Astriid frémit de tout son être, ses prunelles inquiètes rivées sur le combat que menait son ami. Impuissante face à la monstruosité du céphalopode, ses doigts serrèrent avec force Pépite qui commença à s'approcher. La peur au ventre, Astriid ne souhaitait toutefois pas laisser le reptile seul face au prédateur. Au même moment, une lumière aveuglante lui dissimula la silhouette du reptile et elle fut forcée de fermer les yeux pour s'y soustraire. Quand elle les rouvrit, le pieuvre prenait la fuite et l'Ygdraë expira des bulles de soulagement. Comme si le monstre marin avait jeté un voile ténébreux sur les profondeurs maritimes, tout semblait plus lumineux en son absence. L'eau avait pris une teinte d'un bleu plus doux et avait une étrange odeur de framboise, les chandelles brillaient avec plus de force et se déplaçaient au grès des courants d'ondes. Plusieurs créatures apparaissaient ça et là maintenant que l'endroit était plus rassurant et bientôt tout un écosystème s'éveilla, aux écailles luisantes à l'instar de l'axolotl qu'ils avaient voulu sauver, nimbant les crevasses de halos tantôt indigos, tantôt ocres ou rose vif. Un nuage de minuscules poissons argentés se firent la course dans la dépression où ils se trouvaient, leur passage créant un courant qui fit se soulever la chevelure écarlate de l'Elfette. Plus loin, Astriid vit la créature rose qui s'était faite pourchasser onduler avec curiosité vers Papouille. D'abord hésitante, la salamandre renifla le reptile émeraude, puis rapidement, ses excroissances bleues se mirent à luire de toutes leurs forces et elle fit des cercles excités autour du reptile, piquant parfois audacieusement du bout du nez le corps de son sauveur pour l'inciter à faire de même. Astriid rit, amusée, avant de rejoindre leurs jeux. Si Papouille y mit de la mauvaise volonté, l'Elfette l'ignora et harcela le reptile de cajoleries et chercha à le chatouiller avec un bouquet d'algues qui trônait totalement par hasard sur une pierre plate près d'eux. Finalement lasse, elle se laissa flotter au dessus d'une étendue d'algues couleur de jade sur lesquelles des petites ventouses cherchaient à aspirer sa peau avant de la relâcher, la massant agréablement. Pensive, elle pencha la tête en arrière pour regarder le reptile réticent. Elle voulut parler mais seules des bulles réussirent à sortir de sa bouche. Un pli agacé barra son front et presque aussitôt, un hippocampe apparut, traînant derrière lui un coquillage transparent. Sans attendre une réaction de l'Elfette, l'hippocampe fit léviter le coquillage qui vint recouvrir la bouche de l'Ygdraë. «Mais qu'est-ce que... Oooooh ! Chouette ! Merci ! Papouille ! Tu viens d'où ?» Le reptile avait un quelque chose que les autres êtres qui l'entouraient n'avaient pas, peut-être était-ce son attitude ou autre chose d'indéfinissable mais il était différent et elle voulait savoir en quoi.
Je me débâtai dans l’eau, cherchant à m’éloigner de l’animal marin qui me tournait autour. Il reniflait bruyamment chacune des parties de mon corps, s’attardant sur mon arrière-train. Il me fixait avec les deux grandes billes bleues qui lui servaient d’yeux. J’y lu une invitation à répondre à son appel - mais c’était bien trop dégradant pour que je m’y contraignisse. Je grognai pour l’écarter sans que cela ait le moindre effet. Alors, je me glissai entre les jambes de la Rêveuse pour réclamer sa sécurité. Cependant, ce fut à son tour de me cajoler à sa manière. Je me laissai retomber sur le sol, abandonnant la lutte. Finalement, je me pris au jeu et m’amusai avec mes autres compagnons. Nous étions une troupe bien hétéroclite et - pourtant - nous étions tous coincés dans ce songe sans aucune échappatoire. L’Elfe avait su nous apprivoiser et nous fédérer en une communauté soudée - ce qui nous permettrait peut-être de relever les défis qui nous attendaient.
Je levai les yeux vers la rousse lorsque sa voix retentit à travers le voile aqueux. Le coquillage qui masquait ses lèvres roses en forme de coeur lui permettait désormais de se faire comprendre. Peu convaincu par la réciproque, j’émis néanmoins une série de sons sifflants, ponctués par quelques claquements de langue. Ses yeux écarquillés confirmèrent mes doutes ; elle ne saisissait aucun des mots que je prononçai.
« Oh ! Mais tu parles ! » s'étonna la créature que nous venions de sauver.
Je me tournai vers elle avec surprise. Il semblait être capable de me comprendre. Peut-être pouvait-il transmettre des informations à l’Ygdrae - était-ce pour cela qu'il avait été mis sur notre route ? L’espoir et l’enthousiasme teinta mes paroles qui fusèrent comme un geyser.
« Ola, doucement. Je vais transmettre ton message mais attend un peu, je n’arrive pas à tout suivre. Répète-moi ce que je dois lui dire, calmement. (Il se tourna ensuite vers Astriid et fit une petite culbute en guise de révérence). Je suis Ypop, merci de m’avoir aidé ! Et toi, comment t’appelles-tu ? »
Il attendit qu’elle lui répondît avant de lui avouer les informations que je lui avais confiées.
« Alors, je ne suis pas sûr d’avoir tout compris mais ton ami là (il me désigna d’un geste de la tête), c’est pas un animal. Normalement, c’est une femelle humanoïde - comme toi. Elle s’appelle Shalendra parait-il. Elle dit qu'elle a été métamorphosée en reptile et que nous sommes dans le Monde des Songes. Jamais entendu parler si tu te poses la question. Enfin, il s'agirait d'un habitant de ce monde et elle trouve qu'il s'y passe des trucs bizarres.… Moi je trouve que son histoire est un peu tirée par les cheveux. Tout ça me parait bien réel. Après tout, j'ai failli servir de repas à un gros calamar ! T’es sûre que ton ami est pas un peu (il baissa la voix) toc toc ? »
Un grondement lui fit comprendre que - même si je n’arrivai plus à parler cette langue - j’étais toujours capable de la comprendre. Il se posa sur l’épaule de la demoiselle et s’y lova pour se préparer à dormir. Un cri l’arrêta avant l’inévitable - le rappelant à son devoir de traducteur.
« Ah oui, elle dit que tu as plein de pouvoirs dans ce monde. D’après ce qu’elle dit, tu es la princesse de ce monde, d’une certaine manière… Il faudrait que tu essayes de lui rendre son apparence - comme ça vous aurez plus besoin de moi pour communiquer et - en plus - elle t'aidera à rejoindre 'la Réalité'. Enfin, moi tout ça me passe par-dessus la tête. J’y comprends rien. Mais si vous partez à l’aventure, j’en suis ! Mais pour l'instant, je vais dormir ici, ça m'a l'air confortable.»
