feu. Maintenant que tu es réveillé, j’aimerais que tu boives plus de tisane.  »


919 mots
4e message
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Orenha
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Orenha
Sam 06 Jan 2024, 21:41


"Abundance" par Audra Auclair
Le ventre creux
Typhon & Orenha

Lorsque la couverture se drapa autour d’elle, Orenha laissa retomber son menton vers l’avant, paupières fermées. Parler l’avait épuisée. Elle ne voulait pas dormir, ne craignait pas de s’évanouir de nouveau ; le simple contact du tissu épais contre sa peau nue avait suffit à abattre les maigres défenses qui s’étaient érigées à son réveil. Comme une paume pressée sur l’épaule qui dirait « je t’entends ».
Elle avait confirmé les suppositions de Typhon d’un léger hochement de tête. Elle ne percevait ni dégoût ni ressentiment dans ses mots mais elle n’avait pas osé relever le regard pour étudier son expression, de crainte de se tromper. C’est pourquoi elle ne vit pas venir l’étreinte qui assombrit soudain son champ de vision. Immédiatement, elle se raidit, les muscles du ventre contractés  comme dans l’attente d’un coup. La Femme-Gerbille ouvrit la bouche sans émettre un son. Elle ne comprenait pas ce qu’il se passait.
Elle sentait le souffle du chasseur au creux de son oreille, et lorsque ses paroles de réconfort se mirent à affluer, elle se surprit à les boire comme elle avait bu la tisane ; goulûment mais sans gourmandise, comme si les mots comblaient un besoin vital qu’elle n’avait jamais soupçonné et qui avait été négligé depuis toujours. Si elle n’acceptait pas leur sens, elle les accueillait avec autant de gratitude que de confusion.
Son corps finit par se relâcher entre les bras qui l’entouraient. Elle appuya sa joue contre l’épaule de l’homme, huma son parfum, odeur de forêt et de feu de bois. Elle se revit enfant, toute jeune, lorsque sa mère la laissait encore enlacer sa taille épaisse et enfouir son visage dans le ventre ramolli par les grossesses. Pensait-elle déjà que sa vie n’avait pas de valeur alors ? Tout doucement, elle avança les bras et rendit son étreinte à Typhon.

Il s’éloigna et elle papillonna des paupières pour reprendre pied avec le présent. Des volutes de souvenirs s’accrochaient au bout de ses doigts. Elle les plia et les replia lentement pour s’en débarrasser. Inconsciemment, ses respirations s’accordaient à celles de Typhon. Elle suivait du regard les larmes couler sur ses joues. Ses yeux à elle étaient secs ; elle se demandait si elle devait s’excuser ou le remercier de pleurer pour deux.

Ce qu’il dit ensuite l’empêcha d’articuler le moindre mot. Elle n’eut pas le temps d’assimiler la première information que la deuxième vint l’ébranler, toute aussi lourde de sens. « La voix des Hesshas ? » répéta-t-elle à mi-voix. Était-ce possible ? On lui avait présenté ces êtres comme des monstres, des abominations sauvages et hors de contrôle. Chez elle, on ne parlait pas de ces créatures ; et lorsque c’était le cas, c’était avec un dédain voilé de crainte. Elle n’en avait jamais vu de ses propres yeux. L’homme qui lui faisait face, pourtant, lui semblait tout à fait inoffensif et civilisé. Il avait fait preuve à son égard de plus de douceur que n’importe qui dans sa meute ne l’avait fait. Il l’avait nourrie, lavée, cajolée. Il avait pleuré. Lui, un monstre ?
Si la jeune femme avait été capable d’émettre des doutes envers qui que ce soit, sans doute en aurait-elle nourri quelques-uns envers le chasseur. Outre son apparence humaine, il ne dégageait de lui aucune force ni charisme particuliers. Pourtant, il affirmait être un Grand Totem. Orenha n’en avait jamais vu. La meute des Kahfrel n’était pas assez importante pour en comporter un ; elle s’était formée dans l’anarchie la plus totale et n’avait pas été reconnue par la Déesse Totem.
Leur ambition dévorante les faisait évidemment convoiter le pouvoir qu’impliquait d’être Grand Totem et nombreux furent les Augures qui s’étaient entre-tués dans leur entreprise de se faire une place dans la hiérarchie Eversha ; en vain.

« Je ferai ce que tu me dis de faire, Typhon Gargantua. » répondit la Femme-Gerbille entre ses lèvres serrées, le front bas. Elle avait de nouveau adopté sa déférence habituelle, par réflexe et surtout parce qu’elle ne connaissait que cette façon de relationner avec les autres. Toute sa vie, elle l’avait passée au plus bas de l’échelle. Cela dit, elle n’avait jamais eu à se poser la question de comment se comporter face à quelqu’un d’un rang aussi élevé ; aux yeux de ceux qui avaient de l’importance, elle n’existait pas. Au mieux, elle était une ombre, une brise. Intangible et insignifiante.
« Pardonne-moi d’avoir blasphémé. » ajouta-t-elle en se relevant précautionneusement. Sa tête lui tournait encore un peu et elle manqua de chanceler lorsqu’elle fit son premier pas. Malgré la soumission dont elle faisait preuve, elle n’hésita pas à prendre appui sur Typhon. Si leurs rangs respectifs et la façon dont il la traitait la plongeaient dans la confusion, au fond d’elle, elle avait cessé de le craindre. Son corps réagissait de façon pragmatique aux soins qu’il avait reçu.
Lorsqu’elle fut certaine d’être suffisamment en forme pour marcher, Orenha resserra la couverture autour d’elle et fit signe à l’Eversha qu’ils pouvaient continuer.

