Une promenade dans la neige pour se dégourdir les jambes
Faust & Perséphone

☙ Bad Omens - The Death Of Peace Of Mind

Perséphone marchait avec une excessive lenteur. L'extrémité de ses bottes fourrées s'enfonçait en crissant dans la neige d'une telle façon qui fascinait la Sorcière à chaque pas esquissé. La diversité des chaussures était aussi une nouveauté. Quand Basphel avait indiqué aux étudiants de prendre des affaires chaudes, elle était restée interdite. Elle avait demandé de explications et un professeur avait eu pitié d'elle et l'avait emmenée dans l'une des rues marchandes de la ville côtoyant l'école pour se munir de façon adéquate au climat du Berceau Cristallin.

Son souffle formait un nuage de vapeur à chaque expiration, floutant les contours de la silhouette du garçon qui marchait devant elle. Tout ce qu'elle savait de lui, c'était son nom et qu'il était du même département. Ça ne l'avançait guère mais pour le moment, elle verrouillait ses questions sur le bout de sa langue par méfiance. Son père n'aimait pas qu'elle pose des questions et elle avait appris à ne pas en poser de crainte de s'attirer les foudres de son interlocuteur.

Subitement, Faust dévia du chemin et Perséphone s'arrêta, prise par l'indécision. Devait-elle le suivre et l'imiter ? Statufiée, la violette le scrutait de son regard perçant, profitant qu'il était occupé pour le dévisager sans s'inquiéter qu'il s'en aperçoive. Dès qu'il la regarda, elle fit mine de regarder ailleurs et croisa les mains dans son dos. Le son de sa voix fendit l'air, la faisant sursauter. Elle lui jeta un coup d'oeil, puis regarda à droite, puis à gauche. Constatant l'absence immédiate d'autres personnes, ses lèvres se pincèrent. « Oui. » Confirma-t-elle. Sa voix était légèrement rauque, comme le roulis de cailloux sur une pente.

Le silence se réinstalla et les muscles raidis dans sa nuque se détendirent légèrement. Il s'était remis à enfoncer brutalement ses pieds dans la neige. Il paraissait apprécier l'expérience, aussi décida-t-elle de l'imiter. Elle s'éloigna l'air de rien, lui tourna le dos, et, après une courte hésitation, elle inspira brièvement et balança son pied dans une congère. Elle avait manqué d'élan et son pied se contenta de s'enfoncer mollement dans le monticule. Déçue, la Sorcière récupéra son pied et se pencha pour prendre une poignée de neige entre ses mains. Elle avait enlevé ses gants rouges pour s'en saisir et frémit sous la morsure glacée. Intriguée, elle porta ses paumes ouvertes au niveau de sa bouche, souffla doucement jusqu'à ce qu'un peu de poudreuse s'échappe du linceul de chair. Ses yeux se mirent à scintiller et elle pencha la tête. Le bout de sa langue se hasarda entre ses lèvres pour satisfaire la curiosité de ses autres sens. Un simple goût d'eau froide emplit sa bouche et elle fronça les sourcils. « Mmh. C'est la première fois que je vois de la neige. » Fit-elle enfin, sans véritablement s'adresser à Faust. Parfois, elle se disait que son ami imaginaire pouvait l'entendre même lorsqu'elle ne l'invoquait pas. La montre à gousset était emmitouflée derrière les couches de ses vêtements et reposait à même la peau de sa poitrine, au plus près de son coeur. Lui aurait compris son émoi.

Une promenade dans la neige pour se dégourdir les jambes
Faust & Perséphone

☙ Bad Omens - The Death Of Peace Of Mind

Perséphone tressaillit alors que Faust l'interrogeait à nouveau. Lentement, elle orienta son visage vers le sien pour ficher ses yeux rêveurs dans les siens. « Je serai incapable de te le dire. Je ne sortais jamais. J'étais enfermée dans une chambre sans fenêtres. » Lâcha-t-elle sans marquer la moindre expression. Elle avait remarqué qu'en exposant ce fait, les réactions différaient d'un étudiant à un autre. La pitié, le plus souvent, jaillissait d'eux. Pour une raison ou pour une autre, ça l'agaçait. Que devait-elle faire avec ça ? Ce n'était pas comme s'ils pouvaient modifier son passé. En vérité, elle se moquait bien de ce que Faust aurait à répondre à ça et elle se détourna pour reprendre l'étude de son environnement. Il n'y avait pas que la neige, il y avait aussi la végétation qui réussissait à croître malgré le climat peu clément. La Sorcière n'y connaissait rien. Les arbres, les lacs, les forêts, la mer, n'étaient que des courbes encrées dans les livres que son père lui autorisait à lire, ils ne portaient pas la moindre signification. Mais chaque jour, elle découvrait de nouvelles choses, et si ce voyage était éprouvant à plusieurs niveaux, elle se réjouissait aussi de cette opportunité d'étendre sa connaissance de ce monde dont elle avait été privée. Plus le temps passé hors de sa prison s'allongeait, plus elle se découvrait avide d'en apprendre davantage, de tout goûter, de tout savoir. Seule la peur ligotait ses envies. La peur que tout ne soit qu'un rêve, une farce conçue par son père dans l'unique but de la faire souffrir davantage lorsque ses griffes se poseraient à nouveau sur elle pour lui faire retrouver sa cellule. Elle ignorait s'il avait survécu à Amestris ce jour-là. On lui avait relaté ce qu'il s'était réellement passé. Avait-il succombé, écrasé par un morceau de lune noire ou avait-il été simplement blessé et s'était mis à sa recherche ? Même s'il lui avait fait comprendre à plusieurs reprises à quel point son importance était nulle et sa valeur à peine plus discutable qu'un objet, elle était aussi sa possession et il n'aimait pas voir ses biens s'échapper.

L'injonction de Faust rompit le chemin de ses pensées et la violette baissa les yeux sur la neige qui fondait entre ses doigts. « ... » Il y avait des chevreuils dans les environs ? Elle sonda l'horizon à la recherche de ces animaux quand un projectile humide et glacé heurta sa joue de plein fouet, projetant sa tête sur le côté. Avec un cri étranglé, elle chuta à genoux et porta une main à sa joue et l'autre en l'air comme pour se défendre d'un nouveau coup. Elle s'était recroquevillée compulsivement en prévoyance de la pluie de coups qui allait forcément suivre. Il n'y en avait jamais qu'un seul. Elle savait qu'elle aurait dû garder le silence malgré les questions du garçon. Les paroles d'une femme étaient toujours déplaisantes et elle avait dû provoquer la colère du brun sans le savoir. Prostrée au sol, elle ne bougeait plus, la tête rentrée et dissimulée derrière son bras levé. Un léger tremblement l'avait saisie. Peu à peu, comme rien de plus ne se produisait, elle risqua une œillade dans sa direction et eut presque l'air choquée de ne pas y trouver son tourmenteur habituel. Avec la lenteur de l'animal qui surveille son chasseur et voit jusqu'où il peut aller avant de se faire transpercer, elle se releva avec des gestes précautionneux. Puis, sans avertissement ni regard en arrière, elle prit ses jambes à son cou et s'enfuit sur le chemin inverse pour rejoindre l'auberge en parvenant, par miracle, à ne pas glisser sur les plaques verglacées. Son coeur tambourina longtemps après qu'elle eut rejoint sa chambre et elle se lova sous sa couette et ignora ses camarades à l'heure du repas, décidée à ne pas quitter son cocon jusqu'au début du Fessetival.