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 La belle vie

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Mer 08 Sep 2021, 23:34

Chelae
La belle vie
Alors qu'ils s'éloignaient de la foule et de la fin de soirée, Ihrar passa son bras autour de sa taille. Le sourire rayonnant de Chelae se dissipa. Elle était fatiguée. Les dernières heures l'avaient éprouvée. En fait, elle n'avait jamais été autant le centre de l’attention et des sollicitations. Un mariage, c’était quelque chose. On le lui avait dit et redit, mais le vivre était encore différent. Ils avaient bien célébré. Maintenant, une toute nouvelle vie les attendait.

Ils partageaient la même chambre à présent. Celle-ci avait été décorée et embellie pour accueillir leur première nuit : des plantes en tout genre débordaient des meubles et un parfum suave flottait dans toute la pièce ; les draps et les rideaux richement brodés, cadeaux de leur union, avaient été installés. Chelae se détacha de l'homme pour se diriger vers le paravent qui séparait une penderie et une coiffeuse du reste de la chambre. A force, sa robe était devenue inconfortable et l’Alfare ne pensait plus qu’à la quitter. Se glisser sous les draps frais était son ultime objectif. Elle était si fatiguée que le partager avec Ihrar était le cadet de ses soucis.

-Laisse-moi t'aider.

Il susurrait à son oreille. Son souffle la figea. Et il la tutoyait si soudainement. Toute cette proximité était trop brutale. Chelae avait été habituée à des évolutions plus progressives et courtoises. Elle n’était plus certaine de reconnaitre celui qu’elle avait vu dans son fiancé. Les doigts de son mari couraient déjà dans son dos.

-Je peux me débrouiller seule. Merci.

-Je ne ferais pas un bon mari si je ne t'aidais pas.

La lâcheté du tissu lui indiqua qu'il avait déjà commencé à la déshabiller. Elle se retourna pour le faire cesser. Lever autant la tête lui fit comprendre à quel point ils étaient proches.

-Je ne suis pas encore à l'aise avec tout ça.

-Nous allons nous y faire.

-Vo... Tu sembles t'y être déjà fait.

Il était difficile à tutoyer. Ihrar laissa échapper un rictus légèrement arrogant.

-Je me dis que c'est un grand jour qui ne saurait rester grand si nous n'allons pas jusqu'au bout des choses. Il prit ses mains dans les siennes. Chelae, je sais qu'il n'y a aucun sentiment, mais je veux tout de même apprendre à te connaître. De cette manière. Cela fait partie du mariage.

Ses mains, reposées sur ses hanches, étaient remontées jusqu'à ses épaules, puis son cou.

-Laissons nous l'opportunité de former un beau couple malgré tout. Ça a bien commencé, non ?

Ils avaient été comblés de compliments tout le long de la célébration. Personne n'aurait pu dire le contraire, sous peine de s’attirer les foudres de la famille.

-Laissons le privilège à nos futurs enfants d'avoir des parents en bons termes. Au moins cela.

La progéniture était un sujet particulier pour elle. Parce qu'elle savait qu'elle en aurait, mais ne s'imaginait pourtant pas en avoir. L’homme commença à embrasser son cou. Il avait un parfum enivrant, il avait fait exprès. La fragrance lui avait fait cet effet étrange durant toute la durée des festivités, mais là, c'était pire. Sûrement parce qu'ils n'étaient plus que tous les deux.

-Rendons ce moment un tant soit peu agréable, plutôt qu'embarrassant.

Son visage s'approcha du sien. Chelae se laissa faire. Elle se sentait stupide à ne pas bouger, mais Ihrar avait ce quelque chose d'hypnotisant, ce sourire, ce calme, cette façon d'effleurer sa peau. Elle ferma les yeux pour essayer d’accentuer cette sensation, qui l’éloignait enfin de l’indifférence. Bientôt, leurs lèvres se joignirent. Lorsqu'il saisit son visage, elle rattrapa ses mains pour l'arrêter. Sa fougue, tout à coup, lui avait fait peur.

-Pardon.

-Laisse-toi aller.

Elle aurait pu le repousser, lui dire clairement qu’elle n’en avait aucune envie, mais elle n’en avait pas la force, encore moins si c’était pour déclencher une dispute. Elle préférait s’en tenir à ses arguments, douteux pour le cœur, mais raisonnables. Chelae ne lui en voulait pas. Il ne faisait que son devoir conjugal et tôt ou tard, cela devrait arriver.

-Bien.

La jeune femme libéra ses mains. La robe glissa le long de son corps et termina sa descente par terre. Il ne lui restait que ses bijoux et ses parures. Ihrar retira la broche qui maintenait ses cheveux attachés, les laissa retomber en cascade dans son dos. Il laissa les fleurs. Elles se perdraient dans ses cheveux durant l’acte et pendant la nuit, et selon lui ce serait romantique. Nue devant lui, Chelae se demanda ce qu'il pensait d'elle. Mais c'était à peine s'il regardait. Il maintenait ses pupilles ancrées dans les siennes, alors qu'il déboutonnait ses propres habits. Son éternel demi-sourire flottait sur ses lèvres. Il faisait persister un doute chez l’Alfare, car sa confiance était infiniment plus grande que la sienne.

-Tu sais faire ?

-Pas plus que toi, en principe. Silence. A moins que... ?

-Non.

Elle n'avait jamais été amoureuse, ni n’avait ressenti beaucoup de désir pour qui que ce fût. S'unir en dehors d'un quelconque mariage était par ailleurs impensable. Néanmoins, malgré le contrat, Ihrar ne faisait pas exception à la règle.

-Allons dans le lit.