Les braises étaient encore vives lorsqu’elle se rassit devant le feu. Les flammes, menues mais énergiques, faisaient doucement gronder le bois sous elles. Orenha profita un moment en silence de leur chaleur. Ses doigts lâchèrent la couverture pour aller distraitement tresser les cheveux lavés de frais qui gouttaient encore sur sa poitrine. Elle aimait se sécher à la chaleur d’un feu de bois car ainsi elle en gardait l’odeur sur elle. « Je te remercie une fois de plus pour ton hospitalité. » Cette fois, elle osa hasarder son regard sur le visage de son interlocuteur, sans toutefois aller jusqu'à le fixer dans les yeux. « Je n’ai jamais connu ni Grand Totem, ni Hessha. » dit-elle platement, plus pour elle que pour lui.
Soudain, un éclair traversa ses traits. « Tu as des livres ? » demanda-t-elle, sans réaliser à quel point ses propos étaient décousus. Elle venait de réaliser quelque chose et était soudain très pressée d’avoir la réponse à sa question. Des yeux, la jeune femme se mit à fouiller les environs.

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Le ventre creux | Typhon Gfo3

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Dim 14 Jan 2024, 18:35



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Description : la forme humaine de Typhon est celle d’un homme dans la vingtaine d’une taille de 1 m 65. Obtenu par son pouvoir, Purification Eversha, cette forme humaine requière le sacrifice de la majorité de sa puissance physique et magique. Typhon s’en retrouve ainsi drainé de sa force, de son agilité, de son charisme et de sa magie. Seul son intelligence est épargnée. Il dispose autrement de toutes les capacités magiques de sa forme originale.



La santé de la dénommée Orenha semblait plutôt stable. Elle réussit à se déplacer et à parler de façon cohérente. L’expérience limitée de Typhon en soins ne lui permettait toutefois pas de connaître l’étendue des dégâts que la vagabonde avait soufferte. Il avait malgré tout bon espoir qu’un rétablissement était possible. Enfin, encore fallait-il que la Réceptacle cesse de s’autodétruire. Ses précédents commentaires sur son désir de mourir ou encore de se débarrasser de son Totem contrastaient avec le développement de son corps. Elle n’était tout simplement pas dans un état physique laissant présager une enfance difficile. Cela signifiait que le problème venait d’ailleurs.

L’acquiescement d’Orenha quant à sa fugue laissait supposer que sa meute d’origine n’était pas en cause avec ses malheurs actuels. Certains membres étaient certainement la cause de la fugue, toutefois. Cela dit, le Totem de la gerbille était un Totem désirable. Un animal de petite taille, ne nécessitant presque pas d’eau pour survivre, avec une excellente ouïe, était excellent pour former une éclaireuse, une espionne ou encore une messagère. Il était donc possible de supposer que la jeune femme ne partageait pas les valeurs de sa meute, ce qui entraina un conflit. En dépit de la qualité de son Totem, toutefois, le statut de sang-mêlé d’Orenha lui donnait une piètre valeur d’échange. Rejoindre une autre meute n’aurait pas été aisé. Laissant momentanément de côté ses interrogations, le chasseur fit de son mieux pour soutenir la vagabonde, tant moralement que physiquement.

S’assurant que la jeune femme installée près du feu ne nécessitait pas une intervention immédiate, Typhon laissa momentanément Orenha seule pour aller remplir sa casserole d’eau au ruisseau non loin du camp. Le chasseur revint quelques minutes plus tard avec de l’eau et des ingrédients cueillis sur le chemin pour produire une plus grande quantité de tisane. Ajoutant du bois pour raviver les flammes du feu, le jeune homme positionna la casserole afin d’y faire bouillir l’eau. Ceci fait, Typhon inspecta le morceau de viande à moitié cuite qu’il avait mis de côté. La cuisson ayant été interrompue, le cœur de la viande n’avait jamais atteint sa température de cuisson. Jugeant que les dégâts étaient minimaux, le cuisinier replaça la viande au-dessus des flammes. La pièce serait bien moins gouteuse avec une recuisons, devenant sèche et dure. Elle serait toutefois comestible.

Reportant son attention sur la vagabonde, Typhon fut surpris par la question d’Orenha. Les livres étaient rares et précieux chez les Evershas. Puisque la plupart des meutes du Rocher au Clair de Lune étaient nomades, s’encombrer de livres n’était possible que pour les meutes les mieux nanties. À l’inverse, l’Antre des marais était si humide que la pourriture et les insectes ravageaient tout ce qui n’était pas gravé dans la pierre. C’était donc trois informations cruciales que Typhon venait d’apprendre. D’un, Orenha était fort probablement originaire du Rocher au Clair de Lune. De deux, elle avait appris à lire. De trois, sa meute était influente.
«  Les livres sont rares chez les Evershas. Nous avons plutôt pour traditions de raconter notre savoir. Je ne suis pas conteur, mais je ferai de mon mieux s’il y a quelque chose que tu veux savoir.  »

Jugeant qu’Orenha était assez lucide, Typhon voulait questionner à son tour la vagabonde, mais il jugea bon de patienter encore un peu. Le chasseur offrit une nouvelle tasse de tisane fraichement infusée à la jeune femme, ajusta la position de sa pièce de viande pour y griller un autre côté, puis s’en alla s’asseoir au côté de son invité. Il amorça la discussion en annonçant ce qu’il planifiait pour la Réceptacle. Puisqu’elle s’était soumise, aussi bien en profiter pour l’orienter sur la voie du rétablissement.
«  Voici le plan. D’abord, tu vas te reposer et boire autant de tisane que possible. Elle contient des vitamines que ton corps a besoin. Ensuite, nous allons déterminer ton régime. J’ai l’impression que tu as cessé de bien te nourrir depuis ta fugue. Enfin, je vais t’entrainer. Tu as visiblement quitté ta meute trop tôt et il te manque des compétences de base. Si tu écoutes mes conseils, tu te porteras mieux et tu pourras acheter le livre qu’il te plaira. Ne t’en fais pas, tu vas mériter ton salaire. Il y a beaucoup de cuir à traiter, alors une assistante me sera utile. Mais pas de raccourci. D’abord, tu te soignes, ensuite tu travailles.  »

