Le rêve qui rapproche
Come and get it from me

Dissimulée par l'eau, la magicienne se laissa aller à sourire franchement en voyant la surprise peindre les traits du déchu. Elle se sentait plutôt fière d'y lire cette réaction. Pour une fois qu'elle n'était pas celle qui subissait les taquineries, elle devait admettre que le sentiment était plutôt agréable. Elle avait envie de continuer. Elle avait envie de le voir tourner en bourrique comme il l'avait fait avec elle. Mais à quel prix ceci dit ? Ne risquait-elle pas de se brûler avec le retour de flamme ? On lui avait toujours répéter que jouer avec le feu était dangereux. Mais... N'était-ce pas ça, justement, qui rendait la situation si plaisante ? Est ce que cette passion passagère en valait vraiment le risque ? Finirait-elle par regretter ce petit jeu qu'elle ne maîtrisait qu'en surface ? Devait-elle s'y aventurer ? « Et puis zut. Tant que je n'y aurai pas jouer, je ne pourrais jamais en comprendre les règles. Une petite brûlure finira bien par cicatriser. » Et, comme elle le formulait en pensées, les dernières barrières qui la maintenaient reliée à toutes ces restrictions qui la bridaient explosèrent. Ses doutes semblèrent se dissoudre dans l'eau qui l'entourait, diluant ses craintes mais amplifiant son envie de découvrir un nouveau monde, un univers qui lui était encore inconnu mais que son homologue avait exploré de bien des façons. Nymeria s'appuya un peu plus contre la surface derrière-elle, comme pour lui assurer un maintien plus stable, plus solide. Elle en aurait sans doute besoin pour ce qui arriverait ensuite.

La théorie du câlin la fit rire, secouant légèrement son buste. Elle arqua un sourcil, montrant qu'elle ne semblait pas vraiment y croire. « Oh vraiment ? » semblait-elle répondre silencieusement, son regard exprimant une pointe d'amusement à cette idée. Chaque pas que le conquérant faisant dans sa direction ravivait les flammèches d'un brasier endormi. Finalement, la brune sortit le visage de l'eau. « Tout dépend du câlin... Je suppose. » Imitant l'homme, elle fit une mine équivoque, laissant sans l'ombre d'un doute comprendre de quels câlins elle désirait sentir l'étreinte en cet instant. « Tous requièrent une certaine proximité, ceci-dit. » Aucun doute qu'il s'en assurerait. Nymeria replongea la partie inférieure de son visage dans l'eau. De cette façon, il ne lui volerait pas de baiser, pas tant qu'elle ne l'aurait pas décidé. Une façon bien illusoire de retrouver un contrôle qui n'avait jamais été sien.

Frustration. La partie venait à peine de commencer et voilà qu'il commençait à lui faire payer sa mesquinerie précédente, lui infligeant un traitement similaire. Une proximité suffisante pour créer le désir, la tentation, l'envie, mais bien trop lointaine pour assouvir les pensées qui, malgré elle, remontaient par vague à sa conscience. Des souvenirs qu'elle s'était appropriée ce soir affluaient à sa conscience. Des bribes coquines que l'anciennement candide magicienne aurait aimé appliquer, si seulement le tentateur avait daigné franchir cette barrière, qu'il prenait désormais un malin plaisir à instaurer lui-même. La brune sentait ses muscles se tendre sous l'attente, chaque seconde mettant sa patience à rude épreuve, à tel point qu'elle se demanda une seconde si l'Envie n'était que sienne ou s'il la partageait aussi fiévreusement qu'elle. « Amusant ? » Nymeria fronça les sourcils, réfléchissant à ce qui pouvait le distraire dans un tel moment. Sa réponse la relaxa légèrement. Docilement, elle se remit debout, suivant la pression des doigts sur son visage. « Hum... Il y a un peu moins de monde, cette fois-ci. » S'ils s'étaient adonnés à ce genre de jeux la dernière fois, il y aurait en effet eu quelques spectateurs. « Et puis... » N'y tenant plus, Nymeria porta sa main à celle du garçon. Elle brûlait d'envie de coller son corps au sien. De sentir chaque parcelle de son être frémir sous le contact de sa peau, de ses caresses, ses baisers... Elle se contenta néanmoins de remonter le long du bras en le frôlant du bout de l'index. La brune pencha légèrement la tête. « Là, maintenant... Je ne cherche plus à fuir. » Elle l'avait murmuré. Son cœur battait si fort dans sa poitrine qu'il en devenait presque douloureux. Comme s'il lui hurlait de céder à ses désirs, de se jeter sur lui et de mettre fin au supplice qui la tenaillait.

