Étude anthropologique des Réprouvés dans leur habitat naturel

Partenaire : Moi-même
Objectif : Adam et le groupe diplomatique partent à Lumnaar'Yuvon dans l'objectif de conclure un accord avec les Réprouvés à propos des Anges.

**

J’étais assis autour d’une table, encore. L’un de mes collègues tourna la tête vers moi, après une remarque en Zul’Dov. Je ne parlais pas le Zul’Dov et, à cause de ça, je n’avais toujours pas voix au chapitre. C’était pire qu’à Stenfek puisque je ne comprenais rien mais devais quand même faire acte de présence. C’était pour mon apprentissage. Le seul avantage : le goût de la bière et l’abondance de la charcuterie.

« Tu aurais pu t’abstenir de te faire apparaître des oreilles pointues. Ils pensent que tu es un Ygdraë… ou un Alfar vu l’état de tes yeux. Tu as fumé ou quoi ?
— J’ai mangé ce qu’un Réprouvé m’a tendu, c’est tout » répondis-je.

Je n’avais pas répondu à propos des oreilles. Je les trouvais parfaites, tout comme cette apparence. Je l’avais déjà expérimentée une fois, lorsque je jouais à être un noble Alfar raciste mais non moins amoureux d’une petite Ygdraë. Le fantasme ne venait pas de moi mais d’elle. Il avait été dur de le lui faire avouer mais j’étais plutôt certain d’avoir réussi à apaiser son trouble. Peut-être l’avait-elle encore aujourd’hui ? La réponse devait être affirmative, puisque je n’étais pas un Alfar mais je doutais que l’un d’eux lui fasse ce que je lui avais fait.

« Tu ne devrais pas consommer ce qu’on te donne. Tu feras ça aussi si jamais tu vas chez les Sorciers ? Tu n’as pas peur de finir empoisonné ?
— Franchement ? Non.
— Tu n’as rien dans la tête, Adam. »

Je lui souris avec insolence. Nous n’avions pas la possibilité de converser librement. Les Réprouvés de Lumnaar’Yuvon avaient une patience aussi légendaire que l’amour du soleil chez les Vampires. Si nous venions à trop échanger dans un langage qu’ils ne comprenaient pas, ils penseraient sans doute que nous étions en train de comploter. C’est pour cette raison que je m’ennuyais. Je comprenais aussi la difficulté de la tâche. Jusqu’ici, j’avais mené ma vie tranquillement, sans me soucier de rien. J’avais fait quelques efforts mais rien d’insurmontable. C’était même le contraire. Mes plus gros efforts étaient ceux que j’avais fait pour satisfaire mes partenaires dans des positions bien trop acrobatiques pour les pratiquer au quotidien. Quoi qu'il en soit, j’étais devenu professeur, comme ça, sans trop me fouler. J’avais commencé par être apprenti et, comme je ne prenais pas grand-chose au sérieux et m’amusais de tout, j’avais évolué à mon rythme, sans aucune pression.

Mon cerveau finit par se déconnecter totalement de la conversation. J’avais essayé de comprendre, au début, mais le Zul’Dov, en plus d’être une langue plutôt rude à l’oreille, me paraissait être un charabia non déchiffrable. Un Ange ou un Démon aurait sans doute été plus apte à en comprendre des bribes puisqu’il s’était formé à partir de ces langages là d’après ce que je savais. Je me barricadais donc dans ma tête, à penser à plusieurs choses, dont Kaahl et ses conseils. Comme je savais qu’il me faudrait décider de si oui ou non je voulais m’investir dans la race bientôt, mon esprit préféra fuir ailleurs et j’essayai de me rappeler de la scolarité du Sorcier. Nous avions une différence d’âge importante et lorsqu’il était adolescent, j’étais déjà adulte. Le problème c’est que je ne me rappelais pas de l’avoir déjà eu dans ma classe, lui en particulier. Je savais qu’il existait, parce que j’avais eu une conversation avec d’autres professeurs sur la décision discutable de son père de nommer ses trois fils de la même manière, à une lettre près. Le reste… Quand est-ce que j’avais eu affaire à Kaahl, à Khaal ou à Kaalh ? Bonne question. Je n’avais pas la réponse. Quand Kaahl était devenu professeur à son tour, je ne m’étais pas intéressé à lui plus que ça. Il faut dire qu’il avait l’air d’être coincé et que je fuyais les gens trop sérieux, en plus de me moquer d’eux. C’était pour ça qu’aujourd’hui, je me retrouvais à discuter politique et espionnage autour d’une table où des visages graves échangeaient. Je me détestais, ne comprenant pas comment j’avais fait pour en arriver là.