Typhon misait sur l’attrait de la littérature pour tenter d’amadouer Orenha. Un livre aurait probablement facilité le repos de la jeune femme, mais le chasseur craignait que cette distraction cause plus de torts que de bien. Si elle pouvait se concentrer sur un objectif à atteindre, peut-être pourrait-elle accélérer son rétablissement. Le plan établi, le chasseur se risqua enfin à poser une question personnelle à la fugueuse.
«  Pour ton information, tu connais maintenant un Grand Totem et un Hesshas. Mais avant d’en dire plus, j’ai une question. Pourquoi as-tu une si faible opinion de ton Totem ? Et je me fous de ce que les autres pensent ou de tes origines. Ce que je veux savoir c’est ce que tu penses, toi. Libre à toi de blasphémer autant que tu veux si ça t’aide à mieux t’exprimer. Je veux entendre la vraie Orenha.  »

La réponse à cette question serait déterminante pour la suite des choses. Par leur nature, les Wynmeris Anba pouvaient avoir une relation conflictuelle avec leur Totem. Ils devaient tous apprendre à accepter ce qu’ils étaient et à prendre les décisions qui s’imposaient pour mener une vie satisfaisante. Malheureusement, ce travail d’introspection était rarement présent dans une société dominée par les Evergrims. Ces derniers étaient naturellement en harmonie avec leur Totem, alors la question ne se posait pas pour eux. Typhon ne pouvait toutefois pas croire qu’Orenha ne s’était jamais questionné sur ses désirs et ses aspirations. L’intuition du chasseur était que la vagabonde savait ce qu’elle voulait, mais qu’elle se le refusait pour une raison ou une autre.


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Mer 24 Jan 2024, 21:50


"Abundance" par Audra Auclair
Le ventre creux
Typhon & Orenha

La déception n’accabla pas la Femme-Gerbille très longtemps ; pas même assez pour que son ombre ne passe sur ses traits. Elle avait posé sa question comme on lance un filet à l’eau ou qu’on tend une main vers un arbre fruitier. Les grandes attentes, ce n’était pas pour quelqu’un comme elle.
Elle reporta son attention sur les flammes et leur chaleur caressante. Sa tête dodelinait légèrement, accompagnant en silence la mélopée que le sifflement du bois sec avait fait naître en son for intérieur.

« C’est rien. J’étais juste curieuse. » murmura-t-elle, et elle grimaça. Sa voix sonnait faux avec le chant des flammes.

Les contes ne l’intéressaient pas. Elle en perdait toujours le fil. Quelle que soit la teneur de l’histoire ou sa complexité, les mots finissaient toujours par se mélanger, s’embrouiller et se perdre. Elle se mettait à les chercher des yeux, au sol, entre les herbes hautes, dans la terre meuble, ou bien elle vérifiait qu’ils ne s’étaient pas accrochés aux branches des arbres ou dans les ronces d’un buisson. Même lorsqu’elle était parvenue à en ramasser quelques-uns, il lui fallait encore les assembler pour qu’ils forment un tableau cohérent, et alors c’était trop tard. Il ne lui restait plus que des syllabes éparses, des sons dont elle avait oublié l’intonation.

C’était peut-être pour ça que les livres l’attiraient autant. Les mots y restaient à leur place. Ils y étaient aussi physiques et tangibles que dans son imagination, et ils y étaient dans le bon ordre, attendant sagement qu’on les déchiffre. Ils consentaient à parler dans la tête des gens à leur propre rythme.
Les rares fois où Orenha avait pu contempler un livre, elle était restée de longues minutes à s’abîmer les yeux en tentant de percer le mystère de ces lignes, ces courbes et ces points, ces chuchotements pleins de secrets encrés sur le papier.

Peu de personnes savaient lire, chez les Kahfrel. C’était un enseignement accessible aux adultes qui le souhaitaient, mais la plupart s’accordaient à dire que c’était une perte de temps.
Pour un Eversha à qui la force et l’agressivité faisaient défaut, ça pouvait être un moyen de ne pas se faire évincer de la meute. On tenait à garder ce savoir, bien pratique pour le commerce ; ainsi, les « érudits » étaient plus ou moins laissés tranquilles.
Suivant cette logique, ceux qui étaient les plus proches de Phoebe finissaient toujours par apprendre à lire et à écrire. C’était ce qui avait poussé Orenha à former l’espoir que l’homme qui l’avait recueillie avait en sa possession un livre ou deux, en sa qualité de Grand Totem.

Lorsqu’il lui présenta une autre tasse de tisane fumante, la jeune fille s’en saisit avec moins de précipitation que la première fois. Elle s’emplit les narines de l’arôme piquante et but quelques gorgées tandis que Typhon se plaçait à côté d’elle. Par réflexe, son dos s’arrondit et elle se tassa sur elle-même. Elle lui lançait des regards par-dessous tandis qu’il lui exposait ce qu’il avait prévu pour elle. Sa diction claire lui permettait de rester concentrée sur ce qu’il disait. Elle opinait du chef ; bien qu’elle ne comprenait toujours pas pourquoi quelqu’un d’aussi grand avait décidé de l’aider, elle savait suivre des directives et obéir.

