Premier Goûter

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Intrigue/Objectif : Petits rps tranche de vie pour réagir à tout ce qu'il se passe et sur sa vie à Basphel

☙ The People's Thieves - Now That We're Alone

« Il n'y a toujours rien à mon nom ? Vous avez vérifié encore une fois comme je vous l'ai demandé ? » Brama Susannah en se penchant en avant pour essayer de voir ce que fabriquait l'employé dans la remise. Pourquoi personne ne faisait jamais bien son travail ? Pourquoi n'embauchait-on que des incompétents ? Tout ce laxisme n'aurait jamais été possible là d'où elle venait, où les erreurs étaient sévèrement sanctionnées pour qu'elles ne se reproduisent plus. Visiblement, ce n'était pas le cas ici et cela venait certainement du fait que le personnel était constitué en majorité d'étudiants en besoin d'argent. Une regrettable politique, il suffisait d'interdire l'accès de l'école aux pauvres, et elle ajouta à sa liste mentale de doléances la gestion des ressources humaines à Basphel.

Ses doigts pianotèrent sur la tablette qui la séparait du bureau de poste pour marquer son impatience, ce qui ne fit pas accélérer le pas alangui du jeune homme qui revenait face à elle. Les mains vides. Maussade, il fixa l'Ondine avec des yeux aux paupières tombantes, comme s'il se retenait de s'endormir. « C'est comme je t'ai dit. Il n'y a rien à ton nom. » Les narines de la Sirène frémirent, semblables aux voiles d'un navire en plein vent. Il osait la tutoyer, ce voyou qui avait grandi dans la boue ? Les miettes du calme qu'elle avait tâché de conserver volèrent éclat et sa paume frappa le bois. Elle était certaine que ce fainéant avait fait semblant d'aller vérifier et n'avait fait qu'étudier la texture de ses crottes de nez en profitant qu'elle ne pouvait pas le voir. « Mais c'est impossible ! Jamais elles n'ont oublié de m'envoyer mon colis hebdomadaire ! Je n'ai presque plus de masques aux algues ! Et j'ai besoin de mon argent de poche ! » L'employé ne cilla pas face à l'agacement croissant de la bleue. Il haussa un sourcil puis soupira, songeant sans doute que l'adolescente ne valait pas la peine qu'il s'énervât. « Ce n'est ni ma faute, ni mon problème. Mais si tu veux tout savoir, cela fait quelques jours qu'on ne reçoit plus rien depuis les cités océanes. Il y a des rumeurs qui courent. T'as pas lu dans les journaux ces histoires de cadavres de Sirènes échoués ? » Il s'interrompit en s'apercevant du teint soudain pâle de la Basphélienne et parut se rendre compte de son manque de tact. Il passa une main sur sa nuque, gêné. « Enfin, ce n'est probablement rien... Tu sais comment sont sont les journaux, ils exagèrent toujours. » Les doigts de Susannah se crispèrent sur la lanière de son sac en bandoulière et ses lèvres se pincèrent. « Je reviens demain. Et je reviendrai jusqu'à ce que vous ayez quelque chose pour moi. » Elle lui lança une œillade menaçante qui n'atterrit nulle part et sa queue de cheval fouetta l'air alors qu'elle quittait le bureau, le nez en l'air, faisant mine de ne pas entendre le grognement désabusé dans son dos.

Une fois à l'extérieur, ses dents dévorèrent sa lèvre inférieure. Ses mots avaient fait naître une angoisse sourde en elle. Et si ce n'était pas un oubli ou un défaut de livraison comme elle le pensait ? Et s'il s'était vraiment passé quelque chose d'affreux ? Et si sa famille était en danger ou pire ? Elle prit place sur un banc bordant un petit parc et sa main se faufila inconsciemment dans sa sacoche pour y chercher son sachet de madeleines. Manger avait toujours été le remède à tous ses maux et avoir la bouche pleine l'aidait étrangement à réfléchir. Elle se figea en constatant qu'il ne restait qu'une madeleine. C'était son dernier sachet, son tiroir à gourmandises dans sa chambre était vide. Tant qu'elle était en ville, peut-être pouvait-elle en profiter pour aller en racheter ? Elle prit son porte-monnaie puis, prise d'un doute, l'ouvrit. L'effarement s'empara d'elle. Pourquoi lui restait-il si peu ? Si elle achetait des gâteaux, il ne lui resterait plus rien. Et si le lendemain, elle ne recevait toujours pas son colis ? Qu'allait-elle devenir sans argent ? Un vertige la fit vaciller et elle appuya son front sur ses poings fermés. Jamais encore la Lyrium n'avait connu le manque.

