Trafic

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Intrigue : Félix, un étudiant à Basphel, propose un marché dangereux à Susannah.

☙ Ashe - Girl Who Cried Wolf

Rejoins-moi dans le parc des saules pendant que les autres seront au dîner.

Susannah relut la missive une nouvelle fois. Elle en connaissait le contenu par coeur à force de le lire. Les interrogations affluaient et embrasaient ses méninges depuis qu'elle l'avait trouvée, logée dans un de ses livres. Que lui voulait cette personne ? S'agissait-il d'un amoureux souhaitant lui faire sa déclaration ? Ce n'était pas ce que le ton autoritaire laissait entendre, un ton qui lui déplaisait d'ailleurs fortement. La Sirène aurait voulu brûler le morceau de parchemin avec tout le dédain dont elle était capable mais la curiosité était trop forte. Qui était-il ? Elle ? Peut-être était-ce aussi une mauvaise farce qui l'attendait ? Ne pas avoir de réponses à ses questions avait mis l'adolescente sur des charbons ardents tout le reste de la journée et l'avait trouvée déconcentrée dans tous ses cours, ce qui l'agaçait vivement car cela allait la ralentir dans ses devoirs.
«Tu vas y aller ?» L'interrogea Lucille à ses côtés. Susannah se retint de lever les yeux au ciel et conserva une expression neutre. Elle avait pourtant bien répété à la jeune femme qu'elle ne pouvait pas lui parler lorsqu'elle était en public mais l'Archonte n'en faisait qu'à sa tête, comme d'habitude. Elle apparaissait soudainement, au gré de ses envies et sans se soucier de faire frôler à l'objet de son attention des arrêts cardiaques. Plutôt que de lui répondre, la Basphélienne se contenta d'ajuster sa sacoche de cours sur son épaule avant de quitter la masse d'élèves agglutinés dans les couloirs pour aller manger. Cela aussi était contrariant, elle allait devoir sauter un repas juste pour suivre les directives d'un inconnu. À cette pensée, elle faillit renoncer et tourner les talons. Elle avait mieux à faire, comme se présenter à sa nouvelle colocataire qui serait aussi sa tutrice, de ce qu'on lui avait dit. Faisant fi de ses réserves, elle emprunta le chemin vers le parc.
Pénétrant sous les frondaisons des saules centenaires, Susannah fut surprise de la fraîcheur soudaine qui l'enveloppa une fois sous le couvert des arbres. La présence du lac un peu plus loin contribuait certainement à la différence de température et elle prit naturellement la direction de celui-ci. Elle s'y baignait parfois, quand les baisers de l'océan lui manquaient trop mais le contact verdâtre et stagnant du lac ne correspondait en rien aux courants délicieusement glacés de son enfance et elle en ressortait invariablement frustrée. Arrivée près de la berge, elle aperçut une silhouette accroupie, dos à elle et traçant des volutes dans l'eau avec sa Magie. D'excitation et d'appréhension, la Sirène sentit sa tension augmenter et elle croisa ses bras pour dissimuler le tremblement qu'avaient pris ses mains. «Bonjour.» Finit-elle par dire de sa voix basse et trainante. Elle se tenait figée, le dos droit et l'expression indéchiffrable. Elle était prête à repartir au moindre signe suspect.
Au son de sa voix, il se retourna et un éclair de surprise traversa les yeux couleur de pluie de la Sirène. Elle le reconnaissait, il était de l'Obsidienne, tout comme elle, mais était dans ses dernières années à Basphel. Il était aussi un Sorcier. Un bouseux à lunettes. «Ah, tu es venue finalement. J'ai cru que tu ne viendrais pas.» Elle ne répondit pas. Il avait une voix aimable et lui souriait comme s'ils étaient amis, ce qui accentua le sentiment de méfiance de Susannah. «Je m'appelle Félix.» Ajouta-t-il. «Susannah.» Son sourire s'élargit, découvrant ses dents blanches. «Oui, je sais.» L'adolescente se frotta nerveusement la peau du cou, mal à l'aise. Elle avait aussi aperçu Lucille, quelques mètres plus loin, ne perdant pas une miette de la scène. Maudite fouineuse sans gêne, songea la Sirène.
«Qu'est-ce que tu veux ?» Du gris doux des nuages, son regard s'était fait acier. «Approche, je vais t'expliquer.» Susannah hésita quelques secondes. S'il devait l'ennuyer, elle pouvait peut-être le noyer dans le lac. Ou juste l'entraîner assez longtemps sous l'eau pour qu'il perde conscience, se reprit-elle en se rappelant que le meurtre était très certainement mal vu dans l'école d'élite, sans compter qu'il était aussi plus fort qu'elle. Façonnés par Basphel, les étudiants les plus avancés avaient un niveau tel que Susannah désespérait parfois de caresser l'espoir d'en faire partie un jour. Félix n'était pas exempt de cette aura de confiance en soi qui se dégageait de lui et la bleue était impressionnée malgré elle. Que pouvait-il bien lui vouloir ? Comme s'il avait perçu ses pensées, il se laissa aller contre le tronc d'un arbre dans son dos avant de lui dire d'un ton calme. «Je veux tes écailles.»

