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Khitarr. Tonohr. Hihtyx. Les noms sonnèrent dans sa tête en boucle. Avachie sur les fourrures, les mains jointes derrière sa tête, ses pupilles dissemblables fixèrent le plafond de l’étroite roulotte. Sous un regard extérieur, on pourrait presque penser que cet endroit n’était que le nid d’une ogresse. Au moins, les curieux ne s’aventuraient pas jusqu’ici. En l’état, Latone préférait davantage se préoccuper de la Voix et ses secrets plutôt que de s’attarder sur l’usurpatrice qui siégeait à sa place, à la Vigilante. Rien que d’imaginer son fessier collé sur l’un des trônes lui donnait la gerbe et des envies de meurtre.

De son humble position de mortelle, Latone ne comprenait pas que son invité mystérieux ne fut autre que le Dévoreur. Le nom de Senere résonnait quelques fois à travers les souvenirs de Lolaha, mais sa symbolique et son importance demeuraient hors de portée. Toutefois, une évidence s’élevait depuis ce jour : Hihtyx semblait la marche à suivre. Si de tels messages subsistaient en ce monde, il était de son devoir de les trouver avant quiconque. Les étrangers et même les Marcheurs ne pourraient pas comprendre ces chants compressés en bulles. Si Zyurm refusait de lui rouvrir ses portes, il ne lui restait bien plus que cette option. Une interrogation venait alors : ces Hihtyx jonchaient le sol de Linos ou pouvaient se retrouver n’importe où ? Étaient-elles éternelles, périssables ? Et finalement, n’était-ce là qu’une magie trop poussée pour elle, là où son Khitarr et son Tonohr n’attendaient qu’à s’exprimer ? La Guide fronça les sourcils et releva le menton : le chemin pour atteindre la prestance de Lolaha Kirzor s’avérait bien trop long. Latone n’était plus que réduite à une carnassière qui rongeait son frein, à une chasseresse qui n’attendait que les douces brises de Shakluth pour tirer en plein dans le mile. Les Guides devaient être bien optimistes pour espérer qu’elle se tiendra à carreau jusqu’au feu vert. N’était-ce encore qu’un miracle qu’elle restât docile entre ces quatre murs fragiles…

Se redressant sur le qui-vive, les sens alertes de la Bleue s’activèrent au moment même où les premières syllabes furent expirées. Trois détails la surprirent. Premièrement, un intrus osait s’aventurer sur ses terres éloignés de la cité, ce qui en soi n’était pas du tout anodin. Deuxièmement, elle ne reconnaissait pas cette voix, ce qui ne l’aidât pas à identifier la personne ; ennemi ou ami ? Troisièmement, son Khitarr. La gueulante connaissait évidemment ces vers – le plus classique de chez classique à Ciel-Ouvert – mais c’était la première fois qu’elle l’écoutait sous l’effet de la Voix. En fait, de manière générale, c’était même son initiation à un Khitarr extérieur. Le smog envahisseur enténébra son maigre domicile avant de se dissiper sous l’étreinte de l’astre salvateur. Debout, elle contempla la cage se resserrer, tout autour d’elle. Pourtant, un sentiment d’espoir l’enveloppait et lui donnait la force de vouloir combattre l’adversité, de se libérer de son joug. Plus puissante encore, la Voix s’éleva, porteuse du salut, et l’invitait à rejoindre la porte. À juste saisir cette poignée qui la séparait des bises de l’hiver et de sortir. D’être bienvenue à Ciel-Ouvert.

Lorsque les gonds grincèrent et que les lueurs matinales dévoilèrent son environnement, Latone se sentit plus légère, comme transportée par cette magie qui ne demandait qu’à la couvrir de bienveillance. Ce n’était pas la Cité des Chants qui s’ouvrait à elle néanmoins, ce n’était nul autre que l’instigateur de ce Chant, et ses compagnons. Latone papillonna des yeux : il était bizarre ce machin volant, on aurait dit un bout de tissu animé par la Déesse des Vents en personne. Quant au félin, la jeune femme ne connaissait même pas cette race exotique. Après, elle en avait vu des étrangetés au sein du Voile et sur l’Île Maudite, mais quand même. Enfin, son attention se porta davantage sur le gars à la crinière immaculée. Il ne faisait pas attention à elle, le contraire était horriblement faux.