Son ton était si monotone qu'elle aurait pu dire n'importe quoi et cela n'aurait choqué personne. Sa main dans la sienne, elle l'emmena vers le lieu de tous les rêves. Les leurs n'étaient en rien sentimentaux, ceci-dit. Chelae s'allongea, le laissant aller au-dessus. Il ne se fit pas prier et dès lors qu'elle écarta les jambes, il s'inséra en elle. Chelae prit une inspiration pour ne pas céder à une plainte désagréable. Lui avait poussé une sorte de grognement qui la surprit. Il se figea, son visage à seulement quelques millimètres du sien.

-Tout va bien ?

-Oui.

Ce n'était pas plaisant, mais pas aussi douloureux que ce qu'elle avait parfois entendu. Ihrar commença ses coups de rein, d'abord doucement, puis il prit de l'assurance. Au bout d'un moment, la sensation devint moins dérangeante. Chelae put se détendre, mais ses bras restèrent le long de son corps. Elle était parfaitement passive, à la recherche d'une passion inexistante qui aurait pu pimenter le rapport. Mais le verdict était sans appel : elle ne prenait aucun plaisir.

~1026 mots~

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Jeu 21 Oct 2021, 19:48

Chelae
La belle vie
-Nous sommes allés nous promener hier. C'était fantastique, je crois que je n'ai jamais autant apprécié une balade. Je ne saurais pas vraiment expliquer pourquoi... J'étais à son bras et c'était particulièrement... paisible. Et chaleureux. C'était bon, tu comprends ? Cela faisait longtemps que je n'avais pas ressenti cela. Enfin, jamais en fait, que dis-je ! Et puis nous avons beaucoup discuté...

Confortablement installée dans le salon de sa cousine, Chelae écoutait Jadélynka déblatérer sur sa vie. Ces derniers temps, lorsqu’elles se rendaient visite, cette dernière n'attendait même plus qu’on lui demande comment elle allait pour lui raconter les moindres détails de ses journées. Une fois que le thé était servi sur la petite table qui les séparait, sa langue se déliait pendant de longues minutes, inarrêtable. Depuis qu'ils étaient mariés, tout tournait autour de Raemiel.

-Il m'a emmenée sur les terrasses et la vue sur la forêt était splendide ! C'était tellement romantique !

Oui, parce qu'avec lui, toutes les choses banales qu'elle faisait déjà auparavant devenaient subitement romantiques. Même les sujets les plus crus, violents ou barbants gagnaient de ce grain qui la faisait fondre.

-Il m'offre régulièrement des cadeaux. Et moi aussi en retour, bien entendu, mais les siens sont sensass ! Regarde ce collier, s'exclama-t-elle en se penchant en avant pour faire pendre le bijou, n'est-il pas magnifique ?

Il s'agissait d'une pierre mauve incrustée dans un portant doré, avec une fine chaine de la même couleur.

-Oh, et je ne t'ai pas dit, mais au lit ! Elle se redressa et leva la tête vers le plafond. Cet homme est incroyable. Jamais je n'aurais cru prendre autant de plaisir, par Dothasi ! C'est comme s'il connaissait mieux mon corps que moi. Tu sais, ma principale crainte, c'est que les voisins nous entendent... Elle pouffa. Heureusement que les maisons ne sont pas mitoyennes comme à Mornhingardh.

Chelae n'aimait pas avoir autant de détails, ça l’embarrassait. L'activité sexuelle du couple était la dernière de ses préoccupations.

-Si tu veux mon avis, je pense qu'à ce rythme nous allons rapidement devenir parents. Peut-être même que je suis déjà enceinte...

Elle imaginait difficilement Jadélynka devenir mère, mais c'était peut-être parce qu'elles se côtoyaient depuis l'enfance. Non, pas du tout parce qu'elle était égoïste et égocentrique…

-Je crois que je suis vraiment vraiment amoureuse, Chelae. Gémit-t-elle en posant son visage dans ses mains.

La concernée broncha à peine face à cette révélation. Ça n'en était pas une. Evidemment qu'elle était amoureuse. Elle l'était depuis longtemps, et à vrai dire, Chelae n'aurait jamais cru que cela aurait pu être aussi désastreux. Finalement, elle était plutôt soulagée de ne pas ressentir la même chose pour Ihrar. Ce devait être une perte d'énergie folle que de se dévouer autant émotionnellement à l'autre. Au bout d'un moment, Chelae hocha la tête. Jadélynka poussa un soupir, révélant ainsi qu'elle avait terminé son long monologue. Cette dernière n’avait pas remarqué le manque d’enthousiasme de sa cousine.

-Et toi alors, comment ça se passe ?

Chelae battit des paupières et prit une inspiration. Elle ? Elle avait presque oublié qu’on finirait par le lui demander.

-Tout va bien. Ihrar et moi nous habituons l'un à l'autre. Comme tu le sais, ce n'est pas l'amour fou comme entre toi et Raemiel, Jade eut une moue compatissante qui l'agaça, mais nous parvenons à nous entendre. C'est un bon mari.

C'était vrai, même si l’engouement n’y était pas tout à fait. Jadélynka passa l'une de ses jambes par-dessus l'autre, sa tasse de thé soulevée par ses doigts délicats s’approcha de son visage.

-Je vois. Tant que vous vous entendez bien, j'imagine que cela suffit.

Il y eut un long silence. Jadélynka papillonnait un peu, visiblement gênée par ce manque d'anecdotes. Elle avait envie de continuer de lui parler de l’homme de sa vie, mais avait soudainement conscience que ce serait peut-être impoli.

-Est-ce qu'il est bon au lit au moins ?

La mâchoire de Chelae se contracta. Elle but une gorgée pour se détendre.

-Ce ne sont pas tes affaires.

-Quoi, vous ne l'avez pas fait ?

-Bien sûr que si, c'est juste qu-...

-Que ?

-Par Dothasi, Jade, je n'ai pas envie de t'en parler. C'est privé.

-Je t'ai bien raconté...

-Je n'avais pas envie de savoir.

