Partagez
 

 [Flash RD] Les Portes V - Sous le magnolia

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
AuteurMessage
Persée
~ Génie ~ Niveau I ~

~ Génie ~ Niveau I ~
◈ Parchemins usagés : 188
◈ YinYanisé(e) le : 04/11/2022
Persée
Sam 04 Nov 2023, 10:17

[Flash RD] Les Portes V - Sous le magnolia 1b1x
Les Portes V - Sous le magnolia
Nicodème & Ezémone



Chronologie : Environ quinze ans avant Le Roi sadique

Ezémone d'Ecirava:

Ezémone s'arrêta à distance sur le petit chemin de cailloux blancs, le temps d'embrasser du regard la beauté du domaine, de se plonger dans les souvenirs qu'il lui évoquait. La façade en pierre blanche du bâtiment principal attirait l'oeil, comme un bijou taillé dans l'ivoire serti de moulures boisées, déposé dans un écrin de verdure où la flore s'épanouissait. La famille royale possédait plusieurs résidences secondaires parsemant tout le Royaume. Celle-ci avait été louée pour les besoins d'un vernissage afin d'exhiber les nouvelles toiles d'une artiste. La d'Ecirava ne s'y connaissait guère en art, et sans doute n'aurait-elle jamais mis les pieds ici en temps normal. Une pancarte expliquait que les œuvres étaient disséminées dans l'immense domaine afin que les visiteurs puissent autant se promener et admirer l'architecture végétale autant que les peintures mises en évidence.

Armée d'une ombrelle et d'un éventail, la violette laissa ses pas l'égarer dans le jardin. Ses yeux d'azur restaient à l'affût. Ils balayaient le paysage quand ils s'arrêtèrent sur la silhouette qu'elle cherchait. Elle retint le sourire victorieux qui caressait la commissure de ses lèvres et s'approcha tranquillement. Sous le soleil de l'après-midi, la chevelure couleur de blé tendre du trésorier royal prenait l'éclat de l'or fondu. Non content d'avoir une position enviée et respectée, Nicodème était aussi très bel homme. Qu'il soit encore célibataire était autant une surprise qu'une aubaine. Naturellement, elle s'était renseignée en laissant son oreille traîner près des ragots, mais elle n'avait surpris aucun scandale, aucune relation indécente connue à son actif, aucune fiancée suspectée ou officielle. Quand elle avait lâché son nom l'air de rien, les tons s'étaient faits condescendants et elle avait eu droit à toutes les théories, des plus logiques aux plus farfelues. Trop timide, impotent, attiré uniquement par les hommes, froid et distant, peut-être même un homme instable qu'il valait finalement mieux éviter car un homme qui ne laissait pas les femmes l'ébranler ne pouvait être normal, peut-être même tuait-il toutes les femmes qui l'approchaient. Ezémone avait poliment souri. Intérieurement, elle tissait déjà sa toile. Elle l'avait déjà approché à plusieurs reprises, en le croisant, d'abord par hasard, puis ensuite en faisant en sorte d'être là où il était susceptible d'être également, comme aujourd'hui.

« Je savais que je vous trouverais ici. » dit-elle en guise d'introduction en se plaçant à ses côtés. Il admirait l'une des peintures. Il y avait peu de visiteurs dans le parc, ce qui n'était guère étonnant. Il fallait être passionné comme lui pour venir par ce temps. Elle fit jouer l'ombrelle entre ses doigts pour la surélever et faire en sorte que son ombre puisse le couvrir aussi. Elle lui épargna une discussion sur la météo et la chaleur qui frappait le pays depuis quelques jours. Le blond n'avait pas l'air d'apprécier les discussions creuses où l'on ne faisait que relever des évidences. « Laissez-moi deviner, vous êtes ici depuis ce matin ? » Elle le regarda enfin, lui décochant un sourire en coin malicieux. « Je connais bien ce domaine. Lorsque j'étais jeune fille, une grande chasse au trésor y a été organisée. Nous nous sommes beaucoup amusés, et quand il s'est mis à pleuvoir, nous nous sommes tous réfugiés à l'intérieur où nous avons dévoré des gâteaux en jouant à des jeux de cartes le temps que l'orage passe. » Ce souvenir la rendait nostalgique. Toutes ces belles années étaient derrière elle désormais, gâchées par la fourberie de la princesse de Lieugro, et par un égarement qui lui avait été fatal. « Une autre fois, nous avons pu nous y rendre pour profiter du lac sur des petites barques. Avez-vous déjà vu le lac ? Il a la particularité d'être caché et on ne peut tomber dessus par hasard. Suivez-moi, je crois me souvenir comment s'y rendre. »