" Mais t’es putain de qui ? " Héla-t-elle en descendant de la roulotte.

Tout en avançant de quelques pas, la guerrière se mordit les lèvres. On lui avait tout de même conseillée d’être un peu plus polie, maintenant qu’elle ne possédait plus qu’une unique chance. Mais la scène la rendait folle : elle avait quand même affaire à un type qui chantait sur le seuil de sa porte et qui ne lui prêtait même pas attention à l’origine. C’était surréaliste. Elle porta sa main à sa hanche pour paraître plus menaçante : en réalité, elle espérait y trouver son fourreau. Mais elle était désarmée, totalement, juste une fille qui vivait tranquillement chez elle. Sans souci.

" T’es de Ciel-Ouvert ? Ils ne se connaissaient pas mais il savait utiliser l’art de la Voix. Ton Khitarr est… pas mal. Elle ne pouvait pas admettre que sa magie était remarquable, même si c’était la pure vérité. La paranoïa pouvait la pousser à garder ses distances depuis l’usurpation, pourtant cet individu ne lui inspirait aucune méfiance. Alors, qu’est-ce que tu viens faire là ? " C’était bien tout ce qui l’intéressait pour le moment.

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Il a les mêmes cheveux que Miles. La réflexion venait de lui monter à la tête, soudaine. Ce n’était pas si commun, enfin… Si. Bon, entre Léto et Miles, on pourrait presque penser que cette chevelure aussi claire était une caractéristique typiquement Orisha. Et maintenant qu’elle y pensait, l’apex de ses racines décrivait une dégradation du bleu au profit de l’acier. Finalement, elle venait de déjouer sa propre conclusion en l’espace de quelques secondes. C’en était navrant. Quoi qu’il en soit, cette énergumène-ci ne semblait pas posséder les mêmes origines, d’autant plus qu’il ne possédait pas de Troisième Œil. Cela ajoutait une certaine touche d’exotisme chez cette personne. Il dénotait parmi la populace, même s’il fallait d’emblée le remarquer.

Une minute, venait-elle vraiment de penser au Köerta ? Quelle plaie !

Si sa première approche démontrait une certaine réticence, Latone n’en demeurait pas moins ouverte à une entente. À Ciel-Ouvert, on ne chassait pas les inconnus ou les méconnaissances sans une raison solide. Tout ce que cette personne lui avait fait, c’était de la déranger en plein ennui, ce qui ne méritait pas un passage par la case Verillon. Seule sa méfiance vis-à-vis de son confinement l’amenait à rester sur ses gardes. En tout cas, le fameux Daé ne manqua pas de répartie à son ton acerbe, ce qui lui valut d’être accueilli avec un rictus amusé de la Kirzor. Elle l’aimait bien.

" Latone. "

D’une part, la guerrière se fichait totalement d’être retrouvée ici par un parfait inconnu. Il pouvait être un espion de l’usurpatrice, ce n’était pas un problème : elle viendra plus vite à sa – ultime – rencontre, comme ça. D’autre part, cette audace était une manière à elle de tester Daé. Après tout, son nom faisait parti des Guides. Et en plus, elle se demandait si on pouvait la reconnaître rien que par le regard. Sûrement que non, on l’imaginait surtout blonde. Mais les apparences étaient si trompeuses ; c’était d’actualité ! Finalement, l’échange lui fit comprendre que ce n’était pas le cas. En soi, étant donné le contexte, ce n’était pas plus mal.

" Le Khitarr se travaille, tu finiras bien par le perfectionner. Elle parlait en connaissance de cause. Moi aussi, je suis une Marcheuse. Elle posa sa main sur sa hanche, hésitant un bref instant à lui confier. Une Guide, en fait. Et je suis née ici. " Même si les détails étaient diablement tordus.