« Adam ?
— Oui ?
— Est-ce que tu sais te battre ?
— Je vais paraître décevant mais pas du tout. Pourquoi ? Ils veulent qu’on se batte ? Si c'est le cas, vaut mieux pas compter sur mes performances... »

Une réponse affirmative ne m’aurait pas étonné. Les us et coutumes étaient différents chez tous les peuples et peut-être que les Réprouvés concluaient des accords uniquement après un combat.

« Pas spécialement mais ce serait bien qu’on le fasse. Ils ont organisé quelque chose en notre honneur pour notre arrivée.
— Tu es sûr qu’ils ne veulent pas plutôt nous humilier ? Depuis quand les Réprouvés organisent des choses en l’honneur des étrangers, sans vouloir paraître pessimiste ? »

De toute façon, j’avais la nette impression qu’on ne me demandait pas vraiment mon avis.

« Les relations entre Réprouvés et Déchus sont plutôt bonnes. Ça ne m’étonne pas tant que ça.
— Bah tiens. »

J’étais grognon.

815 mots

Étude anthropologique des Réprouvés dans leur habitat naturel

« Zel, Kulaan ! »

Je ne comprenais pas mais vu le mouvement de la main, il devait sans doute me dire de venir me battre.

« Non.
— Zel, Yngol ! »

C’est fou comme tout sonnait comme une insulte dans cette langue. En tout cas, effectivement, ils avaient préparé une fête pour nous ou, plutôt, ça allait être notre fête.

« Adam ?
— Quoi ? fis-je en grognant.
— Tu devrais y aller.
— J’ai pas envie de me faire défoncer. Ça va aller.
— Pour un Luxurieux… »

Je me tournai vivement vers mon interlocutrice.

« Toi peut-être que tu trouves ça drôle mais pas moi. C’est pas vraiment mon délire de me retrouver couvert de bleus de la tête aux pieds parce que ces débiles préfèrent se taper dessus plutôt que d’avoir des activités plus pacifiques.
— Ce n’est pas correct de traiter les autres de débiles quand on est un diplomate.
— Justement, je n’en suis pas un et si on continue à me les briser, je ne vais pas continuer à me faire chier longtemps. Je n’ai pas envie de me battre. Le consentement, ça te dit un truc ou c’est une notion complètement abstraite pour toi ?
— Il va mal le prendre.
— Mais je m’en tape à la fin ! Il n’a pas trop l’air de se demander comment je le prends, moi.
— Je suis sûre que tu peux avoir raison de lui.
— Nan mais t’as vu la montagne de muscles ? Il va me casser les bras.
— Sers-toi de ta tête au lieu de ronchonner comme un enfant.
— Merde ! »

Je m’énervais rarement mais j’avais juste envie qu’on me laisse tranquille. J’étais en manque et ça me rendait intenable. Je m’occupais de moi tout seul mais ce n’était pas pareil, même en me clonant. Ce que j’aimais, c’était voir l’autre succomber, se perdre dans la Luxure comme je le faisais, partager un moment de décadence.

« Si tu gagnes, peut-être qu’une Réprouvée sera intéressée par toi. »

L’homme, en tout cas, commençait à s’impatienter.

« Demande-lui s’il a des enfants.
— Pourquoi ?
— Demande. »

Elle s’exécuta.

« Deux filles et un fils.
— Ok. Maintenant tu lui dis que si on se bat et que je gagne, je veux pouvoir tenter de baiser les trois.
— Je ne vais pas dire ça…
— Si si. Si je gagne, je veux qu’il m’arrange un tête à tête avec chacun des trois. S’ils ne veulent pas coucher avec moi, je ne les forcerai pas mais je veux essayer sans qu’on vienne me péter le nez ensuite. Sinon, je ne me bats pas. Je n’ai pas besoin de prouver ma force. Je sais très bien que je suis nul en combat. »

Elle soupira. Elle devait se demander depuis quand j’étais aussi con. Je n’y mettais vraiment pas du mien et je m’en rendais bien compte. Mon comportement était puéril mais je voulais simplement rentrer chez moi. Je n’avais pas la situation en main et je n’aimais pas être largué dans un endroit X avec des gens Y avec lesquels je ne pouvais pas discuter. Si l’on m’avait dit « Vas t’amuser, on revient te chercher plus tard », ça aurait été bien mieux. Là, mes journées se résumaient à écouter un discours que je ne comprenais pas, assis sur une chaise inconfortable, sans que personne ne fasse attention à mes idées. C’était déplaisant. Je n’avais pas le droit de coucher. Je n’avais pas le droit de trop boire. On restreignait mes libertés et ça me travaillait. En conséquence, j’avais simplement envie de me balader à poil et de faire tout ce qu’on m’interdisait. Ça devait faire de moi un connard. Peut-être que je n’étais pas fait pour ça.