Ezémone leur fit quitter le sentier tracé pour traverser la pelouse jusqu'à un bosquet d'arbres. Après avoir hésité quelques secondes, elle leur fit prendre la droite, puis passer sous un saule pleureur. Les brins d'herbes s'accrochaient à l'ourlet de sa robe et ses souliers n'étaient pas adaptés pour fouler le sol meuble mais elle ne s'en souciait pas. C'était un bon prétexte pour prendre appui sur le bras de Nicodème afin de ne pas perdre son équilibre. « Nous y sommes presque. Vous verrez, cela en vaut la peine. Le paysage est enchanteur. Il a inspiré l'artiste que vous admiriez car je l'ai vu représenté sur l'une de ses toiles tout à l'heure. » Ils marchaient désormais sur un sentier étroit assombri par les frondaisons. Il y faisait frais et Ezémone avait replié son ombrelle et rangé son éventail pour gagner en place mais leurs corps ne cessaient de se frôler au rythme de leur marche. Le chemin s'évasa ensuite pour tomber sur un immense magnolia en fleurs. Derrière l'arbre, le lac s'étirait en un ruban argenté aux teintes mouvantes. La silhouette gracieuse de cygnes troublaient la surface en sillonnant paresseusement, froissant l'effet miroir de l'eau. La violette leva les yeux sur Nicodème. « Alors ? N'avais-je pas raison ? » Elle quitta son bras et vint s'appuyer contre l'écorce du magnolia le temps de se débarrasser de ses chaussures. Ses pieds nus foulèrent la terre sombre où quelques touffes d'herbe réussissaient à pousser avant de s'avancer jusqu'à la berge. Elle se tint un instant en silence, n'osant briser la tranquillité des lieux en parlant. Parfois, le silence était plus révélateur des émotions. Les verbaliser en gâchait la saveur. Elle s'avança encore de quelques pas, les paumes de ses mains caressées par les roseaux, puis se pencha pour récupérer de l'eau au creux de sa main et s'en passer sur sa nuque. De la chair de poule couvrit sa peau alors que les gouttes la rafraîchissait. Elle mouilla à nouveau ses mains et revint sur ses pas pour se placer face à Nicodème. Lentement, elle leva sa main et effleura le côté de son cou puis sa pomme d'Adam. Ses yeux suivirent la course des gouttes suivre les méplats de son cou jusqu'à rejoindre le col de son vêtement avant de remonter jusqu'à ceux du trésorier. « C'est agréable, non ? » murmura-t-elle.

Message I | 1102 mots (aucun commentaire svp)


Merci Jil  [Flash RD] Les Portes V - Sous le magnolia 009 :
Revenir en haut Aller en bas
http://yinandyangpower.forumactif.com/t39778-persee-persephone
Priam et Laëth
~ Ange ~ Niveau III ~

~ Ange ~ Niveau III ~
◈ Parchemins usagés : 3866
◈ YinYanisé(e) le : 02/02/2018
◈ Âme(s) Soeur(s) : La bière et le saucisson | L'adrénaline et les problèmes
◈ Activité : Berger [III], traducteur [II], diplomate [I] | Soldat [III], violoncelliste [I]
Priam et Laëth
Mar 07 Nov 2023, 12:45



Unknown

Sous le magnolia

En duo | Perséphone & Alcide (Ezémone & Nicodème)


Rôle - Nicodème d'Ecirava :


