Vade Retro Zvezdas - Johannès

Après de nombreuses réunions du conseil de direction de l’école, le corps pédagogique avait décidé avec l’aval des parents des élèves concernés de maintenir l’excursion prochaine programmée à Seaghdha. Uther avait accueilli l’annonce de cette décision avec enthousiasme, le disciple de Dothasi avait toujours eu la fibre exploratrice en dépit de l’autarcie revendiquée de son peuple. Les rares périples accomplis avec son père en dehors de la forêt des Murmures avaient été riches d’enseignements et l’Alfar se félicitait intérieurement d’avoir l’opportunité pour la première fois de se rendre en territoire vampire. Les instances de l’École avaient néanmoins décidé de prendre des mesures préalables pour parer à toute éventualité. De nombreux travaux préparatoires avaient ainsi été confiées à des tandems d'étudiants devant s’assurer de leur bonne exécution. Uther et son binôme avaient ainsi été investis par les encadrants du volet dissuasion vampirique. Cette mission ô combien importante nécessitait la constitution d’un inventaire de « tout moyen jugé utile à même de repousser une offensive de vampires assoiffés de sang à grande échelle ». L’intitulé était intentionnellement vaste de sorte à laisser une plus grande marge de manœuvre pour sa pleine réalisation. L’Alfar avait pris les devants en anticipation et s’était documenté un après-midi entier sur les suceurs de sang. Si les morsures et l’ingestion d’hémoglobine consistaient en les menaces les plus évidentes, ces créatures disposaient d’autres atouts pour soumettre leurs victimes. La menace était plurielle, hétérogène et particulièrement complexe à éradiquer. Une dératisation à l’ail excessivement relevé de Lumnaar Yuvon ne suffirait hélas pas à les neutraliser.

Uther avait donné rendez-vous à son binôme à l’infirmerie de Basphel pour répertorier toutes les potions, mixtures, concoctions et autres préparations répulsives à même de chasser à un périmètre de cinq mètres tout vampire un peu trop entreprenant. Seulement, il faudrait également tester le maniement et l'usage des produits retenus pour jauger leur praticité et leur efficacité en situation réelle. Certains composés odorifères, provenant d’espèces endémiques au continent naturel, répandaient des effluves pestilentielles si tenaces qu’il serait difficile d’en éradiquer toute trace pendant une journée entière suivant l'exposition du sujet à la solution. Selon les manuels que l'Alfar avait pu consulter, une concoction réalisée à partir d’extraits de scrotum de Goled mixés avec de la bave d’Aptéroptor pouvait à titre préventif constituer une bonne alternative contre les morsures inopportunes des vampires. L’Eraishah avait donc besoin de deux cobayes pour mener à bien ces évaluations : Johannès à qui il avait volontairement tait la réelle finalité de leur entrevue et un élève vampire qui avait bien voulu se prêter à l’exercice et servir de témoin à l’expérience.

Uther avait pris soin d’arriver quelques temps en avance sur les lieux en prenant soin d’expliquer à l’infirmière de garde la teneur et le caractère primordial de leur mission. De son côté, Johannès devait dans un premier temps aller jeter un œil du côté de l’armurerie de Basphel pour recenser tout ce qui serait susceptible de terrasser une offensive de vampires. L'Alfar avait pleine confiance dans  les capacités de Johannès pour ce travail, à fortiori qu’il n’y voyait aucune utilité et qu’il y avait de fortes chances que les Zvezdas ne laisseraient pas une cohorte d’élèves débarquer en heaume de fer, rapière à la main pour un bal vampirique. Peu importe ce que Johannès jugerait judicieux de rapporter à cet évènement, l’important résidait à l’infirmerie.    