Elle haussa les épaules à ses interrogations sur la flore, elle n’en était qu’à l’initiation de la botanique. En plus, elle ne se focalisait que sur une seule espèce de plante, ce qui en soi était une erreur monumentale. Toutefois, ce serait omettre un fait important : ces fruits étaient divins ! Latone finit par se gratter le cuir chevelu, plutôt irritée de se retrouver dans une impasse face à la curiosité du jeune adulte. Soudain, son geste cessa et elle écarquilla un peu plus les yeux. Une illumination venait de la traverser et elle avait hâte de la mettre à profit.

" Oh mais tu ne t’inviteras pas, c’est moi qui t’invites ! Elle le prit par le bras et l’obligea à la suivre jusqu’à la roulotte. J’ai mieux que de l’eau, tu vas voir ! Enfin, tu vas goûter ! " Sa poigne, ferme, témoignait surtout son enthousiasme quant à son idée.

Sans une once de ménagement, la Marcheuse embarqua son camarade à l’intérieur de la roulotte. L’endroit était exigu, surtout en compagnie d’une colosse de son acabit, mais il n’avait guère à jouer des mécaniques pour pouvoir s’installer à la table.

" Ça, c’est chez moi. Enfin, l’un de mes chez moi. Installe-toi, il fait chaud à l’intérieur, tu peux enlever ton manteau. Mais tu fais comme tu veux. Ton gros chat va pas bouffer mon Yack, hein ? Après il part vite, je ne m’en fais pas trop. C’est quoi comme animal d’ailleurs ? Jamais vu de ma vie, ni ton bidule qui plane. "

Lorsque Latone était plongée dans son ouragan, on pourrait presque croire qu’elle revêtait les traits de Léto. Juste un peu. Durant tout ce pitch, elle farfouillait dans ses étagères pour y extirper une grosse jarre qu’elle déposa avec vigueur sur le centre de la table. Toute fière, elle lui présenta un petit récipient qu’elle remplit d’un liquide jaunâtre et épais. L’hôte se servit également une part pour elle et en but une bonne gorgée. D’un coup, elle semblait plus en forme.

" Goûte ! Je cultive des poires dans l’arrière-cour. Mais ce n’est pas n’importe quelles poires. Elle étira un sourire mystérieux et s’assit à son tour. Puis j’en fais un jus de fruit que j’appelle "Jus de Jun", et j’aimerais bien trouver d’autres recettes… " L’Orisha leva les yeux au plafond, faussement pensive alors que Daé semblait réagir à sa révélation.

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" On dirait un gros chat. Ça, Latone connaissait. Elle en avait vu un tout poilu et noir dans les pattes de Léto, une fois, mais elle n’avait jamais compris où il terrait. Ah oui, ce truc est clairement plus petit qu’un dragon ! Elle leva les mains pour se dédouaner de toute offuscation auprès de Mobile. Sans offense. " Le fameux origami se présentait comme fichtrement théâtral.

Bien évidemment, tout son mystère autour des fameuses poires attisa la curiosité du jeune homme. Latone accentua son air narquois, elle n’attendit que ce moment où autrui craquait pour la faire parler, se pavaner, se glorifier. En termes bruts, Latone était amplement fière de son jardin.

" Car, comme je te l’ai dit, ce ne sont pas de simples poires ! J’ai dû leur trouver un petit nom pour les différencier de leurs comparses banaux. Alors j’ai opté pour "Jun", puisque c’est le nom de la personne qui me les a données. Elle leva les yeux au plafond, faussement indignée. Tout le monde pense que c’est une mauvaise idée, que ça ne leur rend pas justice, que c’est un nom à la con, blablabla. Elle fixa à nouveau Daé. C’est moi qui décide d’abord, puis hé, toi au moins tu en ris ! " C’était bien le premier d’ailleurs, silencieusement elle le remerciait.