« D’accord. Je vais faire de mon mieux pour guérir au plus vite. Quant à l’entraînement… je ne suis pas très douée pour ça. Ma gratitude est déjà infinie, je ne veux pas t’éloigner trop longtemps de tes responsabilités et de ta meute. »

Sa question la prit au dépourvu. N’était-ce pas évident ? Elle cligna des yeux plusieurs fois et gigota sur son séant, mal à l’aise. Plonger le nez dans sa tasse ne lui laisserait que quelques secondes de répit. Ce n’était pas suffisant pour qu’elle parvienne à déterminer quelle réponse il attendait d’elle.
Comprendre les autres, deviner leurs intentions, anticiper leurs réactions ; tout autant de compétences que Ren n’était jamais parvenue à maîtriser, malgré leur importance dans sa survie. Lire les gens lui était d’une difficulté extrême. Le Grand Totem la testait-elle ? Il ne pouvait pas être sincèrement en train de lui demander son opinion. C’était absurde.

« Mon Totem… » commença-t-elle, les lèvres légèrement frémissantes. Une de ses mains s’était recroquevillée contre sa poitrine, les doigts crispés en un poing tremblant. Pour protéger son cœur ou bien l’arracher ?
« La Gerbille qui vit en moi… est faible. C’est sa nature. Être petite, faible, se faire chasser et être mangée : c’est son destin. Elle est une proie pour les autres. »
Elle lui jeta un nouveau coup d’œil en biais. Était-ce ce qu’il essayait de lui faire comprendre ? Qu’il lui fallait accepter le rôle que Phoebe lui avait assignée ? Fuir et survivre de son mieux jusqu’au jour où elle finira dans la panse de quelqu’un de plus fort ? Incertaine, elle se frotta le bras.
« Je suis juste… fatiguée de tout ça. » Courir, échapper à la mort, c’est toujours ainsi qu’elle avait vécu. Encore plus depuis qu’elle avait quitté la meute.
En se grattant, elle avait arraché une croûte. Distraitement, elle se mit à faire courir l’ongle sanguinolent le long d’une de ses jambes blêmes.
« Et je ne comprends pas tout. » La Nature engendrée par Phoebe était parfaite. Non seulement c’était ce qu’on lui avait appris, mais c’était le constat qu’elle se faisait chaque jour.
Cette Nature et son équilibre, délicat mais incontestable, elle l’aimait. Du plus petit insecte, celui qui ne vivra que quelques heures avant de s’accoupler et de mourir, jusqu’à l’arbre centenaire. Quel que soit leur rôle dans l’ordre des choses, ils lui gonflaient tous le cœur d’un profond amour. Pourquoi devait-elle se mépriser d’en faire partie ? Quelque part, tout au fond d’elle, elle apercevait la contradiction née de sa foi en Phoebe et des discours prônant la suprématie des plus forts qu’elle avait entendus toute sa vie au sein de la meute.
Elle n’osait cependant y mettre le doigt de peur de se le faire arracher d’un coup de mâchoire.
À cette idée, son corps eut un brusque mouvement de recul. Orenha s’ébroua pour chasser l’image de son esprit et se mit à fixer le dessin rouge qu’elle avait tracé sur son mollet. C’était une tentative maladroite de reproduire une lettre qu’elle avait vue il y a longtemps.

« … ce n’est pas toujours si horrible, d’être une Gerbille. » finit-elle par admettre plus bas, après quelques secondes de silence. Elle ne cherchait plus à dire ce que le Grand Totem voulait entendre ; elle avait même oublié que c’était ce qu’elle essayait de faire en premier lieu.
« Quand elle s’empare de moi et m’enferme dans son petit corps, puis qu’on s’endort dans la forêt… au réveil, je me sens comme enveloppée par la paume protectrice d’un être géant et aimant. Oui, tout est plus grand, immense, même, mais ainsi, je me sens plus à ma place. C’est comme si, en me dévoilant des nouveaux passages, des raccourcis et des cachettes, la forêt s’ouvrait à moi. Même ses chuchotements me paraissent plus clairs. Même si c’est à la gerbille qu’elle s’adresse en réalité, et non pas à moi, pas exactement… ça me procure un sentiment de paix. »

La jeune fille s’interrompit. Elle avait beaucoup parlé, et elle ne savait plus où elle voulait en venir ni comment la discussion avait commencée. La fatigue s’abattit sur elle brutalement. Étouffant un bâillement, elle disposa la couverture sur le sol d’aiguilles et se pelotonna près du feu, juste assez près pour sentir la chaleur cuisante des flammes sur sa peau nue mais suffisamment loin pour ne pas se brûler. Le bois chantait toujours.

Message VI | 1282 mots


Le ventre creux | Typhon Gfo3

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Ven 02 Fév 2024, 18:49



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Description : la forme humaine de Typhon est celle d’un homme dans la vingtaine d’une taille de 1 m 65. Obtenu par son pouvoir, Purification Eversha, cette forme humaine requière le sacrifice de la majorité de sa puissance physique et magique. Typhon s’en retrouve ainsi drainé de sa force, de son agilité, de son charisme et de sa magie. Seul son intelligence est épargnée. Il dispose autrement de toutes les capacités magiques de sa forme originale.



Voilà qui apportait les dernières touches au portrait d’Orenha. Wynmeris Anba d’une meute de prédateurs du Rocher au Clair de Lune, la jeune femme se découvrit un Totem de gerbille. Du fait de son éducation, elle voyait en cet animal une vulgaire proie, bonne qu’à être dévoré par ses frères et sœurs. La honte l’avait poussé à s’exiler et s’en suivit un lot de mésaventures se terminant aux Terres du Lac Bleu. Typhon remarqua également que son invité n’était pas fondamentalement opposé à son animal Totem. Il y avait plus d’acceptation  que le Grand Totem s’attendait. C’était un bon point de départ.

