Partenaire : Phobos Intrigue/Objectif : A'Hawé est une très jeune chamane qui suit le chemin que lui ont tracé les Aetheri. Mais, pour elle, les Esprits restent silencieux. En rentrant de sa balade, elle tombera sur un objet très mystérieux, appartenant à ce qu'elle identifie comme l'Esprit des Souhaits. A'Hawé devra faire preuve d'intelligence pour déceler le vrai du faux, et - peut-être - voir au-delà des apparences.
‘ Encore une fois ! ’ répéte Bourgeon de sa petite voix fébrile.
Tu ne sais pas pourquoi mais, ce chant, tu l’aimes beaucoup. Tu ne te rappelles ni où, ni quand tu l’as entendu pour la première fois ; mais, tu te souviens exactement des endroits où tu l’as entonné : sous l’arbre aux feuilles qui tombent, à proximité des murs de roches et dans la clairière au mille senteurs. Aujourd’hui, c’est face à la plaine des pieds-dans-l’eau que tu te tiens. Ton corps chétif dodeline sous les assauts du vent frais qui t’apporte l’odeur de l’océan. Piquant et salé, c’est un parfum que tu apprécies. Tu frissonnes sous la brise marine ; elle s’infiltre à travers tes vêtements amples, durcissant tes tétons et couvrant ta peau d’une fine couche bubelée. Malgré le froid, tes lèvres ne tremblent pas, comme si l’exercice auquel tu te prêtes les préserve du grelottement. Sans agacement aucun, tu réponds à la demande de ton ami. Tu bombes le torse et prends une grande inspiration. L’air glacé te brûle les poumons, mais tu te détournes de la douleur. Ouvrant les bras pour accueillir la grâce de Kennocha, tu laisses s’exprimer son art à travers toi.
« Éclairée par la lueur de Phoebe, Elle marche sur le lac gelé, L’Aether aux yeux de pluie, Que les vents ont transportés.
Cantique mélodieux, Et danses raffinées, Dans un châle mystérieux, Elle poursuit sa traversée.
L’arc-en-ciel étincelle, Dans les cristaux glacés, Couleurs cérémonielles Destinées à l’invoquer.
Mais quand le feu de Jeriel brûle, Tout là haut dans les cieux, Chassant les zones d’ombre, Nul trace de la moribonde. »
Tu t’arrêtes tout à coup, prise d’un étrange pressentiment. Le conte sonne bizarrement dans ta bouche. Pourtant, tu le connais - ce n’est pas comme ça qu’il doit retentir. La nuance est presque imperceptible, mais tu es soudain convaincue que quelque chose a changé.
‘Pourquoi tu t’es arrêtée, A’Hawé ?’ demande ton compagnon, interloqué.
« Je ne sais pas, lui confies-tu. Le son n’était pas aussi harmonieux qu’il aurait dû l’être.»
‘ Mais non, c’était très bien ! Moi j’aime beaucoup cette chanson. Tu l’interprètes vraiment bien. ’
Il ne comprenait pas ce que tu voulais dire, mais ce n’était pas sa faute. Tu savais que - contrairement à Kari - il n’avait pas conscience des subtilités de l’Art. Il n’était pas un adulte, encore moins un membre de la tribu. Mais c’était ton ami, et cela te suffisait. Une nouvelle vague glaciale t’engouffre. Tu frissonnes.
« Il commence à être tard. Je pense qu’on devrait rentrer. »
Tout à coup, tu n’as plus envie de t’éterniser ici. Bourgeon vient te rejoindre de mauvaise grâce ; il sait que lorsque tu rejoindras le campement, vous devrez à nouveau vous séparer. Il se remet en position sur ta tête. Tu souris. Son contact contre ta nuque dégage une chaleur agréable. Tu te sens plus forte et plus téméraire à ses côtés. Tu te mets en marche comme à ton habitude.
‘ Hé, c’est quoi ce truc ?’
Tu relèves la tête de tes épaules, intriguée par la curiosité qui s’éveille chez ton compagnon. Il te guide de ses gestes experts. Tes bras et tes jambes se meuvent sur le sol avec aisance et rapidité ; il ne te faut que peu de temps pour te rapprocher de l’objet. Soudain désireuse de l’étudier, tu t’assoies. Tes mains le triturent avec habileté. C’est une surface lisse et douce, à la forme rectangulaire et aux bords légèrement arrondis. Tu n’as jamais rencontré de telle chose.
« Qu’est-ce que c’est ? » t'interroges-tu à haute voix
Post I - 585 mots
Bellada Ward ~ Magicien ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 913 ◈ YinYanisé(e) le : 30/07/2018◈ Âme(s) Soeur(s) : Gilbel ♥ ◈ Activité : Cuisiner avec amour !