Jadélynka souffla, et se laissa retomber sur le dossier de son fauteuil, regardant ailleurs.

-Tu n'es pas drôle...

Chelae ne répliqua pas. Elle se fichait d'être drôle ou non. Son intimité ne concernait qu'elle et loin d'elle l'envie de l'exposer de la sorte. Ca l’irritait d’autant plus que si ses anciens fiancés n’étaient pas morts, Jade n’aurait pas eu un comportement aussi déplacé et supérieur. Au bout d'un moment, la cousine haussa les épaules, l'ombre d'un sourire se dessinant au coin de ses lèvres.

-Il doit être vraiment mauvais pour que tu n'oses pas en parler.

Chelae leva les yeux au ciel.

~810 mots~


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Jeu 30 Déc 2021, 12:22

Chelae
La belle vie
-Valian ! S’écria-t-elle après un claquement de langue agacé contre son palais.

C’était un spectacle de désolation qui repoussait même ceux de leur race. Un désastre au-delà du cauchemardesque, que personne n’avait pris la peine d’entretenir. Ces fleurs étaient hideuses. Ces ronces n'avaient rien de piquant ou de dangereux. Le vase à lui seul abritait une profonde désolation, et des fragments s’étaient répandus tout autour, sur la commode. Pétales, feuilles et tiges gisaient sur sa surface de bois vernis, noirâtres, rabougris et desséchés, au point qu’ils n’étaient même plus reconnaissables. Chelae ne comprenait pas : aucun domestique ne s'en occupait ? Ça la déroutait, parfois. Ils ne payaient tout de même pas ces gens pour rien ! Ce n'était pas compliqué d'entretenir des plantes dans un vase, si ? Comment pouvait-on être rendu ici tout en étant aussi incompétent ? Ce n’était pas comme s’ils servaient la populace du Premier Plateau…

-Valian ! Où était cette petite ?

Valian était la plus jeune de leurs trois employés, avant la cuisinière et l'homme de ménage. Elle était destinée à des tâches plus diverses dans la maison du couple. Et elle était clairement un mauvais choix. Chelae n'avait eu de cesse de le répéter à Ihrar, mais celui-ci avait prétendu qu'il fallait lui laisser sa chance, qu'elle allait apprendre et devenir compétente avec le temps. A son avis, il était trop laxiste.

Ses doigts pincèrent les tiges flétries et emmêlées du bouquet afin de les remettre dans une disposition convenable. En même temps, à l'aide de la magie, elle redonnait vie à ce qui était encore sauvable.

-Il est plutôt pas mal, ton mari.

Chelae sursauta puis fit volte-face, renversant le vase qui se brisa en mille morceaux sur le sol. En inspirant, elle avait poussé une sorte de cri étouffé. Ses yeux glissèrent vers l'origine de la voix qui avait retenti derrière elle.

-Qui êtes-vous ?

Son ton froid et autoritaire était malheureusement trahi par sa posture, car elle s'accrochait si fort à la commode qu'on aurait pu croire que la lâcher aurait causé sa perte. Le fait est que ceux qui entraient par effraction chez les autres venaient généralement pour les assassiner. Chelae était loin d'être prête à mourir. En fait, elle en était terrifiée.

-Wow, wow, calme-toi, je ne suis pas venue ici pour te faire du mal. Dit-elle en plaçant ses mains en avant, en signe de reconnaissance. Désolée. Il est vrai que ce n'était peut-être pas la meilleure des approches.

A tâtons, l'Alfare cherchait une arme derrière elle, ou un objet qui pourrait en faire office. L’intruse n’avait effectivement pas l’air très agressive, mais elle savait depuis le berceau que l’on ne pouvait se fier aux apparences. Elle l’examinait de la tête aux pieds. Pire qu’une inconnue, c’était une étrangère : les grandes ailes de libellule greffées dans le dos de la jeune femme chétive, au teint rosé et aux longs cheveux auburn, ne laissaient aucune place au doute. Une Fae. Elle était habillée d’une robe verte de basse facture, dont le bas était mal coupé et indécemment court. Sa tenue lui évoquait une feuille. Parce que quand ses yeux se déplaçaient pour s’attarder sur un autre détail de son anatomie, Chelae était persuadée que le tissu changeait pour prendre des teintes plus automnales. Mais dès qu’elle revenait dessus pour s’en assurer, la robe restait irrémédiablement verte. La petite femme dégageait une aura étrange. C’était comme si elle brillait, alors qu’elle n’était pas particulièrement lumineuse et qu’elle ne générait aucune paillette. Et puis il y avait le fait qu’elle lévitait à une dizaine de centimètres du sol alors que ses ailes ne battaient pas. Chelae ne parvenait pas à regarder autre chose qu’elle. Mais c’était peut-être parce que c’était une inconnue qui s’était illégalement introduite chez elle.

-Je m'appelle Jijel. La Convaincante ! S'exclama la Fae, une main dans le dos et l’autre levée pour illustrer son titre à l’aide une devanture imaginaire. Elle avait une petite voix aigüe et douce. Son expression lumineuse s'éteignit rapidement, lorsqu'elle constata la non-réaction de l'Alfare. Hm, j’aurais aimé un peu plus d’entrain... Ses grands yeux bruns étaient passés de sphères à des demi-cercles. Je suis une Archontesse. J'ai été créée par l'Aether Isemli pour veiller sur toi et faire de toi une meilleure personne.

Cette fois-ci, Chelae leva un sourcil. Elle entrouvrit la bouche, mais Ihrar fit irruption dans la pièce. Elle le laissa balayer précipitamment l’endroit du regard avant d'enfin trouver sa femme. Elle était toujours dans la même posture défiante.

-Chelae, tout va bien ?