Message I | 750 mots

Deuxième Goûter

☙ Selena Gomez - Ring

Flora, comme en témoignaient ses joues rubicondes tendrement arrondies, avait les meilleurs goûters de Basphel. Sa maman lui faisait toujours parvenir des colis qui conservaient magiquement meringues, pâtisseries, biscuits fourrés, crêpes dorées au beurre, fruits confits et autres ingénieuses créations. Ces trésors faisaient saliver Susannah qui avait toujours observé la blonde organiser des dégustations de gâteaux avec son groupe d'amis chaque après-midi. S'intégrer à son cercle insipide de toutous n'avait même pas effleuré la cervelle jalouse de la bleue qui se contentait de les scruter depuis son coin sombre, jurant qu'un jour, elle s'emparerait des fantastiques goûters de Flora.

Ce jour était venu. Non pas parce que Susannah avait trouvé la volonté en se réveillant un beau matin, mais par nécessité. La situation était dramatique. En premier car ne plus recevoir de nouvelles de sa famille commençait sérieusement à l'inquiéter et elle avait rendez-vous avec le professeur qui gérait l'Obsidienne le lendemain pour l'interroger sur la possibilité de quitter Basphel pendant le week-end pour visiter sa famille. Ensuite, parce que c'était la famine. Depuis que Johannês travaillait à la cafétéria, Susannah avait cessé d'y aller dès qu'elle repérait le bout de son nez. Elle s'était alors rabattue sur les réserves qu'elle stockait dans sa chambre pour se nourrir. Le plan aurait été excellent s'il n'y avait pas eu la variable pénurie d'argent. Désormais, elle avait le porte-monnaie aussi vide que son ventre qui se lamentait bruyamment. Susannah était allée devant le miroir pour pincer ses joues. N'étaient-elles pas plus creuses par rapport à la veille ? Et les examens qui approchaient. Non, elle n'y arriverait jamais sans manger.

Dissimulée derrière une colonnade, Susannah surveillait la porte pour repérer le retour de Flora du bureau de poste. Celle-ci arriva bientôt, son petit balluchon accroché à deux de ses doigts se balançant au rythme de sa marche. Dès qu'elle arriva au niveau de l'Ondine, celle-ci sortit de l'ombre et se planta face à la Magicienne. « Salut. Tu peux m'aider deux minutes ? » La surprise céda vite la place à un sourire candide. « Salut ! Euh, oui bien sûr ! De quoi s'agit-il ? » « Truc de fille, je préfère qu'on aille dans les toilettes, je ne veux pas t'en parler ici où tout le monde peut nous entendre. » La bouche de la blonde s'arrondit et la curiosité fit briller ses yeux noisettes, et ce détail ne manqua pas de raffermir la résolution de la Sirène qui les mena jusqu'aux toilettes des filles sous le préau. Elle laissa passer Flora en premier et en profita pour sceller discrètement l'entrée des toilettes avec la résille argentée. Sans un regard pour sa camarade, Susannah vérifia que les stalles étaient vides. « Au fait, excuse-moi, j'ai oublié comment tu t'appelles. Moi c'est Flora ! » « Susannah. » Elle avait songé à lui donner un faux nom, puis s'était ravisée. Que toute l'école commence à la craindre était une plaisante perspective. « Enchantée ! Alors, tu as un petit soucis ? » La bleue se mit à rire. Incertaine de savoir pourquoi, Flora se mit aussi à rire avec quelques secondes de retard. « C'est toi qui va avoir un soucis. » Le sourire de la Magicienne se fana. « Comment ça ? » Susannah tendit sa main et avança sur la blonde, qui recula instinctivement. Une mine inquiète avait définitivement fait fuir sa gaieté et elle regardait la Sirène sans comprendre. Quand son dos heurta le mur, elle couina, ce qui alluma une lueur de satisfaction dans le ciel brumeux des iris de Susannah. « N'aie pas peur. Il ne t'arrivera rien, si tu fais ce que je te dis. » Flora fronça les sourcils. « Ce ne sont pas des manières. Je ne ferai rien du tout. » Susannah l'ignora royalement et agita sa paume sous son nez. « Donne ton goûter. » « ... Pardon ? » « Ton colis, donne-le moi. » Elle commençait à s'impatienter, agacée de la lenteur d'esprit de sa victime. « Non ! » Protesta la blonde avant de crier quand Susannah la gifla sans prévenir. Elle plaqua sa main sur sa joue qui rosissait et son menton se mit à trembler. « Donne. » Répéta calmement la bleue. « Mais j'aurai pu t'en donner un peu si tu m'avais demandé gentiment ! Je suis sûre que tout le monde serait ravi de t'accueillir à nos pauses dans le parc ! Si tu veux, je ne dis rien, et on y va maintenant ! Tu verras, ils sont très gentils et - » « Pfft. Comme si j'avais envie de faire partie de cette bande de lèche-cul qui te tourne autour. Ils ne sont amis que par intérêt, pauvre sotte. » Laissa tomber froidement la Dæloran avec un haussement de sourcil sarcastique. « En plus, je n'aime pas partager. » Et elle avait aussi très faim.