L'interrogation résonne dans ton univers, te faisant rouvrir les yeux. Le monde tremble, se chamboule. Les couleurs se mélangent, tourbillonnent, s'amalgament jusqu'à former un puis de lumière par lequel tu te sens happé. Bien loin de te surprendre ou t'effrayer, le phénomène se révèle salvateur : tu l'accueilles avec soulagement. Tu ne sais pas combien de temps tu es resté enfermée dans ta prison. Le temps semble néanmoins s'étirer à l'infini et chaque récréation à l'extérieur est une bénédiction. Vaguement, tu réfléchis à la question qui t'a sorti de ta contemplation léthargique. Qu'est ce que c'est, ça ? Tu n'as pas non plus la réponse. Si l'on se contente de frôler la surface, sans doute parlerions-nous de la carte de tarot abîmée par le temps, cornée. Mais ceci est bien plus précieux qu'une simple carte perdue. Comment te définir, alors ? Faiseur de miracles, diable des rêves, manipulateur, menteur. Tout et rien de cela à la fois. Tu avais eu une identité, autrefois. Mais à force de voler les visage et de jouer un rôle, elle s'était peu à peu effacée, s'était changée en souvenirs qui s'était distillé dans le néant.
« Bonjour. » tu dis. Le son qui en ressort te semble strident, dissonant, tel les dents d'une fourchette grinçant contre une assiette. La voix est plus mélodieuse pour ton auditrice, cependant : douce et suave, tes cordes vocales semblent faites pour charmer. Ton audition néanmoins ne s'accorde pas aux mêmes sonorités que les mortels. En silence, tu détailles la nouvelle rêveuse qui tient ton sort entre ses mains. Son âge peu avancé te surprends. Tu aimes les enfants. Tu crois. Ils se prêtent au jeu des vœux sans méfiance et sans retenue. Des cibles de choix pour ceux de ton peuple. Certains esprits étaient déjà teintés d'ombres à cette période de leur vie : ceux là pouvaient donner naissance à d'intéressants pièges. Serait-ce l'un de ces êtres macabres ou ses demandes se cantonneraient-elles à de simples caprices enfantins et immatures ? Elle n'a pas l'air mauvaise. Un peu perdue. Quelque chose chez elle te dérange mais tu ne parviens pas à en comprendre la source.
« Tu es seule ? » La question est légitime : sous le couvert d'adultes, les pensées se font souvent plus restrictives, plus sage. On se laisse moins facilement aller. Ce n'est pas ce dont tu as besoin. En regardant autour de toi, tu réalises que tu n'es plus dans une ville. La nouvelle t'arrache une grimace. Les aires rurales sont souvent plus problématiques, les rêveurs se faisant plus rares. « Où sommes-nous ? » questionnes-tu.
Tu ne ressens pas le léger changement qui s’est opéré dans la toile magique. Tu ne vois pas plus la silhouette qui émerge à travers le tourbillon de lumière. Bourgeon s’est immobilisé, subjugué par ce spectacle hors du commun. Tu ne perçois pas les changements qui altèrent sa figure. Une voix retentit soudain. Tu sursautes alors que ton ami se dissimule derrière l’épaisse chevelure qui couvre ta nuque. Tu tournes la tête dans la direction d’où la voix t’es parvenue. C’est étrange ; le son semble si proche et - pourtant - tu n’as pas entendu son propriétaire approcher. Le phénomène est d’autant plus bizarre que ton compagnon est de nature méfiante ; il ne t’aurait jamais laissé approcher quelqu’un sans t’en informer au préalable. La voix douce et chaude sonne à nouveau. Tu conclus que tu n’es pas en danger. Ton corps se relâche ; étrangement rassuré malgré la peur qui devrait te ronger les entrailles. En cet instant, je regrette ta candeur et ton ouverture sur le monde. Et je prie Ethel qu’ils n’aient pas raison de toi.
« Bonjour ! »
Ton intonation pétillante respire la joie de vivre. Tu présentes ton plus beau sourire à l’inconnu qui se présente à toi. Au timbre de sa voix, tu imagines qu’il s’agit d’une femme. Mais tu n’en es pas sûre ; les sonorités aiguës sont trompeuses et se retrouvent parfois dans la bouche des garçons.
« Je suis A’Hawé, de la tribu de Raya. Je suis avec Bourgeon, mon ami, mais il se cache. Il n’aime pas trop les gens. Et vous, qui êtes-vous ? »
Tu penches la tête sur le côté, comme si cela te permettait de distinguer la forme de l’individu qui se tenait devant toi. Tu restes ainsi quelques secondes avant de te prendre ta décision : tu tapotes le sol de ta main délicate pour l’inviter à s’asseoir en face de toi : la terre y est moelleuse, l’herbe y est douce et malléable. C’est une place de choix. Ton anxiété a disparu ; tu as oublié le pressentiment qui te taraudait quelques instants auparavant.
« Tu n’es pas d’ici ? Tu devrais faire attention, les étrangers qui profanent la terre d’Awaku No Hi ne sont pas les bienvenus parmi nous, tu marques une pause avant de reprendre. C’est ce que les adultes racontent. »
Ton inconscient n’a pas lâché l’objet que tu as trouvé sur le sol. Pire, tu caresses la surface lisse comme s’il s’agissait du plus précieux des cadeaux.
« Moi j’aimerais bien découvrir le monde. C’est comment d’où tu viens ? Il y a des arbres et des animaux aussi ? »
Post II - 420 mots
Bellada Ward ~ Magicien ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 913 ◈ YinYanisé(e) le : 30/07/2018◈ Âme(s) Soeur(s) : Gilbel ♥ ◈ Activité : Cuisiner avec amour !