La concernée était consternée. Et un peu pâle. Elle regarda consécutivement lui et l'intruse. Comment ça "tout va bien" ? Comment pouvait-il poser la question alors que... Jijel interrompit le cours de ses pensées.

-Il ne me voit pas, ni ne m'entend. Il n'y a que toi qui puisse.

Au même moment, les yeux d’Ihrar étaient tombés sur les éclats de verre que son épouse cachait maladroitement. Les fleurs, coincées dans un état entre la vie et la mort, gisaient comme de la paille.

-Bon sang, le vase. Je vais appeler une domestique. Que fait Valian ?

-Euh... je ne sais pas, mais... je vais m'en occuper. Ne t'embête pas.

-Chelae ne dis pas de bêtises, ce n'est pas à toi de faire ça, et tu pourrais te bles-...

-Je vais m'en occuper. Insista-t-elle.

Leurs regards se croisèrent. Chelae réalisa qu’elle ne l’avait jamais vu surpris. Ni inquiet.

-Tout va bien ?

-Oui, tout va bien. Souffla-t-elle. J'ai juste... besoin d'être seule.

Dans ses yeux, une colère perçante avait englouti la peur de la première minute. Les épaules de l'homme se baissèrent imperceptiblement. Il venait de lâcher une tension qui relevait probablement de l'acte héroïque d'un mari abusivement dévoué. A la place, elle perçut déception. Et incompréhension. Ça aussi, elle ne le lui connaissait pas.

-... Oh... D'accord.

Il s’apprêtait à ajouter quelque chose, mais se ravisa judicieusement. L'homme disparut derrière le battant et ce fut comme si le silence était devenu encore plus assourdissant. Droite comme un piquet, Chelae en retourna à Jijel, qui n'avait pas bougé d'un millimètre.

~1017 mots~


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Jeu 30 Déc 2021, 17:50

Chelae
La belle vie
-J'aime bien la façon dont tu l'as regardé.

-... Pardon ?

Chelae s'efforçait de ne pas parler trop fort. Elle n'osait pas imaginer ce qu'il adviendrait si on la surprenait à déblatérer toute seule.

-Ton mari, Ihrar. J'aime bien comment tu l'as regardé. Il n’avait pas l'air malin tout à coup, haha.

Chelae n’était pas d’accord. Jusqu’ici, elle était parvenue à afficher devant son époux une image d’elle-même aussi lisse qu’irréprochable. Certes, on pouvait dire qu’elle lui avait tenu tête, mais elle venait surtout de lui exposer une faille. Ça n’allait donc pas. Elle avait honte de la manière dont elle s'était comportée. Tout ça à cause de cette... Fae... qui venait impoliment de s'assoir sur le lit et balançait maintenant ses pieds nus d'avant en arrière. Un froncement du nez transforma l'expression impassible de l'Alfare en dégoût. Elle n’aimait pas que cette femme touche à ses affaires. Et elle aurait au moins pu se chausser. La tête penchée en arrière, celle qui se disait Archontesse observait le plafond, rêveuse. Chelae battit des paupières et secoua la tête. Elle allait montrer à cette insolente sa façon de penser, mais avant…

-Vous avez dit que vous avez été créée par un Aether ?

-Tout à fait ! Par Isemli.

-Comment puis-je vous croire ? Pourquoi fait-il cela ?

Cela fit ricaner la créature divine.

-Dis-moi Chelae, entendre son propre prénom sortir de sa bouche la fit frissonner et elle détesta ça, est-ce que tu penses que ça serait amusant si les intentions des Aetheri étaient limpides ? Elle lui laissa le temps d’une réflexion. Eh bien voilà. Quant à moi, on m’appelle La Convaincante, mais je ne suis pas du genre à discourir pendant des heures. Je préfère avoir recours à d’autres moyens. Alors je n’ai pas l’intention de m’acharner maintenant, ça serait une perte d’énergie. Tant que j’accomplis la mission que nous a donnée Isemli, les moyens sont à ma discrétion. Elle avait progressivement changé de ton. Maintenant prétentieuse, Jijel tendait sa main devant elle pour contempler sa manucure. De toute manière, tu finiras par me croire.

Chelae essayait de ne pas rentrer dans son jeu. Car de toute évidence, elle la provoquait. Et aussi parce que son instinct voulait croire à ses histoires.

-Nous ?

-Oui, nous sommes plusieurs, quelques dizaines. Chaque Archonte est lié à une personne de ce monde et nous avons pour rôle de vous guider pour faire de vous les meilleurs.

-Et que voulez-vous dire par meilleurs ?

Ce terme ne lui plaisait pas, surtout si le référentiel était le monde tout entier. Ça ne pouvait pas correspondre aux attentes d’une Alfare de son rang.

-Hm, mon but n'est pas de faire de toi une Ygdraë si c'est ce qui t'inquiète. Pour être tout à fait honnête, je ne sais pas encore. Je pense qu'en t'observant et en apprenant à te connaitre, je finirai par avoir une idée.

Elle se leva, s'approcha d'elle sur la pointe des pieds, les mains dans le dos. Elle avançait avec une telle légèreté que c'était comme si elle flottait dans les airs. Or, elle touchait bel et bien le sol, à moins que… Chelae ne comprenait pas. Ça ressemblait à une illusion d’optique. Avait-elle vraiment lévité, un peu plus tôt ? Elle n’était plus sûre. Arrivée à son niveau, la coquette dévoila un éventail dont elle posa la pointe sur le bout de son nez. C'était bizarre, parce qu'elle était plus grande qu'elle alors que Chelae était persuadée qu'elle aurait dû être plus petite.

-Meilleur signifie que j'aimerais que tu deviennes un idéal. L'éventail s'ouvrit. Le mien. Mais il faut que cela soit possible. Sinon, ça ne sert à rien.

Plutôt satisfaite de son discours, un sourire malicieux ornait son visage. Jijel pivota sur ses talons, avant d'entreprendre une visite plus approfondie des appartements de son hamster.

