-Bienvenue dans le Monde des Contes ! Nous vous attendions depuis... un certain temps.
Une petite femme, minuscule, était apparue très soudainement à ses côtés, ses bras tendus en l'air accompagnée d'une grande expression de joie sur son visage. Elle ne l'avait pas fait sursauter, mais son arrivée avait eu le mérite de lever de manière infime l'un de ses sourcils. Djinshee grogna, en réponse à l'enthousiasme de la première. Contrairement à elle, elle ne voyait pas la raison pour sauter de joie. Un simple bonjour en guise d'accueil lui aurait suffi. Comme elle l'avait si bien dit, la Lyrienne avait pris son temps avant de se décider à mettre les pieds ici. Elle ne doutait pas que cet univers fut riche et intéressant. Cependant, additionné au temps qu'il lui avait fallu pour se souvenir, elle ne se sentait pas si légitime à visiter son dû. Sans compter le fait qu'elle avait trouvé d'autres chats à fouetter entre temps.
-Je m'appelle Lobélia ! Reprit la petite femme en tournant sur elle-même pour soulever les volants de sa robe.
Si ce n'était sa peau laiteuse, ses yeux et ses cheveux étaient de la même couleur que sa tenue : un camaïeu allant de l'azur au bleu d'eau. Elle devait faire une trentaine de centimètres de haut, mais ses battements d'ailes lui permettaient d'atteindre son épaule. Côte-à-côte, les deux femmes dénotaient beaucoup.
-Je suis ici pour vous accompagner et répondre à toutes vos questions sur le merveilleux Monde de Contes !
La rousse continuait de la dévisager de la tête aux pieds. Vraiment, elle avait du mal à accrocher avec cette bonne humeur. Elle n'en était pas de mauvaise ceci-dit, et ce malgré le pli entre ses sourcils qui ne défronçait pas. On pouvait même dire qu'elle était assez calme. Neutre. Cela ne voulait pas dire que la moindre contrariété ne réveillerait pas ses mauvais côtés.
-Djinshee. Répondit-elle au bout d'un moment, la lâchant enfin du regard.
Celui-ci vînt balayer le lieu, qu'elle avait commencé à explorer avant l'apparition de la Fae.
-Oui, bien entendu. La Sans Nom.
Djinshee s'efforça de ne pas réagir, même si cela l'avait surprise. Elle n'aimait pas ce nom. Et en même temps, elle l'aimait assez.
-Préférez-vous que je vous appelle Djinshee dans ce monde ?
-J'ai le choix ?
-Bien sûr. Vous êtes Reine, votre identité n'incombe que vous. Celle-ci pourra être publique ou secrète selon votre préférence.
Ses yeux s'arrêtèrent sur la ligne d'horizon. Elles se trouvaient en plein cœur d'une plaine parfaitement verte, plate et homogène. Mise à part l’herbe, c’était désert. Il n’y avait même pas un souffle de vent. Au-dessus de leurs têtes, le ciel bleu était sans nuage, le soleil situé à son zénith parfait. Cette monotonie était déprimante. Même un enfant de trois ans aurait pu peindre plus ambitieux que ce tableau bicolore.
-Je ne veux pas que l'on sache qui je suis.
-D'accord. Et comment souhaitez-vous que l'on vous nomme sur ces terres ?
Elle réfléchit. Elle n'avait pas une très grande imagination. Son nom actuel, ce n'était même pas elle qui l'avait choisi.
-Neve. C’était le premier nom qui lui était venu en tête, de manière assez évidente. Elle savait pourquoi.
-C'est noté ! Eh bien Neve, bienvenue dans votre royaume, le Royaume de... hm... il vous faudra lui trouver un nom également. Mais pas d'inquiétude, vous avez tout le temps de lui en trouver un, comme vous avez tout le temps de le construire ! Ici, vous êtes libre de tout – ou presque. D'ailleurs, il vous est aussi possible de changer d'apparence si vous le souhaitez.
Djinshee soupira. Cela faisait... Beaucoup de choses. D’habitude, elle étudiait le terrain et s’adaptait avec ce qu’il s’y trouvait déjà et là, c’était tout l’inverse. Ça tombait bien parce qu'elle n'avait pas la moindre inspiration. Qu'allait-elle faire de cette foutue plaine ?
-Et c'est tout ?
-Comment cela ?
-Juste pour avoir participé à un Conte, vous m'offrez gracieusement un territoire où je suis libre de faire ce que je veux ?
-Oh ! Non, bien sûr que non. Ce rôle incombe un certain nombre de devoirs. N'avez-vous pas eu toutes les indications lors de votre couronnement ?
Elle réfléchit. Cela faisait longtemps. A l'époque, son état d'esprit – énervée, frustrée et surtout complètement perdue – avait influencé ses choix. Maintenant qu'elle avait un peu de recul sur la situation, elle se rendait compte du comportement stupide qu'elle avait eu.
-J'ai peur de ne pas me souvenir de tout en détails.
Après tout, sa nature même était basée sur sa mémoire minable.
~759 mots~
Invité Invité
Ven 25 Fév 2022, 23:27
Djinshee
Ébène
Lobélia tapa frénétiquement dans ses mains.