Tu observes l'enfant, une expression neutre sur le visage. Tu ne contrôles pas totalement ton enveloppe chimérique : chaque détail des mouvements te demande une concentration accrue. Bouger un bras ou une jambe te semble plus simple car il ne s'agit pas d'un détail trop pointilleux. En revanche, les mimiques sont d'un tout autre niveau. Il s'agit d'un réflexe inconscient, d'un geste que tu ne ressens même plus le besoin de faire : l'idée ne te traverse même plus l'esprit. Tu sais qu'il te faudra travailler dessus pour parfaire ton déguisement, pour mieux maîtriser ta comédie. Tes yeux se contentent pour l'instant de scruter son visage chérubin, d'essayer de t’imprégner de sa gestuelle.
D'un coup d’œil, tu cherches l'ami qu'A'Hawé évoque. Il n'y a personne aux alentours : tu supposes qu'elle a raison, ce camarade doit être particulièrement timide. « Je suis Djoëlle. » réponds-tu à la question de la fillette. Il s'agit de l'identité de ta dernière maîtresse. Une lyrienne de l'eau un peu trop prudente à ton goût. Tu n'avais pas pu en tirer grand chose, à ton grand désarroi : chacun de ses vœux - en plus d'être minimes - avaient été proféré avec des limites prédéfinies t'empêchant de laisser libre court à ta mesquinerie. Tu avais été contraint de répondre à ses attentes sans pouvoir la piéger, retirant tout le plaisir de ce petit jeu.
« Awaku no hi... » murmures-tu en écho. Ce nom ne te dis rien. Tu n'es jamais venu ici, ce qui explique pourquoi tu ne reconnais aucunement l'endroit. Du moins, si tu y a déjà mis les pieds, tu n'en gardes aucun souvenir. Il s'agirait d'une autre explication plausible : ta mémoire est comme le reste de ton anatomie : une volute de fumée qui s'échappe dès que tu essayes de mettre le doigt dessus. « Je ferais attention. » remercies-tu avec un geste de tête.
Tu souris, te délectant de la phrase innocente de l'enfant. Elle aimerait bien. Ses désirs étaient des ordres. « Oui. Il y a des plaines et des forets, des montagnes et des falaises abruptes. Il y a toutes sortes d'animaux également. » Plusieurs paysages se mélangent dans ta conscience, venant se bousculer hasardeusement dans ton esprit. Tu ne sais sur lequel t'accrocher, de prime abord : tout reste confus. Finalement, tu décides de te concentrer sur celui que tu connais le mieux, celui où tu te sens le plus à ta place et celui qui correspond le plus à sa question : Somnium est là d'où tu viens. Tu fermes ton poing : une lueur bleue s'en échappe un instant. Lorsque tu le rouvres, une perle avec la même aura y est nichée. Si l'on y regardait attentivement à l'intérieur, on pourrait voir les ruines du monde des génies. « Lorsque tu désireras voir l'endroit où je vis, tu n'auras qu'à avaler cette bille. » Avec un sourire, tu tends l'objet. « Mais ne le fait pas pour l'instant. » demandes-tu cependant. Si elle s'y rendait déjà, elle deviendrait la proie d'autres Djins, certains plus puissants que toi. Pour l'instant, elle était ta cible : à toi et à toi seul.
« As-tu d'autres rêves, petite ? » Il était ambitieux de demander les choses aussi abruptement. Ta magie et ton intellect n'étaient pas suffisamment développés pour que tu puisses accorder tous les vœux formulés par tes maîtres. Cependant, tu te sentais plus en confiance face à cette gamine à l'air naïf et inexpérimenté. D'après ses dires, elle n'étais jamais sortie de sa cambrousse. Cela devait signifier qu'elle n'avait pas non plus de grande aspiration. Si ce n'était pas le cas, cela te permettrait de mieux la connaître.
644 mots Vœu 1 : Découvrir Somnium - A'Hawé obtient une perle qui la conduira à Somnium après l'avoir avalé. La perle ne permet cependant pas de revenir, seulement de s'y rendre.
La réponse de l’étrangère est succincte. Plaines, forêts, montagnes, falaises : tu connais tout ces mots mais ne les as pas tous effleuré de tes mains. Cette fois-ci, tu perçois le changement dans l’air environnant ; la magie est à l’œuvre. Tu reconnais cette sensation que tu as bien souvent côtoyée auprès de ceux de ton peuple, mais elle est différente, sans que tu ne puisses la décrire. Elle est aussi dissemblable de celle de la tribu que de celle de Bourgeon. C’est une sensation nouvelle que tu essayes d’appréhender tant bien que mal. Alors que tu pensais la saisir, elle t’échappe. Tu te souviens soudain à quel point tes aptitudes sont ridicules. Ton incapacité à utiliser la magie et à percevoir les esprits est une honte pour tes congénères. Tu es la pire chamane que Raya n’est jamais accueillie en son sein. Tu as déjà entendu des adultes le murmurer à voix basse. Mais tu ne désespères pas, convaincue que tu finiras par trouver le sens à donner à ta vie.
Une nuance de tristesse marque les traits de ton visage. Je la reconnais cette expression à mi-chemin entre le chagrin de la privation et la détresse d’être prise en pitié. Tu t’efforces d’élargir ton sourire et de donner un ton jovial à ta voix alors que l’étrangère te tend le petit caillou.