-En réalité, cela fait un jour ou deux que je t'observe. J'ai déjà pu constater plusieurs petites choses, mais l'une d'entre elles m'a particulièrement frappée. Veux-tu savoir quoi ? Elle n'attendit pas sa réponse et la pointa plutôt du doigt d'un geste qui se voulait théâtral. Tu n'es pas heureuse.

Le silence s'abattit comme une enclume. Cela ne perturba nullement l'extravagante, qui semblait davantage se soucier d'elle-même que de la femme dont elle prétendait avoir la charge. Chelae s'apprêtait à rétorquer que son but n'était pas d'atteindre le bonheur, que sa vie était avant tout dédiée au travail et à l'ascension des siens sur l'échelle sociale et que c'était ainsi, mais la Fae enchainait déjà.

-Donc pour être plus précise quant à ce que j’entends par "meilleur ", j’ai décidé que mon rôle sera de te guider vers la voie qui t'épanouira le plus. Tu es partante ?

Et Chelae ne sut quoi répondre. Evidemment qu'elle ne l'était pas. Du moins, il lui aurait fallu le temps de la réflexion : un contrat ou une collaboration ne se signait pas comme ça, elle ne pouvait pas se le permettre. Encore moins avec cette parfaite inconnue, qui faisait effraction dans son domicile et prétendait à des origines célestes. Comment être sûre qu’elle ne mentait pas ? Qu’elle n’allait ni lui faire de mal, ni entrainer sa chute ? Pourquoi elle ? Cet être était-il seulement réel ? Ou bien était-elle le fruit de son imagination ? Dans ce cas, pourquoi semblait-elle si vraie, si tangible, alors qu'Ihrar n'avait même pas pu sentir sa présence ? Était-elle en train de sombrer dans la folie et la psychose ? Et puis, nom d'un chien, comment osait-elle la tutoyer et la traiter comme une moins que rien ? Malgré la mention d’un Aether, elle restait méfiante. Car à Drosera, ce qui ne relevait ni de l’habitude, ni de Dothasi était systématiquement douteux et dangereux. C’était les plus crédules qui tombaient en premier. Chelae réprima un grognement de douleur lorsque ses ongles s'enfoncèrent trop profondément dans ses paumes, puis desserra la mâchoire quand qu'elle craignit de se casser les dents. Elle força le flot de ses pensées à ralentir pour se rappeler de la question que l'on venait de lui poser. Était-elle partante ? Elle entrouvrit la bouche, puis se ravisa. Elle venait de comprendre qu'il était inutile de répondre. La question, parfaitement rhétorique, avait trait à lui faire comprendre qu'elle n'avait pas le choix.

~1048 mots~


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Mar 11 Jan 2022, 18:37

Chelae
La belle vie
-Ça ne va pas ?

Il demandait car elle avait ce visage fermé des jours où ça n'allait pas. C'était rare, quoiqu'il fût certain que plus le temps passait, plus c'était fréquent. Ce constat était confirmé par le fait qu'elle ne lui avait pas dit bonjour une seconde plus tôt. Lazarius avait ralenti le pas pour qu'elle puisse le rattraper à la sortie de l'amphithéâtre, mais à la place elle lui était passé devant et c'était lui qui avait dû courir jusqu’à sa hauteur.

-Hé.

Ça ne l'avait pas ralentie. Ses yeux ne s'étaient pas non-plus détournés de sa direction. Sa mâchoire restait serrée. Aucun mot ne lui serait adressé, c'était acté, décidé. Mais Lazarius tentait quand-même. Parce qu'il pouvait être têtu lui aussi, et parce qu'il savait avoir le pouvoir de la faire céder.

-Très bien, qu'est-ce que je t'ai fait ?

Son buste était légèrement penché en avant pour capter plus facilement son attention. S'ils n'avaient été que tous les deux, il l'aurait attrapée par le bras pour la forcer à se tourner vers lui. Mais en public, dans un lieu rempli de Mages Noirs, il préférait éviter de faire courir les rumeurs. Eux deux souffraient déjà suffisamment des autres. Entre les remarques sur le physique et l’intelligence de l'une et les origines magiciennes de l'autre, ils n'avaient pas besoin qu'on leur colle en plus des étiquettes obscènes sur le front. Lazarius tendit le cou. Il voulait juste un regard. Ou un mot. Une onomatopée de sa part et ce serait une brèche suffisante. Au bout d’une vingtaine de mètres d’insistance, et Ethelba savait que c’était long, l’étudiante prit finalement une inspiration, puis claqua sa langue contre son palais.

-Pourquoi tu lui parlais à cette grognasse ?

La question – le reproche – s’écrasa comme une enclume qui creusa l’écart entre eux.

-Alekto, tu n'es pas sérieuse ? Tu ne vas tout de même pas bouder parce que...

-Si.

Elle accéléra encore pour le planter comme un con au milieu du couloir. Quelle journée minable. Elle était déjà contrariée, et voilà que son ami la trahissait sous ses yeux en sympathisant avec cette peste de Cornélia. Plus belle, plus populaire, plus intelligente – elle avait de meilleures notes qu'elle, mais Alekto lui trouvait l'acuité intellectuelle d'une serpillère. Elle aurait dû s'en douter, qu'il ne resterait pas auprès d'elle. Et ça, ça la gonflait pour deux choses : parce qu'elle l'aimait bien ; et parce qu'il avait de l'argent. Or, elle et Lazarius s’étaient engagés à s’épouser si aucun d'entre eux ne trouvait meilleur parti d'ici là. Ce qui voulait dire que si Alekto voulait profiter de ses biens, elle devait le tenir éloigné de toutes ces filles dangereuses. Il était à elle. La Sorcière passa une main sur son visage. Elle avait assez honte de raisonner comme ça, mais elle avait surtout honte d'être constamment en galère d'argent. Et elle en avait marre. Parfois, elle se disait que ce serait plus facile de tout plaquer, de se barrer loin de cette ville moisie et de refaire sa vie. Mais ce n’était qu’une utopie fantaisiste.

