Posé sur les genoux de sa mère, le garçon jouait avec un petit cube en bois. Dans cette configuration, on pouvait constater l'étendue de leur différence. Naveen possédait une peau sombre, au teint chaud et halé, là où Thaïs conservait une pâleur qui, au sein du désert, aurait pu être considérée comme maladive. Mais, surtout, c'était la paire d'aile blanche et duveteuse qui pendait dans le dos de l'enfant qui attirait l'attention : on aurait aisément pu le confondre pour un Ange. Pourtant, il s'agissait bien de l'un de leur protégé. La tenue dont on l'avait affublé était d'une étoffe délicate, trop chère pour de simple roturier : peut-être était-ce là l'unique ressemblance que l'Enfant des Cieux partageait avec la famille qui l'avait accueillit.
La tignasse de Naveen s'étendait en une auréole frisottée autour de sa tête, et sa mère y passait régulièrement la main, lorsqu'elle ne les tressait pas pour les plaquer contre son crâne. Sa frimousse arborait encore les rondeurs de l'enfance, qu'elle conserverait trop longtemps au goût de l'adolescent qu'il deviendrait. Son visage expressif accueillerait ses sourires et ses grimaces, creusant aléatoirement une paire de fossette dans ses joues. Quelques pigmentations plus foncées décoreraient également ce visage coquin. Mais plus que ses sourires malicieux, se seront ses yeux en amandes, dont les prunelles d'un brun ocré transmettent toutes ses émotions, qui interpelleront celles et ceux sur qui ils se poseront.

Naveen est telle la terre qui l'a accueillit : il sait se montrer aussi chaleureux que glacial, et il est parfois complexe de parvenir à s'adapter son tempérament changeant.
Lorsqu'il est de bonne humeur, l'Humain se révèle jovial, enthousiaste et amusant. Il aime jouer le pitre et s'attirer la sympathie de sa famille - comme si, de la sorte, il se sentait davantage apprécié.  On le dit parfois courageux, mais il conviendrait davantage de le décrire comme irréfléchi et curieux. Il aime s'aventurer là on ne l'attend pas, le rendant parfois imprudent. Sa détermination le borne à un entêtement parfois fâcheux et il est parfois difficile de lui faire entendre raison, au grand damne de ses camarades qui doivent lui faire avouer ses torts. La routine le lasse vite et il cherche sans cesse à s'appliquer à de nouveaux projets.
Détestant la solitude, il a souvent tendance à chercher la compagnie de ses frères et sœurs ainsi que de ses amis. Cela le rend quelque peu possessif et jaloux, comme s'il craignait qu'on l'oublia. Dans son emportement, il peut se révéler colérique, son caractère l'entrainant dans des actions qu'il a tôt fait de regretter.

« Dame Nassiri. » Thaïs releva la tête vers sa domestique. « Monsieur votre époux vous fait demander dans la cours secondaire... Il y a eut un nouvel arrivage. » La mère de famille acquiesça pour signifier qu'elle avait compris avant de se retourner vers son garçon. « Tu as entendu ça Naveen ? » fit-elle de cette voix faussement mielleuse que l'on emprunte pour s'adresser aux enfants en bas âge. « Allons voir ce que Papa nous ramène aujourd'hui ! » Le fils avait relevé la tête des batônnets  qu'il avait essayé d'assembler ensemble puis s'était levé en voyant sa mère en faire de même. Elle lui tendit la main, dont il s'empara sans dire un mot. Il n'aimait pas aller là-bas, pourtant, lorsqu'il témoignait trop de ses émotions, ses parents s'évertuaient à lui rappeler que les Humains formaient un peuple fier et que, ce qu'ils entreprenaient était pour leur bien. Qu'ils aidaient ainsi à bâtir une nation forte. Peu importait pour le jeune garçon : tout ce qu'il retenait de ces mascarade, c'était la souffrance et la haine qu'il lisait dans les yeux des hommes et des femmes qu'il y voyait. Alors, à chaque fois, il essayait de faire taire son cœur. Se raccrocher à la main de sa mère l'aidait un peu à s'apaiser, bien que la nuit, elle ne fut plus là pour repousser ses cauchemars.