« Je suis désolée. Je ne peux pas accepter votre cadeau. Moi, je n’ai rien à vous offrir et…pour ne rien vous cacher, il ne me servirait à rien. (Les yeux grands ouverts, tu lèves la tête vers l’origine de la voix. De l’index, tu désignes le blanc de tes pupilles et, comme si cela ne suffisait pas, tu reprends la parole.) Je suis aveugle. Vous devriez l’offrir à quelqu’un d’autre, quelqu’un qui pourra en profiter. Vous ne pensez pas ? »
Le ton de ta voix est enfantin mais la sagesse de tes paroles est celle d’une adulte. Finalement, ton incapacité à voir est davantage une bénédiction qu’un handicap ; grâce à lui, tu déjoues le piège de l’être vil qui se tient face à toi. Je suis fier de toi, Plume.
« Avoir un rêve ? »
Tu sembles encore plus perdue que d’habitude. Tu sais que les Esprits viennent visiter ceux de ton peuple dans les rêves - mais tu n’en as jamais eu. Tu penches la tête sur le côté. Tu n’es pas bien sûre de comprendre ce que ton interlocutrice veut de toi. Alors, sans aucune gêne, tu lui demandes des précisions.
« Je ne comprends pas… Qu’entendez-vous par rêve ? »
Tu te figes soudain. Et si ?
« Vous êtes un esprit ? »
La surprise et l’émerveillement sonne dans ta voix. Tu relies faussement les mystères qui entourent cet être avec les histoires dont tu as déjà entendues parler. Serait-ce le commencement pour toi ? Ton désir de croire en cette chimère est si forte que Bourgeon capte tes pensées. Il te dirige de mauvaise foi vers l’inconnue, et - comme pour prouver ta théorie - c’est de l’air que tu enserres lorsque tu cherches à la prendre dans les bras.
« Oh ! C’est merveilleux ! Vous êtes le premier Esprit que j’entends ! Djoëlle, n'est-ce pas ? Ça vous dirait qu'on soit amies ? Je suis convaincue que nous pourrions bien nous entendre ! »
Post III - 518 mots
Bellada Ward ~ Magicien ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 913 ◈ YinYanisé(e) le : 30/07/2018◈ Âme(s) Soeur(s) : Gilbel ♥ ◈ Activité : Cuisiner avec amour !
Le refus de l'enfant te contrarie. Tu n'apprécies pas de voir ton travail ainsi gaspillé. Pire : tu as l'impressions qu'il s'agit là d'une façon de dénigrer ton oeuvre, de montrer qu'il ne s'agit que d'une piètre performance - sans doute l'est-ce, en comparaison des prouesses de tes pairs, mais la sentence n'en est pas moins désagréable à supporter. Les sentiments et les émotions tourbillonnent, grondent, se transforment en orage dissonant dans ta tête : tu ne parviens plus à penser correctement. Tu ne sais pas quoi faire. Tu ne sais comment réagir. Alors tu te contentes de ne rien faire, d'essayer d'appréhender cette boule orageuse qui trouble la chimère que tu es. Autrefois, tu aurais sans doute constaté quelques manifestations physiques de cette contrariété : un froncement de sourcil, des lèvres tordues, des poings serrés, un ventre noué, des mâchoires si contractées qu'elles en auraient été douloureuses. Mais là, rien. C'était, d'une certaine façon, plus atroce encore : comme de devoir contenir une tempête sans pouvoir en laisser s'écouler la fureur. Le seul choix qui s'offrait à toi était d'attendre que le pire passât sans essuyer de dégât. Libéré d'une emprise matérielle, tu devenais esclave d'autres contraintes que tu n'aurais jamais soupçonnées de ton vivant. « Non. Ce présent est unique. Pour toi. » La voix gronde, tonne, crisse, grince, coule. Résonne depuis ton entre jusqu'à ton être. Excédé, tu fixes la fillettes. Si tu avais maîtrisé ta mascarade, sans doute aurais-tu soupiré. Tu refermes ton poing et te redresses.
« Oui. Rêver. » répètes-tu. « Désirer quelque chose du plus profond de - » Tu es coupé par les exclamation de la fillette, qui se jette sur toi - ne palpe que ton immatérialité. Tu ne comprends pas véritablement son charabia mais, puisque cela semble lui faire plaisir, tu consens à jouer le jeu. « Je suis un esprit, oui. » dis-tu d'un timbre monocorde. « Et je peux être ton amie. Mais les amies... Ne refusent pas les cadeaux qu'on leur offre. » C'est une ruse fort peu subtile. Sans doute sentira-t-elle le piège. Tu te dois cependant d'essayer.
Tu regardes autour de toi. « Tu connais bien cet endroit ? » demandes-tu. Tu n'es plus intéressé par cette gamine ennuyante qui refuse tes services. Tu es désormais contraint de lui accorder deux vœux supplémentaires mais le souci reste qu'une fois exhaussés, il te faudra trouver un nouveau maître. Or, ici, perdu au milieu de nulle part, tu seras condamné à rester enfermer dans ton habitacle. « Y a-t-il un village aux alentours ? » demandes-tu.