***

-Chelae ! Quel plaisir de te revoir !

La concernée sourit, même si spontanément, c'était la dernière chose qu'elle aurait voulu faire. Sourire. Cependant, maintenant que sa domestique l'avait laissée entrer, elle supposait qu'elle n'avait pas le choix. Après tout, le seul fait que la nouvelle venue eut fait le déplacement jusqu'ici était une marque de considération. Ses pupilles rencontrèrent celles de Valian. Elle aurait une discussion avec cette petite un peu plus tard, afin qu'elle évite de faire rentrer n'importe qui chez elle. Si Chelae n'avait pas invité sa cousine à passer la voir, c’était pour une raison : elle n'en avait pas envie. Comme elle n'avait pas envie de voir grand-monde en ce moment. Mais surtout pas elle.

-Jadélynka. Comment vas-tu ?

À en croire ses lèvres trop étirées et son regard rieur beaucoup trop forcé, sans parler de sa voix plus aiguë que d'ordinaire, ça allait très, très bien. Sans parler de sa superbe tenue, assurément neuve et qui avait dû lui coûter un bras. Car Jadélynka avait cette manie de consommer de la nouveauté dès lors qu’elle avait une saute d’humeur – son banquier de mari devait être ravi. Au vu de tous ces éléments réunis, Chelae n’attendait pas de réponse à sa question. Le problème de Jadélynka, c’était que ces mêmes sautes d’humeur la transformaient en moulin à paroles.

-C'est une excellente journée à vrai dire ! Je venais justement te raconter. Mais avant, qu'en est-il de toi ? Ça fait longtemps que tu n'es pas passée à la maison, je commençais à m'inquiéter.

Effectivement, leurs rendez-vous réguliers avaient subitement pris fin. Depuis son mariage, Chelae ne prenait plus le temps. La simple évocation de sa cousine lui jetant son bonheur au visage comme une pluie de paillettes scintillantes, là où elle peinait à s'y retrouver, lui donnait la nausée. Et maintenant qu'elle la voyait pour de vrai, Chelae se rendait compte que sa tête ne lui revenait pas. Et que plus elle la fréquenterait, moins elle l'apprécierait. Si seulement elle pouvait partir... mais l'Alfare ne se voyait pas la chasser. Pour la première fois, elle douta de parvenir à y mettre les formes. Mieux valait la supporter, afin d’éviter de la froisser. Chelae s'efforça ne de pas joindre ses mains entre elles, ce qui aurait trahi sa nervosité. Elle se sentait mal, très mal. Enfermée dans une cage, sa propre cage, parce qu'elle ne pouvait même pas virer une intruse de sa propre demeure. Et soudain, elle eut peur, peur de ne jamais pouvoir en sortir. Ça n'allait pas. Elle se sentait céder à la panique. Elle voulait juste être seule. Ailleurs.

-... Si tu crois que je fais ça pour lui plaire, tu te trompes complètement. Elle m'a posé une question ; j'ai répondu ; elle a rigolé comme une idiote. Ce n'était même pas drôle.

Il y avait cet homme qui parlait en face d'elle. Il
lui parlait, plus précisément. Chelae ne l'avait jamais vu. Elle n'avait jamais vu cet endroit tout court et cela la frappa d'autant plus : elle n'était plus à Drosera. Le bâtiment dans lequel elle se trouvait était haut, sombre, austère. Celui qui déblatérait était grand, fin, pâle, et il avait cette tenue sombre et si couvrante qu'il était inutile de la porter soi-même pour comprendre qu'elle était inconfortable. A un moment, ses lèvres cessèrent de bouger.

-Tu m'écoutes ?

Elle n'aurait su dire si c'était la stupeur qui la clouait sur place ou si elle était physiquement incapable de lui répondre. Dans tous les cas, il était évident qu'elle ne l'avait pas écouté.

-Hé, Alekto, tu m'écoutes ?


Elle sursauta.

-Tout va bien Chelae ?

L'Alfare battit des paupières, mais sa posture légèrement en retrait et son air effaré ne la quittèrent pas. Jadélynka se tenait tout près d'elle. Trop près. Elle fit un pas en arrière.

-Que se passe-t-il ? J'ai quelque chose de coincé entre les dents ?

Elle ne saisissait pas tout à fait pourquoi elle lui demandait ça, car elle n'avait pas connaissance de l'avoir dévisagée une minute plus tôt. Chelae s'humecta les lèvres. Si elle ne répondait pas, Jadélynka allait se vexer.

-Non, pas du tout, tu es très bien...

-Alors ?

Sa cousine croisa les bras. Son excentricité hérissait son poil.

-Excuse-moi. Elle passa sa main sur son front. En fait, je crois que je ne me sens pas très bien.

Il y eut un silence. Chelae s'était attendue à ce que Jadélynka lui pose des questions – notamment sur de stupides symptômes de grossesse – mais elle devait tirer une tête suffisamment effrayante pour la dissuader de s'y tenter. Peut-être craignait-elle de se faire contaminer par une quelconque maladie. C'était ce qu'elle imaginait en constatant son mouvement de recul et sa mine déconfite. Ça l'arrangerait bien. Au moins, sa cadette cesserait de l'approcher pendant quelques temps, jusqu'à ce que Chelae décide d'être "guérie". Ou elle se sentait bête d'avoir débarqué chez elle de façon aussi indélicate. On aurait aussi pu parier qu'elle venait de briser l'entièreté des vases précieux d'un palais royal et que si elle ne déguerpissait pas vite, elle allait en payer le prix. Chelae l'avait rarement vue dans cet état. Ou bien était-ce son ton qui l'avait impressionnée ?