Quelques minutes plus tard, Susannah refermait soigneusement la porte d'une salle de classe déserte et disposa le colis sur une table. Elle procédait lentement, presque avec révérence malgré la voracité qui faisait trembler ses mains. Elle se passe la langue sur les lèvres, sa main hésitant au dessus des cupcakes colorés, à la recherche de celui qui serait idéal pour débuter son festin. Enfin, elle croqua dans celui avec un glaçage à la framboise et ferma les yeux d'extase. C'était encore meilleur quand c'était interdit.

Message II | 906 mots

- La résille argentée : Il s'agit d'une fine chaîne en mailles d'argent. Lorsque son détenteur l'installe sur une porte, la pièce où il se trouve devient impénétrable et il est impossible pour une personne de l'extérieur de forcer l'entrée ou d'entendre ce qu'il s'y passe.

Troisième Goûter

☙ Dove Cameron - Breakfast

« Parfait. Viens demain après tes classes et ne sois pas en retard. Je te montrerai tes tâches pour les premiers jours. Voici ton emploi du temps et le nom de ton binôme. Tu seras avec moi demain, j'en profiterai pour te donner ton badge. Allez, file. » La bibliothécaire la congédia ensuite d'un geste de la main avant de replonger dans sa pile de gazettes à archiver. Légèrement vexée d'être excusée avec si peu d'égards, Susannah quitta la bibliothèque, le dos raide. S'abaisser à demander un entretien avec la vieille femme était dégradant au possible mais elle n'avait plus le choix. Ses finances en étaient au stade de poussières et en attendant de savoir ce qui retardait les fonds envoyés par sa famille, il fallait continuer de vivre sans tomber dans la disgrâce de la pauvreté. La place libre à la bibliothèque avait été une opportunité qu'elle n'avait saisie que du bout des doigts. Si son employeuse avait perçu ses réticences, elle n'en avait rien montré, préférant donner l'occasion à l'étudiante de prouver sa motivation.

