Le bar caché

Petula Clark - Downtown

Philomena s'observa à la dérobée dans l'une des vitrines illuminées. La peau nue sur ses bras se souleva d'un frisson alors qu'un courant d'air venait à la rencontre des adolescentes. « Il ne fait pas trop froid pour ce type de... de robe ? » demanda-t-elle à son amie. La question sous-jacente était qu'elle se sentait bien trop à découvert. Si sa mère l'avait vue, à se promener en public les épaules et les bras nues, la gorge largement exposée, elle en aurait eu la perruque toute ébourriffée. « Mais non, tu es très jolie ! Je savais que cette robe t'irait bien, le rouge est ta couleur. Et il fera chaud là-bas, tu verras. » Philomena observa un petit silence dubitatif. Elle commençait à regretter d'avoir suivi l'Ygdraë. Il était tard et elle aurait dû être assise à son bureau dans son pyjama à essayer de faire ses devoirs en tâchant d'ignorer le chahut que ses frères et sœurs se plaisaient à faire régner en permanence sur leur dortoir. Elle avait beau râler, pester, menacer, tirer des oreilles, rien n'y faisait. Ils étaient intenables. Cependant, Charmène avait laissé entendre que des Puff-Puff-Gueurl seraient là et que ce serait l'occasion de leur parler en dehors des murs de l'école. Ardemment, la brune souhaitait faire connaissance avec celles qu'elle espérait rejoindre un jour. La veille, elle avait assisté à un match de Puffball et même si elle avait dû résister à l'envie de se lancer sur le terrain pour suivre le ballon, elle était restée admirative devant les figures des supportrices. Sa mère lui avait confié avoir été Puff-Puff Gueurl lorsqu'elle était elle-même étudiante à Basphel et Philomena avait fini par comprendre qu'elle espérait secrètement que sa fille adoptive suive ses traces.

Finalement, son amie les fit entrer dans un restaurant. Elle salua aimablement le serveur qui les accueilli et lui chuchota qu'elles venaient pour la soirée. Il les invita à les suivre dans les cuisines qu'elles traversèrent avant de prendre une porte dérobée qui donnait sur un escalier en colimaçon plongé dans la pénombre. Le coeur battant d'appréhension et d'excitation, avec le sentiment de faire quelque chose d'interdit, Philomena tira sur ses longs gants et s'efforça de maîtriser les mouvements de sa queue sous sa robe. Précédée de Charmène, elle pénétra enfin dans une vaste pièce ovale illuminée de quelques bougies à la cire colorée dans des tons chaleureux et intimistes. Plusieurs tables rondes étaient disposées face à une petite estrade sur laquelle un homme fredonnait doucement en grattant sur une guitare. Les yeux grands ouverts, la bouche tout autant, les oreilles dressées haut sur sa tête, elle suivit Charmène jusqu'à une table déjà occupée par une fille qui paraissait avoir leur âge. « Bonsoir. » souffla Philomena, impressionnée par les lieux. « Bonsoir ! Tu es à Basphel aussi, non ? Je crois que je t'ai vue. Je m'en souviens parce que... » L'Eversha suivit le regard de l'Elfe qui s'était orienté sur la chaise de la fille. Elle y découvrit une queue fine et imberbe, comme celle d'un rat, qui se balançait. Philomena cilla et se retint de dévisager curieusement la rousse car sa mère n'aurait pas approuvé un tel écart à la bienséance. Elle n'aurait pas approuvé non plus sa présence ici. « Je vais nous chercher des boissons ! Tu veux quelque chose, euh... C'est quoi ton nom déjà ? Moi c'est Charmène, et elle, c'est Philomena. » La mentionnée sourit poliment et croisa les mains sur ses cuisses. Au bout de quelques secondes de silence après le départ de son amie où Philomena écouta distraitement le morceau joué par le guitariste, elle se tourna finalement vers sa voisine. On lui avait souvent répété combien il était impoli d'ignorer quelqu'un. « Est-ce que tu fais partie de l'équipe des Puff-Puff Gueurls ? » Nerveusement, elle croisa ses chevilles sous sa chaise. Ses tuteurs n'avaient pas prévu de liste pour ce type de situation et elle ignorait comment se comporter. Elle avait envie d'aller renifler partout les nouvelles odeurs, éventuellement faire pipi ça et là pour se sentir plus à l'aise entourée de sa propre odeur mais cela était sévèrement défendu alors elle se contenta de s'agiter nerveusement sur sa chaise en tâchant de penser à autre chose que sa vessie.

