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 [Q] - Des Gammes et des Argèges | Èibhlin

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Jämiel Arcesi
~ Alfar ~ Niveau II ~

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◈ Parchemins usagés : 759
◈ YinYanisé(e) le : 01/03/2019
◈ Activité : Étudiant à plein temps ; Luthier en parallèle
Jämiel Arcesi
Lun 01 Juin 2020, 15:18

Partenaire : X
Intrigue/Objectif : Après avoir entendu un morceau qui lui plût, Èibhlin décide d'apprendre la partition pour la jouer, à son tour. Malheureusement joué avec un instrument qu'elle ne maîtrise pas et incapable de la trouver pour le sien, elle se met en tête de la créer elle-même. Pour ça elle obtiendra l'aide et le soutien d'une musicienne, proche d'Eskil.

Des Gammes et des Argèges
Après avoir fait le tour de la bibliothèque, Èibhlin s'approcha, les bras chargés, d'une large table en ébène massif, et y déposa lestement ses trouvailles : différents recueils de solfèges, sur la construction d'une partition notamment. La partition du morceau qui l'intéressait en question ainsi que du papier à musique. En résumé, tout ce dont elle avait besoin pour transcrire sa propre partition. Non, elle ne comptait pas s'improviser compositrice du jour au lendemain, évidemment. Elle n'avait pas cette prétention. Toutefois, l'exercice auquel elle comptait se prêter n'en n'était pas plus simple. Car finalement, ce qu'elle voulait faire, c'était retranscrire une partition qu'elle avait entendu il y a quelques jours de ça, mais joué au trombone à coulisse. Hors, elle ignorait comment se manipulait cet instrument. Aussi avait-elle cherché la même, mais pour celui qu'elle connaissait, à savoir la harpe. Ce fut un échec. Soit elle avait mal cherché, soit cette partition n'existait pas. Aussi s'était-elle décidée à la créer. Certainement qu'elle allait y passer un temps monstre, et même, peut-être que quelqu'un de plus doué et expérimenté - un vrai compositeur en somme - aurait écrit la même mélodie pour harpe avant qu'elle n'eut terminée. Elle n'abandonnerai pas pour autant. Elle prenait cela comme un défi personnel. Réussir une telle chose ne ferait que lui en tirer une plus grande fierté. Comme le jour où elle s'était trouvée cet emploi auprès de cet illustrateur. Les jours suivants, elle avait quitté le domicile des Arcesi pour loger chez cet homme qui lui apprenait les rudiments du dessin dans les ouvrages destinés à terminer dans les bibliothèques, qu'elles soient publiques ou personnelles. Pour l'instant elle ne faisait qu'observer, ce qui l'avait perturber aux premières heures. Mais elle avait rapidement comprit pourquoi il ne la laissait pas toucher à un pinceau pour l'instant. Entre le vélin ou le parchemin, le touché était si différent. De la même manière, les illustrations d'une oeuvre historique n'auront ni les même traits, ni la même texture que celles d'une oeuvre scientifique. Elle n'avait jamais réellement prêtée attention à ces détails auparavant jusqu'à suivre l'apprentissage du Drielsha. Enfin, après quelques temps, elle avait pu se permettre de louer son propre domicile.

La Sarethi se délesta de son sac avant d'y récupérer une plume que l'on devinait être de basse facture - elle écrivait bien, c'était le plus important pour l'instant à ses yeux - ainsi qu'un petit pot d'encre noire. Débouchant l'encrier avec délicatesse, elle posa le bouchon de liège plus loin et installa la table de travail de façon à ce que tout le matériel soit à portée de main. Le papier à musique d'un côté, la partition originale de l'autre, elle commença à décrypter cette dernière pendant de longue minute avant de commencer à faire un premier essai de transcription sur la feuille vierge. Les dix premières notes inscrites, elle s'arrêta, peu sure d'elle. Elle visualisa l'instrument et imagina ses doigts glisser sur ses cordes pour reproduire le son qu'elle venait d'écrire. Alors elle fronça des sourcils. Était-ce vraiment cela ? Elle n'en était pas si sure. Ne préférant pas aller plus loin dans son improvisation, elle récupéra l'un des nombreux livres et cherchait dans la table des matières un sujet qui pourrait l'aider. Finalement, elle se décidait à débuter l'oeuvre dès les premières pages.