618 mots
Astriid ~ Ygdraë ~ Niveau II ~ ◈ Parchemins usagés : 2367 ◈ YinYanisé(e) le : 03/04/2020◈ Activité : Empoisonneuse
Ses cheveux écarlates flottaient tels des algues écarlates, encadrant le visage ingénu de l'Elfette qui observait avec curiosité le manège entre les deux créatures. Papouille semblait passer d'une émotion à une autre, de la frustration à la joie puis à l'impatience. Elle aurait bien aimé pouvoir parler le langage des reptiles pour communiquer avec son ami. Surprise, elle émit un léger mouvement de recul quand l'amphibien se tourna vers elle et lui parla. «Oh mais tu parles ! Enchantée Ypop ! Je suis contente que tu aies échappé à ce vilain monstre. Moi c'est Astriid ! Je viens de Melohorë et ...» Elle s'arrêta en voyant que Papouille s'agitait pour parler et elle attendit patiemment que Ypop rapporte ses propos. Ses yeux s'écarquillèrent légèrement. Elle n'était pas certaine de comprendre, tout ça semblait quelque peu invraisemblable. Et Astriid n'aimait pas les choses compliquées. «Comment ça, Papouille n'est pas un animal ?» Répliqua-t-elle, le doute s'imprimant sur ses traits et lui faisant froncer le nez. «Ce serait une femme ? Mais... Elle n'a qu'à se retransformer en femme non ?» Annonça-t-elle avec une simplicité enfantine. Elle ne voyait pas bien le problème, en plus ça devait être chouette de pouvoir être un animal ! Elle, si elle le pouvait, elle se transformerait en Pvodhö ! Et elle ferait peur aux Faes et à son frère avec de gros rugissements qui s'entendraient partout dans les terres du Yin et du Yang ! «Le Monde des Songes ?» Elle regarda autour d'elle. Bon c'est vrai que c'était la première fois qu'elle voyait une grande table avec des chaises à dossier haut, des chandelles et de la vaisselle en porcelaine au fond de l'eau mais d'un autre côté, Astriid n'avait jamais été dans le monde des Ondins alors peut-être qu'ils pouvaient faire des choses comme ça eux, non ? De plus en plus perplexe, l'Elfette écouta Ypop continuer ce qui sonnait comme du charabia à ses oreilles. Elle était plutôt d'accord avec l'amphibien mais Papouille, ou Shalendra, n'appréciait pas qu'on ne la prenne pas au sérieux. Sa main se porta jusqu'à son cou pour caresser Ypop, les sourcils froncés pour démêler tout ce qu'elle venait d'apprendre. Elle prit un air contrit. «Je suis vraiment désolée Pap - je veux dire Shalendra - mais je n'ai pas de pouvoirs.» Elle se pencha pour lui chuchoter sur le ton de la confidence. «Nous les Eblaës, on pratique pas la magie, on apprendra plus tard car on est trop jeunes pour savoir comment faire.» Elle s'assit ensuite en tailleur puis dissimula un sourire. «Et puis, moi, je suis la princesse de mon papa, c'est lui qui l'a dit ! Pas de ce monde, quel qu'il soit. Mais si tu veux, tu peux être ma princesse à moi, comme ça, je te transfère mes pouvoirs et tu pourras faire tout ce que tu veux ! Enfin, entre nous, moi je t'aime bien comme tu es là, tu es toute mignonne et tu peux faire des choses chouettes !» Elle ne savait plus ce qu'elle disait. Elle pointa du doigt la table derrière eux. «J'ai un peu faim, pas toi ? » Sans attendre sa réponse, elle nagea jusqu'à la longue table rectangulaire. Une nappe flottait doucement au gré des ondes maritimes et plusieurs plats l'agrémentaient, recouvert par des cloches en métal cuivré. L'Ygdraë s'installa et se servit dans la cruche en porcelaine. Que le liquide ne se mélange pas à l'eau ne semblait pas la troubler et elle but dans son verre. Ses yeux scintillèrent et elle se lécha les lèvres avec gourmandise. «Du jus de pamplemousse ! C'est trop bon ! Tu veux que je te serve un verre Shalendra ?»
J’ignorai qui de l’entité, de la salamandre ou de la gamine m’exaspérait le plus. Mais ce fût bientôt le désespoir qui l’emporta sur l’irritation. J’avais espéré que l’Ygdraë pût m’aider suite à ces révélations, mais l’insolente refusait d'entendre mes paroles. Elle s’enfermait dans une bulle illusoire, accordant davantage de crédit à l’évident qu’au mystique. Si elle avoua volontiers n’être qu’une novice dans les arts ésotériques, elle n’en était pas moins une enfant écervelée, dénuée de clairvoyance. S’écoutait-elle proclamer ces absurdes bêtises ?
« Si je pouvais le faire seule, je ne te demanderai pas ton aide ! » maugréai-je en un sifflement déformé par ma mâchoire serrée. Le son était si faible qu’il s’évapora avant d’être capté par l’énergumène qui s’était mis à ronronner dans son sommeil. Mes deux grands yeux jaunes fixaient la rouquine avec sévérité alors qu’elle s’éclipsa pour s’installer autour d'une longue table blanche.
« Et, bien sûr, ça ne t’étonne pas qu’il y ait un banquet à vingt mille lieues sous les mers… C’est connu, les requins mangent à table, ironisai-je dans un mélange de claquement de langues et de dents. Mais à part cela, tu n’es pas la maîtresse des lieux… »
Je levai les yeux au ciel avant de la rejoindre. Elle s’était installée confortablement, relevant les cloches qui masquaient les mets conçus pour sa propre gourmandise. Je jetai un œil intrigué aux aliments qui m’étaient inconnus sans réellement m’attarder sur leur forme ou leur couleur. D’un mouvement de tête, je déclinai son invitation. Mon esprit était bien trop concentré à lutter pour ma survie, à se battre pour que je pus retrouver ma grandeur. J’eus soudain l’impression de n’être plus que l’ombre de moi-même ; prisonnière de ce monde qui m’avait accueillie et à qui j’avais dédiée ma vie. Dans le Monde des Songes, j’étais vouée à posséder des pouvoirs cosmiques phénoménaux, mais ils s’étaient réduits à un véritable mouchoir de poche. Je n’étais plus qu’une marionnette dans cette enchaînement de scènes grotesques, sans queue ni tête. Mais cela ne pouvait pas durer ; je ne le permettrai pas. D’un bond, je rejoignis l’épaule droite de la jeune femme pour titiller de mes pattes griffues la créature qui nous servait d’interprète.
« Allez, remue toi ! Je peux prouver que j’ai raison et que je ne suis pas folle ! » indiquai-je à ce dernier en le secouant de plus en plus fort.
J’attendis qu’il émergeât de sa sieste avant de m’approcher d’une grande assiette blanche surmontée d’une cloche en or - ne laissant rien deviner de son contenu.
