Et passe le temps
Jämiel et Bellone

Found - Marika Takeuchi

Les yeux verts s'ouvrirent lentement, s'habituant à la luminosité à laquelle ils n'avaient pas été confrontés depuis longtemps. Il fallut plusieurs battement de paupières pour qu'ils s'accommodent. Aussitôt, ils commencèrent à balayer l'espace au dessus d'eux : le haut plafond ne ressemblait pas à celui de sa chambre ; au dessus de sa tête, un vitrail circulaire laissait entrer la lumière ; à l'opposé, une porte close ; contre le mur de droite, une commode avec un bouquet de fleurs noires, sublimes ; sur sa gauche, un simple tabouret et une table de chevet. Bellone reporta son attention sur l'espace à sa droite. Là, elle n'avait pas fait attention mais une créature monstrueuse la toisait. L'animal s'était redressé sur ses quatre pattes, le mouvement attirant l'attention de la jeune femme. Elle aurait sans doute dû avoir peur : l'apparence repoussante du spécimen était loin d'être rassurante. Pourtant, elle n'était pas menaçante non plus et, en ce sens, l'Orine n'éprouva aucune terreur à la vue de cette créature cauchemardesque. La seconde suivante, la bête s'était fondue dans les ombres et avait disparue, laissant la convalescente seule dans sa nouvelle tour d'ivoire.

L'Isemssith inspira profondément. Son corps lui paraissait étrange. Comme engourdi. Il n'était pas douloureux mais lui paraissait anormalement lourd. Dans une tentative maladroite de se reconnecter à ses sensations, la jeune femme commença par remuer les doigts, un à un, puis à répéter l'opération avec chaque orteil. Ensuite, elle agita timidement ses membres et se redressa lentement en position assise : elle agissait précautionneusement, une part d'elle-même craignait que son corps ai été affaibli durant son sommeil prolongé... Elle n'avait pas la moindre idée de la durée de son coma dans le monde réel, elle avait oublié d'interroger sa sauveuse à ce sujet, mais elle avait la conviction que la réponse lui semblerait trop longue à son goût. Elle s'était presque attendue à retrouver ses mains fripées et son corps desséché. Mais non. Sa peau était lisse et, plus étonnant encore, elle n'avait ni la sensation de faim ni celle de soif. Elle se sentait... Bien. Dans son mouvement, ses longs cheveux bruns firent dégringoler quelques cristaux qui s'étaient mêlés à eux : ils auréolaient précédemment son visage, posé sur l'oreiller. Surprise, Bellone passa une main dans sa chevelure. Elle avait poussé, lui arrivant désormais à la taille. Elle tira légèrement dessus, comme pour s'assurer qu'ils lui appartenaient bien : le léger tiraillement sur son crâne le lui confirma.

La Sœrei fronça les sourcils. Elle ne connaissait pas cet endroit. Elle essaya de fouiller dans ses souvenirs, à la recherche d'une explication sur sa présence en ce lieu. Son dernier souvenir était de s'être allongée sur le lit pour se reposer un peu avant l'heure du souper - elle avait eu une longue journée d'apprentissages et elle craignait que quelqu'un lui fasse remarquer sa mine fatiguée. Qui avait pu la sortir de sa chambre ? La seule réponse logique était Jämiel... Mais pourquoi ici ? Pourquoi dans un lieu qui lui était inconnu ? Et surtout... Pourquoi n'était-il pas à ses côtés ? La rêveuse avait espéré le trouver à ses côtés à son réveil. Elle l'avait imaginé veiller sur elle, à son chevet jour et nuit... La brune secoua légèrement la tête. C'était idiot. Elle n'était plus en plein rêve. Le Sarethi avait des engagements et des devoirs à tenir. C'aurait été une perte de temps que de l'observer dormir. Bellone se sermonna elle-même : cette espérance là n'était nourrie que par son propre égocentrisme.