« Il accepte et dit que tu ne gagneras jamais de toute façon. »

Je laissai tomber mon apparence diplomatique pour reprendre celle de ma dernière mue.

« Adam… La magie n’est pas conseillée. »

Oui oui, cause toujours, peut-être que ça m’intéressera à un moment. Fais pas ci, fais pas ça. Ça commençait à me chauffer. Je remontai les manches de ma chemise, ce qui fit ricaner le Réprouvé. Lui était torse nu. Il ne s’embêtait pas avec des vêtements.

« Oh et puis pourquoi pas. »

J’enlevai mon haut. En plus de ne pas avoir la même morphologie, sa peau était couverte de cicatrices. J’avais une peau de bébé à côté, douce et exempte de marques. Ce ne serait plus le cas à la fin de la journée. Je l’avais dit, je ne savais pas me battre. J’allais gagner quand même mais me faire bien tabasser avant. Il fallait que ce soit crédible.

771 mots

Étude anthropologique des Réprouvés dans leur habitat naturel

J’étais allongé sur un lit un peu miteux. Il avait fallu me soigner après le combat. Mon humeur s’était un peu améliorée entre temps, bien que je demeure en manque, frustré et agacé de cette situation.

« Bonjour » dit-elle en entrant.

Je la fixai et amenai mes bras derrière ma tête.

« Bonjour, répondis-je.
— Ça va mieux ?
— On peut dire ça. Encore un peu mal aux fesses. »

Elle s’assit à côté de moi, sur le lit, et répondit à mon sourire.

« Écoute, j’aimerais que tu me parles. Je me doute que tu ne voudras pas continuer cette mission ensuite mais tu n’as pas l’air d’aller bien. »

Je soupirai et me redressai. Je collai mon dos contre le mur, le drap tombant jusqu’à mon bas-ventre.

« Est-ce qu’ils ont accepté l’accord au moins ?
— Oui. Je ne pensais pas qu’ils seraient aussi favorables à notre proposition. Le fait est que les Anges les énervent et qu’il y a une sorte de guerre officieuse. De ce que j’ai compris, Erza Taiji Stark a déjà essayé de traiter avec les Anges, en compagnie d’Eerah Von Dreth, sans succès. Il n’y a pas beaucoup de Réprouvés à Lumnaar’Yuvon qui sont au courant mais ceux qui le sont disent que c’est Erza qui aurait tué l’ancienne Apakan.
— Par vengeance ?
— Non, ils disent que c’est pour éviter une vraie guerre. Le problème, et on le connait bien, c’est que rien n’a changé depuis. Les Anges restent toujours aussi butés sur la déchéance et sur l’Agbara. Lumnaar’Yuvon commence à s’impatienter et s’il n’y avait pas les problèmes avec Stenfek, ils auraient sans doute déjà cherché à entrer en pourparlers officiels.
— C’est-à-dire ?
— C’est-à-dire que, de manière officielle, les Réprouvés auraient demandé aux Anges de revenir sur leur politique et de faire des concessions. Une guerre aurait découlé d’un refus.
— Je pense que les Anges auraient été forcés d’accepter.
— Pas sûr.
— La position n’est pas tenable. Les Déchus auraient forcément soutenu les Réprouvés par intérêt. Les Démons auraient aussi soutenu le mouvement. Les Déchus et les Magiciens sont alliés et même si ces derniers abritent les Anges, ils n’auraient pas risqué la guerre pour une histoire de positionnement idéologique. Ça aurait sans doute été mieux que la situation actuelle où on est obligé de marcher sur des œufs en priant que les gamins que l’on envoie là-bas ne se fassent pas choper. »

Il y eut un silence.