« Demande lui de penser très fort à son plat préféré. Je suis certaine qu’en soulevant le couvercle c’est ce qu’elle trouvera dans cette assiette. Et si elle ne me croît toujours pas… Eh bien… Qu’elle pense à un magnifique arbre de feu sous l’océan, je suis sûre que nous ne tarderons pas à en croiser un si tel est son désir. »
Post X - 479 mots
Astriid ~ Ygdraë ~ Niveau II ~ ◈ Parchemins usagés : 2367 ◈ YinYanisé(e) le : 03/04/2020◈ Activité : Empoisonneuse
Grignotant une fine baguette aux céréales, Astriid suivait des yeux les mouvements du reptile. Qu'essayait-elle de lui faire comprendre ? Savoir que Shalendra était d'une intelligence supérieure lui avait fait un choc et elle espérait ne pas l'avoir vexée avec ses jeux enfantins. Que ferait-elle si elle était en fait une femme au grand âge ? L'Ygdraë réalisait avec retard qu'elle avait peut-être manqué de respect à une vénérable Sorcière qui lui jetterait un sort pour ses mauvais égards. La panique emballait les palpitations de son coeur comme le galop d'un cheval et elle reposa le mets sur la table, les yeux écarquillés. «Pardonne-moi si je t'ai offensée, Shalendra, ce n'était pas mon intention. Je jouais avec tous mes amis et je me suis peut-être un peu emportée mais je ne pensais pas à mal ni à faire preuve d'irrespect.» L'Elfe rousse baissa la tête sagement avant de glisser un regard dans sa direction. Elle n'avait pas tout compris du charabia rapporté par Ypop mais elle avait retenu que le reptile n'avait pas ses pouvoirs actuellement. Qui lui disait que la Sorcière ne la punirait pas une fois qu'Astriid l'eut aidée à retrouver sa puissance ? Et puis elle ne savait rien à comment l'aider elle. Elle n'était rien qu'une petite Elfette qui voulait jouer et apprenait presque avec sérieux ses leçons. «Je crois que tu fais erreur, Shalendra.» L'informa Astriid alors que le reptile prenait place en face d'elle. Mais l'Elfe n'était pas une héroïne et elle voulait clarifier le malentendu tout de suite. «Dis, ça t'embêterait de comprendre plus rapidement ?» S'enquit Ypop d'une voix ensommeillée dans son cou. «L'autre arrête pas de s'agiter et m'empêche de faire ma sieste. Tu seras bien gentille de rallumer les bougies là-haut. Ah. Et elle dit en gros que tout ce que tu imagines devient réalité et d'essayer avec la nourriture. Que tu verras bien. Maintenant, débrouillez-vous.» L'amphibien émit un dernier roucoulement râleur avant de se lover plus confortablement autour de la nuque de la rousse de manière à ce que sa chevelure lui fasse un abri. Perplexe, Astriid ramena ses prunelles émeraudes sur Shalendra. Prudente, elle lui parla d'une voix hésitante. «Si je t'aide, tu promets de ne pas me jeter de malédiction ? Tu es une Sorcière non ? Tout le monde sait qu'il ne faut pas vous faire confiance mais j'ai envie d'essayer. Je suis sûre qu'il y a du bon en chacun de nous. Comme du mauvais d'ailleurs, par exemple la dernière fois, j'ai oublié de nourrir mon poisson rouge et il est mort. Maman était furieuse et j'ai pleuré pendant trois jours.» Avoua la rousse d'une voix bouleversée. Comme s'il avait été appelé, un minuscule poisson rouge se mit à tournoyer autour de la tête d'Astriid, tout frétillant de bonheur. «Kooka ? C'est toi ?» Ravie, l'Elfette lui chatouilla le ventre avant de s'arrêter soudainement. Avaient-ils raison ? Était-ce possible ? Se remémorant les paroles d'Ypop, l'Ygdraë se concentra sur la cloche devant elle et pensa très fort à des patates douces braisées, à leur texture sucrée et fondante. Enfin, elle se saisit du couvercle en retenant sa respiration pour y découvrir l'exacte reproduction du plat que lui préparait son papa. Elle leva un regard à la fois effrayé et excité vers le reptile. «Tu avais raison.» Souffla-t-elle doucement. «Mais comment puis-je t'aider ? Je dois penser très fort à toi de nouveau sous ta forme normale ? Mais je ne sais pas à quoi tu ressembles moi.»
Ses excuses ruisselaient sur mes écailles comme les gouttelettes d’une bruine sur le point de disparaître. Je n’avais que faire de ses mots ; je n’attendais que ses actes. Que ces regrets fussent sincère ou non, seul comptait pour moi le résultat de son repenti. En réalité, je ne lui en voulais pas. Pas encore. Ce n’était sans doute pas de sa faute si la Chose l’avait désignée comme la maîtresse des lieux. Elle n’était probablement pas non plus à l’origine de ma condition. Mais elle serait responsable de mon état si elle venait à se réveiller en m’abandonnant à ce sort ridicule. Et ça, il n’en était pas question. Je ne l’aurai pas supporté.
Sans m’occuper de ses doutes et de ses hésitations, j’insistai tant auprès d’elle que de la salamandre pour qu’ils acceptassent de m’écouter. Il fallait qu’elle découvrît ce que je savais déjà. Alors seulement, nous pourrions avoir une discussion constructive sur ce qu’il conviendrait de faire. Heureusement, notre interprète paraissait avoir le sang chaud - et le manque de sommeil apparent attisa encore davantage son impatience. Je me félicitai de la nouvelle tournure que prenait les événements - mais attendis de constater le résultat avant d’afficher une quelconque satisfaction.
« Je ne suis pas une vulgaire sorcière ! indiquai-je en un rugissement aigu. Je suis la magie, je suis le Rêve. Ne me compare pas à ces vauriens. (Je savais qu’elle ne comprenait pas ce que je disais, mais la précision était trop importante pour mon ego.) Et non, je ne te ferai pas de mal, je ne te lancerai pas de malédiction. Je veux juste récupérer mon corps, mes pouvoirs… et quitter ce lieu ! »
Face à son regard incrédule - et à la fainéantise de mon traducteur, je cherchai à croiser son regard. Lorsqu’elle m’accorda un début d’attention, je le secouai de gauche à droite pour tenter de la rassurer sur mes intentions.
Ce fut à ce moment que le Songe décida d’entrer en scène. Un nouvel animal apparut et l’Ygdraë s’exclama avec surprise lorsqu’elle reconnut ce que j’identifiai comme son défunt poisson rouge. Je tentai un sourire, révélant des crocs tranchants et acérés. Pour confirmer ses soupçons naissants, la jeune femme se prit au jeu de mon test. Et - en constatant le résultat - finit par accepter ma vérité. Mais elle avait raison, elle ne pouvait pas me rendre ma forme normale aussi facilement qu’elle avait fait apparaître un revenant et de la nourriture. Je penchai la tête sur le côté, cherchant une idée appropriée.
Le silence s’installa un bref instant entre nous. Mes pensées se bousculaient les unes les autres dans mon esprit. Je bouillonnai, incapable de remettre de l’ordre dans l’enchevêtrement de mes idées. Et puis, la solution se dévoila comme une évidence.
« Ypop, j’ai encore besoin de tes talents - et si tout se passe correctement, ce devrait être la dernière fois. Demande lui de penser à un moyen de communiquer avec moi. Je ne sais pas ce qu’il adviendra ensuite mais - si nous pouvons nous comprendre - il sera sans doute plus facile pour moi de lui exposer mon plan ! »
Mes yeux brillaient d’un éclat nouveau lorsqu’ils se plongèrent dans le regard d’argile de ma sauveuse.
