Intrigue / Objectif : Commençant son apprentissage de forgeronne, Kathe va y forger ça premier véritable lame et comprendre que la simple technique ne fait tout dans une bonne arme.

Le premier choc fit aussitôt jaillir mille étincelles du métal rougi et encore brûlant. Un deuxième retentit et à nouveau les étincelles jaillirent de toute part. Un troisième. Le quatrième allait tomber lorsqu'une voix retentit non loin, grave et sonnante :

" Mais qu'est-ce que tu es en train de faire là ? Tu n'écoutes donc rien de ce que je te dis ? Je t'ai déjà dit cent fois de ne pas frapper le métal ainsi, comme une abrutie. "

Les yeux ronds de surprise et d'incompréhension, Kathe fixa le forgeron sans comprendre pourquoi ce dernier venait de la réprimander à nouveau.

" Mais Je... Je fais comme vous me dites de le faire ! "

Furibond, l'homme répliqua aussitôt :

" Non ! Tu ne m'écoutes toujours pas ! Tu n'as donc rien compris à ce que veut dire forger une arme ? Ce n'est pas un couteau de boucher que tu veux fabriquer là ? Non, c'est une lame, une extension du bras et de l'esprit de celui qui la maniera, une œuvre d'art. "

Il désigna alors d'un geste vague le métal encore brulant que tenait son apprentie :

" Ça... Ce que tu me fais là sera juste bon pour le premier péquenaud venu, il s'en servira très bien comme pelle ou pour labourer les champs. "

Touchée à vif par cette pique acérée, Kathe se mit à bégayer sévèrement, sa bouche s'ouvrant et se refermant sans qu'aucune réponse ne lui vienne clairement. Elle resta totalement sans voix, incapable de répliquer. Voyant son désarroi, l'homme adoucit le ton et lui demanda alors :

" Qu'est-ce qui fait une bonne lame, selon toi ? "

Aussitôt Kathe reprit ses esprits et répondit à son maître :

" Le tranchant, la solidité et l'équilibre. "

Se grattant la barbe, le forgeron leva un instant les yeux vers le plafond de la forge avant de lâcher dans un murmure :

" Mmh, oui... Mais il n'y a pas que cela... "

Curieuse, la Lyrienne leva un sourcil tout en observant l'homme avec le plus grand des intérêts. Peut-être allait-elle enfin savoir ce qu'elle n'effectuait pas correctement, tout en espérant qu'il puisse lui montrer la bonne technique à employer. Elle n'aurait alors plus qu'à suivre ses méthodes à la lettre, ce qu'elle faisait déjà pourtant. Mais quelque chose devait forcément lui échapper.
Après un silence qui lui sembla durer une éternité, Kathe eut enfin sa réponse lorsque son maître reprit enfin la parole :

" Il y a bien plus que cela... "

Posant ses yeux dans ceux de la jeune fille, il poursuivit :

" Avec ce que tu me dis, tu feras très certainement de bonne lame avec le temps. Mais ce serait-là des armes destinées à de simples soldats. Celles-ci ne seraient alors que de vulgaires outils, sans âme ni passion, elles n'auraient absolument rien d'unique et de remarquable. Dans ce cas, autant t'entrainer pendant quelques semaines et tu deviendras ainsi une parfaite ouvrière. Mais tu n'es pas là pour ça je présume
Attention ! Je ne te demande pas de faire quelque chose de joli, mais simplement d'y infuser toute ton âme et ta passion dans la création de tes lames. Essaye donc déjà d'écouter le métal, de le comprendre, cela te mettra sur la bonne voie du forgeron. "

Voyant alors le regard ahuri de sa jeune élève, l'homme poussa un profond soupir, las.

" Bon, arrête-toi là. Tu vas aller faire autre chose afin que tu comprennes par toi-même le sens de mes mots. Rien ne vaut la pratique n'est-ce pas "

Sur ce, le forgeron lui intima de stopper son travail d'un geste avant de l'inviter à le suivre en dehors de la forge.

Traversant le long couloir de la demeure de son maître, Kathe ne put s'empêcher d'y admirer les diverses armes et armures ornant ce dernier. Toutes et tous ayant été forgé de sa main. Il était un Lyrienn de feu tout comme elle, mais celui-ci ne vivait pas sur Yangin, ayant préféré s'éloigner des conflits incessants qui animait le cœur de ses camarades pour se consacrer pleinement à sa passion. Jouissant d'une certaine renommée dans le milieu, l'homme continuait toujours d'offrir ses services à ses semblables, ainsi qu'au reste du monde en faisant la demande. Ce fut Cléophace, la cousine de Kathe qui vint le trouver afin de lui proposer la jeune fille comme apprentie, connaissant la nouvelle passion de cette dernière pour la forge. Elle voulait donc tout faire pour l'aider à progresser dans cette voie.
Dans un premier temps, le forgeron, Malik de son nom, ne fut guère enthousiaste à l'idée d'avoir une gamine dans ses pattes, une fille qui plus ait. Mais la détermination dans le regard de cette dernière, ainsi que les promesses d'or et de minerai de Cléophace eurent tôt fait de le faire céder. Prenant alors la jeune fille sous son aille, malgré quelques réticences.
Voici ainsi comment Kathe se retrouva en ce lieu, suivant son maître jusqu'à l'arrière du bâtiment, dans une petite cour en extérieur. Celle-ci ressemblait fort à un terrain d'entrainement, et pour cause s'en était un. Le sol sablonneux, les deux mannequins de bois et l'immense râtelier, sous un préau non loin, ne laissèrent aucun doute quant à l'utilité de cet endroit. Mais pourquoi l'avait-il emmenée jusqu'ici ? La jeune Lyrienne ne tarda pas à le comprendre lorsque Malik prit de nouveau la parole en s'adressant à son apprentie.