« Bonjour Johannès. Regarde, jette un œil, l’infirmière m’a donné une trousse entière de médicaments, d’analgésiques, de sédatifs,  de compresses et même des poches de sang de rechange en cas d'urgence dans un bac réfrigéré. J’en ai profité pour sélectionner quelques potions sur les étagères que je te propose de tester avec l’aide d'une étudiante vampire, qui ne va pas tarder à rappliquer» lança t’il en lui tendant le sac à moitié ouvert donnant sur les fournitures médicales.

« T’as fait des trouvailles à l’Armurerie de ton côté ? »

661 mots

Vade Retro Zvezdas

Musique

Læn trouvait le volet dissuasion vampirique complètement con. Certains disaient que les Ondins étaient les Vampires de l’Océan et il n’en avait jamais trouvé aucun effrayant. Adriæn était sympa, malgré ses tendances à le faire marcher en prenant un air faussement sérieux. Quant aux Sirènes qu’il connaissait, elles ressemblaient bien plus à des Magiciennes imbues d’elles-mêmes qu’autre chose. Elles étaient, en réalité, exactement la vision qu’il se faisait des Sorcières : des morues pédantes qui, en plus, se croyaient puissantes. Il ne comprenait donc pas pourquoi les deux peuples étaient irréconciliables. Qui se ressemble s’assemble, non ? Pour en revenir aux Vampires, le seul qu’il connaissait était celui-là même qui se permettait de pioncer dans son lit pour une obscure raison. Récemment, ils avaient même dormi ensemble une demi-heure, le temps que l’autre voleur de plumard se réveillât. Ce jour-là, le bleu était tellement fatigué qu’il avait décidé de ne pas chasser l’autre et de faire avec. Comme Pieris était plutôt fin, il l’avait poussé contre le mur et s’était étalé à son aise. Quelques jours plus tôt, il avait même accepté que l’efféminé le mordît. C’était d’ailleurs à cette occasion que l’Enfant de la Nuit avait déclaré à Adriæn : « Au fait, ta sœur a ses règles. ». Læn avait failli s’étouffer en avalant de travers. Malgré cette nouvelle dérangeante, l’effet de la morsure s'était avéré plutôt intéressant. Elle lui avait fait plus de bien que de mal et il n’arrivait toujours pas à prendre position sur comment interpréter ce signe.

En revenant de l’armurerie, où il n’avait fait qu’effleurer les armes, en bon touriste, il se rendit donc à l’infirmerie. Ça avait été prévu ainsi. Il savait que s’il séchait encore ses obligations, il devrait retourner moisir en retenue. En actionnant la poignée, les souvenirs d’un rêve lui revinrent en mémoire, un rêve dans lequel il s’était fait mordre. La sensation lui avait paru, là encore, agréable.

« Salut ouais. » dit-il, en fixant la trousse confiée par l’infirmière. Il trouvait toujours tout ça exagéré. « Non pas vraiment… » Il parlait toujours de façon vague quand il n’avait rien foutu. Les professeurs l’avaient mis à jour depuis longtemps. « Rien contre les Vampires. » affirma-t-il, pour faire la conversation. En fait, il avait une autre idée concernant cette étudiante vampire. « Franchement… je me dis que ce serait mieux de la laisser nous mordre, tu ne crois pas ? Parce que bon, il paraît que certaines personnes aiment bien la morsure… si c’est notre cas, ça sert à rien de chasser les Vampires à coups de crucifix ou de jus de citron… » Il soupira. « J'ai un coloc, Sym, qui mange de la pâte de fruit depuis une semaine en prévision du voyage à Seaghdha. Il veut voir si ça attirera les Vampires… Pieris, un autre coloc Vampire, n’a pas l’air de mordre à l’hameçon en tout cas. »