La cours secondaire n'était éclairée que par un puis de lumière : ce qu'il s'y passait n'était pas bon pour la vue de tous. Naveen sentit un frisson le secouer et il raffermit sa prise sur la robe de sa mère adoptive. Voyant sa réaction, la Juge esquissa un sourire et prit le garçon dans ses bras. « Tu n'as rien a craindre, Anākē. » assura-t-elle d'une voix apaisante en serrant son fils contre elle, descendant les marches de sa demeure pour rejoindre les hommes et les femmes qui patientaient. Elle s'approcha d'eux, sans les craindre une minute : tous paraissaient faibles, parfois étourdis ou malades. « Ici, ils sont incapables de nous faire du mal. » Le regard qu'elle porta sur les esclaves se fit glaçant. Comme pour montrer son propos, elle poussa l'épaule d'une femme qui tomba à la renverse, entraînant ses voisins dans sa chute : la ribambelle d'esclaves était enchainée les uns aux autres. La femme s'approcha d'un homme qui avait été muselé, et s'empara de ses mains pour mieux les examiner. De longues et robustes griffes s'allongeaient à l'extrémité de ses phalanges. « Mmh, un Bélua. » constata-t-elle. « Il sera parfait pour aider les Jalili à sonder les profondeurs de la cité. »

La mère passa devant chaque individu, comme pour juger de leur valeur. Parfois, elle demandait à en savoir davantage sur l'origine d'une personne, d'autres, elle faisait un commentaire méprisant et on barrait un nom sur le registre.

« Par pitié... » croassa une femme, lorsque son tour arriva. « Par pitié, laissez moi partir. » supplia-t-elle. « J'ai aussi une fille, de l'âge de votre garçon... Je ne dirai rien, je vous le promets. Je ne vous causerai jamais d'ennui. » Le regard qu'elle posa sur Naveen figea le garçon, qui jouait avec le pendentif en forme de papillon de sa protectrice, pour essayer d'ignorer ce qu'il se passait autour de lui. Le rire froid de Thaïs le paralysa plus encore. Il n'aimait pas trop lorsque sa maman devenait ainsi. Il avait l'impression qu'elle se transformait totalement. « Votre fille n'a rien à voir avec mon fils. » déclara-t-elle d'un air hautain. « Mon enfant est une bénédiction, un présent de Väaramar. » Elle reporta son attention sur l'enfant et son visage s'adoucit légèrement.

« Mettez le reste pour la vente de la semaine prochaine. » ordonna la maitresse de maison avant de tourner les talons. Par dessus son épaule, une paire d'yeux observait avec appréhension le défilé des non-Humains.

Noa n'est pas tout à fait humaine. Sans être un monstre, elle conserve une apparence empruntant au commun des hommes tout autant qu'à son Totem. De la tête et jusqu'à la taille, l'adolescente ressemble à n'importe qui d'autre, à quelques détails près. Elle arbore une longue chevelure brune, tirant fortement sur l'auburn, qui ondule jusqu'au creux de ses reins. Elle aime la décorer de fleurs ou de jolis cailloux qu'elle trouve lors de ses promenades. Ses yeux sont verts, comme la mousse des arbres. Ses joues sont tachetées, comme si la terre s'était amusée à l'éclabousser, usant de son visage et de ses épaules comme d'une toile artistique.
Deux cornes pointent au-dessus de son front, trahissant sa nature animale. Ses oreilles empruntent également leur forme à la Chèvre. Mais le plus flagrant reste malgré tout le bas de son corps : à partir des hanches, ses deux jambes se changent tout à fait pour adopter l'anatomie des ruminants. Son poils est longs et lisse, d'une couleur légèrement plus foncée que sa chevelure mais gardant les mêmes reflets flamboyants. Leur couleur est cependant souvent cachée par la boue qui les macule. Quand à ses sabots, elle en prend grand soin.
Ne connaissant pas le principe de pudeur, l'adolescente se balade souvent nue. Lorsque la meute s'approche de territoires habités, Adeon insiste pour qu'elle revêtisse un pagne pour recouvrir à minima son torse, un concept qui lui échappe totalement puisqu'elle ne comprend pas en quoi la moindre partie de son corps pourrait être honteuse.