La jeune femme pianota nerveusement de ses doigts le rebord du lit. Elle était seule. Et la solitude l'inquiétait : son esprit se heurtait à des craintes et des questionnements auxquels elle n'avait pas de réponse. Devait-elle quitter cette chambre ou attendre que quelqu'un vienne la trouver ? Où se trouvait Jämiel ? Elle avait envie de le revoir. Comment savoir si elle était réellement sortie du monde des songes, et ne s'était pas tout simplement fait manipuler une fois de plus ? Non, elle se souvenait avoir rêvée, se souvenait de sa vie passée ici, ce qui n'était pas le cas lorsqu'elle était plongée dans le monde onirique. Un papillon noir virevolta autour de la tête de l'Endormie. Cette dernière laissa un rire lui échapper - le son était rendu rauque par l'inactivité de sa voix - tout en tendant son index pour servir de perchoir. L'insecte semblait fait de sable noir, la brune n'eut aucune difficulté à le reconnaître, même sous cette forme là. « Toshio... »

Le halo de lumière attira l'attention de l'Orine. Aussitôt, ses yeux s'écarquillèrent en percevant la silhouette de son Aisuru s'en extraire. Elle voulut se lever et courir se réfugier dans ses bras mais ne fut pas assez rapide : l'Alfar se jeta sur elle en premier sans qu'elle eut put esquisser le moindre geste. La jeune femme lui retourna son étreinte, l'enserrant de ses maigres bras du plus fort qu'elle le pouvait : elle s'accrochait à lui comme à sa vie. « Jämiel... » murmura-t-elle dans un hoquet. Les larmes s'étaient misent à couler le long de ses joues mais elle ne prenait pas la peine de les essuyer. Un rire étouffé lui échappa lorsque l'adolescent constata son éveil. La phrase suivante lui arracha un léger pincement au cœur. Oui, elle avait bien failli ne jamais se réveiller... Se doutait-il un seul instant qu'il était la raison qui lui avait permit de s'extirper de sa prison onirique ? Avait-il conscience du rôle qu'il avait joué ? Bellone songea à le lui dire mais se ravisa : en cet instant, elle avait simplement envie de profiter de sa présence, de son étreinte, de son toucher. « Je ne t'abandonnerai jamais. » promit-elle. Ces mots avaient une saveur étrange, dans ses lèvres, bien qu'elle ne sut pas exactement pourquoi - elle ne chercha pas à comprendre la raison et se contenta d'accueillir l'émotion, s'agrippant davantage à l'Elfe Noir.

Un nouveau rire étouffé échappa à l'Orine devant l'empressement de Jämiel. Son inquiétude, bien que légitime, avait quelque chose d'attendrissant... Ou peut-être de rassurant : ça y était. Enfin. Elle était bien là, réveillée, sortie de ce cauchemar sans fin... Profitant du baiser qu'il déposa sur son front, elle s'écarta légèrement de lui. Attrapant l'une de ses mains entre les siennes, elle l'invita à prendre place à ses côtés. Son sourire ne parvenait pas à s'enlever de son visage. « Tu as grandi. » constat-elle avant de partir dans un nouvel éclat de rire. Ils avaient mille-et-une choses à se dire et, pourtant, en cet instant, c'était la seule chose qui lui était venue en tête. Tendrement, elle passa l'une de ses mains sur la joue de son Aisuru, de l'autre, elle noua ses doigts à ceux de Jämiel. Bellone inspira profondément avant de reprendre la parole. « Je crois... Je crois que je suis devenue une Isemssith. » Ce titre était supposé apporter gloire et fierté à son porteur. Dans son cas, elle n'était pas réellement certaine de le porter ainsi. « Comme tu t'en doutes, je n'ai pas remporté l'épreuve. » fit-elle avec une mine contrite. Malgré la désagréable expérience, la brune ne pouvait s'empêcher de repenser aux mots qu'Ailill lui avaient un jour adressé. Ses échecs se répercuteraient toujours sur Jämiel de façon néfaste, peut-être plus fortement encore que ses victoires ne le feraient briller. « Mais je suis là, maintenant. » Bellone releva la tête vers les murs de la pièce dans laquelle ils se trouvaient. « J'y pense... C'est où, "là" ? Je ne connais pas cet endroit. Où sommes-nous ? »

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Et passe le temps
Jämiel et Bellone