Post XI - 530 mots
Astriid ~ Ygdraë ~ Niveau II ~ ◈ Parchemins usagés : 2367 ◈ YinYanisé(e) le : 03/04/2020◈ Activité : Empoisonneuse
L'incompréhension baignait les prunelles de l'Ygdraë. Elle était possédée par l'irrépressible envie de fuir le reptile qui lui demandait de réfléchir pour aller s'amuser dans l'océan. Mais Seïh lui avait inculqué de ne jamais fuir devant les problèmes, aussi complexes soient-ils. Soudain, elle eut l'illumination. Elle se redressa et jeta un regard enflammé à la présumée Sorcière. «Laisse-moi faire Shalendra !» L'Elfette releva les bras au dessus de sa tête, une moue sérieuse plissant ses lèvres. Puis elle abattit ses petites mains à plat sur la table en serrant fort les yeux. Il ne se passa d'abord rien puis un vague murmure se fit entendre. Ses mèches rousses se soulevèrent et une profonde vibration provenant des entrailles du monde renversa verres et plats qui se trouvaient sur la table. Paniquée, Astriid s'accrocha à nappe mais un courant vicieux s'empara de l'Elfe et du reptile. L'Ygdraë tendit les bras vers Shalendra pour la protéger des remous mais elle se fit emporter aussi facilement qu'un fétu de paille. Sa vision s'évanouit dans un torrent tumultueux et elle perdit connaissance. Quand elle rouvrit les yeux, Astriid était assise à table. La voix de sa mère lui parvint. «Aide ton père à débarrasser Astriid.» La petite rousse se leva aussitôt pour emporter les assiettes et les couverts et trottina derrière son papa en pépiant. «Papa Papa Papa ! Papa ! Est-ce que tu vas m'aider à terminer mon bateau ? S'il te plaaaaaît ?» Il sourit et ébouriffa les boucles de sa fille. «Tu ne voulais pas aller t'amuser avec ton amie ?» Astriid fronça le nez et se tourna dans la direction où il regardait. Là bas, une petite Ygdraë patientait sagement. Croisant son regard, tout lui revint immédiatement en mémoire. Plus rapidement qu'elle ne l'aurait fait en temps normal, Astriid se débarrassa des couverts, les jetant presque dans la cuisine, et couru en direction de la petite Elfette. Vivement, elle lui attrapa la main et l'entraîna vers sa chambre. Elle cria à l'adresse de ses parents. «Je veux d'abord lui montrer mon nouveau doudou, on ira jouer dehors après !» La rousse installa Shalendra de force sur son lit après avoir repoussé à terre les dizaines de livres et de carnets de leçon qui l'encombraient et s'installa ensuite en tailleur devant l'Ygdraë. Pépite, qui n'était jamais loin, sortit de sous le lit et frotta son nez contre l'Elfette avant d'aller explorer un placard à la recherche de l'endroit parfait pour tisser sa toile. Astriid détaillait les traits de l'Elfe en face d'elle. Elle n'était finalement pas une Sorcière ! Elle était plutôt soulagée. Les iris brillant d'impatience, elle cala ses coudes sur ses genoux et coinça son menton sur ses mains. «Alors alors, raconte-moi tout !»
La prise de conscience de l’adolescente eût l’effet d’un cyclone. La bulle du Songe éclata, déchaînant une déferlante qui rasa tout sur son passage. La texture onirique s’étira tant qu’elle se déchira sous l’effet du souhait de la Rêveuse. L’Autre avait perdu sa mainmise sur la situation - la gamine détenait maintenant la clé pour maîtriser ce pouvoir hors du commun. Elle détruisit le monde pour le reformer à son image, hors de portée de la Créature qui nous guettait.
Je fus projetée violemment dans le décor rustique. J’étais attablée dans l’arrière plan de ce nouveau scénario. Mon regard se balada sur le souvenir d’un passé lointain. Nous étions dans une cabane rustique en présence de deux individus que je ne tardai pas à identifier comme les parents de la prénommée Astriid. Nos apparences étaient bien différentes de celles que nous arborions auparavant. La fillette ne devait pas avoir plus de huit ans dans cette configuration ; je savais que je n’aurais d’autres choix que de m’en accommoder. Quand à moi, je n’étais plus un reptile - mais ma frêle corpulence et la petitesse de mes mains étaient des indices éloquents de ma condition.
Un frisson m’envahit au moment où la voix familière de l’homme retentit. Une ébauche de souvenir tenta de remonter à la surface, comme attiré à moi par un lien invisible. Mais il s’enfonça de nouveau dans les abîmes lorsque l’elfe m’attira jusqu’à sa chambre. Je luttai mentalement pour rappeler à voir ce fragment de mon passé - mais il m’était définitivement inaccessible. Alors, les yeux brillants d’excitation, la gamine réclama une histoire. Je souris. Mon récit ne serait pas tout à fait fidèle à la réalité, mais qui m’en voudrait ?
« Merci pour ton aide, Astriid. Pourtant, je crains d’avoir encore besoin de toi pour la suite de nos aventures. Ce n’est pas facile à expliquer, alors je vais schématiser grossièrement les choses. Tu es actuellement en train de rêver - mais ce qui est juste une illusion pour toi, ne l’est pas pour moi. Je suis une créature qui vit dans les Songes - tout comme tu vis dans la Réalité. J’ai été créée à l’origine afin de réaliser les souhaits de ceux qui dorment ; pour veiller sur eux et les plonger dans un monde merveilleux qui leur permet d’oublier leur souci et d’apaiser leur peine. »
Ce n’était pas tout à fait vrai - c’était davantage l’idéal de Pandora. Mais elle n’avait pas besoin d’en savoir plus sur le sujet. Je craignis qu’elle n’acceptât de m’aider si je lui avouai que nous étions également à l’origine de ses pires cauchemars. A la place, je lui racontai les choses à la manière d’un conteur. Mêlant intonation, rythme et vocable dans une narration idéale.
« Dans cette dimension, je possède habituellement un pouvoir incommensurable qui me permet de changer d’apparence, de réaliser des voeux, de créer ou supprimer des choses. Mais, lorsque je suis entrée dans ton Rêve, quelqu’un - ou quelque chose - m’a dérobé cette faculté. Je suis désormais coincée ici, sous son emprise totale. Je ne sais pas réellement ce que ce truc te veut, mais j’ai dû transgresser nos lois et t’octroyer la lucidité afin que tu puisses lutter contre lui. Je crains qu’il ne finisse par s’en prendre à toi - ou à d’autres Rêveurs si nous ne l’arrêtons pas. Pire, je crains qu’il ne nous élimine tous, nous les créatures du Songe. Vois-tu, si tu te réveillais maintenant, alors que je ne suis plus en possession de ma magie, je serai probablement coincée en ce lieu pour toujours… A moins que je ne disparaisse au même titre que les illusions de ce monde… »
Les yeux emplis de détermination, je la transperçai du regard.