Les pieds sur la table, le verre bien levé, l’agonie du bois de sa chaise menaçait à tout moment de renverser Latone. Mais bon, puisque cela faisait des jours que l’Orisha créchait ici, le temps où son mobilier rendra l’âme attendra. Malgré son apparence simpliste, la roulotte soutenait avec vigueur l’énergie et la force de sa propriétaire.

" À Ciel-putain-d’-Ouvert ! " Mima-t-elle à sa sauce pour rebondir sur leur rencontre, somme toute, originale.

Aussitôt, un autre verre lui arriva entre les mains. Ces Jun, c’était un peu son péché mignon, cette sucrerie dont elle ne se lassera jamais. Techniquement, ces poires symbolisaient son tout premier repas en tant que Vivante ; ceci était loin d’être anodin. Quand elle finira par se rentrer dans le crâne que la gastronomie recelait de centaines de variantes, Latone pourrait bien cultiver d’autres fruits.

Quelques gorgées plus tard, les iris bleutés de l’Aäsho se focalisèrent sur son invité. Maintenant qu’elle y pensait, elle ignorait ce qu’il était. Bizarre, sûr, mais c’était une formalité pour elle. Pas de pierre sur le front, point d’ailes apparentes, humanoïde au sens strict du terme, bref, une curiosité. Ciel-Ouvert, d’autant plus avec l’appel des Kangelas, regorgeait d’une diversité hallucinante, loin de déplaire à l’Orisha. En plus, il adorait son jus, c’était un bon point en sa faveur et un nouveau gonflement d’égo pour l’horticultrice.

" Oh, ça daaate. Ils ont fini par me hisser Guide après plusieurs Marches. Ma toute première, contre les Corbacs Pourpres, je les ai tellement déplumés qu’on pût que me remarquer. Après, il y a eu les Brutes de l’Ouest, ça, ça s’était terminé en moins d’une heure. Les Vipères Embrumées, les Fanatiques de l’Étoile Rouge, les Chiens – oui, juste "Chiens" – les Mystérieuses Lames… Bref, ça a rempli mon tableau de chasse. Les Marcheurs ont fini par comprendre que j’étais impliquée et efficace. Ils m’ont dressé l’un des trônes de la Vigilante, et voilà ! "

En réalité, toutes ces bandes, Léto en avait fait ses quatre heures. Certes, bien souvent avec la compagnie de Latone sous fusion, mais c’était la Sùlfr qu’on élevait parmi les hauts rangs de la Marche. Même si on scandait son pseudonyme "Latone" à tout va. La transition entre les deux femmes fut fluide, sans encombre. Seulement, la véritable Latone devait redoubler d’efforts pour corriger ses lacunes. Devenir plus forte, plus agile, plus charismatique.

" Mais attends, par contre, tu le trouves vraiment trop bon ?! Elle tapa du poing sur la table, fort. Sérieux, à chaque fois, ceux qui goûtent haussent les épaules et me font comprendre que c’est bon, sans plus. Alors que ce sont des Jun, les Jun ! Tiens, ça doit être le nom qui les révulse en fait ! Bouda-t-elle en provoquant des bulles dans son verre. Tss, lève-toi, je te dois bien ça. Soudain, elle se leva et saisit son acolyte pour le soulever entre ses bras. Hop ! Un gros câlin bien viril et très reconnaissant ; fait rare. Toi au moins, tu sais faire la part des choses, t’es un bon ! " Lui sourit-elle en le relâchant à quelques centimètres du sol. Elle aurait pu lui craqueler quelques os, mais il semblait plutôt solide. Ricanant entre ses dents, la titanide retourna à sa place.

Il y eût déjà une discussion à propos des poires, lorsque l’Orisha s’aventura au quartier Aria afin de, potentiellement, en tirer un certain bénéfice. Les poires proliféraient à vue d’œil, ce n’était guère dans ses plans de s’empiffrer à elle seule de tout ce stock. Malheureusement, aucune opportunité ne pointa le bout de son nez.