Avec la luminosité déclinante du soleil crépusculaire, le chasseur s’étira et prépara le camp pour la nuit. Il s’assura que les peaux choisies pour le tannage soient bien entreposées et prêtes pour le travail du lendemain. Enfin, le chasseur cacha les morceaux de viande, salée, fumée ou séchée dans des caisses en bois au couvercle recouvert de pierres, puis nettoya rapidement ses outils. Jetant un dernier coup d’œil à l’ensemble, Typhon soupira à la vue de son camp, bien plus sale qu’il ne l’aurait souhaité. Ses connaissances et son expérience se heurtaient avec le manque d’adresse de sa forme humaine. Ça laissait le camp avec bien plus de sang et de divers rejets qui ne manqueraient pas d’attirer les bêtes sauvages. Enfin, ce n’était pas comme si un Eversha craignait la faune.

La distraction d’une invitée surprise laissait donc le chasseur dans l’embarras de l’état de son territoire temporaire. Et puis, Orenha avait choisi un bien mauvais endroit pour s’endormir. Celle-ci empêchait Typhon de simplement balayer les aiguilles et le feuillage morts pour au moins éloigner les déchets organiques de la tente. Enfin, ce qui était fait était fait. Il faudrait composer avec et gérer les conséquences au moment opportun. Le chasseur ajouta du bois pour le feu, suffisamment pour le tenir allumé, mais de sorte que la chaleur n’incommode pas la dormeuse. Il retira alors la viande du feu pour la laisser refroidir un peu. C’était à son tour, désormais, de se repaître.

Le jeune homme commença par se dénuder. Il se dévoila un corps vierge dépourvu de cicatrices ou encore des traces de l’exposition de la peau au soleil. Il s’agissait d’une habitude pour cet Eversha de prendre le copieux repas du soir nu comme un ver. Il épargnait ainsi à ses vêtements l’inévitable exposition aux restes de table. Ceux-ci furent plutôt rangés sous la tente, non loin des vêtements d’Orenha. Ainsi, au terme du festin, le jeune homme n’aurait qu’à se baigner dans le ruisseau pour être prêt pour le coucher.

Après trois jours à se contenter de maigres rations, le chasseur festoya comme il se devait. Il se gava de copieuses portions de viandes, de salade et de tisane. Un Eversha adulte devait pouvoir engloutir plusieurs kilos de nourriture lors d’un festin. C’était la réalité de bien des meutes que les périodes d’abondances étaient moins fréquentes que les périodes d’insuffisance. En considérant le mode de vie nomade de ces meutes, les adultes devaient pouvoir ingurgiter autant de nourriture que possible afin de bâtir des réserves de graisse. Ce n’est qu’ainsi qu’ils pouvaient laisser la nourriture à la disposition des enfants lors des moments difficiles. Si Typhon voulait utiliser sa forme humaine de façon significative auprès des changeurs de forme, il devait s’assurer qu’elle en avait les capacités.

La véritable forme du Hesshas était particulièrement vorace, le prix à payer pour sa grande puissance physique. C’est pourquoi il devait chaque jour engloutir un festin qui aurait comblé les besoins d’une petite meute. Il y avait donc une pertinence à trouver un compromis qui ne mette pas le Grand Totem dans l’embarras et qui n’épuise pas les ressources limitées des meutes qu’il visitait. Car la culture eversha valorisait la force, nul ne pouvait s’élever dans la hiérarchie sans faire la démonstration de sa valeur. C’est donc plein d’espoir que Typhon mordit à pleine dent dans sa juteuse pièce de viande.

***

Lorsque le feu de camp en fut réduit à ses braises et que la majorité du bois mis de côté fut brûlé, Typhon avait englouti les cinq kilos de viande qu’il avait préparés, ainsi que tous les accompagnements. Rien ne fut gaspillé, mais le chasseur eut du mal à tout ingérer. Et encore fallait-il digérer le tout. Après les heures requises à festoyer, la nuit avait étendu son emprise sur la forêt des Terres du Lac Bleu. Jetant un dernier coup d’œil en direction d’Orenha pour s’assurer qu’elle dormait toujours paisiblement, le chasseur partit en direction du ruisseau pour y faire sa toilette.

Massant son ventre à moitié immergé, Typhon était déçu de sa performance. Les capacités humaines du jeune homme dépendaient de ses connaissances anatomiques et des capacités de sa forme monstrueuse. Cette forme humaine ne pouvait ni être entrainée ni se développer par elle-même. Elle opérait avec des limitations strictes, telle une marionnette. Le soupir de déception se mua en rôt et le jeune homme se laissa tomber à la renverse dans le cours d’eau. Complètement immergé, Typhon utilisa ses fesses et ses pieds pour contrer le courant. Il retint ensuite son souffle pendant quelques secondes avant de faire surface.

Maintenant qu’il était détrempé, le chasseur utilisa son savon pour rattraper la négligence des derniers jours. Entre la restauration du camp, la chasse et la solitude, le jeune homme n’avait pas été aussi assidu pour son hygiène qu’il aurait pu l’être. Pour cette raison, le lavage des vêtements s’ajouta aux tâches prévues le lendemain. Et puis, une journée à se prélasser nu au soleil semblait pertinente compte tenu des récents événements.

Se laissant bercer par l’écoulement des eaux du ruisseau pendant de longues minutes, Typhon réfléchi à sa situation ainsi qu’à l’utilité de sa forme humaine. Au vu de ses responsabilités, le Grand Totem ne pouvait se permettre de passer beaucoup de temps dans un corps avec les facultés d’un jeune adulte tout juste sorties de l’adolescence. Ainsi se dissipait son espoir de traiter sa forme monstrueuse tel un Totem et d’à nouveau vivre sous des traits humains. Enfin, c’était déjà un bon début. À sa connaissance, Typhon était le premier Hesshas à avoir ainsi réussi à outrepasser la principale contrainte de son affliction. Aussi chétive soit-elle, son apparence était humaine de l’extrémité de ses cheveux au bout de ses orteils.