Cicada - 浪沫撫過礫石灘 Ocean Foam

« Devenu roi ? » Bellone avait répété ces mots dans un cri excité, qui s'érailla légèrement tendit qu'elle montait dans les aiguë sous l'effet de la surprise. « Comment ça ? » demanda-t-elle cette fois-ci avec un léger mouvement de recul. Avait-elle dormi pendant des siècles entiers, pour qu'il accède ainsi au trône ? Une angoisse s'empara d'elle, mêlée au sentiment d'avoir raté les meilleurs moments de la vie de l'Alfar. Oscillant entre euphorie et amertume, la jeune femme observa l'adolescent se redresser. « Je pense, oui. » S'appuyant sur la main qu'il lui avait offerte, l'Orine se jucha sur ses jambes. Elle vacilla dangereusement. Contrairement à ce qu'elle avait cru de prime abord, son corps s'était bien émacié, bien qu'elle ne ressembla pas tout à fait à un squelette. Ses muscles avaient fondus et avec eux, toute sa force. Sa tête lui tourna également de façon désagréable mais, après quelques secondes, elle pu avancer jusqu'à la fenêtre. « Merci. » laissa-t-elle échapper en s'appuyant contre le rebord. Elle porta son regard émeraude sur le paysage d'en dehors. Le trouble marqua ses traits. La tour dans laquelle ils se trouvaient était cerclée d'une forêt et par delà... De simples étendues verdoyantes. Quelque peu perdue, la Muse se tourna vers son partenaire, à la recherche d'explications. Il était devenu roi, certes, mais de quelle contrée ? « Un autre monde... » La brune porta une seconde fois son attention sur le dehors. « Alors nous ne sommes pas chez nous... » Chez nous. Pouvait-elle encore se permettre de parler ainsi ? En ce qui la concernait, elle savait où était sa place, en cet instant. Elle désirait se trouver là où se tenait son Aisuru. Mais ce dernier partagerait-il ses envies, ses désirs ? Elle sentit une légère inquiétude l'emparer, sans parvenir à discerner s'il s'agissait de ses propres émotions ou de celles du Sarethi. « Cet endroit... Nous ne sommes pas dans le monde des rêves, n'est ce pas ? » Demanda-t-elle dans un murmure, presque pour elle-même. Le fonctionnement de ces deux univers lui semblaient identiques, à leur manière, et cela l'angoissait, malgré sa conviction d'en avoir enfin réchappé. L'attention de la Rêveuse fut détournée par le geste de Jämiel, qui récolta l'une des pierres qui s'étaient emmêlée dans ses cheveux. Elle laissa échapper un rire. « J'imagine que c'est pour garnir le trésor du Roi, n'est ce pas ? » taquina-t-elle. Elle n'avait pas conscience d'être en partie responsable de ces étranges apparitions.

Bellone suivit le Roi de ce monde jusqu'à l'extérieur. Devant le cheval à l'allure effrayante, la Disgracieuse esquissa un cercle avec ses lèvres, marquant sa surprise appréciative. La créature était belle, bien qu'elle eut pu paraître effrayante à des étrangers de Drosera. Sa crinière semblait faite de volutes de fumée noire ; son museau était recouvert d'un crâne, à moins qu'il ne s'agisse du siens, apparent sous la peau fine et translucide, et une rangée de dents acérées sortaient de sa mâchoire. Quant à ses sabots, ils étaient munis de griffes redoutables. La fille de Hahanaru Shizen partit dans un éclat de rire, devant les manières de son cavalier. Elle effectua une courbette caricaturale à l'énoncé de son statut, puis s'avança près de sa monture et, acceptant l'aide de Jämiel, monta sur son dos. Elle passa les doigts sur l'encolure de la bête et sentit ses muscles vibrer sous ses phalanges. Presque aussitôt, ils se remirent en route, s'avançant entre les arbres. L'Orine jouait avec les éclats de lumières qui parvenaient à filtrer à travers la canopée, faisant bouger ses mains et ses bras pour essayer d'en capter un maximum. « Alors, tu contrôles la forêt ? » demanda-t-elle à l'explication du guide. Ses paroles ravivèrent les souvenirs d'une nuit... C'était quelque chose de vague, presque une simple sensation qui se rapportait à elle : Bellone aussi avait, un jour, été le cœur de la forêt. La brune grimaça et massa ses tempes douloureuses, arrêtant de jouer avec la lumière.