Message I | 829 mots

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☙ Ashe - Girl Who Cried Wolf

Son coeur rata un battement. «Pardon ?» Fit-elle, incrédule. «Eh bien, tu es une Dæloran.» Expliqua-t-il d'un ton patient. Malgré son air amène, Susannah déchiffrait dans sa voix une pointe d'agacement. Elle s'en sentit à la fois irritée et satisfaite. Elle n'aimait pas qu'il joue à l'hypocrite et au gentil. Elle n'était pas assez bête pour croire qu'un Sorcier, qui plus est issu de l'Obsidienne, puisse montrer une quelconque bonté à son égard. «Et alors ?» Le défia-t-elle. Félix enleva ses lunettes et les essuya avec des gestes précis et consommés dont la lenteur mit ses nerfs à vif. Elle avait bien compris de quoi il parlait. Les propriétés des écailles de sa famille étaient reconnues à travers les terres du Yin et du Yang. Pour peu qu'il ait suivi ses cours ou se soit intéressé à l'histoire des Lignées des Sirènes, il avait dû en entendre parler. Ne supportant plus ce silence pesant, elle le relança. «Qu'est-ce qui te fait croire que je vais accepter ?» Le Basphélien eut un sourire sans joie. «C'est vrai que ça paraîtrait étrange qu'une Sirène accepte ça d'un Sorcier.» Reconnut-il. «Sauf dans le cas où cette Sirène aurait quelque chose à y gagner.» «Je ne comprends pas.» «Le contraire m'aurait étonné.» Marmonna-t-il, son regard se perdant dans les frondaisons d'un vert sombre, transpercées de quelques rayons lumineux obliques. Susannah le fusilla du regard et se raidit. «J'ai entendu parler du sujet de ton exposé. Tu vas constater l'étendue des dégâts que ta race a faite sur nos terres ?» Lui demanda-t-il avec une soudaine froideur qu'il ne cherchait plus à cacher. Elle ne répondit pas. En réalité, à chaque seconde qui passait, elle avait de moins en moins envie de l'écouter parler. Son arrogance et sa fausseté l'horripilait et elle avait certainement mieux à faire que d'écouter un mâle lui parler de la sorte. Rien ne la retenait ici. Il dut sentir qu'il perdait son attention car il reprit avec un débit plus rapide. «J'ai un marché à te proposer.» «Qu'est-ce qui te fait croire que je vais accepter ?» Lui opposa-t-elle aussitôt, aussi butée qu'un bigorneau logé au fond de sa coquille. Il fixa sur elle un regard dur et elle dut lutter pour ne pas baisser le sien. «Eh bien pour commencer, tu devrais réfléchir au fait que si je le voulais, je pourrais te forcer et obtenir ce que je désire sans beaucoup d'efforts.» Il marqua une pause pour laisser la Sirène s'imprégner de sa menace, la dévisageant et se réjouissant de l'air choqué sur son visage. Elle n'était pas encore apeurée comme il aimait que ses victimes le soient mais ça viendrait si elle continuait à lui faire front. «Mais cette école a eu raison de certains... penchants que je pourrais avoir. Je te propose plusieurs choses. J'ignore si Basphel va te proposer de l'aide pour visiter le Continent Dévasté mais j'ai de la famille à Amestris. Comme tu le sais, vous n'êtes pas bien vues là-bas mais si tu restes discrète et que tu ne fais pas l'idiote et reste avec eux, tu ne devrais pas avoir trop d'ennuis.» «Je ne suis pas stupide, je ne comptais pas crier être une Sirène sur tous les toits.» Cracha-elle avec morgue. Il poursuivit comme si elle n'avait rien dit. «Et ensuite, comme j'aurais souvent besoin de toi, si ce que j'ai en tête fonctionne, je te propose mon aide de manière générale à Basphel. Il serait bizarre que je te protège, en aurais-tu besoin, mais je peux t'aider discrètement dans tes devoirs. Le niveau est élevé et, malgré la qualité des professeurs, tu vas vite découvrir la difficulté de tenir le rythme. En bref, tu ne devrais pas rejeter mon offre. Je connais l'école comme personne et je suis plutôt bon élève. Nous logeons au même endroit et avec un peu d'organisation, ça ne devrait pas être très compliqué.» Conclut-il. «Alors ? Qu'en dis-tu ?» Sa question était purement rhétorique et il le savait. L'intérêt sur le visage de la première année était aussi évident que le nez au milieu de la figure. Lui aussi avait débuté à Basphel autrefois. Il se souvenait des difficultés, il savait ce qu'elle traversait. Et si elle était aussi fière que son attitude le suggérait, elle avait besoin de lui pour limiter l'humiliation des multiples échecs auxquels elle ferait face.