" Donc, Marcheur ? Tu fais parti d’une caravane ? Et tu viens d’où ? " Il ne lui disait strictement rien.

Depuis les Kangelas, la multiplication des caravanes s’avérait compliquée à suivre. À la Vigilante, les Guides devaient être à la fois ravis et sur-ménagés. Pour un peu, Latone serait bien contente d’avoir été remplacée officieusement par l’usurpatrice.

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Il avait de la poigne, ce qui était indéniablement une qualité à Ciel-Ouvert. Latone se félicitait presque d’avoir un jeune homme aussi fort parmi les Marcheurs. Rien que ce détail lui donnait vraiment envie d’en savoir plus sur cette personne, de connaître son arrivée ici, s’il comptait y rester et s’investir pour la cause. Il était clair qu’un tel élément ne devrait pas lui échapper aussi facilement. Ainsi, Latone se montra tout à fait attentive au récit de Daé. Malgré tout, sans comprendre pourquoi, les affirmations de la recrue s’accompagnèrent de picotements au niveau de sa pierre frontale. Étant trop jeune pour comprendre tous les attraits du Troisième Œil, elle ne s’en formalisa pas plus que cela. Des chevaliers au cœur d’or et des pourritures en quête de rédemption rejoignaient la Marche. Et quand bien même : mentir sur son passé, alors qu’elle-même s’adonnait à la manipulation et à la distorsion de son propre vécu… c’était anodin. En tout cas, Daé ne lui dépeignit pas milles et une aventures et parût modeste. Elle but ses paroles autant que le jus de Jun, ses iris bleutés plantés sur lui. Un demi-sourire se dessina en dehors de la chope, plus particulièrement lorsqu’il mentionna son intention de rejoindre une caravane. Le Malsag cherchait à devenir Zeckea sous la tutelle d’un Oklilleirro. C’était prometteur.

Décontenancée par l’interrogation, Latone faillit recracher sa boisson. Le pire du potentiel accident fut évité, même si la Guide se fichait pas mal d’entacher son professionnalisme en compagnie de Daé.

" Oui, alors, ma caravane… Elle posa le récipient sur la table ; c’était une question complexe à l’apparence innocente. Je n’en ai pas vraiment. Dit-elle en se grattant le cuir chevelu. Disons que je vais de caravane en caravane, là où je me sentirai utile. C’est un peu tout ce que les Guides faisaient avant, même si cela ne se fait plus trop. Une telle hiérarchie s’avérait inexistante auparavant. Mais un jour, je formerai une caravane avec les meilleurs de la Marche. " Des candidats lui vinrent en tête.

Soudain, le jeune homme métamorphosa sa tenue pour quelque chose de plus typique, dirons-nous. Décidemment, Daé possédait une magie intéressante et si spontanée. Il ne pouvait être qu’à l’aise avec les codes des Chants.

" Quelle chance de ne pas avoir besoin d’une putain d’armoire ! Commenta-t-elle avant de se lever. L’affaire était entendue. Bien, Daé, allons en ville ! Au diable l’usurpatrice, elle n’aura pas que ça à faire de la traquer ici bas. On va passer chez quelqu’un à Aria et après, je vais te faire rencontrer quelques Marcheurs. " Latone avait déjà un paquetage tout près, dans lequel elle engouffra une bouteille pleine du jus de poire. Une fois un couvre-chef en fourrure sur la tête, la Guide revêtit son rôle coulant de source.

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Le rythme effréné du sous-quartier accueillit le duo au sein du miasme des Marcheurs. À Aria, marchands et artistes se côtoyaient pour faire fleurir l’économie grandissante de l’Empire. Les commerces bâtaient leur plein, des crieurs chantaient les louanges de leurs produits afin de concurrence leurs voisins. Telles des joutes verbales dissimulant des coups de pied bien placés. Le tout, dans un esprit bon enfant et le plus possible jovial. Le côté rustre des Marcheurs s’illustrait bien plus ici que dans le haut-quartier, les guerriers partant à la conquête des établissements ludiques et restaurateurs une fois leurs tâches accomplies.