La jeune femme s'arrêta en remarquant qu'ils avaient atteint la frontière de la forêt et que Jämiel les avait fait s'arrêter. Elle l'écouta poser ses questions sans l'interrompre puis garda le silences plusieurs dizaines de secondes, essayant d'organiser ses pensées. Elle essayait de démêler ce qui était vrai et ce qui ne l'était pas, ce qui n'était que songe et ce qui avait une part de vérité. Elle possédait certaines convictions mais, pour le reste, tout était encore confus. « Je... Je n'aurais jamais dû pouvoir m'échapper. » finit-elle par dire. « Certains participants ne se sont simplement jamais réveillés. » Elle n'était pas la seule à avoir connu ce sort. Les autres n'avaient pas tous été aussi chanceux qu'elle. « Et ceux là, ceux dont je faisais partie... Ils sont simplement tombés dans un sommeil éternel. » C'est ce qu'elle déduisait des confidences de sa sauveuse. « Je comprends que tu sois en colère... Je le suis aussi. » Avec des gestes lents, la jeune femme descendit de la monture pour se retrouver face au brun. Il la dépassait, désormais. « Ce rêve m'a privé de toi durant bien trop longtemps. » Suzume s'approcha de sa moitié et attrapa délicatement son visage entre ses mains. L'Alfar avait changé, il avait évolué... Sans elle. Si elle n'avait pas ressentit le lien qui les unissait, sans doute aurait-elle mis du temps à reconnaître l'adulte qu'il était devenu lorsqu'il s'était téléporté dans sa chambre. Même si elle reconnaissait ses traits, ceux-ci avaient perdu de leur douceur innocente d'enfance. Cela l'effrayait quelque peu mais, d'une certaine manière, elle avait l'impression de se tenir face à un étranger. Il était le même, mais il n'était plus pareil qu'à son départ. « Mais grâce à toi, j'ai pu continuer à me battre, jusqu'à en partir. » Grâce à lui, elle avait trouvé la détermination nécessaire pour s'extirper de la toile idéale qu'avaient tissés les manipulateurs. « Ça m'a pris du temps mais... J'ai fait ce que j'avais à faire pour me réveiller. » Sa réponse n'en était pas vraiment une, du moins soulevait-elle autant de questions qu'elle n'en avait résolu. Cependant, l'Orine ne désirait pas s'étendre davantage sur la façon dont elle s'était enfui de sa cage dorée. Pas tant qu'elle n'en aurait pas saisi toute les implications.

Bellone s'avança de quelques pas devant la plaine qui leur faisait face. « Ce monde... Il n'est pas plus réel que celui que je viens de quitter. » L'ancienne rêveuse effectua un nouveau demi-tour pour parler à son interlocuteur. « Je suis reconnaissante que tu ais pu me préserver des danger dans ce monde, je lui dois la vie comme tu me l'as fait remarquer, mais je ne me suis pas réveillée de ce cauchemar sans fin pour goûter à une nouvelle illusion. » Il y avait, dans sa voix, une certaine détermination. Elle était prête à abandonner beaucoup de choses pour satisfaire sa moitié, mais cette requête n'en faisait pas partie. « J'ai besoin de respirer un vrai air, de voir un vrai ciel, de goûter à la cruauté et la beauté de l’existence sans filtre. Ramène moi dans le vrai monde. Je suis privée de la réalité depuis bien trop longtemps. » Un frisson parcourut son épiderme tandis que la question se pressait à ses lèvres. « Combien de temps, exactement, suis-je restée endormie ? » questionna-t-elle sans être certaine de vouloir entendre la réponse.