" Nous y voilà ! Pour que tu puisses comprendre un peu mieux, je vais te laisser t'entrainer avec toutes ces armes à ta disposition. "

D'un large geste, il désigna le vaste râtelier et tout l'arsenal qu'il contenait, avant de poursuivre :

" Essai donc un peu de toutes les manier, de faire quelques passes avec, tu ressentiras alors la différence qu'il y a entre une arme forgée pour simplement servir d'outil et celles dans lesquels le forgeron y a mis toute son âme.
Je te laisse. "

Et sur ces mots, Malik lui tourna le dos et repartit dans sa demeure, pour forger tranquillement, loin de cette gamine qui le ralentissait dans son travail, très certainement.

Seule dans la cour, Kathe resta pendant un instant totalement déconcerté, se demandant si ce n'était pas là une sorte de punition que lui infligeait son maître. En quoi une arme était-elle différente d'une autre, si ce n'étaient les matériaux ou la technique de forge utilisée ? Elle ne comprenait toujours pas, mais en même celle-ci s'approcha du râtelier pour en décrocher l'une d'entre elles. Une bonne prise en main, souple, équilibrée et résistante à vue d'œil, bien que la Lyrienne ne soit pas encore experte sur le sujet. Les matériaux, leur travail ainsi que leurs diverses applications lui étaient encore inconnues. Faisant alors quelques passes d'armes avec la lame, elle ne sentit vraiment rien d'extraordinaire dans son maniement, seulement que ce fut une très bonne arme en remplissant à merveille tout ce qu'on lui demandait. La jeune fille chercha encore pendant un instant, voir si elle ne trouvait pas autre chose, un détail, aussi infime soit-il, qu'elle n'aurait tout simplement pas remarquée. En vain. Haussant les épaules d'un air déçu, elle reposa alors l'arme dans son râtelier avant d'en prendre une nouvelle. La prenant dans ses mains et au moment où sa paume vint agripper fermement la poignée de la lame, une étrange sensation se fit aussitôt ressentit dans le bras de la Lyrienne, remontant ensuite dans son corps tout entier. À peine eut elle effectuée quelques mouvements avec cette dernière que Kathe ressentit immédiatement la différence avec la précédente lame. Mais d'où provenait-elle exactement ? Cela relevait du mystère le plus total pour la jeune fille. Les deux armes remplissaient à la perfection les caractéristiques pour lesquels elles furent forgées. Et pourtant, il existait un écart inexplicable entre celles-ci.
Continuant ses mouvements d'entrainement, alternant entre tous les équipements que l'arsenal de son maître avait à lui offrir. Elle put ainsi reconnaitre aisément les armes de moyenne facture, les excellentes et bien entendu celles qui semblaient entrer en parfaitement symbiose avec ses gestes et son corps entier. La Lyrienne poursuivit donc ses recherches, essayant même de comparer deux de ces étranges lames ensemble. Sans grand succès malheureusement, même si ces dernières partageaient de nombreuses similitudes sur la forme. Mais dans le fond elles paraissaient si différentes, comme si celles-ci possédaient une âme propre à chacune d'entre-elles. Ce fut alors à cette réflexion que l'adolescente crut entrapercevoir un début de réponse à toutes ses interrogations, ainsi qu'à celle posée par son maître. Se stoppant un instant, Kathe contempla la lame qu'elle tenait dans ses mains. Presque, elle sentait que les réponses se rapprochaient, pouvant quasiment les toucher du bout des doigts. Ne manquait plus que quelques centimètres, une simple poussée, un dernier sursaut.
Les yeux de la Lyrienne s'écarquillèrent soudainement, l'illumination l'atteignit. Son esprit venait alors de comprendre, ou peut-être était-ce simplement l'intervention d'un Aetheri venant de lui souffler la réponse. Dans tous les cas, la jeune fille se précipita en courant à l'intérieur de la demeure pour y retrouver la forge.

Arrivée dans la forge de son maître, Kathe y récupéra ses outils, une barre de métal et elle se mit alors au travail sans plus tarder. Venant de comprendre les propos de Malik, son mentor, la Lyrienne mit alors tout son cœur à l'ouvrage de cette nouvelle lame. Ce fut ce qui lui manquait, de la passion dans son art, écouter le métal chanter et le choyer tel un nouveau-né, s'y dévouer corps et âmes même si cela pouvait prendre des années. Frappant, martelant et chauffant le fer, rien ne semblait avoir changé en apparence, mais la jeune fille fut totalement absorbée par son travail, ne remarquant même pas la présence de son maître qui l'observait du coin de l'œil, un sourire aux lèvres.
Finalement, après plusieurs heures de travail acharné, Kathe put enfin achever son travail lorsqu'elle plongea la lame dans l'huile afin de refroidir cette dernière. Ce fut à ce moment-là que Malik intervint et prit l'ouvrage de son élève afin de l'étudier plus en détail. D'un œil expert, il vit aussitôt que cela ne fut bien évidemment pas la plus aboutie des lames, la jeune fille manquant encore de pratique, mais le métal exaltait de la passion de celle-ci. Par la suite, le forgeron appliqua garde et pommeau sur l'arme et la tendit à la Lyrienne avec un petit rictus malicieux.

" Tiens ! Elle est à toi. Mais tu sais... les meilleurs des lames sont celles qui ont un nom. "

Kathe reprit alors des mains de son maître sa première et véritable épée. Et de ce fait il fallait bien marquer le coup en la baptisant. Réfléchissant un instant, les sourcils froncés, les yeux de la fille du feu s'illuminèrent alors, tout en déclarant fièrement :

"La porteuse de Feu !"

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