Le brutal rapprochement arracha un hoquet de surprise à la novice, qui s'éclaira rapidement d'un léger rire. La distance enfin réduite, elle se sentit l'âme d'une exploratrice. Ses mains fines se posèrent sur le corps enlacé au sien. L'une remonta le bras qui la maintenait, exerça une légère pression sur l'épaule, s'empara de la nuque avec possessivité. La seconde s'aventura sur le torse, dessinant les courbes, les creux, descendant lentement mais surement. Remonta au niveau de la hanche saillante. Finalement, elle n'était peut-être pas encore prête pour faire le grand pas. Le chuchotement à son oreille fut le premier à éveiller sa sensibilité. Le souffle contre sa peau la submergea avec une telle intensité qu'elle se sentit soupirer à son tour. Nymeria eu la drôle d'impression de redécouvrir son environnement avec une acuité nouvelle. Elle ferma les yeux pour mieux savourer ces nouvelles sensations. L'eau qui l'entourait l'englobait avec une délicieuse pression. La peau contre la sienne irradiait d'une chaleur contagieuse ; elle prenait conscience de tous les points de contacts, de tous les espaces qui les séparaient douloureusement. La respiration du blond se répercutant sur son épiderme déclenchait des vagues irradiantes. Quant à ses mains et ses lèvres... La brune n'avait jamais imaginé que le toucher d'un homme puisse être aussi agréable. La rumeur lui était parvenue, bien sûr -surtout depuis qu'elle avait rencontré cette collègue Luxurieuse- mais l'expérimenter soi-même avait une saveur toute particulière, lui confirmant toutes les histoires qu'elle avait entendu à ce sujet. Son corps réagissait instinctivement aux caresses, suivant les directions que lui indiquaient son cavalier. « Très bien... » laissa-t-elle enfin entendre après quelques secondes de silence. « Dans ce cas, qu'est-ce qu'il ne faut pas aborder avec toi ? » demanda-t-elle, sa voix se faisant vacillante, fébrile sous les cajoleries que lui administrait le blond.

Nymeria se sentait bien. Le problème restait qu'elle ne voulait pas se laisser mener par le bout du nez, comme elle l'avait été jusqu'ici. Cette danse-ci se menait à deux. La main qui s'était nichée dans la nuque de l'homme remonta jusqu'à la chevelure dorée et s'y agrippa timidement. Puis les doigts affermirent leur prise : lentement, elle délogea le visage de l'insolent pour le pencher en arrière, le forçant à se baisser un peu plus tandis qu'elle-même se redressait, tout juste assez pour le dépasser. Elle resta ainsi quelques secondes, observant les traits de son visage. Il était beau. Un sourire conquérant s'empara de ses lippes. Avec lenteur, elle se pencha au-dessus de son partenaire, s'approchant de lui. Peut-être que cela aussi lui donnerait une impression de déjà-vu. Cette fois-ci néanmoins, il n'y avait aucun sort a briser. Au contraire même, cela ne ferait que renforcer l'ambiance qui s'installait peu à peu. Et puis, elle espérait tout de même avoir progressé un peu dans le domaine. Les deux mains de la jeune femme se positionnèrent de part et d'autre de la tête du déchu, le maintenant en position pour ne pas qu'il bouge. Elle riva son regard au sien, descendant toujours, jusqu'à enfin sceller leurs lèvres l'une à l'autre, fermant finalement ses paupières. D'abord légèrement, presque tendrement. Puis de plus en plus fougueusement. Toujours esclave de la magie, ce simple contact lui faisait déjà tourner la tête. Et pourtant, ce baiser ne faisait que lui donner envie d'obtenir plus. De s'aventurer plus loin. Poussée par le désir, la magicienne fendit la barrière des lèvres, sa langue réclamant une valse plus intime.

Le rêve qui rapproche
You

Monde merveilleux que celui des Rêves.