Tu ne comprends pas vraiment pourquoi elle insiste à t’offrir ce cadeau. D’habitude, les gens sont plus réticents à donner ce qu’ils possèdent. Un souvenir te revient instantanément en mémoire. C’était une chaude journée d’été. Tu avais entendu que certains membres de la tribu Aylimr étaient de passage dans le campement. Tante Koko t’en avait longuement parlé, t’expliquant le rôle que les dieux leur avait octroyé. Elle t’avait fait visiter les étals aux mille et une odeurs inconnues Mais bien vite, ta curiosité naturelle eut raison de toi. Tes petites mains s’étaient plongées dans l’un des bacs pour tâter les fruits qui s’y trouvaient. Tu en avais attrapé un pour l’attirer à toi. Son parfum délicat te plaisait beaucoup. Tu l’avais approché de ton joli nez en forme d’oiseau pour en savourer davantage l’effluve. Mais quand tes dents l’avaient croqué pour en découvrir le goût, les cris de l’homme t’avait fait sursauter. Ses reproches marqués de colère étaient gravés à jamais dans ton esprit - et la claque monumentale dont t’avait gratifié ta tutrice n’y était pas pour rien.
« Vous êtes vraiment sûre que je peux l’avoir ? Parce que je n’ai vraiment rien à vous donner… »
Tu regardes le sol. Consciente que - si tu acceptes - tu lui seras redevable. C’est ainsi que cela fonctionne dans ta tribu. Tu n’es pas réellement sûre que cela te soit profitable ; après tout, tu n’as pas besoin de cet objet. Pourtant, ta conscience te pousse à répondre favorablement à l’inconnue : tu n’as pas envie de la peiner. Tu es son amie après tout et - comme elle vient de te l’apprendre - les amies ne refusent pas les cadeaux.
« D’accord. Merci Djoëlle ! »
Tu tends le creux de ta main, prête à accueillir la bille. Elle est toute ronde, froide et lisse. Tu n’as jamais rien touché de pareil. Machinalement, tu la fais rouler entre tes doigts.
« Oui, je connais bien ici. Il y a ma maison pas très loin, aux abords du village. Je peux te montrer si tu veux. Ne t’inquiète pas, tu ne risques rien. Les Esprits comme toi sont les bienvenus à Awaku No Hi. »
Tu glisses le précieux présent de Djoëlle dans ta poche et te repousses du sol. Les fesses en l’air et la tête près de l’herbe, tu entames ta marche vers le campement. Bourgeon - qui a enfin daigné sortir la tête de tes cheveux - grimpe sur la tienne pour te guider.
« Arrête Bourgeon, tu me chatouilles » rigoles-tu alors qu’il prend appui à la base de ton cou pour se hisser au sommet de ton crâne.
Tu prends alors conscience que tu ne l’as pas présentée à ta nouvelle camarade.
« Je te présente Bourgeon ! Il est un peu timide, il ne faut pas lui en vouloir, commences-tu avant de changer de sujet, comme rappelée à tes obligations. Bon, on y va ? Je vais te présenter à ma Tante Koko. Elle va être super contente - tout comme moi. Normalement, les autres perçoivent les Esprits à la naissance. Mais moi c’est la toute première fois, alors les autres ils se moquaient de moi… Mais c’est fini maintenant ! C’est super, hein ? En tout cas, je suis vraiment heureuse que tu sois la première que je rencontre ! »
Post IV - 534 mots
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Tu suis l'enfant, qui a gardé sur elle ton habitacle. Tu ne sais où est ce qu'elle a pu ranger la carte de tarot mais puisque tu es capable de la suivre sans que l'attraction de l'objet te coince en arrière, tu en conclus qu'elle le porte caché quelque part sur elle. Tu scrutes les alentours, avide de découvrir son village, là où se trouvent de potentielles cibles. Si l'enfant était une proie de choix à cause de sa candeur, tu restes trop contrarié de sa réaction pour analyser la situation comme elle le devrait. Tu la suis dans ce qui pourrait être le début de tes ennuis.
« Les esprits comme moi ? » interroges-tu, ne comprenant pas pourquoi elle continues à t'appeler de la sorte. Ça n'avait pas grande importance : tu étais prêt à devenir tout ce qu'elle désirait. C'était cependant la première fois que tu entendais ce nom répété avec autant d'acharnement. Peut-être était-ce dû à ta soudaine apparition, sortie de nulle part ? Ce qui t'interloquait davantage, cependant, était ce qu'elle avait dit. Les esprits. L'emploie du pluriel ne te rassurait guère. Cela signifiait-il que d'autres génies avaient déjà la main-mise sur le reste des habitants ? S'ils te voyaient arriver ici, ils risqueraient de te considérer comme une menace, un parasite venant leur voler des proies. Tu ouvres la bouches pour poser des questions mais est interrompue par le rire de la gamine.
Tu observes la choses qui lui est monté sur le sommet du crâne. Bourgeon. L'ami dont elle t'avait parlé plus tôt. Tu ne t'étais pas attendu à voir cette étrange créature : tu avais à la place imaginé un autre humanoïde ou bien une peluche à qui elle aurait inventé une personnalité... tu lui jettes un mauvais regard, décidant que tu n'es pas capable d'envoûter cette chose pour lui arracher des vœux.