« Quand tu réfléchis, tu arrives à raisonner correctement.
— Je n’aime pas qu’on me contraigne, c’est tout, dis-je pour toute réponse.
— Si tu veux faire de la diplomatie, tu vas devoir apprendre à être contraint ou, du moins, il va falloir que tu te contraignes toi-même. C’est l’avenir d’un peuple qui sera entre tes mains. Tu ne peux pas te permettre de faire ce que tu as envie.
— Je sais bien. Seulement, les événements sont particuliers. Je ne fais pas de diplomatie actuellement. Je me contente d’assister, impuissant et silencieux, à des réunions que je ne comprends même pas.
— Il faut bien apprendre. »

Je me mis à rire.

« Qu’est-ce qui est si drôle ?
— Je suis né durant la première partie de l’Ère de la Renaissance du Dieu Roi. Je suis plus âgé que toi et j’ai dû gérer des morveux pendant des siècles, dont certains qui ont, depuis, assis leur cul sur un trône. Tu crois que je ne sais pas faire ? La diplomatie, pour moi, c’est savoir parler avant tout.
— Il n’y a pas que ça mais je note cette bouffée d'Orgueil et de rébellion.
— Ce n’est pas ça. Je pense simplement être capable de parler à n’importe qui de n’importe quoi et d’essuyer d’éventuelles menaces. Je veux juste pouvoir être libre de mes mouvements. Je ne me vois pas négocier si l’on m’empêche de faire ci ou ça. Nous sommes des Déchus, c’est dans notre nature d’user de nos Péchés pour obtenir ce que nous voulons.
— C’est vrai que ça a plutôt bien marché à Stenfek.
— Tu savais ?
— Si tu veux coucher avec tes partenaires diplomatiques, ce n’est pas un problème en soi. Seulement, ça en est un si ça ne porte pas ses fruits ou aggrave la situation.
— Oui enfin, on ne sait pas à l’avance si ça marchera ou pas.
— Justement, il vaut mieux ne pas prendre de risques.
— Non, je ne suis pas d’accord. Dans ce cas précis, je ne pense pas que ce soit si… important. Que je couche ou non avec la fille d’un partenaire influent pour qu’elle puisse se positionner en ma faveur auprès de son père n’est pas si important. Ce n’est pas ça qui fera pencher la balance, ou alors cet homme a des problèmes plus graves à régler. Je ne crois pas que les passions soient si déterminantes en politique. Je n’espère pas, du moins. Je pense que c'est juste un plus.
— Tu te trompes, vraiment. Même dans le cas où ça n’aurait pas de conséquences sur l’affaire en cours, tu peux avoir des problèmes en tant que personne. Ça dépend des races mais si tu couches avec la fille d’un Roi protecteur ou d’une Reine possessive, tu risques de te faire tuer. C’est là que ça devient compliqué parce que tu es un agent diplomatique. Ton comportement engage celui des Déchus. Si on t’emprisonne ou te tue, ça engagera la responsabilité de la race en question. Ça peut partir en escalade pour des broutilles qui n’ont rien à voir avec le sujet principal. C’est une question d’ego et je t’assure que les Souverains sont parfois pires que des Orgueilleux. Je sais que tu comprends au fond, c’est simplement que tu es buté parce qu’on ne t’a jamais empêché de faire quoi que ce soit, à part te passer du consentement de tes partenaires de coucheries. »

Elle avait peut-être raison. J'étais sans doute dans une phase de mauvaise foi et d'entêtement. Je n'étais pas comme ça normalement. Peut-être que mon état n'avait rien à voir avec le problème que nous avions à traiter. Peut-être que c'était plus personnel. Ou alors, les Réprouvés déteignaient sur mon humeur.

978 mots

Étude anthropologique des Réprouvés dans leur habitat naturel

« J’ai une surprise pour toi, finit-elle par me dire.
— Ah oui ?
— Oui. D’après ce que j’ai compris, tu ressemblerais à l’un de leur Zaahin. »

Elle s’écarta, pour laisser la place à une jeune femme. Je devinai qu’elle devait être l’une des filles de l’homme que j’avais battu en duel. J’avais peut-être légèrement supprimé ses sens… peut-être. Il n’y avait pas de preuves et, sans preuve, je n’étais coupable de rien.