En sortant, Susannah manqua se prendre la porte qui s'ouvrait vers l'intérieur. Outrée, elle recula vivement et cracha son venin sans attendre de voir l'insolent. « Mais attention ! Tu as failli me défigurer ! » Confus, le coupable piqua un fard en croisant le regard agressif de l'adolescente puis bloqua quelques secondes en la reconnaissant, la bouche entrouverte comme un poisson décérébré, comme frappé par un sort d'immobilité. L'un des sourcils de la bleue s'arqua lentement. C'était quoi son problème ? Elle croisa les bras avec un air interrogateur et la conscience sembla lui revenir. Il se répandit en excuses auxquelles elle mit un terme en levant une main. Comme par magie, il se tut. Cette rapidité à lui obéir lui plût. « Pousse-toi. » Articula-t-elle. « Tu es sur mon chemin. » Il allait s'exécuter quand il sembla changer d'avis et se figea dans l'embrasure, la détermination avait remplacé la confusion sur ses traits. L'orage naquit aussitôt dans les iris nuageux de la Lyrium. Bien qu'il soit plus grand et plus massif, elle prépara son coude pour le lui flanquer dans les côtes. « Attends ! Est-ce que je peux te parler ? » « Pardon ? Mais t'es qui ? » L'impatiente avança sur lui et il recula précipitamment au risque de se prendre la tornade bleue de plein fouet. La porte se referma dans le dos de l'adolescente. Cette fois, elle prit le temps de l'observer. Il arborait la tenue de sport des joueurs de Puff-puff ball et revenait manifestement d'un entraînement car la sueur avait dressé ses cheveux ivoires en pics désorganisés. Si elle avait assisté à quelques matchs par curiosité, ce n'était pas suffisant pour l'aider à se souvenir du nom de chaque sportif. « Titouan. » « Mmh mmh. » Le nom lui disait vaguement quelque chose ; elle se souvenait avoir songé que c'était un prénom ridicule, comme beaucoup de choses dans cette école. « Et ? » Il jeta un coup d'oeil anxieux sur les passages des autres élèves qui empruntaient le couloir. « Tu veux bien me suivre, s'il te plaît ? » Elle roula des yeux. « Je suis un peu occupée. » C'était un mensonge, mais on lui avait toujours appris à ne jamais dire oui trop vite. « Mais bon, si c'est rapide, d'accord. » Il avait piqué sa curiosité et elle le suivit jusqu'à une petite terrasse ombragée qui surplombait les terrains de sport. Les notes d'un orchestre montaient faiblement jusqu'à eux et elle apercevait les Puff-Puff Girls s'échauffer.

Susannah se détourna de ce spectacle qu'elle jugeait, par pure jalousie de leurs performances impressionnantes, pour regarder Titouan. « Qu'est-ce que tu voulais me dire ? » Elle ignorait comment il la connaissait mais ne s'attarda pas dessus. Il était temps que Basphel la remarque. Le sportif se gratta la nuque nerveusement et rosit légèrement. Une trace bleutée ombrait son arcade sourcilière mais elle mit ça sur le compte d'une balle perdue. Il inspira et se jeta à l'eau. « Est-ce que tu voudrais sortir avec moi ? » La stupeur se grava sur ses traits comme sur de la pierre et elle papillonna stupidement des paupières. « Hein ? » En entendant l'écho tremblant de sa voix et la faiblesse de sa répartie, elle se fouetta mentalement et se reprit presque aussitôt. Les épaules carrées, elle prit le temps d'ajuster la lanière de son sac sur son épaule et fit mine d'examiner ses ongles car il devenait difficile de maintenir un contact visuel avec l'adolescent. « Je veux dire, il faut que j'y réfléchisse. » Elle avait voulu lui demander pourquoi mais s'était reprise à temps, jugeant la question stupide tant la réponse était évidente. Enfin un qui s'apercevait de sa splendeur et rassemblait le courage de l'aborder. Susannah commençait à désespérer qu'un seul de ces gourdiflots soit digne d'elle et les hormones commençaient à la tourmenter. Ses pensées habituellement focalisées sur ses études ne cessaient de prendre des chemins détournés pour se poser comme par accident sur le postérieur d'un garçon qui passait près d'elle. Ils n'étaient pas tous répugnants, elle le reconnaissait.

« Oh. » Le Lyrienn paraissait déçu et Susannah craignit soudain qu'il se détourne. Refusant de voir son poisson rejoindre d'autres filets, elle rebondit en espérant ne pas avoir l'air trop empressée. « Où est mon cadeau ? » Ce fut à son tour de se trouver désemparé. « Ton cadeau ? Je... Je n'en ai pas. Mais pourquoi je devrais t'offrir un cadeau ? » Elle souffla, agacée de sa lenteur d'esprit. « C'est comme une dot. » Expliqua-t-elle. « Pour montrer ta valeur en quelque sorte. J'ai besoin de savoir ce que tu peux m'apporter avant de me décider. » Il fronça les sourcils, perplexe de la tournure que prenait la discussion. Habituellement, on lui répondait oui, plus rarement, non. Mais jamais on n'avait négocié des termes d'une relation. « Et qu'est-ce que tu voudrais comme cadeau ? » Ce fut là que le gris des prunelles de l'adolescente se moucheta d'étoiles scintillantes. « Un goûter. Non. Je veux que tu m'apportes un goûter chaque jour. Fais ça et je te laisserai tenir ma main et porter mon sac. Tu veux commencer tout de suite ? »