Arrivé au terme de ses pensées, Typhon sortit du ruisseau et se sécha. Sa forme humaine avait sa pertinence, car elle permettait au chasseur d’interagir avec la jeune Orenha sans l’effrayer ou la dominer de sa présence. Ça lui suffisait pour le moment. Il ne restait plus au jeune homme qu’à profiter de sa panse bien remplie pour passer une bonne nuit de sommeil et peut-être même faire la grâce matinée. Enfin, ce dernier point allait dépendre de son invité.

***

De retour de sa baignade, Typhon déplaça délicatement Orenha sous sa tente. Il se faufila à son tour sous les couvertures pour se coller dos à la jeune femme et ainsi partager sa chaleur corporelle. Après avoir passé les dernières années en compagnie de sa meute, il était bien plus apaisant pour le chef de meute de s’endormir en compagnie d’une autre Eversha. La solitude des derniers jours avait été plutôt pesante pour le Grand Totem qui avait perdu l’habitude de vivre seul.
«  Tu sais, aucun Eversha ne devrait vivre seul, avoua Typhon à moitié endormi. Je suis passé par là. Ça n’en vaut pas la peine. Et il y a une place pour toi dans la meute de Gargantua.  »

Dans son état d’éveil limité, Typhon ne se souciait pas de savoir si Orenha l’avait entendu ou pas. En fait, il n’était même pas certain d’avoir prononcé ces mots. Il n’y avait donc ni insinuation ni arrière-pensée. Ce n’était pour lui qu’un constat. C’était par sa meute qu’un Eversha pouvait s’épanouir. Il s’agissait là d’une leçon que Typhon avait apprise à la dure lorsqu’il fut lui aussi séparé de sa meute et qu’il vécut en vagabond solitaire plusieurs années durant.


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Dim 18 Fév 2024, 18:07


"Abundance" par Audra Auclair
Le ventre creux
Typhon & Orenha

La conscience d’Orenha ne s’éveilla que brièvement lorsque Typhon la prit dans ses bras pour la déplacer dans sa tente, énième sursaut de vigilance, à peine un frémissement de paupières. Elle se savait en sécurité et était trop exténuée pour ne dormir que d’un œil comme elle en avait l’habitude.
Elle sombra aussitôt dans un sommeil profond, avide, réparateur, où les rêves et les cauchemars n’avaient pas leur place.

Elle en fut tirée de nouveau lorsque Typhon se glissa derrière elle, collant son corps frais au sien chaud de sommeil. D’abord contrariée par le brusque changement de température, la Femme-Gerbille se sentit bientôt submergée par un sentiment de reconnaissance. Elle n’avait pas dormi contre quelqu’un depuis longtemps. Chez elle, même si il n’y avait pas de règles strictes là-dessus, les enfants dormaient souvent ensemble. Ils formaient presque une meute à l’intérieur de la Meute ; mangeant, jouant, dormant ensemble, leur rythme de vie n’étant pas encore influencé par leur Totem. C’était plus simple et plus naturel ainsi.
La jeune Orenha, quant à elle, aurait préféré passer ses nuits lovée contre la fourrure de sa mère, mais n’en eut le privilège que lors des premières années de sa vie avant d’être chassée de sa tanière pour rejoindre les autres ; ces petits corps entassés les uns contre les autres, crasseux et odorants d’avoir bataillé dans la poussière toute la journée mais dont la sueur n’avait pas encore cette odeur âcre propre aux hormones fluctuantes de l’adolescence, comme une entité grouillante aux multiples bras et jambes, respirant le même souffle, lent et profond. Lorsqu’elle tentait de s’y fondre, la petite Ren ne semblait jamais trouver le bon creux ni le bon angle pour faire correctement partie du tout. Elle se sentait comme un corps étranger, une excroissance indésirable. Évidemment, pour l’enfant, ce n’était qu’un sentiment fugace, à peine discernable et bien dérisoire comparé au réconfort apporté par une nuit au chaud parmi les siens.
Lorsqu’elle grandit sans rejoindre le rang des adultes, les enfants l’exclurent de leur paillasse comme ils l’avaient exclue des autres moments de leur quotidien. Orenha avait tenté d’imaginer ce que ça aurait donné si elle avait tenté de les rejoindre, avec son grand corps maigre et blanc, allongé et sans formes ; d’excroissance, elle serait passée à l’os brisé qui déchire la chair.

Sous les couvertures, la température était devenue douce et tiède. L’Eversha se sentait comme dans un cocon douillet. Le Grand Totem l’avait acceptée, avait choisi cette configuration. Elle gigota un moment et se serra plus encore contre lui, somnolente et bienheureuse. Elle n’entendit ses paroles qu’au moment où le sommeil lestait ses paupières d’une chape de plomb.

Ses yeux s’ouvrirent brusquement. Une minute semblait s’être écoulée depuis qu’elle les avait fermés ; la lumière à l’extérieur de la tente contredisait cependant ce ressenti. Orenha était en nage. Le plus lentement possible, elle s’extirpa de sous les couvertures, bordant Typhon pour que la chaleur ne s’en échappe pas.
Dehors, l’aube nimbait la clairière d’une lumière douce et tamisée, semblable à la lueur d’une bougie. Les courbatures de la jeune femme l’obligeaient à se mouvoir avec mille précautions. L’envie de retourner dans la tente lui vint, mais elle savait instinctivement que son corps avait besoin de bouger. Progressivement, elle déroula ses bras, ses doigts, ses jambes, fléchit ses doigts et ses orteils. Elle laissa sa mâchoire se décrocher, laissant échapper un bâillement avant d’inhaler l’air frais. Celui-ci soufflait sur le film de sueur qui l’enveloppait, et, prise de frissons, elle se mit à chercher ses vêtements de la veille du regard.
Elle n’avait aucune idée de l’endroit où Typhon les avait rangés. Toujours aussi lentement, elle se mit à arpenter le campement, les doigts en suspens au-dessus des objets qu’elle trouvait sur son passage sans oser les effleurer tout à fait. Il ne lui avait pas donné la permission de toucher à ses affaires. Elle retrouva cependant sa besace.

