Un sourire forcé se dessina sur mes lèvres. Ainsi donc était-ce elle, Muscarine Paiberym, le monstre de Nementa Corum, la truie de la demeure Paiberym ? Dégueulasse. « Enchanté, je suis Léonidas Taiji. » « Muscarine Paiberym. » Je m’installai en face d’elle. Une table basse me séparait du psychrolutes marcidus. Son visage était bouffi et ses lèvres encore luisantes de ce qu’elle avait dû manger plus tôt. À moins que ce ne fût du maquillage ? Difficile à dire. « C’est un honneur d’unir nos deux maisons. » dis-je, en répétant les mots prononcés plus tôt par ma mère. Cette dernière me paraissait, à présent, être la personne la plus terrible que le monde eût pu porter. Comment avait-elle pu me donner à cette chose ? Comment avait-elle pu, parmi tous ses enfants, se dire que j'étais le choix idéal à unir à cette vache ? Comment ? Sous ses tissus graisseux, y avait-il quelque chose de viable ? Sa poitrine ressemblait à deux cuisses de porc et sa bedaine cachait sans conteste son pubis. Comment m’y prendrais-je pour la saillir ? À quatre pattes ? Il me faudrait l’écarteler avant de pouvoir atteindre ce qui devait être horrible à regarder. Son hygiène laissait forcément à désirer, vu son poids. Elle n’en était pas au niveau de son père mais… J’avais envie de vomir. « Tout à fait. » répondit-elle, en trempant ses doigts boudinés dans le saladier rempli de chocolats qui nous séparait. « Nos familles seront d’autant plus liées. La fonction de votre père et, nouvellement, de mon oncle, est une aubaine. D’où ce mariage, n’est-ce pas ? » Je la fixai croquer la friandise. Du caramel coula sur ses lèvres. « Oui… » Même si son oncle ne servait pas les Sorciers. « Vous êtes tout blanc. Allez-vous bien ? » Elle ne semblait pas spécialement inquiète. Faussement inquiète plutôt. « Oui, ne vous inquiétez pas. » Non, ça n’allait pas. Il fallait que je me débarrassasse de ce triple boudin. Je savais que ma mère, jamais, ne me laisserait rompre les fiançailles qu’elle avait conclues pour moi. Heureusement, il me restait encore quelques années avant le mariage. D’ici là, il me faudrait trouver un moyen de la tuer. Les gros avaient souvent des problèmes de santé et les chevilles fragiles… Je souris. « Votre sourire est vraiment élégant. J’espère le revoir souvent. » « Vous êtes trop aimable. » Elle sourit à son tour et attrapa deux chocolats qu’elle engloutit sans aucune gêne. « Vous en voulez ? » « Non merci. » « Quel dommage. Ma mère a toujours pensé que les hommes avec un gros appétit étaient de meilleurs géniteurs. Elle sera peinée d’apprendre que vous ne mangez rien. » Tant mieux. « Allez, ne faites pas de manières, faites aaahhh… » dit-elle, en se levant et en amenant ses doigts répugnants vers mes lèvres. Une lueur machiavélique luisait dans ses yeux dorés. « Mais… » Lorsque le carré fut arrivé contre ma bouche, je fus bien obligé de l’ouvrir. « Voyez, ce n’est pas si dur. » dit-elle, en tapotant mes lèvres de ses doigts humides. Un rire nerveux en sortit. Je mangeai et avalai, désireux de changer de sujet de conversation. « Qu’aimez-vous faire de vos journées ? » demandai-je, en ravalant ma nausée. « Eh bien… manger et m’occuper de mes champignons. » Un grand vide glacial se créa à l’intérieur de moi.

Je fixai les yeux bleus de Léonidas Taiji. Il ressemblait à son père, en moins imposant. Un gringalet. Comment une telle tige pourrait-elle me supporter ? Ma mère avait rivalisé de mauvais goût, pour me trouver un nigaud pareil. Ne pouvait-il donc pas couper ces cheveux ondulés ? Se croyait-il beau ? Enchanté, je suis Léonidas Taiji. » Enchanté ? Vraiment. Je ne l’étais pas. « Muscarine Paiberym. » articulai-je, en souriant faussement. J’étais à peu près certaine qu’il ne savait rien faire de ses dix doigts. Était-ce ça qui allait me défendre si une autre guerre venait à éclater ? Son père n’avait pas dû fournir beaucoup d'efforts lors de la conception de cette énergumène. Une crevette.  « C’est un honneur d’unir nos deux maisons. » Heureusement que nous n’étions pas seuls. J’allais pouvoir noyer mon dégoût dans ces délicieux chocolats. Je ferais de Léonidas ma chose et s’il se rebiffait, je le croquerais et l’avalerais comme l’une de ces divines friandises… « Tout à fait. » répondis-je.  « Nos familles seront d’autant plus liées. La fonction de votre père et, nouvellement, de mon oncle, est une aubaine. D’où ce mariage, n’est-ce pas ? » Je n’aimais pas son air arrogant. Oui, il se pensait beau. Plus que moi. Serait-il encore beau, une fois couvert d’une couche de moisissure ? « Oui… » Oh mon poussin ? Que t’arrive-t-il ? Je ne te plais pas ? Dommage, car ce sera moi ta femme. « Vous êtes tout blanc. Allez-vous bien ? » Clairement pas. Pauvre petite chose toute frêle. « Oui, ne vous inquiétez pas. » Quel culot. Mentir ainsi à sa fiancée ? Je lui souris. « Votre sourire est vraiment élégant. J’espère le revoir souvent. » Et entendre ses cris également. « Vous êtes trop aimable. » Bien sûr. Je plongeai de nouveau mes doigts dans le bocal. J’adorais sentir le caramel couler dans ma gorge. À quoi pensait-il ? Sans doute à notre mariage et à notre devoir conjugal. Je me demandais bien comment il pourrait me faire un enfant. Sa queue devait être à l’image de sa silhouette : aussi fine que fade. Allais-je devoir lui fournir un plan, afin qu’il trouvât le chemin ? « Vous en voulez ? » demandai-je, en désignant les chocolats, après avoir constaté qu’il manquait clairement de conversation. « Non merci. » C’est ce que nous allions voir. « Quel dommage. Ma mère a toujours pensé que les hommes avec un gros appétit étaient de meilleurs géniteurs. Elle sera peinée d’apprendre que vous ne mangez rien. » Aucune réaction ? Peut-être était-il comme moi ? Désireux d’en finir avec cette vulgaire farce ? Néanmoins, il valait mieux que les choses fussent claires dès le début : il ne me survivrait pas. Si l’un de nous devait mourir, ce serait lui. Autant commencer maintenant à lui faire comprendre les choses. Je me levai, attrapai un chocolat et forçai l’entrée de ses lèvres. « Allez, ne faites pas de manières, faites aaahhh… » « Mais… » Il n’y a pas de mais.  « Voyez, ce n’est pas si dur. » dis-je, en me rasseyant. « Qu’aimez-vous faire de vos journées ? » Dévorer les asperges dans ton genre. « Eh bien… manger et m’occuper de mes champignons. » Je souris.