Message III | 1074 mots

Quatrième Goûter

☙ Paper Idol - The Playground

RP lié

Les laboratoires étaient éloignés de la bibliothèque où Susannah glanait son argent de poche. De plus, elle ne se hâtait pas particulièrement. En fait, elle traînait même un peu des pieds. Félix avait une tête de con, et il en était un, comme tous les Mages Noirs d'ailleurs. Leur simple vue l'horripilait et elle était certaine qu'ils faisaient exprès de cultiver ces trognes. Quand elle pensait au Sorcier, elle aimait s'imaginer toutes les horreurs qu'elle aurait rêvé lui faire subir si elle en avait eu les capacités. Dans les faits, une fois face à lui, il devenait impossible d'amorcer la moindre initiative. L'étudiant sur sa dernière année à Basphel était presque un homme fait et il savait un milliard de choses de plus qu'elle. Elle avait beau s'acharner sur ses études pour combler ses lacunes, ça ne suffisait pas. Il était plus fort qu'elle et c'était intolérable. Mais il était aussi son allié, en quelque sorte. Un partenaire en affaires pour semer le chaos parmi leurs petits camarades car ils partageaient la même haine pour les autres élèves.

La bleue franchit les portes du laboratoire et fut accueillie par un glacial : « Tu es en retard. » Félix était penché sur un plan de travail, les manches de son uniforme retroussées sur ses avant-bras. À sa droite, un liquide vert pâle bouillonnait dans son récipient transparent léché par les flammes. Une vague odeur d'algues et de soufre imprégnait la pièce. « Et alors ? Tu vas faire quoi ? Me mettre une heure de colle ? » Rétorqua-t-elle du tac au tac, agacée par sa rigidité.

Son sac débarrassé au sol, la bleue se rapprocha du plan de travail pour observer ses manipulations. Sans la regarder, il griffonna une mesure sur son carnet après avoir scruté le thermomètre dans la préparation. « Non. Mais c'est toi qui va goûter ce qu'on va préparer aujourd'hui. » Elle ouvrit la bouche pour protester mais il la devança. « Tu n'avais qu'à arriver à l'heure. Je n'ai pas tout ton temps libre et il faut bien que l'un de nous soit le cobaye. » Susannah se renfrogna. Evidemment, il ne se portait pas volontaire. « Je ne crois pas que mes propres écailles auront le moindre effet sur moi. » Fit-elle sur un ton suffisant. Elle attacha ses cheveux en un chignon informe pour ne pas être gênée. « Ça aurait été une remarque intelligente si je n'avais pas transformé entre-temps la composition chimique de tes écailles. Je ne crois pas que ton système immunitaire te protègera d'une mutation de tes écailles. » « Tu as mis quoi avec ? » « Tu le saurais si tu avais été à l'heure. » Le visage de Susannah devint tout rouge de colère et elle serra les poings en se retenant de le lui coller en pleine face. Il aurait l'air moins malin avec des lunettes brisées sur le nez.

« Tu n'as qu'à lire mon carnet. J'ai noté les ingrédients dessus. » Il installa un masque sur sa bouche et son nez et ouvrit le couvercle du récipient. « Hé ! Tu pourrais me prévenir que je mette un masque aussi ! » S'indigna Susannah avant de l'imiter. Il haussa les épaules. « C'était juste pour vérifier ta théorie. Après tout, on ne fait que supposer. Moi je veux des résultats concrets. Tout ce qu'on sait de tes écailles, c'est qu'elles provoquent des hallucinations. C'est vague. J'aimerai qu'on puisse donner une tendance à ces hallucinations pour que nos futurs cobayes vivent des cauchemars éveillés. » Pour la bonne forme, la Lyrium lui lança un regard écœuré. En son for intérieur, cette perspective la réjouissait. C'était bien pour cela qu'elle aidait Félix dans son entreprise. Même s'il était un sale Sorcier et que leur alliance était vouée à l'échec, il était agréable de confectionner de nouvelles façons de martyriser les niais de cette école.