Le feu ne chantait plus. Seules quelques braises rougeoyantes brillaient au milieu des cendres. Orenha hésita, puis se figura qu’il lui était autorisé de s’en occuper.
Après l’avoir ravivé, elle se réchauffa un long moment devant le feu crépitant, exténuée par ces menus efforts. Assise en tailleur, immobile, elle interrogeait son corps. Il avait mal. Soif ; un peu faim, mais surtout soif. La Femme-Gerbille repensa à la tisane, et de la salive inonda sa bouche. Comme en réponse à elle-même, elle secoua lentement la tête. « Je ne sais pas si j’ai le droit. »
Des frissons continuaient de picoter son épiderme. Elle sortit de son sac le seul vêtement qu’il lui restait : une grande chemise molletonnée mais déchirée à plusieurs endroits. Orenha pencha la tête, considérant les directives que lui avaient donné Typhon. Se reposer avant de travailler. Est-ce que repriser du tissu enfreignait cette règle ? Elle décida que non. C’était une corvée qui ne lui demandait quasiment aucun effort. Et elle ne pouvait certainement pas demander au Grand Totem de le faire pour elle. Son nécessaire à couture était basique : du fil et une aiguille.
Ses doigts étaient plus raides que d’ordinaire, mais une fois lancée, son esprit put errer à sa guise tandis que ses mains bougeaient toutes seules, rodées à l’exercice.

Les mots de Typhon avant qu’il ne s’endorme contre elle lui revinrent d’un coup. Elle se figea, la chemise retombant sur ses cuisses. Ses épaules se voûtèrent. Elle n’avait plus froid, mais les frissons se succédèrent en vagues sur sa peau ; ses poils étaient dressés comme les piquants d’un hérisson. Vivre au sein d’une meute ? De nouveau ? Non, non, non, jamais.
« Non, non, non » répétait-elle tandis qu’elle tentait de reprendre son ouvrage sans cesser de rater le trou de l’aiguille et de se piquer le bout des doigts.
Soudain, les flammes qui dansaient devant ses yeux lui apparurent comme la crinière ébouriffée d’un lion, le pelage fauve d’une bête en pleine course effrénée ; le bois ne craquait plus mais rugissait. Apeurée, la Femme-Gerbille s’extirpa avec peine de sa contemplation. Ses yeux retombèrent sur la chemise qu’elle tenait entre ses mains, et elle la rejeta brusquement au sol, la bouche ouverte sur un cri silencieux. Le tissu n’était plus qu’une peau déchiquetée dont les entrailles se déversaient par les trous, la guenille dépecée d’un cadavre, les seuls restes d’une proie qu’on avait traquée et dévorée. Orenha se leva d’un bond, insensible aux vertiges qui la faisaient tanguer. Elle chercha désespéramment du réconfort dans l’ordre du campement autour d’elle, mais des silhouettes fantomatiques rôdaient partout où elle posait le regard, se bousculant les uns les autres, renversant tout sur leur passage, copulant ou se battant sur les peaux de cuir.
Ren se recroquevilla sur elle-même et se mit à appeler la gerbille de toutes ses forces, des prières à Phoebe s’échappant de ses lèvres en un filet de voix rauque, croassements pieux et frénétiques.

Message VII | 1149 mots


Le ventre creux | Typhon Gfo3

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Typhon Gargantua
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Typhon Gargantua
Mer 21 Fév 2024, 03:25



Spécialités :
- Agilité : 12
- Force : 12
- Charisme : 10
- Intelligence : 21
- Magie : 11

Description : la forme humaine de Typhon est celle d’un homme dans la vingtaine d’une taille de 1 m 65. Obtenu par son pouvoir, Purification Eversha, cette forme humaine requière le sacrifice de la majorité de sa puissance physique et magique. Typhon s’en retrouve ainsi drainé de sa force, de son agilité, de son charisme et de sa magie. Seul son intelligence est épargnée. Il dispose autrement de toutes les capacités magiques de sa forme originale.



Le sommeil était bien étrange dans une forme qui n’était pas la sienne. Bien qu’il fût jadis un Eversha pur sang, Typhon n’avait pas encore l’habitude des transformations magiques traditionnelles. Si ce corps humain trouvait le repos, la conscience de Typhon conservait un état d’éveil pour maintenir la magie requise. L’avantage, c’était qu’en dépit du sommeil profond de son corps, Typhon maintenait la perception de son environnement. L’inconvénient, c’était que l’épuisement d’une journée de labeur n’était pas entièrement restitué par ce repos incomplet.

Un débutant aurait certainement été contraint de retrouver sa forme normale dès la première nuit. Or, le Grand Totem disposait d’un niveau de magie et d’endurance supérieure à la norme. Il avait donc confiance qu’il pouvait se maintenir ainsi encore de nombreuses nuits. C’est pourquoi Typhon « rêva » de retrouver sa forme féline par le biais de cette même magie. Ça ne lui redonnerait pas plus son Totem que sa fausse forme humaine, mais une imitation était préférable au néant. Avant sa rencontre avec Orenha, le Grand Totem avait jugé les efforts requis pour acquérir et maîtriser un tel pouvoir comme une perte de temps. Maintenant, toutefois, l’idée gagnait en mérite.