468 mots

Vade Retro Zvezdas - Johannès

Uther s’efforça de ne pas manifester son scepticisme lorsque Johannès revint bredouille de son escapade à l’armurerie. Y était t’il seulement allé ou avait t’il préféré baillé aux corneilles en roupillant sous l’ombre d’un arbre quelque part à l’abri des regards indiscrets ? L’Alfar ne goûtait que très peu aux traînes savates dissipés qui se dédouanaient de leurs travaux et qui comptaient sur leurs camarades pour sauver les apparences. L’oisiveté était diamétralement opposée aux valeurs qu’on lui avait inculqué sur Drosera et Uther éprouvait une profonde aversion pour tous ceux qui entendaient vivre sur le dos de la bête en profitant de l’altruisme de leurs congénères. L’Eraishah ne s’était fait aucune illusion lorsqu’il avait écopé du turbulent Magicien au caractère exécrable comme partenaire. Le corps pédagogique avait délibérément décidé de lui flanquer le cancre de service pour mieux équilibrer le binôme. Toutefois, l’heure n’était pas au procès d’intention. Uther avait entendu les rumeurs à son sujet mais entendait bien se faire son propre avis sur son compte. Avis qui ne manqua pas de se préciser lorsque Johannès aborda le jus de citron et les crucifix pour se prémunir des Zvezdas. L’alfar roula des yeux à mesure que le magicien déroulait sa pensée. Tout devenait clair à présent. Le Sarethi avait découvert lors de ses consultations que certaines victimes semblaient ne pas avoir mentionné de gêne particulière au moment de la morsure. Certains sujets décrivaient une sensation de bien-être, de contentement voire de plaisir euphorique – allant dans quelques cas répertoriés jusqu’à l’extase – des individus qui portaient les stigmates d’une attaque perpétrée par les buveurs de sang. Parfois, l’offensive vicieuse portait en elle les germes d’une addiction si forte que les victimes aliénées ne pouvaient s’empêcher de recroiser le chemin de leurs oppresseurs pour qu'ils poursuivent leur œuvre macabre. Est-ce que Johannès pouvait compter parmi ceux la ? La question restait en suspens.  

« Tu as raison, on devrait essayer de leur faire des infusions à la bardane ou au tilleul pour les mettre à l’aise. Le jus de citron, ce n’est valable que contre les sorciers. » laissa t’il planer avec sarcasme.

« En tout cas, je suis pas convaincu qu’on puisse simplement préconiser aux professeurs de laisser les vampires vider de leur sang les élèves ayant donné leur consentement pour se faire mordre. A fortiori que certains vampires descendent de la lignée maudite Lech et qu'ils seraient à même de transformer leurs proies en des bêtes si atrophiées et difformes que les vampires eux-mêmes ont décidé de les mettre au ban de leur société. Toutefois, ta suggestion est bienvenue, il apparaît important d’étudier le phénomène pour en connaître les ressorts. »

« J’espère que je ne vous dérange pas » l’interrompit la nouvelle venue.

« Ah ! Bonsoir Eglantine, merci de t’être donné la peine de venir, c’est très aimable de ta part. Bien, nous avons un petit changement de programme. Johannès s’est gentiment proposé pour se laisser mordre par tes soins pour qu’on puisse élaborer une stratégie de dissuasion efficace. Je vais vous observer et prendre des notes pendant l’expérience. »

L’Alfar avait délibérément mis de côté l’évaluation des potions qu’il avait préalablement échantillonné. La curiosité à l’égard de la morsure avait éveillé un intérêt singulier chez l’Eraishah. Il était assez rare de pouvoir assister à pareille opération, les vampires préférant entretenir leurs petites affaires en toute discrétion. Les observations compilées dans son carnet lui seront fort utiles pour définir les contre-mesures les plus pertinentes si les choses venaient à se corser à Seaghdha.

« Vous devriez peut être... »

Trop tard. Églantine était déjà à pied d’œuvre. Peut être aurait t’il mieux valu qu’il fasse signer à Johannes une décharge déclinant toute forme de responsabilité en cas de complication ?