Susannah se dévêtit machinalement. Perdue dans ses pensées, elle ressassait encore les paroles de Félix, se moquant de savoir s'il la regardait. La nudité ne l'avait jamais gênée et si c'était un problème pour le Sorcier, alors c'était encore mieux. Elle réalisait qu'elle avait finalement peu de pouvoir dans cette entente et si elle pouvait le déstabiliser un tant soit peu, c'était une petite victoire. De plus, son corps avait gardé son innocence enfantine et les seules formes discernables étaient celles de sa gourmandise. Déposant son uniforme sur la mousse émeraude qui mouchetait les berges du lac, elle s'immergea sans frémir dans l'eau. Heureuse de sentir l'eau frapper ses jambes frêles, elle plongea brusquement. Le plaisir de sentir sa queue onduler avec grâce et la propulser vers les profondeurs du lac chassa la rencontre désagréable de son esprit. S'offrant à toutes les sensations que lui procuraient la caresse de l'onde, elle mit un certain temps avant de remonter. Seule sa tête sortait de l'eau alors qu'elle cherchait Félix du regard. Lui aussi s'était dévêtu mais il avait conservé ses sous-vêtements. Sans la moindre gêne, elle l'examina de la tête aux pieds. Il était plutôt maigre et elle devina que sans les exercices physiques inclus dans le programme scolaire, les lignes musclées qui tendaient son ventre ne seraient pas. Ses cheveux gris bouclaient sur sa nuque et lui dissimulait ses yeux de là où elle était. Avec plus d'hésitation qu'elle, il rentra dans le lac et s'arrêta lorsque l'eau atteignit ses hanches étroites. «Bon, tu viens ? Il ne faut pas qu'on rate le couvre-feu.» Le regard de Susannah se posa alors sur la lame argentée qui brillait dans la paume de la main du Sorcier. Un frisson qui ne provenait pas de la température de l'eau remonta le long de son dos.

Message II | 1109 mots

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☙ Ashe - Girl Who Cried Wolf