Les interruptions étaient à la contemplation ce que la guerre était à la paix. Nicodème les avait en horreur. Rien ne l’intéressait moins que les discussions asservissantes de ses pairs, dont les babillages abêtissants dégradaient toute la beauté du monde. Il se délectait de son épanouissement solitaire, éloigné des jeux de cour et des mesquineries qui les enserraient à la manière de ronces prolifiques. Au fil des ans, on avait cessé de l’importuner, et il avait fait de la solitude sa compagne favorite. Pourtant, à force de se la voir imposée, il avait fini par s’accoutumer à la présence d’Ezémone d’Ecirava. Sans tourner la tête vers elle, il lui coula une œillade, avant de se concentrer à nouveau sur la peinture exposée près du grand saule. Il espérait que les œuvres ne demeureraient pas trop longtemps à l’extérieur, car la chaleur, les rayons ardents du soleil et la faune dénatureraient la vivacité des couleurs et la fluidité des traits. Il leva les yeux vers l’ombrelle de la jeune femme et, sans répondre à sa question rhétorique, songea qu’elle aurait mieux fait d’abriter le tableau plutôt que lui-même. Il avait chaud et il sentait poindre quelques gouttes de sueur sur sa nuque et sous ses aisselles, mais les corps avaient l’avantage d’être des organismes vivants que l’on pouvait laver, parfumer et même maquiller si l’on tenait à masquer les sévices du temps ou l’avarice de mère nature. Une œuvre abîmée puis retouchée perdait en unicité.

Finalement, il la regarda. Elle lui avait toujours semblé étrangement vivante. Malgré la chaleur estivale, des pigments roses rehaussaient ses pommettes, et dans ses yeux étincelaient des lueurs dont il peinait à imaginer la source. Il avait bien constaté que l’art ne l’émouvait pas outre mesure. Il se demandait régulièrement ce qui lui valait la récurrence de sa compagnie, et quel plaisir elle trouvait à lui parler. Il ne cherchait pas à se montrer agréable et ne l’était probablement pas. « Je m’en rappelle. » se contenta-t-il de répondre. Il n’y était pas venu. À l’époque, il dépendait encore de ses parents, et ceux-ci n’étaient pas connus pour être férus d’occasions mondaines. Sa mère vouait à l’art un culte semblable au sien, à la différence qu’elle savait dessiner et peindre. Souvent, elle s’asseyait à même l’herbe de leur jardin et jetait sur le papier les teintes aquarelles des compositions florales. Son père soutenait ses travaux. Parfois, ils prenaient ensemble la décision de les revendre, ou de les faire figurer dans leur demeure. De son côté, il nourrissait pour les livres une adoration féroce, qui le poussait à se reclure dans sa bibliothèque, lorsque le travail ne l’appelait pas. Dans ces moments-là, il endossait le rôle d’écrivain : il noircissait des pages et des pages de sa plume rapide et sèche. Nicodème passait autant de temps avec l’un qu’avec l’autre, et chacun lui enseignait ce qu’il savait de son art et de la vie. Avec le maigre héritage que leur avaient laissé leurs familles respectives, les de Setsitra avaient payé à leur fils une éducation et des études qui lui avaient permis de briguer le poste de trésorier royal. Ils étaient décédés quelques années plus tôt, tous les deux emportés par la maladie. « Non. » Il n’était, tout simplement, jamais venu.

Il hésita à la suivre. Il ignorait dans quoi il s’engageait, et n’aimait pas l’idée de se détourner de l’exposition. Il lui semblait néanmoins que certaines pièces d’art s’égrenaient le long du sentier dont elle prenait visiblement la direction et, bien qu’elle ne semblât pas partager sa passion, elle avait réussi à éveiller chez lui une curiosité qui revenait régulièrement le hanter. Sans opposer plus de résistance, il lui emboîta le pas. Il savait qu’il aurait dû lui offrir son bras, mais comme il n’éprouvait aucune appétence pour le contact physique et qu’elle le devançait déjà, il ne la rappela pas juste pour répondre aux convenances. Cette femme l’intriguait. Au début, il avait songé qu’elle souhaitait être mise en contact avec un artiste en particulier ou s’enquérir de l’état des finances du royaume – en dehors de ces deux sujets, on ne l’abordait pas. Mais à mesure que les semaines avaient passé, ses certitudes s’étaient effritées, et désormais, chaque rencontre le laissait plus perplexe que la précédente. Alors qu’il se faisait la réflexion que le sol trop meuble figurait une parfaite allégorie de son esprit interloqué où les suppositions s’empêtraient comme ses pieds dans la terre, l’arrivée de la main de la d’Ecirava sur son bras répandit dans ses muscles une désagréable tension. Un tic nerveux agita brièvement ses paupières plissées, puis il poursuivit la marche aussi calmement que possible. Une fois, lorsqu’il devait avoir six ou sept ans, il avait violemment repoussé une invitée de ses parents qui avait souhaité égarer ses doigts dans ses cheveux blonds. Son père lui avait passé un sermon qu’il n’avait jamais oublié.

