Il y a maintenant plusieurs années, quelque part aux alentours de la Forêt des Murmures...

Thazgar Anko souleva délicatement les bandelettes souillées de son bras droit, afin de jeter un œil à la blessure qui se trouvait dessus. Ce n’était pas beau à voir. Plus le temps passait, et plus ce qu’il avait imaginé être une morsure bénigne semblait s’infecter… Sa peau devenait grise, et au niveau de la chair ouverte, une odeur épouvantable s’en échappait… Il se demandait même s’il n’aurait pas dû couper ce bras tant qu’il en eut encore l’occasion… Mais le courage lui avait manqué. Sombre histoire. Même les médecins qui avaient été en mesure de l’accueillir n’avaient pas été capables de le guérir. Et dans le miroir ? Anko était forcé de le constater :

Il n’avait pas une gueule de porte-bonheur. Plus maintenant.

Quelque chose de terrible lui arrivait, peut-être une maladie, peut-être une malédiction. Il en avait conscience, mais il ne voyait rien qui pouvait lui permettre d’enrailler le processus désormais. C’était à peine s’il ressemblait à un humain. Son épiderme semblait dépérir et durcir, et même sa vue semblait parfois trouble. C’était parfois douloureux, et il avait l’impression que son squelette allait s’échapper de ses muscles. Tout cela à cause d’un « incident » lorsqu’il eut tenté d’assassiner un rival de son ancien maître, avant d’être mordu par un des gardes…

Le sort s’acharnait sur lui.

Emmitouflé dans ses larges habits pour dissimuler sa frêle apparence, il s’était tout de même décidé à tenter un dernier coup avant que ne lui arrive… Ce qui devrait arriver, à savoir, quelque chose dont il n’avait pas la moindre idée. La Forêt des Murmures n’était pas le premier endroit qu’il avait souhaité rejoindre, mais les rumeurs flottantes d’un mage ayant posé ses valises dans les environs l’avait attiré… Peut-être… Qu’il allait pouvoir trouver un remède magique ? Dans tout les cas, il ne le saurait qu’en découvrant la cachette. Ses quelques contacts parmi les brigands locaux l’avait mis sur la piste d’une grotte ou d’une caverne qui se cacherait au détour d’un chemin à l’orée de la forêt. Mieux valait éviter de trop s’enfoncer dedans. Les Alfars n’étaient pas réputés pour leur grande hospitalité à l’égard des étrangers…

Le temps lui était précieux, et il lui fallut un certain temps armé de ses cartes pour estimer la position où la cachette se trouverait, selon les informations fournies par ses camarades hors-la-loi. Mais pas question d’y aller seul, surtout pas dans cet état… Anko avait prit l’occasion pour s’accorder avec un local afin d’obtenir un peu de support lors de cette fouille… Son contact ne semblait pas regardant quant à l’origine malhonnête de son comparse.

Anko toussa dans sa petite clairière, pensant entendre quelqu’un arriver, et tourna la tête, gêné par ses larges habits, comme un épouvantail au milieu d’un champ. Il restait sur ses gardes. Était-ce son contact ou quelqu’un d’autre ? Il prit en main sa hachette, modeste arme du coupe-gorge d’infortune, et resta attentif à son environnement, espérant ainsi pouvoir déjouer l’arrivée d’éventuels représentants de l’ordre ou peut-être de créatures sauvages. Ces bois n’étaient pas sécurisés pour les non-Alfars. Et l’humain infecté aurait probablement été une cible de choix pour la juridiction locale…

Anko était nerveux, d’autant plus que son mal de peau lui revenait assez fréquemment et rendait difficile la concentration. Il était forcé de l’admettre : ses beaux jours de bandit des grands chemins étaient derrière lui.

« Qui que vous soyez… Montrez-vous... » marmonna-t-il.

Sa voix aussi avait perdue en puissance et ressemblait davantage à des soupirs que l’on s’efforcerait de crier qu’un véritable hurlement d’alarme. Non, décidément, cette morsure avait mit dans un sale état l’humain qu’il était. Et puis… Allait-il vraiment effrayer quiconque avec ses allures d’épouvantail ambulant ?
Aussi, utiliser son patronyme commençait à devenir dangereux... A quoi avait-il déjà pensé comme surnom déjà ? Ah oui...

Vylker.

Cela ferait l'affaire.

D'un bond puisé au plus profond de son énergie vitale, Auvryrahel sauta derrière son mentor, le maître d'armes fut surpris. Les yeux légèrement écarquillés, il ne s'attendait pas à une telle tactique. Il finit par atterrir de dos. Un coup de coude, un coup de pied retourné visant l'estomac pour couper le souffle vinrent frapper son adversaire. D'un geste souple mais ample, il frappa d'un cimeterre en direction de son aîné.  Il eut du mal à bloquer le coup et l'absorba partiellement grâce à sa jambe qui glissa de quelques centimètres sur le sable de l'arène. Effectuant ensuite une rotation un autre coup de pied vint se loger contre la mâchoire du combattant, finissant ce même mouvement en abaissant son bras droit engageant ainsi le deuxième cimeterre vers son adversaire, le coup aurait été fatal.