C'est lorsque l'intendant commença à allumer les premières bougies qu'Èibhlin se décida à quitter les lieux. Elle n'avait pas avancé d'un iota sur son projet. Aussi, devait-elle bien admettre que, malgré toute la volonté qui la saisissait, elle commençait déjà à perdre espoir quand à la potentielle - mais faible - réussite de cette composition. Encombrant de nouveau ses bras des ouvrages étalés sur la table, dont les trois-quarts n'avaient d'ailleurs pas été ouverts, elle fit une nouvelle fois le tour pour les ranger à leur place avant de trouver le gardien des lieux pour lui demander si elle pouvait emprunter la partition en plus du livre qu'elle avait entamée plus tôt, mais qui était loin d'être terminé. Après un regard sévère, et en voyant le parchemin à peine rempli des quelques notes, le bibliothécaire accepta, notant sur une feuille les emprunts de la jeune Alfar avec son nom. Savait-on jamais.

En revenant chez elle, les bras chargés, elle étala ses trouvailles sur la table, rattrapant d'un geste vif un rouleau de parchemin s'apprêtant à tomber lestement au sol. Son regard se porta sur l'extérieur. Si l'épaisseur de la Forêt des Murmures et l'étendue de Tawaradan obstruait une partie de la voûte céleste depuis Mornhîngardh, un regard attentif permettait tout de même d'en percer la canopée pour y voir les ténèbres des cieux et la clarté de la Lune rougie, comme blessée. Elle ne travaillerai pas plus sur cette partition ce soir. C'était inutile. Il se faisait tard et demain elle devait continuer son apprentissage auprès d'Eskil. Toutefois elle se permit un dernier essai avant de rejoindre les bras d'Harabella. Aussi, comme elle se saisi de son début de partition - dont elle n'était toutefois absolument pas convaincue - elle alla rejoindre sa harpe et l'installa contre son épaule. Jetant un dernier regard sur les notes griffonnées rapidement un peu plus tôt, elle inspira profondément, avant d'exhaler de même, puis commença à pincer les cordes de l'instrument. Néanmoins, à peine eut-elle commencée qu'elle arrêta son geste et fronça les sourcils. Elle s'en doutait. Ça n'allait pas. Bien qu'elle s'y attendait, elle en fut déçue. Aussi reposa-t-elle lentement l'instrument obscur avant de rejoindre sa chambre, non sans un dernier regard sur ce dernier. Elle y arriverait. Elle s'en donnerait les moyens.

Ce n'était ni sur parchemin, ni sur vélin, ni sur aucun autre type de papier qu'Eskil faisait travailler Èibhlin ce matin. Il avait sorti il toile, de taille modeste et avait commencé à dessiner, à l'aquarelle, un paysage sombre, dans lequel bêtes, végétaux et minéraux se fondaient les uns dans les autres tout en étant parfaitement discernables les uns des autres. La jeune Sarethi observait  son aîné faire dans une contemplation admirative. Pourtant son esprit demeurait à moitié présent. Ce que ce dernier ne manqua pas de remarquer. Après un dernier coup de pinceau, il posa ce dernier et, sans se tourner vers la jeune fille, l'interpella. « Qu'est-ce qui occupe ton esprit plus que tes leçons, dis-moi ? ». Les iris mauve de cette dernière glissèrent du tableau vers son maître. La gêne pouvait se lire sur son visage. « Je... Désolé. » - « Ne t'excuses pas lorsque tu n'en a pas la nécessité. Je ne t'ai pas critiqué, seulement interrogé. », trancha l'illustrateur en se tournant vers son élève. Èibhlin assimila les paroles d'un signe de tête, ses prunelles s'accrochant à celles d'Eskil. Plus qu'un professeur, il jouait - volontairement ou non, elle l'ignorait et s'en moquait - un rôle de père de substitution en lui apprenant les rouages de la société Alfar. Sans lui, il était certain qu'elle resterai à jamais parmi le bas-peuple, à regarder les autres s'élever ou chuter, sans réussir à les imiter. « Alors. Qu'est-ce qui te trouble tant ? ». La Sarethi prit le temps de chercher ses mots. « En fait, j'essaye de changer la partition d'un instrument. J'ai commencé hier, ça n'a rien donné de concluant. J'étais en train de réfléchir aux différentes possibilités. » - « Tu comptes finalement t'orienter dans le domaine musical plutôt que dans celui du dessin ? » - « Non, bien sûr. C'est juste que je suis incapable de trouver cette partition à la harpe. Et comme j'aime bien la composition. » - « Je vois. Je connais quelqu'un qui peut s'en occuper si tu veux ? ». Èibhlin répondit d'un signe de tête par la négative. Demander des conseils, de l'aide en cas de grosses difficultés à la limite. Mais maintenant qu'elle avait commencée seule, qu'elle s'était décidée à le terminer par ses propres moyens, elle ne donnerai pas son projet à quelqu'un d'autre, aussi expérimenté soit-il. Elle ne supporterai pas de se décharger ainsi d'un objectif sous prétexte qu'un inconnu - elle exagérait, il restait une connaissance de son maître - avait les capacités de sortir une partition en un temps qu'elle ne pourrait jamais égaler, à l'heure actuelle au moins. « Non merci, ce n'est pas important au point de devoir le donner à faire à un expert. ». Un sourire en coin marqua le visage d'Eskil « Mais quelques conseils sont toujours bienvenus, c'est vrai. », ajouta-t-elle en complément de réponse. Les lèvres du Drielsha s'étirèrent  en un sourire satisfait, comme s'il eut espéré qu'elle lui offre cette réponse. « Très bien. Mais nous verrons ça tout à l'heure. Concentre-toi d'abord sur ce que je te montre et t'explique, ou jamais tu ne prendras ni la plume, ni le pinceau. », conclua-t-il en se retournant vers la peinture.