-Oh. Je... Je vais te laisser alors. Tu devrais aller te reposer.

-Oui.

Elle attendait ce moment depuis une éternité. Maintenant, Chelae scrutait Jadélynka. Ses moindres mouvements, chaque centimètre qui l'éloignait d'elle et l'approchait de la sortie. Sa langue se retournait rageusement dans sa bouche. Elle la maintenait bien fermée.

-Je repasserai quand tu seras remise. Ou tu peux passer, bien entendu.

-Oui, parfait.

Sors d'ici.

-Tu as tout ce qu'il faut ? Ihrar et...

Dégage.

-Tout va bien. J'ai juste besoin de repos. Merci.

Dégage ! Ses iris, aussi glaciales que l'acier, l'auraient foudroyée si elle en avait eu le pouvoir.

-D'accord... Pas la peine de m'accompagner, je vais y aller. A bientôt. Repose-toi bien.

-Merci. Répéta Chelae dans un souffle. Au revoir.

~1508 mots~
Elles découvrent "Vois mon monde" 8D


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Dim 06 Mar 2022, 12:57

Chelae
La belle vie
Quand elle fut enfin seule, Chelae se précipita vers sa chambre. Dès lors qu'elle la claqua, ses jambes flagellèrent. L'Alfare s'appuya contre le battant pour ne pas flancher. Elle ferma les yeux et se pinça l'arête de son nez. Elle haletait comme si elle venait de traverser toute la Forêt des Murmures pour échapper à un monstre.

-T'en fais une tête de déterrée. Qu'est-ce qui s'est passé ? Tu as vu Ezechyel passer ?

Sa main se plaqua contre sa poitrine. Elle avait sursauté aussi fort que la première fois. Jijel était assise sur le bord du lit conjugal, juste en face d'elle. Sa tête était penchée sur le côté, un sourcil réhaussé démontrait son incompréhension.

-Allez-vous-en.

-Alors non, ça ne...

-Allez-vous-en !

Chelae se redressa. Maintenant, elle était furieuse. Elle pointa un doigt accusateur en direction de la jeune femme.

-C'est vous. C'est vous qui m'avez fait ça, n'est-ce pas ?

Son visage était tordu par une haine et un dégoût profond. C'était cette même énergie noire qui parvenait à la maintenir debout. Elle tremblait toujours, mais c'était davantage par rage qu'à cause de sa fébrilité qu'il y a quelques secondes. Jijel eut l'air étonnée. Voire même inquiète.

-Que je t'ai fait quoi ?

-Oh, ne jouez pas les innocentes ! Eclata l'Alfare. Vous apparaissez chez moi en prétendant qu'il n'y a que moi qui puisse vous voir et vous entendre, et seulement quelques jours plus tard, j'ai une vision où je suis une autre personne dans un autre lieu !

Elle s'étrangla. Maintenant qu'elle le verbalisait, c'était encore pire. Elle plaqua ses mains sur ses tempes, son regard horrifié rivé vers le sol.

-Oh, par Dothasi c'est moi qui délire...

Elle avait des hallucinations. Elle était en train de devenir folle. Était-ce le début d'un mauvais rêve ? Tout paraissait pourtant si réel... Chelae se mit à faire les cent pas dans la pièce. La panique l'envahissait à une vitesse jamais atteinte. Ça ne lui était jamais arrivé. Elle avait beau chercher une autre explication, tenté de se rassurer, il n’y avait rien à faire. Plus sa réflexion avançait, pire étaient les conclusions. Elle était consciemment en train de sombrer dans la folie. Et ça la tuait de ne rien pouvoir y faire. Qu'avait-elle fait pour mériter ça ?

-Attends deux secondes. Hé, calme-toi...

Jusqu'ici, Jijel n'avait pas bougé. Elle était assez confuse elle-même. Pour mettre fin à la scène déchirante – son hamster était en train de mettre en place des mécanismes d'autodestruction sous ses yeux – l'Archontesse décida de s'approcher.

-Chelae...

-Ne me touchez pas !

Jijel s'arrêta, sa main suspendue dans son mouvement. Elle n'atteindrait pas son épaule.

-Vous n'êtes qu'une invention grotesque de mon esprit et maintenant, ça va aller de pire en pire.

-Chelae, je suis vraie et quelle que soit la vision que tu aies eue, ce n'est pas moi qui...

-TAISEZ-VOUS !

Elle avait hurlé. Elle se fichait d'alerter toute la maison. Elle voulait juste se débarrasser de ce parasite. En revanche, elle se retenait d'éclater en sanglots. Les larmes coulaient sur ses joues mais elle ne voulait pas perdre totalement la face. Cette femme n'était peut-être qu'une illusion, elle était suffisamment réaliste pour que Chelae ne veuille conserver sa fierté en sa présence.

-Vous n'existez pas ! Allez-vous-en ! Disparaissez ! Disparaissez avant que vous ne commenciez à me pourrir la vie !

Jijel se pinça les lèvres et un pli se forma entre ses deux sourcils. Chelae lui tournait le dos. Elle continuait de faire le tour de la pièce en se torturant l'esprit. L'Archontesse revînt face à elle d'un pas déterminé. Elle immobilisa l'Alfare en la prenant par les épaules.

-Non. Je ne vais pas accepter ça. Son attitude soudainement autoritaire la dissuada de s'enfuir encore une fois. Tout à coup, la petite femme prit de la hauteur jusqu'à la dépasser. Ses pieds ne touchaient plus le sol. Que les choses soient bien claires entre nous : je ne suis pas une invention de ton esprit. Mets-toi bien ça dans le crâne. Elle tapota son front du bout de son index. Et ensuite, je n'ai pas la moindre idée de la vision dont tu me parles. Alors tu respires un grand coup et tu vas me raconter.