Calé dans ses jambes, le mentor contracta ses cuisses pivotant sur un genou et coupa ainsi l'inertie du coup qu'il bloqua grossièrement, sa joue laissant apparaître une brèche dans sa garde, qui avait ainsi blessé son être. Reprenant du poil de la bête, les deux combattants eurent un sourire, mais d'un mouvement simple et efficace le mentor laissa son épée longue perforer le thorax d'Auvry. Retirant sa lame, il laissa le corps sans vie tomber au sol de l'alfar. Aussi vite fait, qu'un autre disciple apparut et effectua une puissante magie de soin pour rappeler à la vie ce dernier.

«  C'est ta septième mort et défaite, Auvryrahel. Tu ne pourras pas me vaincre comme cela. » dit alors le maître d'armes.
«  Une victoire n'est absolu que si l'esprit est brisé. »
«  Tu as retenu mes leçons, bien. Cela mets ainsi fin à notre entraînement du jour. Au fait, la Matronne m'a fait parvenir ta nouvelle mission. Tu devras te rendre à la forêt des murmures et effectuer la mission qui avait été donnée à ton petit frère Jacen. Il n'est jamais revenu des ruines du mage. On m'a laissé entendre que tu sais de quoi il s'agit. Ah et tu ne dois absolument pas échouer, sans peine d'apporter disgrâce à la Maison Xun'Viir. » termina-t-il d'expliquer en inclinant la tête, après s'être assuré d'avoir été entendu, il s'éclipsa laissant Auvryrahel seul et livré à lui-même.

Une certaine frustration naquît au sein de son être, mais il savait qu'il ne se pouvait se permettre d'échouer. On attendait le meilleur de lui-même et l'échec lui accorderait uniquement tortures, mort et résurrection encore et encore jusqu'à ce que la Matronne serait satisfaite et lui redonne une chance, ou se décide simplement de l'achever. Il n'y avait pas d'échappatoires. Il se devait d'effectuer cette mission. Celle-ci consistait en un objectif relativement simple en théorie: retrouver les ruines d'un puissant mage dans la forêt des murmures. Un homme qui possédait nombreuses magies et aurait fait des découvertes intéressantes quant à la magie.

S'ils avaient une idée générale de l'endroit où ces ruines pouvaient se trouver, les légendes racontaient qu'elles étaient piégées et gardées probablement. Mais nul ne pouvait être certain sans l'avoir explorée. C'était là qu'entrait en compte Auvryrahel. S'il échouait, il périrait probablement, s'il fuyait, la Maison ne le lui pardonnerait pas de si tôt. S'il réussissait... Une autre épreuve viendrait encore à se présenter devant lui, probablement un combat à mort, pour prouver sa valeur ultime et il se devrait de parvenir à survivre.

Le regard d'argent de l'alfar se déposa après des heures de périples, sur la forêt, il approchait de l'endroit qu'il pensait être adéquat. Il vérifia sur sa carte, et en effet, un menhir se trouvait bien loin derrière lui, la lune se trouvait au nord-est.... Nul doute qu'il devait être à moins de cent mètres des ruines, mais même s'il possédait l'idée générale, cela ne lui confirmait pas la présence de ruines, ou la certitude de pouvoir les trouver si facilement.

Nul ne pouvait savoir la présence de la Maison Xun'Viir, il le savait. Si un alfar était dans le coin, il devrait probablement s'assurer de le mettre hors de combat, au pire des cas, il devrait l'éliminer. Par chance, il été vêtu dans sa tenue usuelle. Il l'avait complété lui-même, chaque haut membre des Xun'Viir se devait d'en posséder une, notamment pour les missions secrètes. Il ajusta son masque, mais non loin de lui, un bruit de broussaille le surprit.

« Intrus ! » s'écria un garde alfar.

Aussitôt qu'il avait crié, un autre de ses compagnons apparut et Auvryrahel s'élança vers le premier un coup de coude dans le thorax ajoutant sa magie à sa force, il lui fit perdre son arme sur le premier échange. Usant de son pouvoir de vitesse il se projeta sur le second et le frappa dans le visage du pommeau de son arme, pour ensuite le saisir par l'épaule et lui envoyer un redoutable coup de genou dans le thorax, l'envoyant au sol. Alors qu'il allait achever son adversaire, le premier qui avait donné l'alerte plus tôt, s'élança, arme en main. Le souffle court, Auvryrahel dédia ses dernières forces pour bloquer avec ses deux armes le sabre de son ennemi. Usant sa propre inertie, il s'abaissa pour le saisir sous la cuisse et le jeter par-dessus son épaule. Alors qu'il tentait de se relever un coup de pied termina sa course dans sa tempe, l'envoyant au tapis. Finissant le second garde qui était encore sonné grâce à la garde de son arme, il l'envoya également faire un petit somme.

