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Emma Blackery - Villains Pt. 1

La migraine me cloua un instant sur le lit. J’avais soif mais n’avais pas la force de me lever pour aller chercher de l’eau. Je plaçai mon avant-bras sur mes yeux, pour empêcher le peu de luminosité de filtrer jusqu’à eux. Nous nous étions couchés au petit-matin. Il devait être tard à présent, sans doute au milieu de l’après-midi. Je soupirai, en essayant de me remémorer la veille. Je me souvenais d’avoir vu Adam et Judicaël s’embrasser. J’avais retiré mes vêtements et mis la Bague des Déchus puis… C’était le trou noir le plus complet.

Après avoir soufflé quelques jurons qui ne réveillèrent pas l’homme à côté de moi, je remarquai que je n’étais plus nu. « Hum ? » Je tendis le bras devant moi. Je portais une sorte de haut à manches longues. Il n’était pas mien et je ne l’avais ni vu sur l’Archimage, ni sur Adam. Je remarquai l’état de mes jointures. Du sang séché maculaient mes phalanges. En prenant conscience de ce détail, je ressentis une forme de douleur, comme si mon corps venait de se rappeler de mes activités de la veille, après une anesthésie générale ne comprenant pas mon crâne. Mon esprit, lui, était toujours dans le brouillard. Je me redressai pour faire un état des lieux. Le Déchu n’était pas là. Le Magicien dormait. Je le fixai. Le drap reposait au-dessus de ses fesses. Il était torse-nu mais… Je soulevai le tissu, pour découvrir qu’il avait gardé son sous-vêtement. Je fronçai les sourcils. Ça n’avait rien de logique. Je m’approchai un peu et fus d’autant plus étonné. Un hématome cerclait son œil fermé. Le tout avait gonflé et pris une couleur entre le violet et le bleu-vert. En faisant un lien entre ce que je savais pour l’instant, j’avais dû le frapper. Mes lèvres s’entrouvrirent de lassitude et je me frottai le visage avec la paume de mes mains. Il était clair que nous n’avions absolument rien fait la veille. J’avais repris un corps masculin, les draps étaient propres et n’étaient presque pas défaits. Je ne me sentais pas poisseux. Me connaissant, ça n’aurait pas été étonnant que je trouvasse le moyen de me laver ensuite mais j’aurais également soigné mes plaies, dans ce cas.

Je quittai le lit du regard pour porter mes yeux sur l’ensemble de la pièce. Je sentais, depuis mon réveil, un faible courant d’air. Ce n’était pas étonnant et c’est ce que je constatai : l’une des vitres de la fenêtre était brisée. Elle n’était pas la seule. Le bureau qui se trouvait là était renversé sur le côté et plusieurs bibelots avaient dû voler à travers la chambre. Mes prunelles rejoignirent ma main à nouveau. Ce n’était pas Judicaël que j’avais frappé. Les marques ne correspondaient pas à un coup de poing dans de la chair. Mes doigts étaient lacérés. Mon front se plissa sous l’incrédulité. C’était difficile de faire des théories à partir de rien. Je passai mon autre main dans mes cheveux et pris la décision de réveiller Judicaël. Il me fallait savoir. Le fait qu’Adam ne fût pas là m’agaçait. Je savais qu’il avait dû partir pour ses affaires. Il n’était pas en voyage de dilettante, contrairement au Sirigon et à moi-même. « Duc Halloy ! » lui lançai-je en le secouant. Les traits de son visage bougèrent avant qu’il ne se tournât vers moi. La lueur dans son regard avait quelque chose d’espiègle, même au réveil. « Baron Paiberym. » murmura-t-il, d’une voix basse. Il se redressa. Il me sembla qu’il était en train de penser à la veille, juste avant qu’un sourire n’éclairât son visage. Il était visiblement amusé. « Qu'est-ce qu'il y a ? » « Rien. » « Qu'est-ce qu'il s'est passé ? » demandai-je de nouveau. « Vous ne vous souvenez pas ? » « Non. Je me rappelle être entré dans la chambre et c’est à peu près tout. » Il se mit à rire, avant d’être, lui aussi, rattrapé par sa douleur. Il passa sa main sur son œil et commença à se soigner. « Disons que… Comment dire ? » Il me regarda. « Vous êtes un sacré numéro en Déchue. » « Expliquez-moi. » « Je ne suis pas sûr d’être le mieux placé pour ça. Je préfère laisser Adam vous raconter. » J’émis un soupir contenu. « Cependant, une chose est sûre : il tient à vous. C’est rare de pouvoir faire renoncer au sexe à un Déchu de la Luxure. » J’avais beau essayé de me souvenir, rien ne me revenait. « Qui vous a frappé ? » « C’est vous. Vous vouliez réitérer mais je me suis écarté et vous avez brisé la fenêtre. » « Je vous présente mes excuses. » « Ce n’est rien. C’est drôle parce que je ne vous aurais jamais imaginé en Déchu de la Colère. » me dit-il. « Il est où ? » « Il devait préparer son intervention de ce soir avec sa collègue. Il n’a pas beaucoup dormi. Il faut dire qu’on a passé la nuit à vous empêcher de vous suicider. » « … » « Vous êtes passé par plusieurs phases qu’il vous détaillera mieux que moi. En tout cas, il m’a dit qu’il vous avait déjà confisqué l’artefact parce que, justement, vous aviez du mal à le supporter. » « On peut dire ça comme ça. » Malgré les explications, ma mémoire refusait de revenir. Il haussa les épaules. « Enfin, comme promis, ce qu’il s’est passé à Seaghdha restera à Seaghdha. » « Ce serait mieux, en effet. » « Oui. Surtout que j’ai beaucoup parlé avec Adam pendant qu’on vous surveillait. Un peu trop. » Je le fixai, curieux. « C’est facile de se confier à quelqu’un qui ne nous juge pas. » « Oui. » Il n’avait pas idée. « Disons donc que je connais certains de vos secrets et qu’il connait certains des miens. À partir de là, ça arrange vraiment tout le monde si cet épisode est oublié. » J’acquiesçai. Il sourit. « Maintenant, si, une fois que nos migraines respectives seront de l'histoire ancienne, vous avez envie de faire ce qui était prévu hier soir avec moi… » Ses lèvres s’étirèrent davantage. Je lui envoyai un sourire en coin amusé, non sans me demander ce qu’il avait pu confier de si gênant à Adam.

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Fin