Ce qu’elle dit, cependant, revivifia son intérêt. « La Fae du Lac ? » s’enquit-il aussitôt. Le tableau représentait une femme étendue sous un saule pleureur dont les branches baignaient dans l’onde. Assoupie, elle ne remarquait pas l’arrivée d’un cavalier juché sur un grand cheval gris. La peinture s’inspirait de légendes locales, qui attribuaient à chaque formation aqueuse – lacs, mares, ruisseaux, rivières ou fleuves – la protection d’une Fae enchanteresse. On racontait que dans les eaux qu’elles habitaient, il était possible de lire l’avenir. Et, effectivement, dans la surface du lac peint par l’artiste, on discernait les contours d’un château en flammes, que l’on ne voyait nulle part ailleurs dans le paysage.

Quand enfin la vaste pièce d’eau miroita devant les iris de Nicodème, il resta quelques instants immobile et silencieux pour en apprécier la délicatesse. Il aimait s’arrêter et observer les rouages de la vie tourbillonner autour de lui. La longue traîne envaguée des cygnes brillait sous les rayons ardents du soleil, dont certains jouaient entre les racines des arbres qui plongeait dans l’onde. Tandis qu’Ezémone s’éloignait, le jeune trésorier s’accroupit pour caresser du bout des doigts le tapis de pétales qui encerclaient le magnolia. Il en saisit un dont aucune veinure brunâtre ne ternissait la splendeur, puis se redressa. La jeune femme se tenait à la lisière de l’eau, que la brise poussait jusqu’à ses pieds. Les iris du blond remontèrent le long de sa silhouette, jusqu’à ses cheveux éprouvés par l’air et la marche. Des mèches coulaient sur sa nuque et s’enroulaient autour de la courbure de son cou. Il repensa à la Fae du Lac et, curieux, tenta d’imaginer la figure de la d’Ecirava imprimée sur un tableau. Dans ses traits reposait une noblesse qui aurait pu inspirer plus d’un artiste.

Comme elle revenait vers lui, il la suivit du regard, sans se douter de ce qu’elle s’apprêtait à faire avec l’eau recueillie au creux de ses mains. Quand il la vit lever un bras, il fixa celui-ci du coin de l’œil, raidi d’appréhension, mais s’interdit de bouger. Cela n’eût pas été convenable. La fraîcheur du liquide mordit son cou et son torse de frissons glacés. Les mâchoires contractées, il détaillait le visage de la noble. C’était la première fois qu’on le touchait ainsi et il n’était pas certain d’apprécier – ni même de détester. « C’est… surprenant. » Il désancra son regard du sien, recula d’un pas et s’humecta les lèvres. Il ne voyait pas où elle souhaitait en venir et cela le dérangeait. S’il avait été plus au fait des mœurs humaines et s’il s’était soucié de ce que l’on racontait à son sujet, il aurait peut-être cru qu’elle essayait de le charmer pour rire de lui au sein de son petit cercle. Mais, tout comme il n’avait pas remarqué le jeu de séduction d’Armella de Nipas, qu’il avait fini par congédier assez vertement, agacé de se sentir oppressé par sa présence, il ne discernait pas la logique derrière le manège d’Ezémone. « Si vous souhaitez vous baigner, je peux m’en aller. » proposa-t-il. Il baissa les yeux sur le pétale de magnolia qu’il tenait toujours entre ses mains. L’intensité de sa couleur lui rappelait celle des joues de la violette, quoi qu’elle fût plus douce. Ou ses cheveux quand le soleil les frappait, peut-être. Il releva son regard céruléen vers ces derniers et les scruta quelques instants. « Je n’ai pas fini de parcourir l’exposition. » compléta-t-il. « Mais je vous remercie de m’avoir amené ici. La vue de ce lac apporte un éclairage différent sur la peinture de Dame Eilocnalem. » Il recula encore d’un pas et posa malencontreusement le pied sur l’une des chaussures de la jeune femme. Son équilibre perturbé, il s’appuya à l’arbre pour s’empêcher de tomber. Une fois stabilisé, il pinça les lèvres et inspira lentement, les prunelles rivées sur l’escarpin traître. Elles remontèrent vers celles d’Ezémone. « Veuillez me pardonner. J’espère ne pas l’avoir abîmée. » Il se racla la gorge et n’osa plus regarder la chaussure, pas plus qu’il n’osa s’accroupir pour la toucher afin d’en vérifier l’état. « Si toutefois c’est le cas, je vous dédommagerai. Vous n’aurez qu’à… » Il étira le col de sa chemise. « Qu’à m’envoyer une facture. »



