Catégorie de quête :  A. Intrigue de race.
Intrigue/Objectif : Suite à son suicide, Evannah est confrontée à la dépression et une souffrance insoutenable.




« Les anges de nos ancêtres veillent sur cette famille, ils vous protègent. »


Le silence; une absence, un néant.  Comme si toute forme de vie avait quitté  les lieux, il était roi. Le vent était muet, tout comme les feuilles mortes qu'il faisait danser.
L'hiver avait transformé la forêt déjà sombre en un tombeau noir d'ébène. Seule la neige, d'un blanc immaculé,  embellissait ces bois. Les milliers de cristaux qui la constituaient chatoyaient de milles couleurs face à l'éclat étincelant de la  lune.
Le froid avait éloigné tous les animaux qui s'étaient réfugiés au plus profond de ce labyrinthe de sureaux. Un petit corbeau était cependant resté à l'orée de la forêt. Son corps décharné d'os avait laissé place à de fines branches qui essayaient en vain de cacher une petite orbe blanche dans son ventre. Ses yeux d'un gris profond reflétaient les diamants qui tombaient du ciel.
Face à lui, le corps d'Evannah pendait. Les longs cheveux charbonneux de la demoiselle étaient couverts de neige, le bleu de sa peau jurait dans ce décors mystique.
Brisant le silence d'un petit croassement, Neir s'approcha du cadavre gelé. Avec douceur, il caressa de sa tête le visage bouffi de la jeune femme. Une larme coula sur ses plumes luisantes avant de s'écraser sur le sol. L'oiseau ne pouvait rien faire, elle était morte.
Posé sur l'épaule du cadavre, il se mit à chanter, en l'honneur de celle qui avait quitté le monde des vivant. Contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, sa voix était douce, l'air qui résonnait était agréable. Alors qu'il entonnait, une ombre se forma. Peu à peu, une silhouette humaine faite de brume et de neige apparut; un visage se dessina au gré du chant du corbeau, se précisant à chaque note.  
En quelques instants, Evannah s'était réincarnée en un nuage invisible auprès de la plupart des vivants. Lorsqu'elle eut enfin atteint son état fantôme, Neir se tut, laissant à nouveau le silence reigner.

La jeune femme s'éveillait ainsi dans un corps étranger. Avant même d'ouvrir les paupières, une douleur insoutenable l'avait pétrifié.  Au moindre mouvement qu'elle essayait d'effectuer, elle se sentait brûler. Était-ce là l'enfer qu'elle avait appréhendé toute sa vie ?
De nombreuses minutes étaient passées lorsqu'elle put enfin échapper un tremblement. Un soupire, un sursaut dans l'intensité hivernale, avait donné vie à cette statue impalpable.
Le corbeau l'observait, attendant qu'elle n'ouvre enfin les yeux. Il la savait insaisissable, c'est pourquoi il n'approchait pas.
L'âme de ce fantôme était aussi abîmée que son corps de brume. Elle se remémorait ses derniers instants, encore et encore, alors qu'elle tentait désespérément de se mouvoir. Persuadée de se réveiller dans le royaume démoniaque, elle était effrayée, honteuse d'avoir disgracié ses aïeux.
Enfin, après une énième tentative, elle ouvrit les yeux. Ces derniers la piquaient tellement qu'elle les aurait arraché si elle avait pu bouger. La douleur était telle qu'elle la rendait aveugle. Elle mit quelques instants pour s'habituer à cette souffrance. La brume qui couvrait sa vision se dissipa peu à peu.
Face à elle se trouvait son cadavre, attaché à l'arbre qu'elle avait choisi avant sa mort. Son visage avait été déformé par le manque d'oxygène, la couleur de sa peau n'avait plus rien à voir avec le souvenir qu'elle en avait. Son corps, pendu à la corde balançait doucement au gré du vent tout comme les mèches qu'elle n'avait pu nouer à l'aide de son ruban rouge.
A cette vision d'horreur, sa respiration accéléra. Respirait-elle seulement ? Elle se tenait là, face à son être, son réel moi, et tremblait du mal qui la rongeait. Les démons n'étaient-ils pas sensés être heureux de leur nouvelle forme ? N'étaient ils pas fier de porter les couleurs de la souffrance ?
A cet instant, Evannah aurait souhaité hurler, pleurer, ou même vomir mais son état corporel l'en empêchait. Elle était condamnée à regarder le résultat de sa pire décision, condamnée à se voir sans vie, accrochée à son arbre préféré. Comme si un thanatopracteur lui avait suturé le palais, elle ne parvenait qu'à gémir. La jeune femme tremblait sans pouvoir bouger. Elle ne pouvait fermer les yeux et échapper à ce spectacle morbide.
L'enfer était ici un euphémisme et elle le savait. Elle ne se délectait en aucun cas de la situation, elle était effrayée par la cruauté de la scène, et son âme souffrait autant que son corps. Elle ne pouvait être un démon. Qu'était-elle donc ?

"EVANNAH"

Un cri avait brisé le silence un millième de secondes. Dés qu'elle l'entendit, la statue d'ombre et de brouillard écarquilla un peu plus les yeux. Elle avait reconnu cette voix. Cette voix si douce qui l'avait accompagnée toute sa vie, cette voix si tendre était apeurée autant qu'elle était éloignée.
Alors, la jeune femme parvint à murmurer:
"Morgana..."

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