Univers du désir et des fantasmes, des passions inavouées et des envies enfouies : les limites ne sont plus ; point de place pour les hésitations. Ici, aucune règle n’empêche de de faire ce que l’on souhaite, mis à part celles que l’on érige soi-même. Ainsi, une simple pensée suffit à les repousser, à passer outre. L’envie fait lieu de loi. Plus de place non plus pour toutes ces pensées parasites qui, hors de ce monde fait de chimères et de mensonges suaves, rongeraient la situation au point de la rendre désastreuse : était-elle trop grosse ? Elle n’avait pas de taille marquée et trouvait ses hanches disgracieusement larges. Pas assez expérimentée ? Elle qui n’avait jamais vraiment embrassé qui que ce soit à part Rajiv, il était évident qu’elle n’était jamais allée aussi loin : est-ce que cela se ressentait ? Était-elle trop laide ? Rajiv avait après tout l’habitude de côtoyer des femmes bien plus sublimes qu’elle – il semblait à Nymeria que tous les déchus possédaient une beauté inhérente à leur race, sans doute quelque chose dû au fait de ne pas se soucier un instant des préjugés et des interdits. Et puis, cette hideuse cicatrice qui barrait son visage, comment ne pas la trouver repoussante ? Sans ces questions angoissantes lui trottant dans la tête, la petite magicienne se faisait bien plus audacieuse. Le poids des doutes et des insécurités délestés de ses épaules, elle se montrait anormalement entreprenante, ses mains s’aventurant dans des contrées inconnues, se laissant allée à exprimer son plaisir et bien être bien plus spontanément que la réalité l’aurait permis. Ce n’étaient que de petits indices inconscients : un soupire qui échappait à ses lèvres entrouvertes, un frisson dévalant son épiderme, ses doigts se crispant délicieusement sous les caresses que lui administraient son partenaire. Pourtant, c’était suffisant pour témoigner son contentement à l’âme expérimentée en face d’elle. Si le monde des songes n’avait pas enveloppé cette scène, jamais elle ne se serait permise de telles démonstrations sans en être immédiatement honteuse et embarrassée. Là, pourtant, tout lui paraissait parfaitement normal. La tension ne faisait que grandir exquisément, augmentant son désir d’aller toujours plus loin.

La légère morsure du blond sur sa lèvre arracha un sourire malicieux et satisfait à la magicienne. Elle était un peu déçue de ne plus avoir l’ascendant sur Rajiv mais, finalement, elle n’était pas contre l’idée de se laisser guider un peu. « Mmh… J’aimais bien ce petit jeu, moi… » lâcha la brunette dans un souffle. Ce n’était pas tout à fait vrai. Elle avait été perdue sur ses propres émotions pendant tout ce temps, refusant de s’admettre ce qu’elle ressentait pour l’aile noire. Elle avait l’impression qu’il l’avait fait tourner en bourrique pour rien ! Mais finalement, après avoir partagé tous leurs secrets, toutes leurs vies ensemble… Elle ne pouvait pas lui en tenir rigueur : c’était dans sa nature et lui en vouloir pour ça lui semblait grotesque. Et puis, elle devait admettre avoir apprécié se sentir désirée par ce garçon qui lui faisait tourner la tête. Même si cela avait fait ressortir ses insécurités, elle éprouvait un certain plaisir à se trouver dans cette situation. Surtout avec une telle conclusion. « Mais tu as raison. Fini de jouer. » Autrement dit, fini de fuir.

Nymeria recula jusqu’au rebord du bassin. Le contact froid la déstabilisa un instant. La magie du déchu étant toujours à l’œuvre, ses sensations étaient encore décuplées. Il maîtrisait cependant suffisamment ses sens pour que cela n’en devienne pas oppressant pour autant : il s’agissait là d’une magie puissante qui, si mal utilisée ou usée à des fins offensives, pourrait facilement faire perdre la tête. La proximité ainsi instaurée n’en devenait que plus intimidante. Pendant une fraction de seconde, la brune sentit l’anxiété monter en elle mais elle s’en détacha d’un simple battement de cil : ici, ses désirs étaient des ordres et ce dont elle avait envie excluait toute forme d’angoisse qui pourrait l’empêcher d’atteindre son but. Lorsque le meneur s’empara de la cuisse, un sourire espiègle lui répondit. Sa propriétaire posa sa main sur le torse de son amant et la laissa glisser jusqu’à l’entrejambe. Cette fois-ci, elle ne se rétracta pas. Elle avait vu ce qui plaisait au déchu – mieux même : elle l’avait expérimenté elle-même. Elle essaya donc de reproduire au mieux ce qui l’avait fait gémir dans ces souvenirs teintés de luxure. Elle était incapable d’user de la même magie que l’ailé mais cela ne voulait pas dire que l’expérience ne pouvait pas être agréable, surtout lorsque les enfants de Pandora s’en mêlait pour rendre le rêve le plus plaisant possible.

Après quelques minutes, Nymeria s’arrêta, braquant sur le blond un regard mesquin et effronté. « Alors ? Tu n’étais pas sensé passer aux choses sérieuses ? »