« Le temps m'est compté… M’aideras-tu ? »
Post XII - 620 mots
Astriid ~ Ygdraë ~ Niveau II ~ ◈ Parchemins usagés : 2367 ◈ YinYanisé(e) le : 03/04/2020◈ Activité : Empoisonneuse
Il fut difficile pour l'Elfette de ne pas interrompre Shalendra dans ses explications. Pour s'empêcher de lui couper la parole, elle attrapa une mèche entre ses petits doigts pour la tresser et la mâchonner ensuite sauvagement. Sous ses cheveux carottes, son cerveau était en ébullition devant les révélations de son amie. Les paroles qui sortaient de la bouche de cette petite fille étaient celles d'un adulte. Elles étaient lourdes de gravité et de responsabilité et chaque phrase accentuait le poids qui pesait sur les frêles épaules de l'Ygdraë. Elle ne comprenait pas vraiment cette histoire de rêves, c'était bien trop abstrait. Après tout, la vie reprenait son cours quand on se réveillait, non ? Pourquoi elle ne se réveillait pas tout simplement ? Ah oui elle habitait dedans. Astriid fronça les sourcils en réfléchissant. Personne ne vivait dans les rêves, ça n'avait pas de sens. À quoi pouvait ressembler sa maison ? Est-ce qu'elle mangeait des cookies ? Elle devait avoir des amis, pourquoi ne l'aidaient-ils pas ? Et pourquoi ses professeurs ne lui avaient pas parlé de ce monde ? Pourtant Shalendra était là et Astriid avait bien envie de la croire. Entre amies, on se fait confiance, c'était la base. Surtout qu'elle n'était pas une Sorcière mais une Créatrice de Rêves ; c'était un chouette métier ça d'ailleurs, peut-être qu'elle pourrait lui demander de lui apprendre ? Et puis Les Mages Noirs, ça n'allait sûrement pas dans les rêves et encore heureux sinon ils auraient envahi le monde de cauchemars. Peut-être était-ce déjà le cas ? Elle frissonna. Ses propres cauchemars prenaient source dans les histoires qu'elle entendait et soudain, ça la frappa. Si Shalendra vivait dans le rêve, est-ce qu'elle vivait aussi dans le cauchemar ? L'Elfette se mordit la lèvre. Son amie ne devait pas mener une vie facile. Il y avait peut-être moyen de l'aider à sortir définitivement de ce monde éthéré et comme ça, elles vivraient ensemble comme des sœurs ! Oui, elle tenait là une idée de génie. «Oui bien sûr que je vais t'aider !» Pépia la petite rousse avec confiance. Elle ne savait pas encore comment mais à deux, elles trouveraient bien une solution. Un index collé sur ses lèvres, ses réflexions creusèrent des ridules sur son front. «Alors si je résume. Il faut pas que je me réveille.» Elle commença à compter sur ses doigts. «Il faut trouver qui t'a piégée. Et ensuite, on lui donne une fessée et on lui dit d'arrêter ! On le privera peut-être de dessert aussi pour s'assurer qu'il recommence pas, d'accord ?» Ajouta très sérieusement Astriid à l'attention de Shalendra. «Alors on va commencer par découvrir la cachette du méchant.» Elle commençait à prendre goût à ce petit jeu. «Mmh, avec mes parents, on a des chiens de chasse, peut-être qu'on peut leur demander de chasser le méchant ? Ou alors je sais ! On demande de l'aide à la carte au trésor ! Je dois avoir ça dans mon coffre à jouet !» Les joues roses d'excitation, elle se leva aussitôt pour aller fouiller dans le-dit coffre et bientôt, doudous, poupées et artefacts magiques volèrent en tous sens dans la chambre déjà désordonnée de l'Elfette. Poussant un cri de victoire, Astriid ressortit la tête du coffre, un parchemin froissé dans son poing. Pressée de partir à la recherche du trésor, euh je veux dire du méchant, elle étala la carte vierge sur le tapis qui se couvrit bientôt de courbes et de mots et elle jacassa. «Voilà ! Bon je pense pas qu'il se cache dans les écuries du Roi. Non, soit il est dans la Forêt des Lucioles ou dans la Caverne des Esprits ! Qu'est-ce que t'en penses ?»
J’écoutai l’enfant avec gravité. Ses histoires abracadabrantes étaient grotesques et ridicules. Je me mordis la lèvre inférieure pour ne pas intervenir dans ses délires. Elle était capable de plier ce monde par sa propre volonté et, par là même, je me retrouvai piégée dans ses créations absurdes. Je me composai une figure enjouée pour cacher l’agacement qui aurait dû marquer mes traits. Je luttai contre moi-même pour ne pas lever les yeux au ciel. L’imagination débordante de cette fille était un problème avec lequel il me fallait composer. Si elle décidait de jouer à la chasse aux trésors à travers des prairies de guimauve, où des chats de berger en chocolat gardaient des chevaux en sucre d’orge, la chimère s’adapterait pour lui répondre à son désir. Elle possédait hélas une partie des pouvoirs dont j’étais privée. Je regrettai qu’elle ne fût pas une adulte plus raisonnée ; alors nous aurions sans doute pu agir de manière moins puérile. Mais je n’avais pas le choix. Le Destin m’avait cependant fait un cadeau : celui de mettre sur ma route une innocence aussi facilement manipulable. Je me pliai à la raison et entrai dans son jeu malgré moi.
« Oui, il ne faut pas que tu te réveilles, c’est important. Et pour le reste, je pense que ça serait une bonne chose si je pouvais retrouver ma magie avant d’affronter le méchant. Peut-être existe-t-il un moyen qui me permettrait de retrouver ce qui m’a été volé ? »
Je regardai la carte attentivement. Une nouvelle destination venait d’apparaître : la Cascade de la Connaissance. Je plissai les sourcils. Le Rêve avait-il répondu à mon appel ; ou avais-je influencé les pensées de la fillette ; à moins qu’il ne s’agît de la volonté de l’Autre ? Je l’ignorai. Je pointai le symbole dessiné sur la carte.
« Je pense que nous pouvons commencer par là ! Si le nom correspond bien à l’endroit, nous pourrons sans doute apprendre beaucoup de choses intéressantes en y allant ! Par contre, il y a deux routes : soit nous passons par l’étang gelé, soit par la fabrique de jouets. A ton avis, par où vaut-il mieux aller ? »
Je l’observai avec des yeux emplis de malice. Un sourire factice me barrait le visage ; il s’affirma néanmoins lorsqu’un sentiment nouveau secoua mes entrailles : une pointe d’amusement et de goût pour l’aventure. Il fallait croire que je prenais goût à cette stupide expédition. Je détournai de la gamine pour plonger mon regard dans le coffre.