Bien vite, elle se détourna de la liste des ingrédients, n'en connaissant pas la moitié. Elle se nota mentalement de prendre des leçons avancées sur les potions pour se mettre au niveau de son camarade qui se retournait vers elle, un tube en verre dans la main. À l'intérieur, le liquide avait foncé et des paillettes noires tourbillonnaient à l'intérieur au gré des mouvements de Félix. « Bois. » Susannah recula. « Non. » « Ça va aller. Je te rappelle que j'ai besoin de toi. Fais-moi confiance. » Elle éclata de rire. « Te faire confiance ? Ça jamais. » « Juste une petite gorgée. Pour quelqu'un qui mange autant, tu fais un peu la difficile. » « La ferme ! J'avalerai pas ton - AH ! » D'un pas, il avait refermé la distance entre eux. Il lui maintint la bouche ouverte avec sa main libre et fourra vivement entre ses dents l'éprouvette. L'Ondine se débattit, s'étouffant à moitié sur le liquide. Ses doigts se tendirent vers lui pour le griffer mais il recula, hors d'atteinte, dès qu'il se fut assuré qu'elle avait avalé. « Espèce de ! » Son teint vira au gris et elle hoqueta comme si elle était à court d'air. L'air très intéressé, le Sorcier la fixa avec avidité. « Comment tu te sens ? » À l'écho de sa voix, le regard de Susannah le traversa comme s'il était invisible. Ses prunelles étaient recouvertes d'une taie laiteuse et s'était largement élargies. Sa bouche était agitée d'un tremblement intermittent. « Susannah ? Tu m'entends ? » Il agita une main et elle hurla comme s'il l'avait agressée. Il parut enchanté. « C'est parfait ça. Allez, calme-toi. » D'une poussée de magie, il l'ensorcela pour qu'elle perde connaissance et l'adolescente s'effondra sur les genoux, puis face contre terre sans qu'il daigne la regarder. Fort satisfait, il nota ses observations sur son carnet avec un sérieux appliqué.

Message IV | 991 mots

Cinquième Goûter

☙ Sasha Sloan - At Least I Look Cool

« Dis, vous n'avez pas des copies du dernier Conte paru ? » À contrecœur, Susannah délaissa le moelleux au chocolat dont les miettes parsemaient le brouillon d'une dissertation en cours de rédaction pour lever le nez sur une fille aux cheveux bleus comme elle. Ce détail l'agaça immédiatement et elle plissa les yeux. Comme il était fréquent que les Magiciens aient la chevelure de la même teinte que leur Magie, ceux qui ne connaissaient pas la Sirène présumaient qu'elle appartenait à cette caste de ratés. Il n'y avait pas pire insulte que d'être comparée à ces bipèdes niais. « Le dernier quoi ? » La fille rougit et répéta. « Le dernier Conte. Mes cousines m'en ont parlé dans leurs lettres et j'aimerai beaucoup le lire. Tout le monde se l'arrache aux Palais de Coelya. Depuis le Conte des Trois Royaumes, aucun n'avait eu ce succès. » L'excitation transpirait de ses explications mais la bibliothécaire à temps partiel n'y entendit que bourdonnement irritant et inintéressant. Elle les balaya d'un geste de la main. « Je ne sais pas. Tu as cherché dans la section Contes ? » Grommela Susannah en y mettant autant de mauvaise volonté que possible. « Euh, il n'y a pas de section Contes. Enfin je crois, j'ai peut-être mal regardé, alors j'ai pensé que tu saurais comme tu travailles ici et - » « Précisément. » La lectrice cligna des yeux, confuse. « Précisément ? » « C'est une bibliothèque scolaire ici, t'es pas chez Mamie. Non mais franchement. T'as pas des devoirs à faire plutôt que lire ces sornettes pour enfants ? » La fille donna l'impression d'avoir avalé un citron. Ses lèvres se pincèrent et elle rougit à nouveau, mais ce n'était plus la timidité qui dictait la couleur de son teint. « Ce ne sont pas du tout des histoires pour enfants ! Je t'apprendrai que beaucoup de Contes visent en fait un public adulte ! » « Je vois encore moins en quoi ça te concerne dans ce cas. » « T'as juste pas envie de te lever pour aller vérifier. » « Et alors ? » « C'est ton travail. » « Et alors ? » Répéta Susannah en articulant chaque syllabe. Ses doigts blanchissaient sur la plume qu'elle rêvait d'enfoncer dans la narine de la Magicienne. « Tu vas me dénoncer ? » Se moqua-t-elle. « Peut-être bien, oui ! » Susannah réagit au quart de tour. Elle se leva d'un bond et attrapa la chevelure de la fille, tirant sauvagement dessus jusqu'à en arracher une poignée. Satisfaite, elle contempla les boucles dans son poing serré. « La prochaine fois, c'est chauve que tu vas finir. Au moins, tu n'iras pas me dénoncer pour rien. » C'était principalement du bluff mais, par miracle, ça fonctionna. Sous le choc, l'autre bleue partit en retenant ses larmes. Ce n'était pas si facile habituellement mais celle-ci devait provenir de la Craie et être en première année. Celle de Susannah avait été une torture. Découvrir ses lacunes et le gouffre qu'il fallait combler pour se mettre à niveau l'avait découragée à de nombreuses reprises. Les remises en question, les doutes, les nuits écourtées pour étudier, tout cela l'avait forgée car il était impossible de revenir parmi les siens avec un statut de cancre. Et peu à peu, elle s'était améliorée, tant dans la qualité de son travail que dans ses relations. Elle expérimentait pour estimer avec qui elle pouvait ou non se permettre des écarts de comportement, toujours à l'abri des regards, mais jamais à l'abri des dénonciations qui l'envoyaient en punition. Elle avait appris à s'en accommoder mais veillait à ne pas être expulsée ou convoquée au bureau d'Avril d'Ovipar. L'aura de cette femme la terrifiait, même si elle prétendait le contraire si on devait lui poser la question.