De nouveau, les paroles de la rouquine t'interpellent et t'inquiètent un peu. « Pourquoi n'étais-tu pas capable de nous percevoir plus tôt ? Quelque chose cloche chez toi ? » Ta voix n'est pas médisante, simplement étonnée. « Et... Y-a-t-il beaucoup d'autres esprits, chez toi ? » demandes-tu. « Je pense qu'il serait plus prudent d'attendre un peu avant que tu m'amènes à eux... » Tu réfléchis une seconde, marquant une courte pause pour trouver un prétexte pour justifier ta demande. « Si tu veux que ta tante soit vraiment fière de toi et que les autres arrêtent de se moquer de toi... Ne faudrait-il pas être certaine que tu puisses tous nous voir ? Si tu veux, je peux t'aider à t'entraîner. Mais pour ça, j'ai besoin de tout savoir sur les autres esprits. Que t'ont racontés les autres habitants à leur sujet ? »
« Personne n’a jamais réellement su dire pourquoi je ne percevais pas les Esprits. Certains dans la tribu pensaient que j’étais maudite et que je n’y arriverai jamais. Mais tu es la preuve que Tante Koko avait raison et que je ne suis pas victime d’une condamnation divine. »
La voix de ton amie semble perdre de son assurance. L’hésitation de son timbre étire tes traits dans une moue de surprise. Tu ralentis le pas malgré toi, perdue face à cette curieuse sensation qui te chatouille les entrailles. Tu ne sais pas réellement dire pourquoi, mais tu as soudain un étrange pressentiment. La graine du doute a germé dans ton esprit et tu cueilles à présent les fruits de l’évidence. Tu ne veux pas croire que Djoëlle n’est pas ce qu’elle dit être. Tu tentes de repousser cette idée mais elle revient inévitablement te hanter. Les questions de ton amie révèlent son manque de connaissance sur sa condition ; et tes pairs t’en ont appris suffisamment pour que tu puisses t’étonner de ses interrogations.
« Tu ne vois pas les autres Esprits, Djoëlle ? »
Tu n’as jamais entendu parler d’un Esprit incapable de percevoir les siens. Ces récentes révélations entretiennent le malaise qui te tourmente. Tu n’oses pas confronter la dame ; tu as peur de ce qu’elle pourrait te faire. Tu ne te sens plus en sécurité auprès d’elle. Tes jambes tremblent imperceptiblement.
‘Cours, Plume !’ Mon cri retentit comme un claquement dans l’air mais tu ne l’entends pas. Je lutte contre ma nature pour que tu perçoives mon désarroi ; mais tu restes sourde à mes appels. Et lorsque je m’attaque à la menace, cette dernière ne paraît pas plus réceptive à mes injonctions.
Les idées se bousculent à la recherche d’une astuce pour te tirer de ce mauvais pas. Djoëlle n’a pas l’air hostile mais tu ignores comment elle réagira lorsque tu lui avoueras que tu connais la vérité. Tu te convaincs qu’il vaut mieux entrer dans son jeu et tu ne relèves pas les incohérences de son mensonge. Quelque part au fond de toi, tu regrettes que Tekoa ne soit pas là ; sa présence sécurisante te donne le courage d’affronter les dangers. Le garçon saurait quoi faire et te protégerait de cette chose qui se faisait passer pour un Esprit, tu le sais. Mais il est absent, et tu ne peux compter que sur toi-même. Tu es trop fragile, trop petite et trop démunie pour faire face seule à ce danger ; tu prends rapidement conscience que la seule possibilité pour toi de lutter est de rejoindre le village au plus vite. Mais la chose qui t’accompagne paraît soudain réticente à l’idée de te suivre jusqu’à la tribu ; l’évocation des Esprits semble la mettre mal à l’aise. Tu crois comprendre qu’elle préférerait ne pas en rencontrer sur son chemin, alors tu lui racontes ce qu’elle veut entendre.
« Normalement, tu devrais pouvoir percevoir les autres Esprits mais peut-être que tu es comme moi ? C’est peut-être pour ça que je peux t’entendre ? Il faudra demander à Tante Koko, elle saura ! lances-tu d’un ton faussement enjoué. Par contre, si j’ai raison, ça ne servirait pas à grand chose de m’entraîner, tu ne penses pas ? Et puis, cela fait longtemps qu’il n’y a pas eu d’Esprit dans le village, les habitants seront content d’en accueillir un. Depuis qu’ils ont migré vers le nord, pour prêter main forte à la tribu Mior, nous n’en croisons plus beaucoup. »
Le mensonge est simple mais tu espères qu’il suffira. Pour le bien de ta survie, tu n’as pas d’autre choix.
Post V - 591 mots
Bellada Ward ~ Magicien ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 913 ◈ YinYanisé(e) le : 30/07/2018◈ Âme(s) Soeur(s) : Gilbel ♥ ◈ Activité : Cuisiner avec amour !