A la fin de la matinée, Eskil la libéra de ses obligations en plus de lui offrir le lieu où se trouvait cette personne qui pourrait l'aider. Toutefois, elle ne voulait pas frapper à la porte de cette femme les mains dans les poches pour lui exposer son problème. Aussi fit-elle d'abord un détour par chez elle pour y récupérer la partition original, ainsi que son piètre essai avant de prendre la direction de l'habitation de la musicienne. Tandis qu'elle ne se trouvait qu'à quelques pas de la bâtisse, elle exhala un long souffle et croisait les doigts pour qu'elle s'y trouva. Car, si elle était absente, d'après l'Illustrateur elle devrait se trouver à l'Opéra. Elle ne voulait vraiment pas la déranger alors qu'elle devait s'entraîner pour une quelconque représentation. Elle s'arrêta quelques secondes sur le pas de la porte avant d'en soulever le heurtoir, le laissant en suspens dans les air un instant, pour frapper rudement la porte de ce dernier. Là, sur le pas de la porte, elle attendit, guettant le moindre bruit, le moindre mouvement. Elle capta alors ce qu'il semblait être des bruit de pas à l'intérieur. Mais, à peine eut-elle le temps de s'en faire une idée que le battant s'ouvrait à la volée devant son nez, dessinant un air surpris sur son visage. Restant silencieuse quelques secondes, elle dévisagea la personne qui venait d'apparaître dans l'encadrement de l'entrée. C'était une grande femme, jeune, au teint clair de de ceux nouvellement touchés par le don de Dothasi, dont la longue chevelure, aux grosses boucles parfaitement formées, se glissait de part et d'autre de son cou dans un arrangement qui paraissait presque calculé tant on pouvait y voir l'absence de rébellion, et pourtant parfaitement hasardeux avec ses mèches qui venaient de temps à autre manger son visage ou l'asymétrie dont ils faisaient preuve dans leur ordre. Ses deux perles grises enfermée dans leurs minces écrins finement dessinés, fixait la Sarethi d'un air sévère.  On aurait dit une poupée de porcelaine. Èibhlin se sentait pourtant étrangement plus fragile que cette dernière à l'instant. « Bonjour. Qu'est-ce que vous voulez ? », lança finalement l'Alfar d'une voix cristalline. Èibhlin se ressaisit alors pour lui répondre d'une voix qui se voulait assurée. « Hum, bonjour. Vous êtes bien Iravami Vahäl? ». Il se passa une seconde où la maîtresse des lieux la détailla des pieds à la tête avant de lui répondre. « En effet. A qui ai-je l'honneur ? » - « Je m'appelle Eibhlin madame. Èibhlin Mèinn. Je suis l'apprentie d'Eskil Ultan, une connaissance à vous j'ai cru comprendre. ». Elle la vit arquer un sourcil comme un rictus se dessina à la commissure de ses lèvres. Néanmoins, elle fut bien incapable de dire s'il eut s'agit d'agacement ou d'amusement. Aussi enchaîna-t-elle immédiatement avec la raison de sa venue avant que la musicienne ne lui claque la porte au nez. « En fait, il m'a renvoyé auprès de vous après avoir que je lui ait fait part de ma volonté de modifier une partition. Il m'a dit que vous pourriez m'aider. ». Cette fois, elle pu deviner ce que ressentait l'Alfar face à elle. De la surprise. Et aussi un peu d'agacement. « Eskil... Il ne peut pas s'en empêcher celui-là. Venez donc me parler de ça rapidement, je n'ai pas beaucoup de temps à vous accorder. », fit-elle enfin en tournant les talons comme elle laissait la porte ouverte pour laisser la jeune Alfar entrer.