748 mots

Le bar caché

【中世の人々を魅了したテーマ】死の舞踏：サン=サーンス-Danse macabre：Saint-Saëns

« Qu’est-ce qu’elle fait ? » Un garçon montra Calypso du menton. La jeune fille semblait suivre des yeux un point imaginaire qui se déplaçait à toute vitesse. Assise seule à une table, deux bols autrefois remplis de chocolat chaud devant elle, le visage de la rousse effectuait une danse sans queue ni tête. « Les ravages de l’alcool… » laissa entendre le deuxième, après l’avoir observée quelques secondes. Il commença à rire. Le son fut coupé net lorsque l’observée avança rapidement sa bouche ouverte vers le vide avant de la refermer brusquement. Elle mâcha quelques secondes. Une grimace apparut sur ses traits alors qu’un garçon venait la débarrasser. « … » Le silence tomba entre les deux amis, perplexes, jusqu’à ce que deux filles rejoignissent la folle. « Plutôt canons. Faudrait aller les voir… » « Nan mais t’es fou. J’approche pas l’avaleuse de moustique. » Parce qu’il avait fini par se dire que ça devait être ça. Un moustique ou un papillon de nuit.

« Bonsoir ! » répondit la concernée. Sa queue ondula tranquillement. Elle était toujours ravie d’avoir de la compagnie. « Oui c’est ça. » Calypso passa ses doigts dans ses cheveux et les entortilla dedans. C’était une expérience étrange que celle d’avoir une tignasse. « Calypso ! Et oui je veux bien ! Prends-moi ce que tu veux ! J’ai commandé des planches aussi, on pourra partager ! J’ai une faim de loup ! » C’était bien là son souci : elle avait toujours faim, et souvent froid aussi. Elle se baladait donc fréquemment avec un sac contenant de quoi se réchauffer : gants, pull, bonnet, écharpe. Ici, il faisait chaud. S’il n’y avait pas eu le papillon de nuit, elle aurait sans doute commencé à somnoler. « Non, pourquoi ? J’ai envie de rejoindre le club de chant ! Il faut que je passe les auditions mais je ne sais pas encore quelle chanson je vais bien pouvoir présenter. » Elle croisa ses bras entre ses cuisses, ses mains à plat sur la banquette. « Diiis ? Tu m’accompagnerais aux toilettes ? J’ai trop bu et j’ai sacrément envie de faire pipi. On pourra continuer à parler là-bas comme ça ! On a qu’à laisser nos affaires ici pour qu’on ne nous pique pas la place ! » Elle détestait avoir la vessie pleine. Elle se leva et prit la main de Philomena. « Tu veux rejoindre les Puff-Puff Gueurls toi ? Ou t'en es une peut-être ? T’as bien du courage. Rien que d’imaginer les efforts que ça demande, ça me donne envie de dormir ! »

430 mots

Le bar caché

Petula Clark - Downtown

La salive s'accumula dans la bouche de Philomena à la mention de nourriture et elle mit un certain temps à retrouver sa concentration. En faisant mine de se gratter le menton, elle vérifia qu'elle ne s'était pas bavé dessus. Maintenant que le sujet était évoqué, elle avait du mal à penser à autre chose et son regard se glissa traîtreusement jusqu'au comptoir pour surveiller l'arrivée des planches. « On m'a dit qu'il y en avait ici ce soir, c'est pour ça. Tu chantes ? Tu pourrais t'entraîner ici, si tu veux. Charmène m'a dit que tout le monde pouvait utiliser la scène, il suffit de demander au comptoir. J'aimerais bien t'entendre. » Mentalement, elle cocha une case de sa liste "Comment se faire des amis", celle qui consistait à s'intéresser aux centres d'intérêt d'autrui en évitant de parler trop de soi. Dans une relation, lui avait-on expliqué, il était important de savoir écouter et de ne pas noyer l'autre dans des phrases commençant par "Je".

« Euh... » Entraînée par la rousse, Philomena adressa un petit signe à Charmène qui revenait pour lui indiquer qu'elle revenait. Juste avant d'entrer dans les toilettes, la brune prit une grande inspiration et bloqua sa respiration. Elle n'aimait pas les toilettes. Uriner dehors continuait de lui paraître plus naturel et sain que dans ces endroits exigus. De surcroît, tout le processus pour se déshabiller, s'essuyer, se rhabiller avait tendance à la déconcerter par son manque d'efficacité. Mais le pire, c'était les odeurs. Il y en avait beaucoup, beaucoup, beaucoup trop. Chez les Hanove, elle avait sa salle de bains privée et c'était plus simple ainsi car seule son odeur imprégnait la cuvette mais à Basphel, c'était un enfer, à tel point qu'il lui arrivait de se retenir jusqu'à n'en plus pouvoir. Prenant soin de respirer par la bouche, elle répondit à Calypso. « Oui, je me suis inscrite pour passer les auditions et intégrer une équipe. Je ne suis pas très forte, j'espère que je serais prise. Et puis, mon frère César fait partie des Puff-Puff Boïses, alors c'est une raison de plus d'y aller. Ils ont des entraînements en commun parfois. » Elle avait hâte de s'amuser avec lui, et sa queue se mit à battre frénétiquement sous sa robe, agitant le tissu.

