La sensation de l’air frais glissant sur mon corps évoquait des souvenirs de liberté. Les lames traçaient des sillons dans la glace irisée, ponctuant notre traversée de craquements apaisants. Nous patinions avec la grâce de ceux qui rêvent sur l’étendue gelée du lac. Nos bras tendus nous offraient un semblant d’équilibre qui nous rassurait. L’éclat des reflets du soleil et la vivacité de la brise me donnaient la larme à l’oeil. J’observai en silence le visage rayonnant de l’Ygdrae - ses traits enfantins avivaient davantage son caractère badin. Elle paraissait sincèrement s’amuser au milieu de ce désert de glace, oubliant peut-être pour un temps nos problèmes et nos tracas. Je me surpris moi-même à être atteint par sa gaieté, jouissant de cet instant précieux, suspendu dans la trame de mon existence, et à m’abandonner à la joie qui me chatouillait le ventre.
La berge commençait à poindre à l’horizon. Des arbres au feuillage d’azur et d’améthyste se dressaient fièrement face à nous. Astriid exhala un nuage de fumée qui la fit brièvement disparaître, telle la brume qui masque les plus beaux paysages. Puis, soudain, le sol trembla sous nos pieds. Un bruit de déchirement tonna alors que le lac se morcelait. La fillette émit un son strident et m’agrippa de ses petites mains, juste avant que nous soyions avalées par l’abîme. Le temps s’étira sur ce qui nous parut une éternité et nous chutâmes toujours plus profondément dans les ténèbres.
Le choc fut brutal. Je tombai lourdement sur les fesses, lâchant un cri qui s’apparentait davantage à la surprise qu’à la douleur. Je commençai à peine à me relever lorsque la grotte s’illumina - écho de la volonté silencieuse de la jeune elfe.
« Je suis là, répondis-je en tâtant mon corps à la recherche d’une potentielle blessure. Tu vas bien ? Rien de cassé ? »
Je la jaugeai d’un oeil grave. Le sol qui nous avait réceptionné était d’une dureté proche de la pierre - et avec la vitesse -, il n’aurait pas été étonnant qu’elle soufrât d’une quelconque douleur. Il me sembla pourtant qu’elle se portait bien ; seuls ses cheveux d’automne gardaient la marque de notre mésaventure, s’insurgeant dans un chaos grotesque qui lui donnait un air ahuri. Une fois rassurée, je me détournai de la gamine et plongeait mon regard dans les ombres. Le seul chemin qui s’offrait à présent nous menait dans leur giron. Je m’approchai de la paroi rocheuse et délogeai l’unique torche qui éclairait la salle.
« Je pense que nous pourrions en avoir besoin » expliquai-je comme pour justifier mon acte.
Armée de cette lueur vacillante, je pris la tête de notre équipée. Mais les ténèbres étaient profondes, et la lumière peinait à les chasser. Au bout d’une longue marche, le tunnel déboucha sur une salle plus imposante. Alors, une bourrasque dissipa le feu, nous plongeant à nouveau dans l’obscurité. Un son strident émana du fond de la grotte et une voix gutturale à glacer le sang des chevaliers les plus courageux percuta la paroi rocheuse - sonnant en écho dans de multiples directions.
« Qui ose troubler mon sommeil ancestral ? »
Post XVI - 511 mots
Astriid ~ Ygdraë ~ Niveau II ~ ◈ Parchemins usagés : 2369 ◈ YinYanisé(e) le : 03/04/2020◈ Activité : Empoisonneuse
Le pinceau de la torche de Shalendra balayait le tunnel, peinant à se frayer un chemin parmi les ténèbres aussi épaisses qu'un magma huileux. Affolée, l'imagination d'Astriid galopait frénétiquement, imaginant des monstres grouillants et répugnants s'emparant de son corps frêle pour l'avaler goulûment. Il lui semblait que dans son dos, des griffes chimériques s'accrochaient à ses vêtements et l'Ygdraë accéléra le pas, la seule chose l'empêchant de fuir en courant étant le fait que ce n'était pas elle qui détenait la torche. Pour se rassurer, elle se pressa contre la Faiseuse de Rêves, crochetant son bras fermement. «J'ai peur.» Sa voix s'était faite aussi petite qu'un couinement de souris mais l'écho résonna comme un grondement de tonnerre dans le sous-terrain. L'Ygdraë tressaillit et poursuivit dans un silence marqué par leurs foulées rapides. Le tunnel s'élargit finalement pour révéler une vaste salle dont elles ne purent estimer les dimensions exactes car leur seule source de lumière fut soufflée brusquement. Terrifiée, la rousse gémit en s'accrochant de plus belle à Shalendra. Silencieusement, elle pria fiévreusement l'entité qui les menait dans ce monde de cauchemars. Pour toute réponse, une voix caverneuse, inhumaine, déclencha un frisson qui se déroula le long de son échine comme un sillon glacé. Rassemblant les miettes d'un courage qui lui faisait cruellement défaut, Astriid lança d'une voix mal assurée : «Je suis Astriid et mon amie se nomme de Shalendra.» Elle puisa de la force dans la respiration de la Faiseuse de Rêves à ses côtés pour poursuivre : «Nous voulons des réponses, s'il-vous-pl...» «SILENCE !» Tonna la voix et la rousse lâcha Shalendra pour plaquer ses mains sur ses oreilles en grimaçant, elle avait l'impression que sa tête était devenu une cloche qu'on venait de frapper durement. «Petites sottes, impertinentes vermines, montrez-moi vos visages.» Au plafond comme sur les murs, des champignons verdâtres percèrent l'obscurité pour jeter des reflets fantomatiques sur les visages exsangues des fillettes. Des langues de brume vinrent lécher leurs pieds, avant de remonter pour palper leurs corps comme une multitude de doigts immatériels inquisiteurs. L'entité invisible les fit léviter de quelques pieds pour mieux les examiner et Astriid tenta difficilement de rester immobile, luttant contre l'envie de se débattre pour s'enfuir. Un rire rauque secoua leurs corps comme des poupées. «Je veux voir vos vrais visages, petites menteuses sournoises.» Les extrémités de la rousse s'engourdirent puis avec un bruit de claquement, elle retrouva son corps de jeune fille approchant la fin de son adolescence. Le processus semblait prendre plus de temps avec son amie, comme si leur interlocuteur lui-même hésitait. «Intéressant. Je ne veux pas voir tes masques, Shalendra.» Il avait dit son nom d'une voix où perçait une ironie mordante, comme s'il n'était pas dupe. Soudain il éclata de rire. «Toi-même tu ne sais pas ton vrai nom ni ton vrai visage. C'est affreusement amusant.» Inquiète pour la Faiseuse de Rêves, Astriid se mordait la lèvre inférieure en regardant les contours de la silhouette de son amie s'effacer, se remodeler de sorte que son apparence demeurait indéfinissable.
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