" Et c’est pourquoi je me suis mis au tambourin, car on m’a assurée que ce serait plus mon style. C’est simple, c’est percutant, comme moi. Mais c’est vrai, j’avoue que j’aime bien taper sur des trucs, alors si ça peut faire de la musique, tant mieux. " Depuis leur départ, ils n’avaient fait qu’enchaîner les débats sur les instruments, ce qui aidait à pas mal écouler le temps durant le trajet. Leurs palabres respectives étaient si bordéliques qu’il semblait improbable qu’ils se comprenaient sur toute la ligne.

C’était dans ce capharnaüm orchestral que la Kirzor voulait attirer le Miirafae. Ainsi accoutrée de son imposant manteau de bête et de sa chapka, on ne devrait pas l’importuner au moindre regard. Latone finit par indiquer une modeste boutique, dans laquelle elle pénétra sans ménagement. Généralement, quand on connaissait la personne et qu’on était pressé de la voir, on ne toquait pas à la porte. C’était ainsi à Ciel-Ouvert ; pratiquer des interdits pile devant l’entrée, c’était un risque de vie.

" Bonjour, bonjour, mais c’est Latone ! " Une brunette toute enjouée sortit de son atelier pour accueillir les visiteurs. Le cliquetis des clés à ses oreilles résonnait à chacun de ses gestes.

" Hé, je te présente Daé, un Malsag. " Ceci fait, Latone déposa son sac sur un comptoir.

" Salutations, tu peux m’appeler Cicataz, Latone t’a sûrement déjà parler de moi ! "

" Je lui ai dit de ne pas trop te poser des questions, au risque tu ne lui proposes des expériences loufoques. L’ingénieure fit la moue, ce à quoi la Guide répliqua par un tirage de langue. Tu te rappelles de notre discussion sur les poires ? La concernée acquiesça vivement de la tête. J’aimerais vraiment les vendre, je veux que le monde connaisse les Jun ! "

" Ce serait merveilleux, mais comme on en a déjà parlé, tu devrais les renommer "Jen". Au moins pour la dénomination commerciale. " La Bleue croisa les bras, plutôt mécontente.

" Je sais, je sais, "Jun Taiji c’était un connard", "Jus de Jun ça fait dégueulasse", ou encore "Jun ça veut dire moche en Réprouvé", je connais la chanson à force. " Cicataz haussa les épaules.

" En plus, tu pourras séduire les Magiciens avec ce nom, comme avec leurs Jardins. Ce qui en soi n’était pas déconnant, étant donné la proximité des Terres du Lac Bleu avec le Voile. Dans tous les cas, ça fera un carton ! Tu as déniché un trésor, ces poires sont divines et… ! " Latone extirpa le récipient et un sac de poires de ses affaires, les yeux de l’inventrice s’illuminèrent aussitôt.

" Voilà tes échantillons. Je ne comprends toujours pas ce que t’essayes d’en faire, mais tu m’as promis que ce serait grandiose. " Elle rassembla l’offrande avec vivacité.

" Et ça le sera ! C’EST PROMIS ! " Cicataz leur ferma la porte de l’atelier à la porte.

Aussi amusée que décontenancée, Latone haussa les bras à l’attention de Daé. Ils n’avaient plus qu’à sortir de la demeure pour poursuivre la visite.

" Je t’avais dit qu’elle était tarée. Réitéra-t-elle en refermant la porte derrière eux ; ce qui en soi était un compliment par ici. Donc voilà, c’est le quartier Aria, là où transitent tous les commerces et les visiteurs. Si tu as besoin d’équipements, c’est par là. Pareil si tu as envie de te détendre après une mission. D’ailleurs, son regard vogua dans une direction bien précise. Et si on allait boire pour te trouver une caravane ? " Proposa-t-elle en désignant du pouce une taverne au coin de la rue. Le meilleur endroit pour y faire des rencontres.

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(La fiche PNJ de Cicataz est ICI)