«Arrête de bouger !» Sa queue battit l'eau encore plus fort, les éclaboussant tous les deux. «Je n'ai pas pour habitude qu'un Sorcier pose ses sales pattes sur ma queue !» Siffla Susannah avec colère. Exaspéré, Félix, essuya comme il put les gouttes agglutinées sur ses verres. D'une voix qu'il souhaitait maîtrisée mais délivra malgré tout les notes de la contrariété, il répliqua : «Je vais abîmer ta queue si tu continues, imbécile !» Il ne récolta qu'un regard hargneux de la Sirène dont les yeux chargés d'un gris orageux étincelaient d'une animosité mal contenue. Attirée par ce remue-ménage, la vase englobait le corps de la Sirène dans un flot cotonneux et brunâtre qui ne facilitait pas les choses. Félix soupira, agacé par la mauvaise volonté de l'adolescente. «Je me fiche pas mal de te faire souffrir petite sotte. Mais je ne dois pas abîmer tes écailles.» Susannah eut brusquement envie de lui cracher au visage. «Très bien. Je vais essayer de ne pas bouger.» Bougonna Susannah. Elle inspira et surveilla attentivement le chemin que prit la lame jusqu'à sa queue. «Ça aidera peut-être si tu ne regardes pas ?» Suggéra l'élève plus âgé, sa main se figeant quelques centimètres au dessus des écailles. Sa voix, dénuée de la moindre compassion, ne lui faisait cette proposition que dans l'unique but qu'elle se tienne tranquille et ne le gêne pas. «Pour que tu puisses me saigner comme un porc en m'égorgeant ou en m'ouvrant le ventre ?» Grogna la bleue. Félix haussa les épaules et se pencha pour entamer la chair autour d'une écaille. La douleur éclata, blanche et inéluctable. Insupportable. Susannah serra les poings sur la terre fétide sous elle et se mordit la joue pour ne pas crier. Le couteau mordait sa chair et le Sorcier procédait méthodiquement, son visage aussi neutre que s'il était en train de lire un livre. Sur un rocher au dessus de la Sirène, il avait prévu une serviette et une petite boîte était ouverte, prête à recueillir les écailles. La fascination se couplait à l'horreur alors que la Sirène fixait sans ciller le sang vermeil colorer l'eau autour des mains de Félix. Ce dernier avait calé un genoux sur sa queue pour limiter les tressaillements involontaires des muscles et Susannah devait se retenir de ne pas le repousser brutalement. Elle n'en avait de toute façon pas la force. Se sentir si vulnérable face au Sorcier n'était pas chose agréable et ses traits crispés encadrés par ses cheveux flottant dans l'eau lui donnait l'air d'un chat particulièrement furieux.
D'un geste sec, il sectionna la première écaille et l'adolescente hoqueta. Elle sentit sa peau nue se couvrir de chair de poule et manqua défaillir en voyant le trou sanguinolent sur sa queue. Ses ongles vinrent griffer ses paumes pour s'empêcher de sombrer dans cet instant de faiblesse tandis que Félix déposait soigneusement l'écaille dans la boîte. «Je vais en prendre environ cinq, pour commencer.» Déclara-t-il posément, plus pour lui-même que pour elle. Susannah blêmit et son regard rencontra celui du Sorcier. Elle y vit la folie dormante dans ses prunelles. Ses lunettes ne parvenaient pas à dissimuler le chaos qui animait l'esprit détraqué de ces adorateurs d'Ethelba. Elle y lut toute la noirceur qui accablait son âme et s'y noya. Le goût amer du regret emplit sa bouche et l'asphyxia. Qu'avait-elle fait en acceptant l'offre de Félix ? Dans quoi s'était-elle engagé ? Était-ce seulement légal ? Que diraient les membres de sa famille s'ils savaient ? Et si un étudiant ou pire, un professeur, les trouvaient ? Ils n'hésiteraient pas à la renvoyer chez elle. L'humiliation serait insupportable, mieux valait mourir. La panique prenait possession de ses pensées et elle bloqua le poignet du Basphélien. «Attends !» Souffla-t-elle, son coeur cognant à grands coups douloureux dans sa poitrine. «Attends.» Répéta-t-elle. «Ecoutes.» Commença Félix avec impatience. «J'imagine que ça doit faire mal mais on est un peu à court de temps et...» «Fermes-la !» Glapit l'adolescente et il se tut, surpris. Elle ne lui avait même pas demandé ce qu'il comptait faire avec ses écailles. Elle se sentait si idiote qu'elle en aurait pleuré. Comment avait-elle pu suivre les instructions de la missive ? Elle aurait dû être en train de dîner avec ses camarades, les jugeant avec un mépris silencieux ou bien en train d'étudier avant d'aller dormir. Elle aurait dû être en train de faire connaissance avec sa nouvelle compagne de chambre, à se lamenter car elle n'était sûrement qu'une cruche de plus dans cette école ridicule. Au dessus d'elle, Félix restait dans la même position, ne semblant pas savoir quoi faire de lui-même alors que l'angoisse déformait le visage de Susannah.

Message III | 828 mots

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☙ Ashe - Girl Who Cried Wolf