Message I – 400 mots [Flash RD] Les Portes V - Sous le magnolia 692




[Flash RD] Les Portes V - Sous le magnolia 1628 :


[Flash RD] Les Portes V - Sous le magnolia 2289842337 :
Revenir en haut Aller en bas
http://yinandyangpower.forumactif.com/t34615-priam-belegad-aux-i
Persée
~ Génie ~ Niveau I ~

~ Génie ~ Niveau I ~
◈ Parchemins usagés : 188
◈ YinYanisé(e) le : 04/11/2022
Persée
Jeu 09 Nov 2023, 18:01

[Flash RD] Les Portes V - Sous le magnolia 1b1x
Les Portes V - Sous le magnolia
Nicodème & Ezémone



Chronologie : Un peu plus de quinze ans avant Le Roi sadique (oui, j'ai refait mes calculs)

Ezémone d'Ecirava:

Ezémone le regarda reculer comme si elle l'avait brûlé au lieu de le rafraîchir. Pour le moment, surprendre le trouble comme des ricochets sur l'océan de ses yeux lui suffisait. Comparativement à l'indifférence polie essuyée lors de ses premières initiatives pour engager une discussion, c'était même un bel exploit. Depuis des semaines, elle ourdissait avec soin une stratégie qui consistait à le laisser s'échapper pour mieux l'attraper. Elle lui parlait, au début de tout et de rien, puis voyant que cela semblait l'ennuyer, elle avait sélectionné des sujets de conversation moins futiles, l'informait d'anecdotes insolites pour lui tirer une réaction, comme cette fois où elle lui avait raconté comment elle avait trouvé dans une sombre échoppe un étrange roitelet en cuivre serti de gemmes ambrées, fabriqué par des artisans du Royaume de Xirtam, qui produisait une mélodie toujours différente lorsque l'on remontait le mystérieux mécanisme caché sous les ailes de métal. Toujours très respectueusement, le jeune trésorier répondait brièvement, puis s'éloignait sous le regard calculateur de la jeune noble qui échafaudait déjà son prochain piège. Le même refrain se reproduisait inlassablement. Ezémone était une femme impatiente, mais lorsqu'elle se fixait un objectif, sa volonté d'acier gommait ce défaut.

La jeune noble déposa deux doigts mouillés sur ses lèvres étirées en une ébauche de sourire. Elle pouvait presque entendre les rouages de l'esprit du blond s'enrailler, s'emmêler sur eux-mêmes dans un effort de décryptage. Contrairement aux racontars, la timidité n'était pas le fléau dont Nicodème souffrait. Elle en était venue à déduire que sa lecture des comportements humains était tout simplement défaillante. « C'est juste de l'eau. » le taquina-t-elle. « Si elle vous effraie, je ne recommencerai pas. » poursuivit-elle sur le même ton. « À moins que ce ne soit moi qui vous effraie ? Cela me peinerai, et je devrais vous faire changer d'avis. Je promets que je ne vous veux aucun mal. » Pourtant, il aurait eu raison. Elle voulait effectivement le croquer. Elle ne le désirait pas de façon charnelle ni amoureuse. Son coeur penchait pour les personnalités plus flamboyantes, pour ceux qui brillaient par l'audace ou par un esprit mordant, pour ceux qui savaient la faire rire. La vie l'avait sévèrement reprise et Nicodème était devenu son choix de raison. Il était celui qu'elle voulait, celui dont elle avait besoin. Elle l'aurait, et il n'y avait rien dans ce monde qui saurait se mettre en travers de son chemin.