« Je n'en vois aucun autour de nous, en ce moment. » réponds-tu spontanément, observant les parages. Ce n'est qu'une fois les mots sortis de ta bouche que tu réalises le timbre surpris qui teintait la voix de l'enfant lors de sa question. Ce n'était pas quelque chose de normal. Es-ce que cela signifiait qu'il y aurait dû y avoir d'autres Djinns ici même ? Leur puissance leur permettait-elle de sonder les alentours, et de percevoir ta présence malgré la distance ? Non... Pourquoi s'attendait-elle à ce que tu les vois, dans ce cas ? Inquiet et ne comprenant pas la situation, tu t'empresses d'ajouter : « Peut-être qu'ils ne sont tout simplement pas ici. C'est vrai, si tu ne peux ni les voir, ni les entendre, tu ne leur es d'aucune utilité. Il n'y a pas de raison pour qu'ils perdent leur temps en restant à tes côtés. Ils accompagnent sans doute des gens plus intéressants que toi. » Tu espères que les paroles, méchantes, détourneront son attention de ses doutes pour se focaliser sur tes méchancetés. « Mais ne te fais pas de souci. Moi, je resterai à tes côtés aussi longtemps que tu en auras envie. Parce que nous sommes amies. » ajoutes-tu. Voilà une façon de l'attirer dans tes filets - du moins, tu l'espères : décrédibiliser les autres et paraître plus sympathique à la pauvre fleur face à toi.
« Mmh... » Tu t’arrêtes à l’entente des paroles de la plus jeune. « Je suis spécial, en effet. Mais ne te fais pas d’inquiétude pour moi. Je vois parfaitement les esprits, moi. » répliques-tu. Malgré les altérations visuelles, tu parviens à percevoir ton environnement – bien plus que la gamine. D’ailleurs, sa cécité n’expliquait toujours pas pourquoi elle ne parvenait pas à percevoir les autres Djinns. Peut-être la jugeait-on véritablement indigne d’intérêt. « Le nord, hein ? » tu répètes. « Que s’est-il passé, pour que mes semblables s’y rendent tous ? » demandes-tu, curieux. Tu as besoin d’en apprendre davantage sur tes concurrents. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. S’ils tolèrent ta présence et te laissent approcher cette pauvrette sans défense, viendra un moment où tu chercheras à t’emparer de Rêveurs plus puissants et, à ce moment-là, tu auras besoins de savoir un maximum d’informations au sujet de ces autres Enfants de Pandore, afin de les battre si les choses devenaient trop tendues entre vous. Toujours était-il qu’une telle migration était étrange, pour des êtres comme vous. Les Mortels avaient-ils subits une catastrophe naturelle nécessitant votre aide pour réparer les dégâts ? S’agissait-il d’un conflit ? Tu ne connaissais pas suffisamment la région pour avoir de réponse.
Un souvenir te revient alors en mémoire. C’était étrange : tel un écho brumeux du passé. Si tu avais été capable d’en faire, tu aurais sans doute cru à un rêve. Il s’agissait d’une histoire, un mythe : une légende qui glissait d’habitacle en habitacle sans que l’on puisse savoir s’il s’agissait d’une vérité lointaine ou d’une fable populaire. Le récit racontait comment un Comte, avide de Pouvoir, avait collectionné des centaines de Djinns dont il gardait jalousement les habitacles en lieux sûr, faisant des Faiseurs de Rêves ses esclaves personnels. Son intelligence supérieure à la moyenne lui aurait permis de formuler des vœux suffisamment complexes et détaillés pour empêcher ses serviteurs de le manipuler et de l’affliger de contreparties dangereuses pour lui. Ce manège aurait duré des décennies, durant lesquelles il aurait abusé de la puissance des génies, avant que l’un d’eux parvienne à détourner son attention et, enfin, les libère tous de son emprise tyrannique. Était-ce ce qu’il arrivait dans ce village ? Déportait-on les génies entre la poigne d’un Mortel sans scrupule abusant de vous ? Pris d’effroi, tu baisses les yeux sur la silhouette juvénile. Etait-ce le sort qu'elle te réservait, à toi aussi ?
« A’Hawé. » La voix s’était faite plus grave. Le timbre s’était distordu, rouillé, désincarné : dans ta panique, l’être chimérique que tu es ne maîtrises plus son enveloppe factice, ne cherchant plus à préserver le masque. Tu perds le contrôle, ton apparence même s’altérant sans que tu ne t’en rendes compte. « Je ne veux pas retourner au village. » exprima ce qu’il restait de Djöelle. « Tu avais raison. Je suis un être spécial. Je suis un Esprit des Souhaits. Sais-tu ce que cela signifie ? » Comme une brise dispersant un écran de fumée, tu te désagrèges pour te matérialiser derrière la fillette. Se penchant à son oreille, tu murmures : « Ça veut dire que je peux exaucer tous tes souhaits. » Était-ce une bonne idée, d’en révéler autant à cette possible traîtresse ? Pourrais-tu te confier à elle, sans craindre qu’elle te livre quand même à la fin de votre contrat ? « Promets-moi de ne pas me livrer à ton chef et, en échange, je t’accorderai le reste de tes vœux. » C’était un marché plus qu’équitable. « N’aies crainte. Confie-moi tes attentes et tes rêves sans retenue. Demande-moi ce que tu veux, et je le rendrai réel. »
Djoëlle a perdu cette sympathie dont elle t’avait gratifiée lors de votre rencontre. Son ton est plus sec, ses paroles mesquines et blessantes. Tes yeux lui auraient lancés des éclairs s’ils avaient pu l’atteindre. Tes joues s’empourprent à mesure que tu accueilles le reproche. Tu n’es pas une fille inutile. Tu n’es pas inintéressante. Ta cécité n’est pas un handicap suffisant pour te faire perdre de la valeur. Tu le sais. Tu crois le savoir. Tu doutes. Et soudain, tu réalises que ces aveux t’affectent plus qu’ils ne le devraient. Tes murs de certitude s’effritent et les craintes tapies dans l’ombre déferlent dans ton esprit. Et si elle avait raison ? Et si tu n’étais d’aucune utilité aux esprits ? Les tiens ne t’ont-ils pas déjà dit que tu es un fardeau pour eux ? Peut-être les Esprits se détournent-ils de toi comme la plupart des enfants du village ? Peut-être eux aussi ont-ils peur de la malédiction qui te frappe ? Peut-être aucun d’entre eux ne t’adressera jamais la parole ? A cette constatation, tes yeux s’embuent de larmes qui roulent sur tes joues. La demoiselle n’est qu’une vipère ; un sale serpent persifleur soufflant son insupportable poison sur ceux qui s’affichent face à lui. Et quand elle se qualifie d’être ton amie, tu la rejettes avec violence.