Étant donné sa position et ses responsabilités, Typhon avait perdu le contact avec la réalité courante des changeurs de forme. Oui, ses problèmes avaient le poids d’une montagne. Certes, ses ennemis lui étaient supérieurs. Mais, là, ici et maintenant, Typhon était un frêle humain partageant son lit avec une Wynmeris qui n’en menait pas large. Il ne pouvait se départir de sa forme monstrueuse de Hesshas, mais, de temps à autre, il pouvait s’éclipser de sa vie de Grand Totem pour rejoindre les gens normaux. Si un jeune homme agissait comme un Eversha et se transformait comme un Eversha, alors pourquoi ne serait-il pas perçu comme un Eversha ? En somme, peut-être y avait-il une valeur ajoutée à investir du temps auprès des gens normaux…

***

Lorsque l’aube commença à illuminer le ciel, Typhon avait pris sa décision. Il réapprendrait à se transformer en tigre et profiterait de l’occasion pour enseigner à Orenha à maîtriser son Totem. Il y avait un bon moment que le Grand Totem n’avait pas eu d’apprenti, mais la jeune femme méritait de trouver le bonheur… d’une manière ou d’une autre. Il ne restait qu’à déterminer comment aborder le sujet. Pour sûr, le chasseur n’allait pas permettre à la réceptacle de continuer à vagabonder de la sorte. Instable comme elle était, c’était dangereux, pour elle et pour son entourage. La question était de savoir si elle voudrait rejoindre la meute de Gargantua, aussi temporairement soit-il, ou si Typhon devait lui trouver une meute d’accueil qui veillerait sur elle.

Le chasseur remarqua immédiatement l’éveil de son invité, mais choisi de la laisser se débrouiller seule en laissant dormir sa forme humaine. Le Grand Totem était curieux de savoir ce qu’Orenha ferait. Voudrait-elle s’enfuir ? Voudrait-elle suivre ses directives ? Comment se comporterait-elle maintenant qu’elle n’était plus à deux doigts de s’évanouir ? En d’autres mots, Typhon se servait de l’apparente inconscience de son corps humain pour observer discrètement la routine matinale d’Orenha. Le chasseur délaissa bien vite son subterfuge, car son invité avait urgemment besoin d’aide.

« Mais c’est pas vrai ! »

Le jeune homme se précipita hors de la tente, incrédule devant l’état de la jeune femme. Elle avait mangé une portion adéquate pour son état de famine. Elle avait bu. Elle avait dormi paisiblement toute une nuit. Pourquoi est-ce qu’elle ne prenait pas du mieux ? C’est en s’approchant que Typhon comprit qu’Orenha essayait de se transformer. Sans succès, évidemment, car l’affamé était encore bien trop faible pour s’adonner à une activité aussi intense. Elle ne faisait que brûler des calories que son corps ne pouvait pas se permettre de brûler.

« Aux grands maux, les grands remèdes… »

Les pouvoirs de Typhon étaient égoïstes. Anciennement un vagabond solitaire, le changeur de forme avait développé les facultés qui lui permirent de survivre, de remplir son estomac et de vaincre ses ennemis. Sa prise de conscience du bien-être de ses semblables était un récent développement. Et encore, un chef de meute était le pillé central de sa meute. Sa force était gage de sécurité. Sa capacité à nourrir était gage de stabilité. Sa capacité à anticiper les problèmes était gage de prospérité. Or, Orenha n’avait pas besoin d’un chef, elle avait besoin d’un soigneur.
«  Tu vas avoir peur, annonça Typhon avant d’enlacer Orenha. Accroche-toi à Phœbe. Accroche-toi aux livres que tu pourras lire. Accroche-toi à la vie.  »

Pour la première fois, l’étreinte du chasseur permettait d’entrevoir la véritable puissance du Grand Totem. Il ne laissait ni choix ni alternative à son invité. Il lui imposait sa volonté et Orenha ne rien faire pour résister, car Typhon reprenait sa forme originale. Le gouffre qui séparait le Grand Totem de la réceptacle semblait sans fond. La jeune femme eut momentanément l’impression de rétrécir, mais ce n’était pas dû à sa tentative de prendre sa forme de gerbille. Non, Orenha ne rétrécissait pas, c’est Typhon qui grandissait pour atteindre sa forme monstrueuse, la forme du Hesshas qui lui avait été imposée.

Rapidement, la femme-gerbille fut soulevée de terre et se retrouva au cœur d’un amas de chair, de fourrure et d’écailles. L’homme-serpent-tigre avait des pouvoirs égoïstes. Il ne pouvait pas téléporter autrui. Il ne pouvait que se téléporter lui-même, ainsi que les objets qu’il portait. C’est pourquoi il enroula son corps serpentin de sorte qu’Orenha se retrouve au centre d’un amalgame indissociable. Une combinaison de sixième sens et de voyance permit à Typhon d’ajuster sa posture jusqu’à ce qu’il soit certain que le champ d’action limité de la téléportation englobe la jeune femme. C’était d’ailleurs bien la première fois que la taille gigantesque de l’homme-serpent-tigre avait une utilité hors combat.

Ainsi, en l’espace d’un instant, le Hesshas et la Wynmeris quittèrent les Terres du Lac Bleu.  Typhon aurait préféré convaincre son invité de le suivre, mais le temps était venu à manquer. Orenha avait besoin d’une aide immédiate, car autant son corps que son esprit étaient brisés. À tort ou à raison, le Grand Totem avait jugé que d’imposer la jeune femme à sa meute était sa meilleure chance de retrouver la santé. Peut-être lui en voudrait-elle. Peut-être deviendrait-elle terrorisée de sa forme monstrueuse contre nature. Peut-être serait-elle définitivement dégoutée par son propre peuple.


997 mots
7e message et fin du RP
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