« Essaye de ne pas lui arracher la jugulaire surtout, je ne voudrais pas avoir à nettoyer le local avec du détergent ensuite ... »

652 mots

Vade Retro Zvezdas

Musique

Læn fixa Uther avec une mine étrange. S’il n’avait aucune idée de ce qu’était la bardane, il trouvait son coéquipier péteux. Il avait le charisme d’une moule, comme Sympan, à la différence que Sympan expliquait toujours ou presque ce qu’il débitait. Certes, la plupart du temps, il s’en foutait. Néanmoins, pour n’importe quel interlocuteur intéressé, les mots devenaient clairs, une fois accolés à leur définition. Le sarcasme n’était pas non plus dans la palette de ce que le faux Magicien comprenait aisément. Cependant, il n’en aimait pas le ton. Ça l’agaçait d’entendre à longueur de temps tous ces élèves de Basphel, convaincus de leur importance, qui se sentaient obligés d’employer des mots et des tournures de phrase destinées à faire comprendre aux autres ô combien ils étaient meilleurs. Lui s’en foutait. Il se foutait d’eux et s’il avait été mal éduqué, il leur aurait pissé à la raie. A fortiori, mon cul, oui, pensa le bleu. « Franchement, je ne vois pas le problème. » dit-il, quand l’autre lui fit remarquer qu’on ne pouvait pas laisser des élèves se faire vider de leur sang par des Vampires ou, pire, transformés. Il y avait en lui une certaine propension au chaos. On lui avait raconté qu’une fois, les élèves du club de crochet s’étaient rebellés parce que ceux du club de tricot avaient de meilleurs locaux. L’histoire l’avait attiré comme une mouche. Il aimait le vent de la révolte. Ce qu’il aimait moins, en revanche, tenait en ce qu’il avait devant lui : une tête d’intello qui devait être abonné à la langue de bois et aux tournures complexes pour ne rien dire de plus.

« Ouais salut. » salua-t-il, après avoir ricané à la longue phrase de l’autre. Merci de t’être donné la peine de veniiiiirrr, répéta-t-il dans son esprit. Ça le fit glousser, si bien qu’il mit un certain temps avant de comprendre la teneur des propos de l’Alfar. « Euh ouais mais en fait… » La fille l’empêcha de protester. La fin de sa phrase mourut dans le rapprochement qu’elle opéra. Au fond, il savait que cette dégénérée n’allait pas chercher à l’embrasser ou à lui toucher l’entrejambe, comme cette folle de Nel avait pu le faire. Néanmoins, il eut le réflexe de pencher sa tête en arrière, pour protéger ses lèvres d’une potentielle tentative de viol buccal. L’opération favorisa la morsure. Læn écarquilla les yeux et râla. « Lâche-moi… » souffla-t-il, agacé. Le perçage faisait toujours mal. Pour le reste, il n’était pas prêt à apprécier quoi que ce fût en provenance d’une fille qu’il ne connaissait pas. Il avait le désir et le plaisir mauvais. « Lâche-moi je te dis. » répéta-t-il. Comme elle n’en faisait rien, il perdit patience, vit rouge et abattit le tranchant de sa main dans le cou de l’Enfant de la Nuit violemment. Le choc la fit tourner de l’œil et elle s’écroula sur le sol sans qu’il ne cherchât à la rattraper. « Putain… » fit-il, eu égard au sang qui s’échappait de son propre corps. La fille ? Il n’en avait rien à faire. Il choppa une compresse et se l’appliqua sur le cou en grognant dans sa barbe. « Tu vois, pas la peine de faire des potions et des machins. Un bon coup sur la jugulaire et bim ! » articula-t-il, visiblement toujours pas préoccupé par la Vampire. « Par contre… la prochaine fois que tu dis à une meuf que je connais pas de me bouffer, je te réduis en miettes, clair ? Maintenant tu vas t’occuper d’elle et moi j’me casse. Marre de ces conneries. » gronda-t-il, le regard sombre.

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