« Me baigner ? » releva-t-elle en tournant la tête vers le lac. Elle en profita pour faire remonter sur son visage un peu de chaleur. Adolescente, elle avait acquis la compétence fort utile de savoir rougir sur commande. Quand elle ramena son attention sur le blond, ses joues et sa gorge avaient prit une teinte aussi rose que celle du pétale qui jouait entre ses doigts. Elle fit mine d'éviter de croiser son regard et ramena une mèche derrière son oreille. « J'aimerais beaucoup, mais ce serait inconvenant. De plus, si vous partiez, n'importe qui connaissant comme moi ce lieu pourrait me surprendre dans une tenue inadéquate. Ils pourraient commencer à croire à la Fae du Lac, mais j'ai bien peur que la vérité éclaterait, et ma réputation avec. Je pourrais aussi me noyer, je n'ai pas appris à nager. Et avec vous, ma foi, si vous promettez de ne pas regarder et de vous assurer que personne ne vient ici, éventuellement. Mais je m'en voudrais de vous retenir auprès de moi pour un simple caprice de ma part. » Pas du tout. Elle espérait au contraire qu'il laisserait la tentation guider la trajectoire de son regard, ou qu'a minima, son imagination ferait le travail pour lui comme elle le faisait peut-être déjà rien qu'en évoquant la scène.

« Oh, attention ! » La violette voulut tendre la main pour le rattraper alors qu'il vacillait sur l'obstacle imprévu, puis se masqua la bouche pour contenir, sans trop de succès, son début d'hilarité. La vision du jeune homme, raide et guindé, basculant sur ses fesses, était une vision assez exquise pour qu'elle regrette la présence du magnolia qui venait de le sauver de cette humiliation. En deux pas, Ezémone réduisit à néant les précédents efforts du blond pour reculer. L'ignorant comme s'il n'était pas là, elle plia les genoux pour récupérer la coupable et victime. Elle l'épousseta et l'étudia quelques secondes avant de soupirer. « Je ne pense pas qu'elle survivra. Elle est ruinée. » l'informa-t-elle très sérieusement. Elle se rabaissa pour redéposer l'escarpin non loin de son jumeau et se redressa pour faire face au trésorier, piégé entre elle et l'arbre. Elle pouvait presque toucher du doigt la tension qui l'habitait face à cette proximité qu'elle lui imposait. Non, Nicodème n'était pas vraiment son type, mais il avait le mérite de l'intriguer et de la divertir, bien que ce soit aux dépens du pauvre homme. « Je suis navrée de vous apprendre que l'or ne suffira pas à compenser l'attachement émotionnel que je leur porte. Si vous voulez vous faire pardonner, vous devrez réfléchir à un moyen de paiement plus approprié. » Elle pencha légèrement la tête sur le côté et se rapprocha d'un demi-pas. « Voilà un casse-tête pour un trésorier. Comme je suis magnanime et que je vous apprécie, je vais vous donner un indice, sortez de vos colonnes de chiffres et regardez-moi. Écoutez-moi. » Sa main vint s'appuyer sur l'écorce, effleurant au passage la chemise de Nicodème et elle rapprocha sa bouche de son oreille. « Je vais vous confier un secret. Je ne suis pas venue pour l'exposition. Je suis venue pour vous. » Ses lèvres remplacèrent le souffle de sa respiration sur sa peau sous son oreille, caressèrent fugacement la colonne de son cou avant de s'écarter. La rougeur qui pigmentait désormais ses pommettes n'avait plus rien de factice et c'est l'envie qui assombrissait le bleu de ses prunelles quand elles se fixèrent sur la courbe de sa bouche. Elle sentait le rythme de son coeur s'emballer dans sa poitrine mais craignait de brusquer sa proie. Ce n'était pas son propre pouls qu'elle souhaitait accélérer, mais celui du blond. « J'ai envie de vous surprendre encore. » avoua-t-elle dans un murmure, en référence à son commentaire plus tôt. Elle fit mourir ses derniers doutes sur ses lèvres, d'abord avec délicatesse, puis en y insufflant un peu de cette ardeur qui courait dans ses veines comme un feu dévorant.