Noa est une jeune faune énergique. Elle gambade sans arrêt et ne sais pas rester en place - même lorsqu'elle s'assoit, elle ne peut s'empêcher de faire trembler ses sabots ou de bouger ses doigts. Lorsqu'elle s'exprime, elle accompagne d'ailleurs ses paroles de grands gestes qui peuvent facilement distraire son auditoire du font de ses propos. D'un naturel bavard, elle aime aller à la rencontre des autres. Certains la diraient curieuse, peut-être aventureuse. D'autres interprètent sa témérité comme de l'inconscience et de la bêtise, lui reprochant sa candeur et sa naïveté. En effet, ayant grandit sous le couvert des Yidrih, Noa n'a jamais eu à subir le rejet de ses pairs et du reste du monde, contrairement à bon nombre d'autres membres de la meute.
La rousse est très pieuse et éprouve un respect immense envers la nature qui la voit grandir et évoluer. Comme son père adoptif, elle voue une passion et une admiration sans borne pour l'astre lunaire et la voute céleste dans son ensemble, qu'elle essaye de comprendre chaque soir, pour y décrypter des présages. Son talent n'est pas encore très développé mais cela ne l'empêche pas de s'accrocher car, lorsqu'elle est intéressée par un sujet, l'adolescente fait preuve d'une ténacité surprenante.
Sensible, la jeune femme est dotée d'une grande empathie. Naturellement bienveillante, elle partage les idéaux de son chef de meute et nourrit un optimisme qui la pousse à vouloir se lier avec le reste des enfants de Phoebe.

« Je pensais que l'enfant serait peut-être comme moi. » lâcha la femme, écœuré par la vision de la fillette qui était sortie de ses entrailles. « J'ai entendu dire que certains sang-mêlés passent inaperçus. » Ce n'était visiblement pas le cas de son enfant. Le bébé, sagement endormi dans les linges, possédait un corps mi-humain, mi-animal, trahissant sa nature d'Eversha. La mère avait échangé quelques nuits en compagnie d'un homme-bête et de ces quelques heures de plaisance avaient résulté sa condition. Elle n'avait su se résoudre à avorter, priant tous les Aetheris de lui donner un enfant normal. Les dieux avaient ignoré ses suppliques et l'avaient affligé de cette gamine. Elle ne se sentait pas la force de l'élever. Elle avait pensé à l'abandonner, et c'était à ce moment là qu'Adeon s'était présenté à elle. « Je vois. » La tessiture du Centaure était grave, profonde, comme l'écho d'une caverne. « Dans ce cas, laissez-moi repartir avec elle. Je prendrai soin d'elle et l'élèverait comme ma propre fille. » déclara l'homme. Il dominait l'humaine, de par sa morphologie. Lui était à moitié cheval. Il connaissait ce que ressentirait la petite en grandissant. « Prenez-là. Son sort m'importe peu, désormais. » C'était faux : on sentait dans la voix tremblantes de la mage une pointe de culpabilité refoulée. « Elle aura d'autres frères et d'autres soeurs. Elle ne se sentira pas seule. » La meute qu'avait fondé le Bélua n'était composée que de Wynmeris. Dans peu de temps, les étoiles le dirigeraient vers quelques Hesshas également. Sa meute était disparate, les Totems les composant semblant n'avoir aucune logique. Pourtant, tous possédaient une valeur commune : trouver des gens auprès de qui se sentir acceptés. C'était sur ces fondements que le vagabond avait commencé à s'entouré, après avoir reçut des signes de la Grande Lune. Adeon s'empara du nourrisson. « Elle s'appellera Noa. »