« T’as d’autres trucs qui pourraient nous être utile dans notre quête ? Peut-être pouvons nous prendre l’un de tes chiens de chasse pour nous protéger ? Il pourra peut-être débusquer le méchant au moment voulu ? Enfin, je te laisse décider. C’est toi la maîtresse des opérations après tout. »
Post XIII - 470 mots
Astriid ~ Ygdraë ~ Niveau II ~ ◈ Parchemins usagés : 2367 ◈ YinYanisé(e) le : 03/04/2020◈ Activité : Empoisonneuse
Astriid, que l'appel de l'aventure exaltait, se pencha sur la destination pointée par Shalendra. Ses yeux étincelèrent. Pour toute réponse, elle échangea un sourire de connivence avec celle qui avait perdu ses pouvoirs. Il ne fallait pas perdre de temps. Nul ne savait quand l'Elfe allait se réveiller et songer que son amie resterait bloquée dans le monde onirique lui faisait froid dans le dos. Qui la protégerait des monstres cauchemardesques si elle n'avait plus de moyens de se défendre ? La rousse fouilla à nouveau dans son coffre pour dénicher de quoi les aider dans leur quête. Il y avait là une perruque aux boucles d'un vert si éclatant qu'il en faisait mal aux yeux et qui pouvait s'agrandir jusqu'à former un gros matelas léger et pelucheux, un petit miroir sans teint qui produisait une épaisse fumée mauve qui sentait le pruneau et permettant de dissimuler momentanément et de téléporter son utilisateur à plusieurs mètres de sa position initiale et enfin le dernier objet était une bille en obsidienne de la taille d'un poing qui lorsqu'on la brisait créait une bulle de rien où il n'y avait rien d'autre que le néant et les personnes se trouvant dans un rayon de cinq mètres. Comme il ne fallait pas non plus oublier l'essentiel, Astriid fourra une quantité impressionnante de cookies dans le sac. Si c'était un rêve, ça ne pouvait pas la faire grossir après tout et sa maman n'en saurait rien. Prêtes à aller faire décoller les méchants jusqu'au quinzième ciel, les deux jeunes filles ressortirent dans la cour, le coeur hardi et le pas volontaire. Là, un immense chien aux poils chocolats avec des tâches blanches se dressa sur ses pattes pour les accueillir et distribua une léchouille gratuite sur la bouille des deux petites avant de ployer les pattes avant pour les laisser grimper. Avec plus d'agilité qu'elle n'en avait hors des rêves, Astriid sauta sur son dos et tendit sa main pour aider Shalendra à monter derrière elle. La rousse sentait l'adrénaline embraser sa poitrine alors que le chien courait à une allure folle pour les mener jusqu'à leur prochaine destination. Rapidement, le paysage se modifia et d'un havre printanier qui sentait la primevère et le miel, les héroïnes furent projetées dans un univers au vent glacial qui rougissait leurs joues. Les arbres avaient perdu leurs manteaux de feuilles aux mille couleurs, l'herbe que foulait le chien était d'un gris triste et une vapeur glaciale montait de l'énorme étendue brillante du lac. En suspension au dessus, des planètes aux formes diverses flottaient de manière imperceptible. Astriid jugea plus prudent de descendre du chien pour réduire le poids de ce dernier. À tâtons, elle testa du bout du pied la solidité de la surface cristallisée. Le froid avait humidifié sa tignasse et Astriid rejeta en arrière sa frange pour se retourner vers Shalendra et la rassurer. Elle lui prit la main. «N'aies pas peur d'accord ? Suis-moi et tout ira bien !» L'apparence enfantine de son amie la trompait et elle oubliait qu'elle s'adressait à un être bien plus âgé et sage qu'elle. Le chien s'ébroua et s'élança d'un pas léger sur le lac. Plus prudemment, l'Ygdraë marcha à pas mesurés, retenant son souffle et les bras écartés comme pour s'envoler au dernier moment. Sa respiration produisait des petits nuages devant elle et elle gardait ses yeux fixés sur l'horizon. Le chien n'était plus là mais Astriid avait déjà oublié son existence. Le rêve faisait ployer la logique et déformait la réalité de sorte que rien n'étonnait la rousse. Pour meubler le silence qui les enveloppait, elle questionna son amie. «Dis-moi Shalendra, c'est quoi ton rêve ? Je veux dire, qu'est-ce que tu voudrais le plus dans le monde ? Qu'est-ce que tu feras une fois que tu auras retrouvé tes pouvoirs ? Est-ce que tu me montrerais ? Est-ce qu'on se reverra ?»
Nous quittâmes la chaleur réconfortante du foyer pour nous plonger dans la fraîcheur de l’inconnu. Le paysage se façonnait au rythme des pas de la bête sur le sol chimérique. Les arbres touffus accompagnant notre route empruntaient des nuances de plus en plus mordorées, jusqu’à se déposséder de leur plumage d’automne. Le givre masquait l’émeraude du sous-bois sous une couche de plus en plus épaisse. La nature mourrait à mesure que nous approchions. Et lorsqu’un vent glacial accueillit notre impudence, teintant de rouge nos fossettes joufflues, l’étendue irisée du lac gelé s’imposa à nous comme un désert hostile.
Je resserrai ma cape violine autour de mes frêles épaules, cherchant à contrer la brise qui me glaçait les os. De petits soubresauts incontrôlés secouaient mon corps engourdi. Je me fondis davantage contre l’épaisse fourrure du chien qui nous transportait. La tiédeur qui émanait de son contact suffisait à peine me revigorer.
« Il fait froid » lâchai-je dans un nuage de vapeur.
Astriid ne réagit pas face à l’évidence de mon observation. Elle quitta le couvert du mâtin et s’aventura sur la piste opaline. Son regard m’invita à la suivre et je mis pied à terre avec regret. Sa petite main serra la mienne avec fermeté. Elle me traitait comme une petite soeur à protéger ; sauf que j’étais la plus âgée des deux - et la plus consciente des dangers du lieu. Le chien s’élança à une vitesse folle sur le verglas, nous laissant seules - ou presque : Ypop et Pépite nous accompagnaient où que nous allions. Le petit être enroulé autour du cou de l’Ygdrae se pelotonna davantage contre la fillette tandis que l’arachnide peinait à avancer. Ses huit pattes velues adhéraient laborieusement à la surface lisse et il lui fallut du temps pour s’habituer au terrain glissant. Nous avancions prudemment, drapé dans l’innocence d’un silence auquel l’elfe renonça finalement.
« Mon rêve ? Je n’y ai jamais vraiment réfléchi. »
La question me déstabilisa et je me perdis un instant dans mes propres pensées. Plusieurs réponses s’imposaient à moi, mais aucune ne réussit à me satisfaire. Les projets et désirs de mes identités se confrontaient dans le torrent de ma réflexion. Je me délitai peu à peu sous leurs influences, perdant de vue les objectifs qui m’animaient réellement. La peur s’empara alors de moi. La sensation de vide qui m’oppressait grandit peu à peu, jusqu’à me submerger tel un raz-de-marée. La détresse ternit l’éclat de mon regard céruléen alors que je faisais face à la triste réalité. Je cherchai un semblant de réconfort dans les prunelles de mon amie. Et l’étincelle qui illuminait ses yeux chassa les ténèbres de mon âme. Mes idées s’éclaircirent et la solution me parut tout à coup évidente.
« Je pense que je voudrais me connaître, savoir qui je suis réellement. Je souhaite me rappeler mon passé, je crois. »
Je marquai une courte pause en constatant la teneur de mes aveux. Cette gamine m’effrayait : elle bouleversait mes convictions et démolissait, l’un après l’autre, les murs de ma forteresse intérieure.
« J’imagine que lorsque j’aurai récupéré mes pouvoirs, je m’en irai. Pour tout t’avouer, je n’avais pas réellement prévu de m’absenter aussi longtemps... Quant à si nous nous reverrons… J’imagine que oui ; mais je doute que tu me reconnaisses alors. Le Monde des Rêves est plein de faux semblants et il est difficile pour les non-initiés de voir à travers le masque des illusions. »
Je n’éprouvai aucun chagrin face à cette constatation ; pourtant, ma voix emprunta la résonance d’une profonde tristesse. Un sourire marri se dessina sur mes lèvres pulpeuses. A cet instant plus qu’en tout autre, le voile sibyllin du mensonge recouvrait mon visage et mes mots.