Il expira longuement, reprenant son souffle. Bouger de telle manière lui demander beaucoup d'efforts. Mais alors qu'il ne voulait qu'une chose, récupérer, il se retourna après l'écoute d'un bruit proche... Une voix inconnu l'interpela.

Spoiler:

Il s’avança dans les différents fourrés après avoir entendu ces bruits… Une lutte ? Qu’est-ce que cela pouvait être donc ? Cela ne lui disait rien qui vaille. Armé de sa vieille hachette rouillée, écartant les branches et les feuillages de son chemin, il finit par trouver le coupable de tout se bruit. Un individu en armure qui venait d’en abattre d’autres ? Il n’y avait que peu de doutes qu’il s’agissait probablement de celui qui était censé le rejoindre dans les parages, cependant, Anko, ou plutôt Vylker désormais, n’avait pas prévu qu’il eut de la compagnie.

« Vous avez été suivi ?! Il y en a d’autres ? » s’inquiéta-t-il aussitôt.

Il prit un peu de temps pour inspecter les environs, et sa vigilance retomba lorsqu’il constata qu’il n’y avait personne d’autre ici. C’était probablement des forestiers qui avaient fini par lui tomber dessus. Vylker souffla et rangea la hachette à sa ceinture… Il était nerveux, très clairement. Si les forestiers savaient qu’ils étaient ici… Cela risquait de prendre des tournures bien plus dangereuses que prévu initialement.

« … D’accord, d’accord. Nous avons un accord, donc je vais quand même descendre avec vous dans ces ruines. Mais on m’avait pas parlé d’avoir des gens sur nos talons. Ça risque de compliquer fortement l’opération ! »

… Mais d’un autre côté, il n’avait pas vraiment le choix, et il était forcé de descendre. Ne serait-ce que pour au moins essayer de trouver un remède. Il soupira et empila son sac et ses différentes affaires, levant le camp et se préparant pour la descente dans cette antre oubliée de mage… Espérons que son compagnon de fortune ne soit pas synonyme de plus d’ennuis et de lui porte pas la poisse… C’était la dernière chose dont il avait besoin. Une fois toutes ses affaires rangées et son sac sur ses épaules, il pivota et réajusta son chapeau avant de se présenter.

« … Vylker. Je suis celui qui vous a vu l’autre jour pour nous occuper de… Cette affaire de caverne. Je n’ai pas réussi à collecter beaucoup d’informations sur les lieux. Je sais juste qu’il existait là-dedans un fou furieux aux pouvoirs magiques qui vivait en ermite. Selon les locaux, on n’a plus entendu parler de lui depuis bien longtemps. Les gens supposent qu’il est mort, mais personne n’a retrouvé son corps. Autrement dit : Il est tout à fait possible que nous foncions dans un piège… Mais je ne compte pas reculer. Pas après tout ce que j’ai vécu jusqu’ici... »

Il inspecta un peu les corps et déglutit. Mieux valait rentrer sans plus tarder dans l’antre avant que les amis de ces alfars ne débarquent. Ils ne seraient pas tendres avec lui. Les étrangers n’étaient pas très bien vus dans les environs. Vylker sortit une pierre à frotter et s’en servit avec un silex de façon à créer une étincelle. Ce faisant, il alluma deux torches et en tendit une à son compagnon de fortune. Au moins, celui-là sera en mesure de manipuler des armes. Armé de son éclairage, Vylker entama sa descente vers ce qui ressemblait à une cavité s’enfonçant sous terre, bloquée par une vielle porte de bois craquelant qu’il s’empressa de pousser, dans un grincement sinistre.
Plus loin, la piste rocheuse descendait encore, s’enfonçant dans la pénombre, des poutres de bois supportant la caverne et prévenant des éboulis. Les ténèbres épaisses qui reposaient au fond ne donnaient l’impression que l’on ne trouverait rien sinon le malheur en ces lieux…

Mais ils devaient faire avec.

Vylker fit les premiers pas dans le sentier, entamant la descente vers un destin incertain, éclairant la piste de sa torche. Il fit signe à l’Alfar de le suivre. Inutile de prendre des risques dehors, ils auraient tout le temps de discuter à l’intérieur.

« Pour quelle raison étiez-vous poursuivi ? Je n’ai pas souvenir que ce détail eut été discuté durant nos échanges précédents… Vous êtes un homme recherché ? Un bandit ? Ou bien un exilé peut-être ? Non pas que je vais juger. Un coupe-jarret dans mon genre n’à pas grand-chose à faire de la morale et de la loi… Mais tout de même. J’aime savoir avec qui je voyage. »

Les deux s’étaient croisés en coup de vent à un carrefour, où ils avaient discutés et s’étaient arrangés pour partir tout deux à la recherche des trésors de l’antre perdue. Vylker était motivé par l’argent et par l’hypothèse d’un médicament, mais il ignorait les raisons pour lesquelles l’Alfar, lui, se lançait dans ce genre de mésaventure.

« Est-ce l’appât du gain qui vous emmène ici ? Ou bien une histoire plus personnelle qui ne vaudrait pas que je sois au courant ? »