« À Zel’Eph, hein ? »

Mon sourire en disait long sur ma culpabilité au niveau de l’apparence. Je m’inspirais souvent des portraits présents dans l’un des plus longs couloirs de Basphel. Il s’agissait d’un couloir magique puisqu’il contenait des milliers de tableaux, ceux de tous les Rois et de leurs conseillers, depuis des temps immémoriaux. Les plus récents m’étaient connus mais plus on remontait dans le temps, plus les visages et les noms ne me disaient rien. J’avais fait quelques recherches, par curiosité, parce que ça m’arrivait aussi de me cultiver. Cultivé, je l’étais. Simplement, je n’aimais pas trop étaler ma science. Après, les conversations devenaient ennuyeuses et je préférais vraiment baiser. Pour baiser, pas besoin de sortir la liste des noms des Reines de l’Ère de la Scission de la Couronne.

« C’est ça. Je vous laisse. Pas de bêtises.
— Non. »

Je l’avais dit en fixant la Réprouvée. Je me méfiais. La dernière fois que j’avais accepté quelque chose à Lumnaar’Yuvon, quelque chose dans un cadre non diplomatique, mes yeux s’étaient mis à couler pendant des heures, sous les rires moqueurs des coupables, et ils étaient encore rouges.

« Io diivon’fent yu, me dit-elle, tout en défaisant sa tunique.
— Bonjour à toi aussi. »

Je savais très bien qu’elle n’avait pas dit bonjour. Je n’avais aucune idée de ce qu’elle avait dit au juste mais ça me paraissait à la fois effrayant et intriguant. Mes yeux sur sa poitrine, je n’étais plus certain d’avoir envie de me prévenir du danger. Crever en couchant avec une Réprouvée de Lumnaar’Yuvon était une belle mort.

**

J’étais en train de fumer. Ce n’était pas dans mes habitudes mais les restrictions à ma liberté me préoccupaient trop. Je compensais comme je pouvais. Je pensais à Kaahl et à tout ce que je savais sur lui. Je commençais à envisager que ça puisse être ça qui me taraudait l’esprit. J’étais con depuis quelques temps.

« Alors ? »

Elle s’assit à côté de moi. Elle me demandait comment le sexe s’était passé. Je me mis à rire.

« Je ne saurais pas dire. C’était toujours mieux que lorsque je l’ai fait avec une Sorcière cannibale mais j’ai eu peur qu’elle me pète le frein… Je crois que je me fais vieux.
— Pour de vrai. »

Elle avait vu la lueur dans mes yeux. Je la charriais mais, d’un autre côté, ma partenaire m’avait vraiment chevauché d’une façon brutale. Ça avait fini par me plaire, même si les débuts avaient été un peu étonnants. Sans parler des préliminaires qu’elle avait préféré faire à la fin. Pourquoi pas après tout.

« Tu as repris ton apparence diplomatique ?
— Oui, c’est gênant ici de ressembler à un Zaahin. Surtout sans savoir se battre.
— Tu devrais apprendre.
— Je vais surtout apprendre à parler plusieurs langues si je veux continuer en diplomatie.
— Ah ? Tu as décidé de continuer ? »

Je fis tomber la cendre.

« Je n’en suis pas encore tout à fait sûr. J’ai d’autres problèmes à régler avant de pouvoir me décider vraiment.
— Ah bon ?
— Une personne de mon entourage m’a confié des secrets qui sont lourds à porter. Jusqu’ici j’ai fait comme si tout allait bien, et je pense que je le ferai encore quelque temps. Là je m’en aperçois parce que mon pénis a failli y rester et que j’ai vu ma vie défiler devant mes yeux mais… »

Elle me donna un coup d’épaule, tout en se mettant à rire. Je ris aussi.

« Enfin, je sais très bien que je peux faire semblant de m’en foutre. Je peux vivre avec pendant trois siècles en ayant l’impression d’aller bien mais je vais avoir des comportements stupides. La stupidité, c’est mon truc, tu sais ?
— J’ai vu ça, oui. Je dis ça juste pour te conforter hein, je sais que t’es pas si idiot.
— Je ne sais pas. J’ai dû rester enfermé à Basphel trop longtemps. Le monde extérieur, à l’exception d’Avalon, me semble bien plus complexe qu’hier. Je ne suis pas sûr d’être prêt à tous ces changements. C’était plus facile avant, quand je n’avais besoin de m’occuper que de mes cours et de mes affaires de cul. Ma vie avait un sens.
— Et qu’est-ce qui a changé ?
— J’ai croisé trois Taiji.
— Pas de chance. »

Je me mis à rire, non encore conscient que d’ici quelques temps, j’allais me marier à l’un d’eux, pas franchement celui auquel j’aurais pensé de prime abord. La vie avait un petit côté ironique. C’était indéniable.

823 mots