Chelae blêmit. Son visage était trempé de larmes. Elle s'autorisa un hoquet. Elle n'aurait pas dû. La seconde d'après, elle s'effondrait sous les pleurs. Elle se trouvait ridicule : pleurer pour si peu, c’était digne d’une enfant de cinq ans. Mais les gens ne pouvaient pas comprendre. Cela faisait des semaines qu’elle accumulait. Les changements du mariage ; le bonheur que Jadélynka lui balançait aux yeux ; sa fatigue générale et maintenant, cette soi-disant Archontesse et cette foutue vision. Jijel la laissa s’apitoyer. Elle attendit jusqu’à ce que l'Elfe se calme pour l'asseoir sur le lit et s'installer à côté d'elle.

~808 mots~


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Dim 06 Mar 2022, 13:00

Chelae
La belle vie
-C’était une vision absurde.

L’Alfare se sentait obligée de se justifier. Elle n’avait aucune envie de raconter ce qu’elle avait vu. Jijel ne la prendrait pas au sérieux.

-Raconte toujours.

Elle avait honte. Outre ses parents et sa sœur lorsqu’elle était plus jeune, c’était la première fois qu’elle confiait une information délicate à quelqu’un d’autre que Jadélynka. Et encore, elle n’avait jamais confié une information de cette nature en particulier.

-J'étais... C'était un Sorcier qui me parlait. À Amestris.

-Ah ? Comment peux-tu en être sûre ? Tu y es déjà allée ?

-Non.

Ses questions l’énervaient. Elle n'arrivait pas à se justifier alors même que c'était simple à expliquer : le type qui s’était adressé à elle était pâle comme la mort et était habillé comme un Sorcier. Ils s'étaient tenus dans un grand bâtiment, pour sûr dans une ville. Ça lui paraissait couler de source, bien que ses arguments fussent légers. Malheureusement, cela avait été trop court pour qu’elle puisse apporter des détails plus significatifs.

-Pourquoi ai-je vu ça ? Vous êtes liée aux Aetheri, vous devez bien le savoir, non ?

Jijel avait placé une main dans son dos. Chelae détestait cela, car ça rendait la fae plus vraie, en plus de positionner sa propre personne dans une stature vulnérable. Mais elle ne fit rien. Elle craignait que l'Archontesse ne se froisse de nouveau. En réalité, elle l'avait terrifiée tout à l'heure.

-Je ne sais que ce qui incombe à mon rôle. Expliqua-t-elle en haussant les épaules. Le reste n’a pas à me concerner.

C'était frustrant, terriblement frustrant. Jijel ne l'aidait pas à croire à toutes ces aberrations.

-Il m'a appelée Alekto.

Était-ce un nom masculin ou féminin ? Elle ne savait même pas. Ça n'avait probablement pas d'importance. Son esprit n'avait fait qu'associer trois syllabes sans se soucier du sens, de manière à ce que cela sonne exotique.

-Alors tu étais une autre personne là-bas ?

Jijel prenait ça très au sérieux et ça l'agaçait encore plus. Ce n'était qu'une vision. C'était chimérique. Le but n'était pas de s'en souvenir, mais de l'oublier. D'oublier que cela avait existé, d’enterrer les prémices d'une folie dont elle ne voulait pas. Il fallait éradiquer le mal à la racine, pas l'entretenir.

-Je ne sais pas. Je voyais et je n'ai rien fait d'autre qu'observer.

C'avait été si réaliste que c'en était d'autant plus détestable. Elle s'attendait à ce que Jijel ricane, mais ce ne fut pas le cas. Au contraire, elle lui montrait un intérêt certain.

-Peut-être que cette Alekto existe. Tu pourrais faire tes recherches.

Alors ce fut Chelae qui ricana à sa place. Et puis quoi encore ? Elle n'avait pas le temps pour ses futilités. Ça pourrait lui ramener des ennuis.

-Je n'ai pas l'intention de chasser un fantôme chez un peuple qui ne m'intéresse pas.

-Et si cela venait à recommencer ? A ta place, je serais curieuse d'en connaître davantage sur cette personne. Ne serait-ce que pour savoir si je l'ai inventée ou non. Et pour savoir si je suis folle.

Le visage de la fae s'éclaira soudainement. Elle s'était rapprochée et avait passé ses bras autour de son cou. Figée, Chelae avait à peine reculé, mais il était inutile de dire qu'elle détestait ça.

-D'ailleurs, nous n'avons qu'à faire comme ça : tu vas enquêter sur cette personne. Si tu ne la retrouve pas, alors nous admettrons qu'elle n'existe effectivement pas et que par extension, moi non-plus. Dans ce cas, j'arrêterai de t'embêter. En revanche, si elle existe bel et bien, tu seras obligée d'admettre que j'existe tout autant. Et bien entendu, je veux une vraie enquête. Pas de mauvaise foi. Qu'en dis-tu ?

Chelae grimaça. Ça ne lui plaisait pas du tout et ça ne tenait pas la route : l'existence de l'une ne pouvait pas justifier celle de l'autre. En plus, elle avait l'impression de passer un Pacte avec un Démon. Mais le regard de Jijel lui faisait comprendre que le choix ne lui appartenait pas. Ce n'était pas de Convaincante que l'on aurait dû la qualifier, mais de Têtue. Elle poussa un soupir.

-Je prends ça pour un oui. Murmura-t-elle avec malice.

Puis elle se leva, comme si elle s'apprêtait à quitter la pièce.

-Au fait, c'était qui tout à l'heure ? Ta cousine ?

Encore une fois, le silence fut révélateur d'une forme d'acquiescement.

-Bon sang, ça a l'air d'être une peste.

Chelae lui lança un regard noir. Elle ne lui avait pas demandé son avis.

~747 mots~


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