Susannah quitta la bibliothèque plus tôt que prévu, non pas libérée de ses obligations, mais pour se rendre dans une librairie en ville où un colis pour eux avait été envoyé par erreur à la mauvaise adresse. Bien sûr, elle suspecta Rodd d'être derrière cette incompétence d'apparence. Le Démon était tout à fait capable de ces fourberies juste pour le plaisir de savoir qu'elle râlerait. Ce qu'elle fit copieusement sur le chemin, et continua, mais en silence, tandis que le libraire fouillait dans sa remise. Son regard s'attarda alors sur une pile de livres aussi haute qu'elle, mise en évidence sur un assemblage en carton constellé de paillettes dorées. Intriguée, la bleue se rapprocha et reconnut le fameux Conte dont la fille lui avait parlé. Elle en fit tomber un dans sa main et le feuilleta distraitement pour ouvrir une page au hasard, un sourcil haussé par un mépris souverain, déjà persuadée qu'il s'agissait là d'un tissu de bêtises dont se nourrissaient les Gælyan pour oublier leur médiocrité. Son petit sourire narquois disparut en lisant quelques lignes, son regard devint étrangement vide et elle s'immobilisa, prise dans un état second. Quand elle revint à ses esprits, le libraire était revenu et la fixait avec des yeux écarquillés. De ses mains devenues tremblantes, la bleue reposa le Conte comme s'il s'agissait d'un animal venimeux dont Claer raffolait et se racla la gorge pour en chasser les trémolos. « Quoi ? » « Pardon de vous dévisager. C'est juste étonnant. » « Quoi donc ? » « Vous ressemblez vraiment à cette fille, dans le Conte que vous teniez il y a un instant. » L'étudiante se renfrogna mais était encore trop sous le choc des informations qui venaient d'envahir sa cervelle pour le remettre à sa place. « C'est ridicule. Vous me donnez le colis, maintenant ? » Elle eut un court moment d'hésitation tandis qu'elle jetait un coup d'oeil à la pile de livres. « Je vais vous acheter le Conte également. »

Message V | 979 mots

Pauvre poupou

☙ Barns Courtney - Hollow

RP lié

« Il y a quelque chose dont vous voudriez me parler ? » Interloquée, Susannah battit des cils. « Vous pouvez me parler de tout. Cela restera confidentiel, entre vous et moi. Il peut être bon de se confier à une personne externe à vos cercles habituels. » « C'est vous qui m'avez convoquée, Madame. » Rappela la Basphélienne après une petite hésitation. Elle quittait la bibliothèque un peu plus tôt et avait été happée par l'infirmière au passage. Désormais assise dans son bureau, face à elle, Susannah cherchait à comprendre pour quelle raison on l'y avait invitée. « Je ne suis pas malade, je vais bien. » Ajouta-t-elle, au cas où et la femme lui sourit avec encouragement. Mal à l'aise, Susannah baissa les yeux pour échapper à l'examen de son regard. « Tout à fait, mais je ne soigne pas que les rhumes ou bobos du quotidien. Je peux aussi prêter une oreille attentive à ceux qui en auraient besoin. » « Et selon vous, j'en aurais besoin ? » Car Susannah ne s'était jamais sentie aussi bien. Depuis quelques temps, la vie se déclinait en couleurs chaleureuses, en nouvelles amitiés forgées. Les remarques que son propre département lui lançait la troublait. D'ailleurs, que faisait-elle à l'Obsidienne ? Elle les trouvait tous odieux et les évitait désormais pour éviter d'essuyer leurs piques.