1308 mots

Et passe le temps
Jämiel et Bellone

Out Looking In - Marika Takeuchi

« Une nouvelle ère... » répéta Bellone en écarquillant les yeux. C'était cette information, plus que toutes les autres, qui l'avait secoué. Il s'en était passé, des choses, depuis qu'elle était devenue prisonnière de son sommeil. Elle n'avait pas assimilé toutes les révélations que lui avait faite Jämiel. Le tout lui semblait vague, trop peut-être pour qu'elle puisse vraiment réaliser ce que cela représentait. Mais cette nouvelle-là marquait clairement le temps qui s'était écoulé sans l'attendre. Une nouvelle ère signait l'arrivée d'une époque tout à fait différente de la précédente. L'Alfar avait du vivre tant de choses, sans elle à ses côtés... Sans doute aurait-elle dû se réjouir à l'idée qu'il ne l'eut pas tout simplement oublié, et qu'il soit revenu à ses côtés aussitôt qu'elle avait ouvert les yeux. Pourtant, l'égoïste ne pouvait s'empêcher d'éprouver de la peine à l'idée qu'on lui ait volé ces moments. Toutes ces occasions qu'elle ne rattraperait jamais, ces épreuves qu'il avait du affronter seul sans qu'elle ne puisse l'épauler... La culpabilité lui étreignit le cœur. Si seulement elle avait pu réaliser plus tôt qu'elle n'appartenait pas au monde des songes, elle aurait pu le retrouver avant que la solitude ne l'afflige. Légèrement déstabilisée, l'Orine essaya de masquer son désarroi derrière un masque d'impassibilité.  Elle devinait sans mal qu'elle ne maîtrisait plus bien l'exercice - si elle l'avait un jour maîtrisé. Elle devrait faire attention à cela, en retournant dans le monde réel. Là-bas, on n'hésiterait pas à profiter de ses failles, à s'y engouffrer pour l'atteindre ou faire du tort à celui qu'elle aimait.

« Partie pour un autre ? » L'idée lui semblait si absurde. Jamais elle n'abandonnerait l'Arcesi, encore moins pour trouver un autre Aisuru. L'adolescent la comblait bien plus que n'importe qui aurait pu le faire. Si elle n'était pas promise à lui au début, elle s'était fait à la vie à ses côtés et n'avait jamais espéré autre chose. « Mais tu savais, toi. Tu savais que je n'étais pas partie, ou pas de ma propre volonté. » insista l'Orine. Elle avait besoin de le répéter, pour s'assurer qu'il en prenne pleinement conscience, qu'il n'en douta pas une seule seconde, que son cœur ne vacille pas sous l'assaut du doute. Elle ressentait par l'intermédiaire du Lien qui les unissait tout le ressentiment qu'éprouvait le Sarethi à son encontre. Elle percevait également qu'il essayait de refouler cette inimité mais qu'elle restait bien présente. Cela lui crevait le cœur. Elle frémit, au bord du désespoir. C'était injuste, qu'il l'en tienne responsable, qu'il lui en veuille pour quelque chose qu'elle ne maîtrisait absolument pas. Mais c'était injuste pour lui aussi : il n'avait jamais demandé à ce que sa confidente disparaisse du jour au lendemain ; il avait tout autant subit la situation, incapable d'y faire davantage que la principale concernée. Bellone capta le doré de ses yeux et elle essaya de faire passer, au travers de l'émeraude des siens, tout ce qu'elle souhaitait exprimer mais qu'elle ne parvenait pas à formuler : merci de m'avoir attendu ; désolée de m'être absentée si longtemps ; je suis de retour ; je m'excuse de t'avoir laissé affronter les brimades dans la solitude ; je ne partirai plus ; je t'aime.

« Je sais. » souffla la brune suite à la mise en garde de son Aisuru. « Je sais que la vie à Drosera ne sera pas tendre, elle ne l'a jamais été. Ni pour moi, ni pour personne. » Les premiers temps lui avaient paru particulièrement rude, à son arrivée. Pourtant elle était parvenue à s'y faire, à s'y habituer. Elle l'avait déjà fait, elle saurait se reconstruire une seconde carapace. Du moins, elle souhaitait y croire. « Mais j'en ai besoin. Je crois... » Sa voix se brisa sous le coup de l'émotion, ses yeux se remplissaient d'eau. Elle se força à les ravaler, comme pour prouver qu'elle était capable de retourner au sein de la Majestueuse. « Je crois que si je reste enfermée dans une bulle trop longtemps, je vais finir par suffoquer. » L'illusion n'était pas suffisante pour permettre à la fleur d'éclore : si elle ne voulait pas faner, elle avait besoin de sentir les véritables rayons du soleil réchauffer son corps. « Peut-être que ce qui m'attend au dehors sera plus cruel, mais au moins, je me heurterait à la réalité des choses, et non pas à mes propres cauchemars... C'est tout ce que je demande. » A force d'être confrontée à elle-même, elle avait l'impression de frôler l'insanité.

Bellone tandis la main en direction de Jämiel et s'empara de la sienne. « Rentrons à la maison, s'il te plaît. » murmura-t-elle.

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