« Hé regarde ! » m'écriai-je soudain, non contente de détourner la conversation.
Je pointai du doigt un petit chalet de bois, situé à quelques mètres de là, sur notre droite. Une épaisse fumée grise s’élevait de la hutte, traçant des formes amusantes dans le ciel. J’attirai ma comparse vers l’établissement dans l’espoir d’y faire une halte revigorante. A mesure que nous nous rapprochions, je notai les effluves sucrées de chocolat et de cannelle qui parfumaient l’atmosphère. Ragaillardie par cette découverte inopinée, j’accélérai le pas. Et, alors que nous arrivions face à une grande porte, surplombée d’un écriteau dont les lettres noircies indiquaient ‘Location de patins et vente de chocolat chaud’, je frappai trois grand coups.
Post XIV - 723 mots
Astriid ~ Ygdraë ~ Niveau II ~ ◈ Parchemins usagés : 2367 ◈ YinYanisé(e) le : 03/04/2020◈ Activité : Empoisonneuse
Un pas après l'autre, les fillettes progressent avec précaution sur la surface givrée et glissante. L'espace d'une seconde, les yeux d'Astriid quittent le lac pour se plonger, surpris, dans ceux de son amie. «Tu... Tu ne te rappelles pas de ton passé ?» Glissa-t-elle sur un ton hésitant. Cela signifiait-elle que Shalendra n'avait pas de famille chez qui retourner ? Pas de souvenirs qu'elle pouvait se remémorer parfois avec un sourire ? Juste un vide béant. L'Ygdraë frissonna et serra davantage la main de la petite rousse. Elle voulait créer ça pour son amie. Le pouvait-elle dans ce monde où on lui disait qu'elle avait tout pouvoirs ? Ce n'était pas de la pitié. Juste un besoin irrépressible de faire connaître à la Donneuse de Rêves ce qui était pour elle le centre de tout. Astriid confessa d'une petite voix. «J'aimerais beaucoup qu'on se revoit. Si c'est le cas, est-ce que tu pourras me dire qu'il s'agit de toi ? Je vais prier très fort tous les soirs avant de dormir de pouvoir revoir Shalendra.» Malgré la joie qui teintait sa voix comme des carillons dans le vent, l'Elfette était troublée. Quelle était la véritable forme de son amie ? Ce n'était pas celle de cette petite Elfe rousse aux joues rebondies et aux yeux pétillants, ce n'était pas ce reptile aux grands yeux jaunes. Quelles autres apparences était-elle capable de prendre ? La rousse prenait conscience des faux-semblants qui enrobaient l'être de son amie. Dans ce monde éthéré, comment pouvait-elle se retrouver et savoir qui elle était vraiment ? Plongée dans ses pensées, Astriid suivit son amie sans un mot jusqu'au chalet de bois. La porte s'ouvrit, les invitant silencieusement à entrer avant de se refermer derrière elle. Il n'y avait personne dans la pièce. Pourtant, près de la cheminée, du chocolat chaud glougloutait dans une marmite ; sur la table, une énorme brioche encore tiède. Astriid retira ses chaussures pour ne pas salir l'épais tapis qui recouvrait le sol et quand elle s'approcha de la table pour humer avec avidité l'arôme de la brioche, la chaise recula d'elle-même avant de la pousser gentiment jusqu'à ce qu'elle s'assied. Cela déclencha un gloussement incrédule chez la petite rousse qui s'exécuta. Dès que Shalendra eut fait de même en face d'elle, deux gros mugs en terre cuite remplis de chocolat chaud lévitèrent jusqu'à elles. Gourmande, Astriid en but aussitôt une gorgée qui lui brûla la langue. Elle toussa en riant, ses pieds battant l'air avec excitation. «Dis Shalendra, tu crois que ce Rêve prends aussi en compte tes souhaits ?» Elle s'expliqua. «Parce que tu vois, maintenant que je sais que le Rêve se plie à ma volonté. Si je souhaite qu'il te rende heureuse toi aussi, est-ce que ça compte ?» Elle grignota un bout de brioche moelleuse puis reprit, la bouche pleine. «En tout cas ch'est chouette parchque grâche à tout cha ch'ai pu te rencontrer.» Elle déglutit et essuya sa bouche avec un sourire d'excuse vers son amie. «Tu crois que c'est un hasard ? Notre rencontre je veux dire. Peut-être que le Rêve a fait exprès de te coincer avec moi ? Peut-être qu'en fait, ce n'est pas moi que le Rêve vise mais toi ?» Pour une fois, l'Elfette était très sérieuse. Elle croyait avec fermeté au destin. De plus, des deux fillettes, c'était Shalendra la plus mystérieuse. C'était elle qui ne savait pas qui elle était ni d'où elle venait ? Elle ne savait même pas avec précision ce qu'elle voulait faire plus tard. Il était évident qu'elle était perdue.
« Non, je n’en ai plus aucun souvenir. Cela arrive lorsque l’on devient une Créatrice de Rêves. C’est l’un des nombreux fardeaux qui incombent à notre condition - mais on s’y fait rapidement. »
Je marquai une courte pause. Je ressentais toujours cette sensation de vide dans la poitrine, mais elle était moins présente aujourd’hui. Il arrivait même parfois que je réussisse à l’oublier. Les nouveaux souvenirs que je m’étais créés avaient remplacés les manquants, comme des pièces de tissus dépareillés formant le patchwork de ma mémoire. Certains étaient doux, colorés et précieux - ils représentaient les moments de vie les plus agréables - d’autres ternes, rugueux et ordinaires, rapportaient des scènes moins reluisantes.
« Enfin, il y a parfois des événements dont il ne vaut mieux pas se rappeler… Généralement, ce sont ceux-là qui nous poussent à embrasser la voie des songes. »
La petite main qui enserrait la mienne accentua sa prise. Je tournai les yeux vers la fillette aux cheveux d’automne. Son visage brillait d’une étrange lueur, quelque part entre la curiosité, la détermination et l’altruisme.
Sa question me désarçonna. Je ne savais pas quoi répondre. Si nous nous étions côtoyées dans d’autres circonstances, sans doute les choses auraient-elles étaient différentes. J’aurais pu ensevelir son Rêve sous les ténèbres du Cauchemar, métamorphoser ses compagnons en d’horribles monstres. Mais en aurais-je eu envie ? Je l’ignorai. De toute façon, elle n’était pas lucide. Et cela l’empêcherait de se rappeler mon existence.
« J’imagine que je pourrais. Mais d’ici là, tu m’auras oubliée. Les Songes sont éphémères, Astriid. Ils existent tant que le sommeil demeure et s’efface avec l’éveil. Peut-être auras-tu la chance de garder mon souvenir un peu plus longtemps. Mais il disparaîtra, aussi sûrement que le Soleil se lèvera à l’aube. »
Arrivées au chalet, nous fûmes surprises de constater qu’il n’y avait personne. Mais le lieu ne semblait pas abandonné pour autant : un chaudron fumant nous attendait au coin d’une cheminée crépitante, alors qu’une imposante brioche reposait sur une table de bois veiné. Je m’étonnai de la surprenante politesse dont faisait preuve ma compagne dans ce décor irréel. Je ne pris pas tant de considération pour l’épais tapis de laine. Je tapotai brièvement mes chaussures sur le paillasson de l’entrée pour en ôter les résidus de neige avant de pénétrer l’intérieur de l’habitation. A mon approche, un siège m’invita à m’asseoir juste en face de la petite rousse et, lorsque les tasses encore fumantes arrivèrent, j’en attrapai un pour me réchauffer les mains.