« Pas selon moi. Vous avez un ami qui se préoccupe beaucoup de vous, vous avez de la chance de l'avoir. Il est venu me parler, pour me dire que votre comportement avait changé dernièrement. Il s'en inquiétait. » De plus en plus perplexe, la bleue garda le silence. S'il y avait eu des changements, ils avaient tous été bénéfiques. « Mais je vais bien. » « Vous êtes sûre ? Les premiers émois amoureux ne sont pas évidents à gérer en plus de tout le reste et Basphel est exigente, ce qui n'aide pas. » Susannah piqua un fard alors que le faciès de Melvyn s'invitait dans ses pensées. « Je... Comment savez-vous ? » « Oh, vous savez, j'ai des oreilles et des yeux. J'ai remarqué que vous passiez moins de temps avec l'un de vos camarades, Titouan ? Vous aviez l'air proches pourtant. » « Oh... Oh ! » Un rire nerveux lui échappa en comprenant son erreur. « Vous vous êtes disputés ? » Fit la femme, compréhensive, sa main prête à jaillir pour offrir un mouchoir en cas de besoin. « Eh bien, oui. Nous ne sommes plus ensemble. » « Et comment le vivez-vous ? » « Ça va vous paraître bizarre, et je ne sais même pas pourquoi je vous en parle mais, vous gardez tout ça pour vous n'est-ce pas ? En réalité, je n'étais pas vraiment amoureuse de lui. Alors la séparation n'est vraiment pas difficile. Ce qui a été le plus dur, c'est que ce soit lui qui ait voulu y mettre un terme. Personne n'aime entendre qu'on ne veut plus de lui. » « Des échos que j'ai eu, c'est l'inverse. » Gênée, Susannah ramena une mèche derrière son oreille et s'abîma dans la contemplation de ses mains croisées sur ses cuisses. « J'ai menti. » Avoua-t-elle avec une petite voix. « Je vois. » « Mais je vais bien, je vous assure ! En fait, je suis même intéressée par quelqu'un d'autre dernièrement. Mais si je peux me permettre, qui est venu vous parler de moi ? » Car, en définitive, la bleue n'avait que peu d'amis. Il y avait bien Lana mais elle imaginait mal la Sirène prendre cette initiative car ça exigeait de lever le nez de son propre nombril. Elle voyait davantage la blanche la secouer directement plutôt que passer par l'infirmière. « Il s'agit d'Alcide Taiji. Ce brave garçon prend beaucoup soin de ses amis, n'est-ce pas ? » Heureuse d'être déjà assise, Susannah entrouvrit la bouche sous le choc. « Mais ce n'est pas mon ami. » Croassa-t-elle enfin. « Nous nous sommes disputés il y a peu. » « Oh, avec lui aussi ? » « Non, non pas comme ça ! » La bleue rougit à nouveau des implications du sous-entendu. « Je lui ai fait une petite plaisanterie, je crois qu'il n'a pas apprécié et il s'est fâché. » C'était au tour de l'infirmière d'être décontenancée. « Quelle plaisanterie ? » « Je n'en suis pas très fière. Je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça et, avec le recul, ça n'a rien de drôle. Vous savez comme nous allons bientôt à Seaghdha ? Ne le répétez pas mais j'avais volé des biscuits dans les cuisines, ceux dans la partie réservée aux aliments pour les élèves vampires, et je lui en ai donnés à manger. C'était pour qu'il voit ce qui l'attendait, vous comprenez ? Je regrette un peu à présent d'avoir fait ça. » « Vous pourriez aller lui présenter des excuses ? » « Oui, vous avez certainement raison. » Honteuse, le regard de Susannah tomba à nouveau sur ses pieds.

Message VI | 825 mots