Dansons au rythme de nos cœurs
Bellada

Intrigue ; Bellada reçoit un cadeau de la part de Neah. Elle va danser toute la nuit. 8D

Married life - Michael Giacchino

Les abords de la chaumière Ward étaient, comme à leur habitude, bruyamment animés. En s’approchant des fenêtres, grandes ouvertes pour permettre l’aération des pièces, on pouvait sentir les effluves de la tarte en train de dorer dans le four, ou percevoir les débats passionnés des petits-enfants en train de jouer à un jeu de cartes sous la surveillance de leur grand-père – Gilbel, sous couvert de lire sa gazette, suivait assidument le tournoi familial qui avait pris place dans leur salon, encourageant parfois d’un commentaire sympathique. On pouvait également percevoir ses protestations lorsque les éclats de rire des plus âgés bouleversaient l’attention des plus jeunes : « Courez moins vite ! » « Ne faites pas claquer les portes. » « On ne tire pas sur les vêtements ! » Dans le jardin de la cour arrière, le calme n’était pas plus paisible qu’à l’intérieur. On pouvait entendre le souffle haletant des plus sportifs qui s’amusaient à grimper aux arbres pour ramasser des cerises. Les encouragements des cousins lorsque l’un d’eux essayait de viser une bouche ouverte pour y jeter une framboise. Ou les sursauts excités des plus jeunes qui se faisaient pousser sur la balançoire. « Plus haut ! Jusqu’au ciel ! Au-delà du Soleil ! »

Bellada était accroupie devant un buisson, qu’elle taillait tendrement. Sa nuque était protégée par le chapeau de paille aux bords longs qu’elle avait campé sur le sommet de son crâne, par-dessus sa tresse enroulée en chignon : le tout était maintenu en place par un ruban couleur lavande noué sous son menton. Ses mains étaient brunies par la terre qu’elle avait travaillée, incrustée sous les ongles, marquant les rides de ses mains agiles, tels des sillons de savoir qui prenaient vie. La magicienne aimait particulièrement jardiner. C’était une activité relaxante. Surtout, cela avait quelque chose de gratifiant de pouvoir être témoin du résultat de ses efforts : elle donnait de son temps à la terre et en échange, le sol lui offrait milles merveilles ; des fruits juteux ou bien des fleurs sublimes. La terre se montrait plus capricieuse ici qu'au domaine des Digitales, mais cela n'entachait aucunement l'amour qu'éprouvait Bellada à prendre soin de ses plantes. « Mamie, il y a quelqu’un à la porte. » La mage bleue redressa la tête. Effectivement, une silhouette s’était approchée timidement de la porte d’entrée de la demeure familiale. La matriarche se redressa, essuyant ses mains sur le tablier qui recouvrait sa robe de lin bleu.

« Puis-je vous aider, mon brave ? » demanda gentiment la grand-mère en s’approchant de l’inconnu. Le jeune homme – il semblait tout juste sortir de l’adolescence – se retourna vers celle qui l’avait interpellé. Il portait un uniforme de postier et tenait sous le bras un colis de taille moyenne. Haute-Terre était l’une des rares régions usant encore du service postal pour délivrer le courrier. S’il ne s’agissait pas de l’unique moyen d’envoyer un message, les habitants usaient principalement de cette méthode. Bellada ne faisait pas exception : elle aimait le contact humain et se réjouissait chaque jour de pouvoir croiser quelqu’un avec qui discuter – c’était un excellent moyen pour obtenir des ragots croustillants avant tout le monde : on n’imagine pas le nombre de scènes embarrassantes surprises par un livreur discret. Madame Ward, qui se faisait un plaisir d’écouter leurs histoires et de leur servir un bon thé en échange de leurs secrets, s’était fait une renommée dans le service de sa commune. Ses biscuits étaient délicieux, et elle les offrait généreusement en échange de quelques rumeurs ou de quelques anecdotes divertissantes.

Le garçon se râcla la gorge en découvrant la grand-mère. « Je cherche Madame Ward. » informa-t-il. « Vous lui parlez. » répondit-elle chaleureusement en tendant les bras pour le décharger. « Oh, tenez pour vous. » « Merci bien. » Les yeux scrutateurs de la grand-mère fixèrent le jeune homme : il s’agissait d’une nouvelle tête. « N’est ce pas Théodore qui travaille normalement aujourd’hui ? » Le garçon esquissa un sourire embarrassé en se frottant l’arrière de la tête. « Accident du travail. Il s’est cassé la cheville un peu plus tôt – un incident de charrette. Il attendait le médecin lorsque l’on m’a appelé pour prendre sa suite : il ne fallait pas retarder la tournée du courrier. » Ce que la magie ne pouvait pas leur fournir, les Humains le compensait par d’autant plus d’efforts et de persévérance. C’était là leur arme la plus époustouflante : la détermination, la conviction qu’ils étaient tout aussi capables que les autres. La magicienne admirait leur courage. « Oh, j’espère que ce n’est rien de trop grave ! » s’épouvanta-t-elle, sincèrement inquiète. « Rien que le doc’ ne saurait rafistoler, pas d’inquiétude. » « M’en voilà rassurée… » La main qui ne supportait pas le paquet tapota doucement sur le dessus du colis, trahissant l’intention de l'aïeule. « Dites-moi, vous semblez avoir terminé votre tournée. Souhaitez-vous rentrer boire une tasse de thé ? J’ai des gâteaux qui sortent du four. »

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