« Je l’ignore… Je pense que l’illusion troublerait tes sens afin que tu aies impression que je sois heureuse. Mais ce Rêve est un peu spécial et n’obéit peut-être pas aux règles auxquelles je suis familière ? »
Je soufflai sur le liquide avant d’en prendre une longue gorgée. Le goût sucré m’apportait presque autant de réconfort que la chaleur du liquide parcourant mon corps. La petite fille avait déjà énuméré nombre d’hypothèses loufoques sur ce qui nous arrivait. Je fronçai les sourcils, analysant avec soin chacune de ses conjectures. Finalement, je me contentai de hausser les épaules.
« Cela me paraît peu probable… Il ne me semble pas que le Rêve ait une volonté qui lui soit propre. Je l’ai toujours perçu comme une substance malléable imprégnée de magie. A mon sens, c’est plutôt une matière première qui se façonne selon les désirs d’un individu - quel qu’il soit. Pour une raison qui m’échappe, ce monde que tu crées m’a privé de ma magie et de mes pouvoirs. C’est comme s’il y avait une autre entité, quelque chose ou quelqu’un de puissant, qui refusait que quiconque à part toi puisse avoir une influence significative sur le déroulement de ton songe… Est-ce que tu as fait quelque chose de particulier avant de t’endormir ? »
Je rompis un morceau de brioche avec mes doigts pour grignoter. Je n’avais pas faim ; c’était davantage un réflexe qu’un réel besoin.
« Si je ne me trompes pas, indiquai-je pour changer de sujet, nous devrions pouvoir louer des patins à glace d’après le panneau de l’entrée. Je n’en ai jamais fait, mais je me dis que nous devrions pouvoir nous déplacer plus rapidement sur le lac gelé grâce à ça ? Qu’en penses-tu ? »
Post XV - 696 mots
Astriid ~ Ygdraë ~ Niveau II ~ ◈ Parchemins usagés : 2367 ◈ YinYanisé(e) le : 03/04/2020◈ Activité : Empoisonneuse
Ses joues se gonflèrent sous l'effet d'une moue boudeuse. Le monde de Shalendra lui paraissait bien compliqué et plus elle tentait de le lui expliquer, plus l'Ygdraë fronçait les sourcils sans comprendre. Elle n'était pas non plus certaine d'apprécier l'idée d'oublier tout ça à son réveil et elle aimait encore moins qu'on puisse lui dicter ses émotions, cela lui paraissait extrêmement injuste. Mécontente, elle coinça son menton sur ses mains jointes et balança nerveusement ses mollets sous la table. La rousse brûlait déjà d'envie de repartir. Le chalet avait offert un intermède chaleureux et bienvenu à leurs aventures mais Astriid se sentait frustrée de ne pas avoir réussi à trouver une solution au problème de la Faiseuse de Rêves. Leur discussion avait même soulevé d'autres questions auxquelles elles n'avaient pas la réponse. Peut-être fallait-il seulement laisser l'Illusion les guider jusqu'à ce qu'elles devinent ses desseins. Astriid enroula une boucle cuivrée autour de son index en réfléchissant avant de répondre : «Je ne sais pas trop, désolée.» En vérité, plus elle cherchait à se remémorer ce qu'elle faisait avant de s'endormir, plus sa vision semblait se déliter comme une boule de sucre dans une rivière, comme si l'on aspirait sa conscience pour l'arracher à ses songes. Craignant que son réveil n'emprisonne à jamais son amie dans ce monde étrange, Astriid bondit sur ses pieds. «Tu as raison, allons-y !» Le paysage défilait comme un ruban aux teintes automnales tandis que les fillettes glissaient sur la glace. L'alliance du froid et de la vitesse faisait naître des larmes dans les yeux émeraudes de l'Ygdraë et un large sourire s'étirait jusqu'à ses fossettes. Une main en suspension dans les airs pour conserver un équilibre précaire, sa jumelle étreignait la carte qui devait les amener jusqu'à leur but. Comme pour rassurer son amie, Astriid adressa un sourire confiant à Shalendra. «On y est presq-» L'Elfette s'interrompit en sentant un mouvement sous elle. Inquiète, elle se rapprocha rapidement de la Faiseuse de Rêves pour se saisir de sa main. La surface luisante se gondolait autour d'elles et Astriid émit un gémissement de terreur à peine plus audible qu'un couinement de souris. Comme une bête titanesque sortant d'un long sommeil, la glace fut prise d'un frisson qu'Astriid ressentit jusque dans ses os et ses dents claquèrent violemment. Prise de panique, elle s'accrocha au manteau de Shalendra quand le sol céda sous leurs pieds. Comme des fétus de paille, elles furent emportées sous la glace mais au lieu de rencontrer une eau mordante, elles glissèrent à toute vitesse dans un étroit boyau de glace. Avalées par le ventre de la terre, Astriid avait le sentiment d'être précipitée dans un puit noir sans fond. Alors qu'elle croyait que l'Illusion les condamnait à une chute éternelle, elles furent projetées sur un sol dur et terreux après une ultime boucle qui mit à l'Elfe le cœur au bord des lèvres. «Shalendra ?» Parvint à éructer la rousse après avoir récupéré son souffle tout en la cherchant à tâtons du bout des doigts. Au son de sa voix, des torches s'enflammèrent, révélant la silhouette de son amie et d'un tunnel envahi d'ombres.
Message XV | 560 mots Oui j'ai décidé de dire non à la carte de Dora l'Exploratrice et de leur faire prendre un autre chemin.
![[Q] Le Rêve qui s'insurge (ft. Astriid) - Page 2 05gn](https://zupimages.net/up/20/47/05gn.jpg)
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J’écoutai l’enfant avec gravité. Ses histoires abracadabrantes étaient grotesques et ridicules. Je me mordis la lèvre inférieure pour ne pas intervenir dans ses délires. Elle était capable de plier ce monde par sa propre volonté et, par là même, je me retrouvai piégée dans ses créations absurdes. Je me composai une figure enjouée pour cacher l’agacement qui aurait dû marquer mes traits. Je luttai contre moi-même pour ne pas lever les yeux au ciel. L’imagination débordante de cette fille était un problème avec lequel il me fallait composer. Si elle décidait de jouer à la chasse aux trésors à travers des prairies de guimauve, où des chats de berger en chocolat gardaient des chevaux en sucre d’orge, la chimère s’adapterait pour lui répondre à son désir. Elle possédait hélas une partie des pouvoirs dont j’étais privée. Je regrettai qu’elle ne fût pas une adulte plus raisonnée ; alors nous aurions sans doute pu agir de manière moins puérile. Mais je n’avais pas le choix. Le Destin m’avait cependant fait un cadeau : celui de mettre sur ma route une innocence aussi facilement manipulable. Je me pliai à la raison et entrai dans son jeu malgré moi. 