Alors que Calypso disparaissait dans une cabine, Philomena hésita à faire de même. Et si elle se faisait pipi dessus à force de se retenir ? Ça avait failli lui arriver l'autre jour en classe et elle avait dû se précipiter à l'extérieur après avoir balbutié une excuse à l'enseignant. Mortifiée, elle n'avait pas osé revenir avant la fin du cours pour récupérer ses affaires. Elle se mordilla la lèvre puis finit par céder. Puisqu'elle était là, autant en profiter plutôt que de devoir y revenir et vivre deux fois la même torture nasale. « Tu fais partie du dortoir des Evershas chats, non ? » demanda-t-elle à travers la paroi qui les séparait. Elle n'était pas sûre car l'odeur de Calypso ne ressemblait pas à celle des autres, mais la queue était un indice plutôt fiable. « Tu es un peu différente. » Pour ne pas dire plus sympathique. Les deux autres individus croisés ne lui avaient pas laissé une bonne impression. Milo avait failli arracher l'oreille de Charmène et Jasmin s'était méchamment gaussé d'elle en public lors de son humiliante chute en poursuivant le premier. Philomena se rembrunit à ce souvenir. « Il faut se laver les mains. » fit-elle d'un ton sentencieux en ressortant, récitant la dernière étape de la liste "Faire ses besoins". Il lui arrivait souvent d'oublier cette étape. Dans le miroir, elle croisa le regard de la rousse. « Tu t'entends bien avec eux ? Ils manquent d'éducation, ce ne doit pas être évident. J'ai parfois du mal aussi avec mes frères et sœurs. On vient de milieux différents. » Lou avait vécu dans la rue et ça se voyait. Philomena avait essayé parfois de lui enseigner quelques règles élémentaires de bienséance pour faciliter son adaptation à Basphel mais le naturel reprenait vite ses droits. Elle s'essuya et prit le bras de Calypso pour revenir dans la salle. Elle avait hâte d'aller manger les planches. La voix de sa mère résonna dans sa tête, lui serinant sévèrement d'apprendre à partager lorsqu'ils étaient à table et que Philomena se laissait aller à tout dévorer. Elle espérait qu'il y aurait des copeaux de jambon et ne s'aperçut pas qu'elle recommençait à saliver.

400 mots T_T

Le bar caché

【中世の人々を魅了したテーマ】死の舞踏：サン=サーンス-Danse macabre：Saint-Saëns

« Oh oui les Puff-Puff Boïses, j’en ai entendu parler. » Comme des Puff-Puff Gueurles en fait mais Calypso parlait curieusement plus aux filles qu’aux garçons – sans doute parce qu’elles étaient plus à-même et douées pour la caresser. Bref, les filles avec qui elle discutait ne cessaient de baver sur les garçons qui composaient les équipes. Plus le numéro de l’équipe était gros, plus les adolescentes jasaient. La chatte avait remarqué plus d’une fois l’expression de leur visage. Il y avait quelque chose d’espiègle, parfois même de chafouin. Les espoirs étaient nourris, les portraits découpés et certaines écrivaient parfois dans un cahier avec une mine rêveuse tout en parlant avec leurs copines. « Tu auras du succès auprès des garçons une fois que tu seras intégrée dans l’équipe. » assura la chauve dissimulée, avant d’entrer dans les toilettes.

Une fois devant la cuvette, Calypso réfléchit. Ses mains allèrent jusqu’au papier toilette. Elle tira dessus, en tentant de se retenir de dérouler l’entièreté du rouleau. Dans les faits, c’est pourtant ce qu’elle fit. Elle commença à en mettre partout sur le rebord des toilettes. Elle n’aimait pas les endroits sales et elle avait besoin d’être certaine de faire ses besoins dans des conditions optimales. Il valait mieux ne pas trop renifler. Heureusement, elle n’était pas spécialement territoriale. Si elle l’avait été, elle aurait dû faire pipi un peu partout pour recouvrir l’odeur des autres. Si ça n’avait tenu qu’à elle, elle se serait accroupie sur la cuvette et n’aurait pas posé ses fesses dessus. Néanmoins, la dernière fois qu’elle avait essayé, l’une de ses jambes avait faibli et elle s’était retrouvé le talon dans sa propre urine. C’était donc à éviter. « Hein ? Euh… oui oui, c’est ça ! » répondit-elle, en levant le nez du trou rempli d’eau. Ça lui donnait soif. Elle finit cependant par se retourner et s’asseoir. Là, elle fit pipi, prit du papier de toilette et s’essuya en vitesse. Elle remit rapidement ses vêtements, donna deux petits coups de pied sur le sol, bondit légèrement et quitta les lieux comme s’ils étaient maudits et qu’elle y avait vu un Vampire. Elle ferma la porte et tenta d’avoir l’air normale en se dirigeant vers le robinet plus tranquillement. « Oh moi tu sais, je m’entends bien avec la plupart des gens. » dit-elle, en plaçant ses mains sous l’eau. Elle aimait trop voir le liquide tomber dessus. Elle ne se les lava pas vraiment. Elle prit surtout un temps considérable à observer et à remuer ses doigts dans l’optique de produire des effets différents dans le lavabo.

En direction de la salle, l’Eversha s’exclama : « Je ne sais pas pour toi mais, moi, j’ai trop faim ! » Et c’était vrai, en bon glouton qu’elle était.

448 mots