« Non ! Tu n’es plus mon amie ! C’est très méchant ce que tu as dit ! Tu n’aurais pas du le faire ! »
Tu renifles et te frottes les yeux, tandis que tes sanglots s’aggravent. Tu as envie de partir en courant de tout ton soûl. De l’abandonner là, seule, à ruminer sa solitude. Elle se targue de parfaitement voir les esprits ? Très bien, qu’elle les cherche donc et leur pose elle-même toute ses questions. Tu n’as plus envie de passer un seul instant de plus en sa compagnie. Tu envisages la fuite. Peut-être Tekoa est-il dans la forêt lui-aussi ? Il est gentil, fort et courageux ; tu as envie de bénéficier de sa sécurité. Il a promis de te protéger mais où est-il alors que tu as besoin de lui ? Il devait te défendre contre les démons et - au fil des minutes - tu as de plus en plus tendance à croire que c’est ce qui te fait face en ce moment. C’est un menteur. Tu lui en veux de trahir sa parole. Et lorsque tu constates l’irrationalité de ce reproche, tu l’en accables encore davantage. Puis, tu te rappelles de votre rencontre. Il t’a appris à te battre pour faire face à la menace. Tu entends sa voix moqueuse te murmurer à l’oreille ‘Pleurnicharde’. Il a vraiment le don de t’agacer même quand il n’est pas là. Tu finis par te calmer et te dresses face à Djoëlle.
« Et pourquoi je te répondrais d’abord ? »
Tu croises tes petits bras sur ton torse pour cacher les tremblements qui parcourent tes mains. Un Bourgeon invisible grimpe sur ton épaule, profitant de son camouflage pour s’opposer lui aussi à ton ennemie. Mais quand sa voix perd toute trace d’harmonie, quand elle t’interpelle sur ce ton dissonant, grave, effrayant, tu te figes sur place, tétanisée. Toutes les leçons du monde ne t’auraient pas préparé à ce moment ; aucune ne t’aurait enseigné à combattre la peur. Mais les paroles se veulent réconfortantes, et ses aveux te rassurent. La voix du Lesovik sonne dans ta tête, te suppliant de partir. La mienne - que tu n’entends pas - t’exorte avec la même urgence. Mais tu n’en fais rien. Au contraire, tu tentes de te rapprocher de l’Esprit, cherchant à le percevoir au milieu des sons environnants.
« Pourquoi as-tu menti ? » déplores-tu d’une voix emplie de tristesse.
Les questions se bousculent dans ta tête mais aucune ne te parait plus pertinente que celle-là. Qu’importe qui elle était vraiment. Qu’importe sa méchanceté. Qu’importe les souhaits qu’elle peut réaliser. Qu’importe sa soudaine méfiance à l’égard du village. Tout cela est sans importance tant son mensonge t’a blessé. Et tout ce que tu souhaites, c’est d’avoir des explications.
L'interrogation résonne dans ton univers, te faisant rouvrir les yeux. Le monde tremble, se chamboule. Les couleurs se mélangent, tourbillonnent, s'amalgament jusqu'à former un puis de lumière par lequel tu te sens happé. Bien loin de te surprendre ou t'effrayer, le phénomène se révèle salvateur : tu l'accueilles avec soulagement. Tu ne sais pas combien de temps tu es resté enfermée dans ta prison. Le temps semble néanmoins s'étirer à l'infini et chaque récréation à l'extérieur est une bénédiction. Vaguement, tu réfléchis à la question qui t'a sorti de ta contemplation léthargique. Qu'est ce que c'est, ça ? Tu n'as pas non plus la réponse. Si l'on se contente de frôler la surface, sans doute parlerions-nous de la carte de tarot abîmée par le temps, cornée. Mais ceci est bien plus précieux qu'une simple carte perdue. Comment te définir, alors ? Faiseur de miracles, diable des rêves, manipulateur, menteur. Tout et rien de cela à la fois. Tu avais eu une identité, autrefois. Mais à force de voler les visage et de jouer un rôle, elle s'était peu à peu effacée, s'était changée en souvenirs qui s'était distillé dans le néant. 
![[Q] L'Esprit des Souhaits - Ft. Phobos 2exr](https://zupimages.net/up/18/33/2exr.png)
![[Q] L'Esprit des Souhaits - Ft. Phobos Babeld10](https://i.servimg.com/u/f63/11/31/94/29/babeld10.jpg)