Ornurtr choisit ce moment pour se matérialiser aux côtés de Susannah. Gracieusement, elle s'assit sur un rocher. Après avoir disposé sa robe de sorte qu'elle retombe élégamment de chaque côté, l'Archonte cala ses coudes sur ses genoux dans une attitude enfantine. «C'est drôle parce qu'on parlait justement de mutilation l'autre jour.» Dit-elle d'un ton léger. «Il est complètement malade.» Grinça Susannah entre ses dents. Ornurtr rit. «Ben oui. C'est un Sorcier.» Félix, lui, regardait Susannah avec inquiétude, ce qui fit sourire la brune. Elle lisait dans ses pensées sans la moindre difficulté et ce malgré les barrières mentales qu'il avait érigées. Il ne s'inquiétait pas du bien-être de la bleue mais plutôt d'en avoir trop demandé à la jeune fille. Si elle devenait folle à cause de lui, les professeurs allaient investiguer et il allait avoir des problèmes. «Si ça peut te rassurer, vous êtes seuls. Par contre, il a raison, il ne vous reste pas beaucoup de temps avant le couvre-feu.» Fit-elle à Susannah. «Ça va mieux ? J'aimerai éviter qu'on s'arrête là aujourd'hui. J'ai des devoirs à rendre et je ne vais pas être trop disponible dans les prochains jours.» Expliqua le Sorcier en remontant ses lunettes sur son nez. Susannah le haïssait. Il reprit, d'une voix lasse. «Tu as donné ta parole. Je serais le premier des imbéciles si, en tant que Sorcier, j'accordais foi à la parole d'une Sirène mais tu pourrais éviter de tomber dans le cliché tout de même. Et tu as besoin de moi, autant que moi de toi.» Souligna-t-il enfin. «Qu'est-ce que tu vas faire avec ?» Il parut surpris. «Ce n'est pas évident ? Je vais d'abord étudier tes écailles et ensuite je vais faire quelques essais. Pour les doses. Je ne compte pas les commercialiser, j'aurais toute les Sirènes à mes trousses si je fais ça. Ou alors je pourrais monter un marché au noir mais ce sera pour plus tard.» Compléta-t-il d'un ton satisfait. «Pas mal.» Jugea Ornurtr avec une moue appréciative. Elle reporta son attention sur la Sirène. «Accepte. C'est un petit sacrifice au regard de ce que tu pourrais en obtenir. Et puis tes écailles repousseront.» «Quoi ?!» Eclata Susannah en décochant une œillade meurtrière à celle qu'elle nommait Lucille. «Qu'est-ce que tu n'as pas compris ?» L'interrogea Félix en levant les yeux au ciel, ne comprenant pas qu'elle s'adressait à quelqu'un d'autre. L'adolescente gémit et se massa les tempes en jurant dans sa langue natale. «Dis-lui que tu veux être là pour les essais.» Insista Ornurtr. «C'est la moindre des choses. En plus, je parie que tu n'as même pas la preuve qu'il est si bon élève. Il t'a promis son aide mais elle ne vaut peut-être rien. Il te faut une garantie. Une vraie.» Susannah hocha la tête lentement. Les propos de la brune faisaient sens et elle planta ses yeux dans ceux de Félix. D'une voix qu'elle espérait suffisamment ferme, elle exposa ses exigences comme la femme les lui avaient indiquées. Le Sorcier réfléchit quelques secondes puis lança : «Marché conclu. Je peux extraire tes autres écailles maintenant ?» Elle acquiesça et détourna le regard cette fois-ci.

La nuit s'épaississait autour d'eux alors que les Basphéliens se rhabillaient en silence. Des gouttes de sang perlaient des plaies ouvertes sur les cuisses de Susannah. Félix avait prévu une serviette mais, comme elle s'en était aperçue, trop estomaquée pour lui reprocher quoi que ce soit, il l'avait utilisée pour s'essuyer le visage puis les mains plutôt que de la lui proposer pour s'essuyer. Il brisa finalement le silence. «Il faut qu'on trouve une autre solution pour discuter de la suite. Quelqu'un risque de tomber sur les mots si on persiste avec ce moyen. Tu as appris la télépathie ?» Susannah secoua la tête. «Eh bien apprends. Le Professeur Tulipe maîtrise très bien ce pouvoir, demande-lui un cours particulier. En attendant, je te communiquerai nos prochains rendez-vous par mots comme pour aujourd'hui.» Susannah n'aimait pas le ton autoritaire qu'il usait avec elle mais elle tint sa langue. En vérité, elle se sentait épuisée et elle n'avait plus qu'une envie ; panser ses plaies et dormir. Lucille avait disparu à nouveau et sans sa présence énergique, la Sirène sentait la fatigue de la journée s'accumuler sur ses épaules. L'air froid du soir dans ses cheveux humides la fit frissonner. Sans lui prêter attention, il poursuivit, avec le même sérieux que lors d'un exposé : «Et faisons comme si nous ne nous connaissions pas. Mais si jamais on se fait prendre, on prétendra que tu as le béguin pour moi, ce serait le plus crédible.» Susannah renifla avec mépris. «Je te rassure, je n'ai pas la moindre envie de te reparler en dehors de ce que nous faisons actuellement.» «Parfait dans ce cas.» Répliqua Félix sans saisir l'ironie dans la voix de la plus jeune. «Je pars en premier. Tu n'as qu'à attendre quelques minutes et rejoindre le dortoir ensuite.»

Message IV | 886 mots