-Alooors ! Maintenant que les modalités ont été mises au clair, passons aux choses plus amusantes, qu'en pensez-vous ?
La Lyrienne répondit par un "Hm" ne témoignant pas d'un enthousiasme particulier mais au moins, elle était coopérative. Elle continuait de scruter le paysage monotone, comme si elle cherchait à s'imprégner de ses moindres détails alors qu'il n'y avait pas de détails. Djinshee était en réalité plongée dans sa réflexion. Elle essayait de faire marcher son imagination, de concevoir mentalement des infrastructures, une faune et une flore qui seraient propres à son idéal. Mais elle était trop pragmatique. Le temps l'avait rendue trop pragmatique. Elle était certaine qu'à une époque, elle aurait été capable de créer des choses extravagantes. Elle aurait su construire ce monde, le sien, d'un seul claquement de doigts.
-Vous êtes en droit d'imaginer tout ce que vous voulez. Se permit d'ajouter la libellule, visiblement prise d'un doute sur sa compréhension de la situation.
-Je sais.
Elle n'était pas agacée par son intervention, juste concentrée.
-Il pourrait faire plus chaud déjà. Déclara-t-elle au bout d'un moment.
Aussitôt, la température augmenta de quelques degrés. Le paysage s'assécha à vue d'œil. Puis il y eu un silence. Djinshee se plaisait mieux là. Le soleil tapait contre sa nuque et ça semblait réel. Elle sentait d'ores et déjà ses muscles se détendre à ce contact réconfortant. Elle croisa les bras. C'était un premier pas, mais cela constituait à peine un pourcent du travail qui l'attendait. La magie de ce monde avait beau lui faciliter la tâche, celle-ci restait colossale.
-Dans quel genre de demeure voulez-vous habiter ?
C'était justement la question qui la taraudait. Elle claqua sa langue contre son palais.
-C'est compliqué.
-Pourquoi ?
Lobélia avait des grands yeux ronds à cause de l'étonnement. Ici, rien n'était supposé être compliqué.
-Parce que j'aimerais bien avoir quelque chose de grand pour une fois. Un bâtiment qui montre qui je suis.
Un désir enfoui qu'elle tenait de son ancienne vie, ou alors de la mauvaise influence de sa nature, qui la poussait à agir comme un habitant Yangin. Elle ne savait pas trop. Dans tous les cas, le résultat était le même : elle voulait de la démesure pour montrer qui avait la plus grosse. Elle voulait imposer le respect le plus total.
-Un palais ?
-Peut-être. Elle haussa les épaules. Oui. Mais je ne veux pas passer pour quelqu'un que je ne suis pas.
Elle ne voulait pas devenir prétentieuse, hautaine et péteuse comme une princesse qui ne connaissait rien de son peuple. Qui vivait seule dans son propre monde. Djinshee voulait rester terre-à-terre, proche des gens et de l'univers qu'elle serait amenée à diriger.
-Vous pouvez le faire, ce palais. Il suffira d'insuffler aux personnages ce que vous souhaitez.
Djinshee regarda le ciel, puis le sol à ses pieds. Oui, elle voulait un palais. Elle voulait du grand, de l'impressionnant, un bâtiment qui durerait dans le temps. Elle se foutait pas mal des fioritures délicates, mais elle voulait que ça ait de la gueule. Un endroit infini que seule elle connaîtrait par cœur, dans ses moindres recoins. Elle voudrait des lieux secrets que personne ne suspecterait. Une partie d'elle se sentait tout à coup retomber en enfance. Elle se concentra sur la forme approximative qu'elle voulait donner à l'édifice fictif. Tout à coup, le sol trembla sous ses pieds. Les pointes de toitures commencèrent à émerger de terre comme un navire refaisant surface des profondeurs. Quelques secondes plus tard se dressait le premier brouillon du monument.
-Wow.
Elle n'avait pu réprimer son impression. Le bâtiment était évidemment grand. Plus large que haut, il se divisait pour le moment en trois parties principales aux formes dures et rectangulaires, la pièce centrale ressemblant aux prémices d'une tour. La pierre avec laquelle il était construit était sombre, volcanique. D'ailleurs, elle en voulait des volcans. Tout à coup, le paysage se dota d'un massif vrombissant. Elle-même avait grimpé en altitude sans même s'en rendre compte. Son château était à présent posté au sommet d'un ancien cratère, offrant une vue imprenable sur la large plaine en contrebas. Autour d'elle et à l'horizon, la chaine de volcans s'étendait. Il y en avait quelques-uns d'actifs, mais pas tous. Au hasard, elle décida qu'il y en aurait trois. Ils seraient petits. La Lyrienne ne voulait pas que les conditions soient invivables. Elle voulait un cadre qui conviendrait à un maximum de personnes. Elle invita ensuite l'eau à se creuser un lit au centre de la plaine. Puis elle se retourna. En fait, non. Derrière elle, elle ne voulait plus de volcans, mais un ravin. Une haute falaise au pied de laquelle coulerait une rivière encore plus grande, où la première se jetterait en cascade. L'eau souterraine s'y écoulerait aussi. Au-delà, elle inventa une forêt qui pour le moment, marquait la frontière habitable de son territoire. Ceci fait, Djinshee s'autorisa un sourire en coin. Cela lui plaisait beaucoup.