Message II | 1124 mots

J'espère que s'il la jette par terre, ce ne sera pas pour la repousser en criant au harcèlement [Flash RD] Les Portes V - Sous le magnolia 548649


Merci Jil  [Flash RD] Les Portes V - Sous le magnolia 009 :
Revenir en haut Aller en bas
http://yinandyangpower.forumactif.com/t39778-persee-persephone
Priam et Laëth
~ Ange ~ Niveau III ~

~ Ange ~ Niveau III ~
◈ Parchemins usagés : 3866
◈ YinYanisé(e) le : 02/02/2018
◈ Âme(s) Soeur(s) : La bière et le saucisson | L'adrénaline et les problèmes
◈ Activité : Berger [III], traducteur [II], diplomate [I] | Soldat [III], violoncelliste [I]
Priam et Laëth
Mar 14 Nov 2023, 12:33



Unknown

Sous le magnolia

En duo | Perséphone & Alcide (Ezémone & Nicodème)


Rôle - Nicodème d'Ecirava :


« Un moyen de paiement plus approprié ? » répéta Nicodème, dubitatif. Souhaitait-elle acquérir l’une de ses œuvres d’art ? Trouver un artiste pour figer sa jeunesse dans le marbre ou sur une toile ? Faire jouer les relations qu’il entretenait au palais, lui qui venait d’y entamer ses premiers pas ? Il fronça les sourcils, perclus d’incompréhension. « Casse-tête » était un mot bien pauvre pour caractériser ce à quoi elle le confrontait. L’air rieur qui flottait dans ses yeux, lueurs soudainement écloses semblables aux nénuphars qui agrémentaient la surface du lac, le confinait à la perplexité. « Je vous regarde et je vous écoute déjà. » Il n’avait pas vraiment le choix. Le dos plaqué contre l’arbre, il aurait dû la pousser pour pouvoir s’échapper et, si l’idée lui traversa un instant l’esprit, il ne la mit cependant pas à exécution. À la seconde où sa main épousa l’écorce en faisant frémir sa chemise, il songea qu’il aurait peut-être dû. Bien des interactions sociales l’avaient mis au supplice dans sa vie, mais aucune ne l’avait conduit à une extrémité si dérangeante : son cœur tambourinait si fort qu’il craignait qu’il n’explosât, la chaleur qu’il ressentait ne devait plus rien au soleil estival, et il avait l’impression globale d’avoir été réduit à l’état d’un lapin face à un limier. Pourquoi les gens étaient-ils incapables d’aller droit au but ? Pourquoi s’infliger tant de torture quand on pouvait manier la langue de façon claire et limpide ? « Comment ? » Son questionnement s’étrangla dans sa gorge. Que faisait-elle ? Non, il le savait. Il n’était pas idiot ou innocent au point de tout ignorer des choses de la vie ; sa passion pour l’art l’en aurait, de toute évidence, empêché. Les représentations liées au sexe ou à l’amour étaient trop nombreuses pour qu’il n’en sût rien. Sa passion allait au-delà de l’admiration béate : il prenait toujours le soin de se renseigner sur les œuvres qu’il avait la chance de pouvoir détailler. Sa bibliothèque regorgeait de traités sur l’art, des grands mouvements artistiques des époques passées et actuelle aux noms des plus célèbres virtuoses. Au fil des années, il s’était donc bâti une culture solide et une connaissance du monde aigue. La difficulté résidait dans sa capacité à connecter ces savoirs aux situations qu’il vivait. Souvent, il ne faisait le lien qu’après, ou pas du tout. Cependant, si les paroles d’Ezémone avaient jusqu’ici été parfaitement sibyllines, le baiser déposé dans son cou laissait peu de place au doute. « Vous ne devriez pas… » Il n’eut guère le temps de protester plus amplement. Les lèvres de la jeune femme rejoignirent les siennes. En guise de réaction, ses yeux s’écarquillèrent de surprise. Il loucha sur le visage de la violette, dont les teintes s’étaient renforcées sous le coup de son impétuosité. Son cerveau ne répondait plus. Toutes les prémices de questionnement qui réussissaient à s’y faufiler mouraient immédiatement, occises par un tumulte de sensations qu’il ne parvenait pas à détricoter.

Ses mains finirent néanmoins par se poser sur les épaules d’Ezémone, afin de la faire reculer. Il y mit autant de délicatesse que possible. Ses parents avaient fini par dompter la sauvagerie de son enfance : dire non était autorisé, mais il fallait le faire avec les formes. Sans la lâcher, il pivota pour échanger leurs positions. Quand elle fut bien calée contre l’arbre, il releva ses iris céruléens vers elle. Le trouble s’y déployait en centaine d’étincelles. Son palpitant martelait sa poitrine. Il la détailla, et il se rendit alors compte que, parmi toutes les émotions qui le brutalisaient, une pointe de déception le piquait avec insistance. Parfois, il avait songé qu’elle était un peu différente, un peu originale à sa manière, elle aussi. Elle l’avait intrigué ; recluse dans les confins de son incompréhension, son imagination avait pu élaborer bien des hypothèses sur les intentions de la d’Ecirava, des plus classiques aux plus saugrenues. Celle-là l’avait à peine effleuré – voire pas du tout –, et si elle avait le mérite de le surprendre, elle ne lui plaisait pas. « Mademoiselle. » commença-t-il. Il s’humecta les lèvres, et regretta presque aussitôt. Le goût des siennes les imprégnait encore. « Je… » Il chercha ses mots. Comment était-il censé répondre à ça ? « L’intérêt que vous me portez est flatteur, mais je ne crois pas que vous vouliez devenir une femme de petite vertu. » Ses doigts quittèrent la douceur du tissu de sa robe. Il replaça ses bras le long de son corps. Il se racla la gorge, toujours mal à l’aise. « J’aurais pu vous aider pour n’importe quoi au sujet de l’art et des finances, mais je crois que vous souhaitez vous engager dans un domaine qui excède mes compétences. » Il jugea sa réponse satisfaisante ou, du moins, suffisamment claire et professionnelle. En voulant s’accroupir, il éprouva pleinement la fébrilité de ses jambes, mais refusa de se démonter. Il attrapa une à une les chaussures et les lui tendit. « Je vous ferai confectionner les mêmes et les ferai livrer chez vous. Avec un tableau pour me faire pardonner du désagrément. » Il marqua une pause et cligna des yeux, en comprenant soudain qu’il était peut-être partiellement fautif. « Et de la méprise. Je vous prie de m’excuser si je vous ai laissé croire quoi que ce fût. Là n’était pas mon intention. » Il lui arrivait régulièrement de devoir se justifier pour des pensées qu’on lui prêtait et qui ne l’avait pas traversé une seule fois. C’était fatigant, mais habituel. « Je vous souhaite une bonne après-midi. » Il s’inclina respectueusement, puis entreprit de retourner vers le cœur de l’exposition, en essayant de conserver une démarche souple et décidée. En vérité, il était impatient de trouver le premier banc venu. Il avait besoin de s’asseoir et de décompresser.



Message II – 974 mots (incroyable)




[Flash RD] Les Portes V - Sous le magnolia 1628 :


[Flash RD] Les Portes V - Sous le magnolia 2289842337 :
Revenir en haut Aller en bas
http://yinandyangpower.forumactif.com/t34615-priam-belegad-aux-i
Contenu sponsorisé


Revenir en haut Aller en bas
 

[Flash RD] Les Portes V - Sous le magnolia

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1

 Sujets similaires

-
» [Flash RD] Les Portes V - La dispute
» | Rps Flash de Basphel |
» | RD - Les Portes |
» [Rp dirigé] - Les Portes II
» Les Portes - Chapitre V
Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Le pouvoir du Yin et du Yang :: Zone RP - Océan :: Continent Naturel - Ouest :: Terres du Lac Bleu-