« Il ne fallait pas que vous arriviez plus tard. Je suis absente cet après-midi et je dois finir de me préparer. » - « Je ferai vite madame. ». Son ton, autoritaire, ne laissait place à aucune discussion. Aussi elle la suivit dans le salon et s'y installa en silence à sa suite, attendant un signe de la part de son hôte lui donnant l'autorisation de nouvellement s'exprimer. « Vous voulez modifier une partition, vous avez dis. Pourtant Eskil fait dans la peinture et non dans les arpèges. Alors pourquoi ? Autant laisser faire quelqu'un qui sait faire, et bien. », termina-t-elle d'un air où se mêlait lassitude et suffisance. « Parce que... ». Parce qu'elle n'avait pas voulu demander, tout simplement. Probablement en avait-elle juste assez de se sentir redevable. « Je n'imaginais pas cela si difficile. Et comme ce n'était pas très important, je pensais pouvoir me débrouiller seule. ». C'était une moitié de mensonge. « Bien sûr. », rétorqua Iravami d'une voix lente. Elle n'était pas dupe. « Et quelle est donc cette partition ? ». Èibhlin sortit de son sac en toile un premier parchemin qu'elle posa sur la table. La composition qu'elle cherchait à retranscrire. La musicienne s'en saisit de ses doigt délicats et posa son regard dessus. « C'est pour un instrument à vent, n'est-ce pas ? » - « En effet. », confirma la Sarethi, surprise de voir qu'un rapide coup d’œil lui avait suffit pour deviner à quel catégorie d'instrument la partition était affiliée. « Un trombone à coulisse en fait. », précisa-t-elle avant de retrouver le silence. « Ce n'est pas l'instrument que j'apprécie le plus. Mais peu importe. Que voulez-vous faire exactement dessus ? ». Alors Èibhlin se saisit d'un second morceau de parchemin qu'elle posa, timidement, sur la table à nouveau. Sa propre partition. « En fait, j'aime beaucoup ce morceau. Seulement, c'est de la harpe que je joue moi. Et il n'existe pas pour mon instrument. » - « Je vois, vous avez voulu la réécrire. Ça n'a pas l'air d'avoir été un franc succès. », ponctua-t-elle avec un sourire ironique en troquant la partition originale contre celle d'Èibhlin. « Non. En effet. », répondait celle-ci dans une moue irritée. C'était si flagrant que ça ? « Bon. Déjà la clé est mauvaise. Donc forcément le rendu sera mauvais, au mieux pas terrible, même si la partition est parfaitement écrite. ». Èibhlin dévisageait la jeune femme lui expliquer un détail logique maintenant qu'elle l'évoquait, mais auquel elle n'avait pourtant pas pensé une seconde à prendre en compte la veille. Ses prunelles allaient de la partition à la musicienne, puis de la musicienne à la partition, brillant d'avidité. « De toute façon, votre accord est mauvais. Donc ça n'aurait pas ch... ». Iravami releva la tête tandis que de violents coups venaient de retentir contre sa porte, la stoppant nette au milieu de sa phrase. Elle fronça des sourcils avant de se lever pour rejoindre l'entrée.

Eibhlin tendait l'oreille, à l'écoute de ce qu'il pouvait se passer plus loin. Puis, elle prit peur lorsqu'elle entendit son nom être évoqué. Elle ne reconnaissait pas la voix de ces hommes. Qui étaient-ils et, surtout, que lui voulaient-ils ? Elle n'avait rien fait de mal, non ? La silhouette de Iravami fit de nouveau son apparition, la mine sévère. « On vous demande. », fit-elle simplement de sa voix claire. Èibhlin récupéra ses affaires et la suivi. Dans l'entrée, elle y découvrit deux gardes armés et prit peur. Ce n'était jamais une bonne chose quand la garde venait à votre rencontre. « Bonjour... », leur fit-elle dans un souffle à peine audible. Elle n'était même pas sûre qu'ils l'aient entendu. « Èibhlin Mèinn ? ». Elle eut envie de répondre qu'ils faisaient erreur. C'eut été une très mauvaise évidemment, d'autant que la musicienne l'avait déjà confirmé plus tôt. « Oui ? » - « Préparez vos affaires et suivez nous. Vous êtes attendue à Amestris pour la Coupe des Nations. » - « Pardon ? ». La question provenait autant de l'étudiante que de la musicienne, chacune marquée par l'incompréhension, pour des raisons différentes cependant. Pourtant, c'était également un sentiment puissant de fierté qui l'étreignait à présent. Si elle avait su toucher le regard divin, alors c'était que ses efforts n'étaient pas inutiles. Mieux, ils commençaient déjà à payer.
:copyright: ASHLING POUR EPICODE




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Jämiel Arcesi
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Jämiel Arcesi
Sam 06 Juin 2020, 12:28

Des Gammes et des Argèges


Èibhlin déballait d'un geste lent ses affaires. Un parchemin se glissant entre ses doigts, elle attarda son regard dessus avant de le poser sur la commode. Qu'est-ce qu'elle pourrait en faire ? Les brûler ? Les ramener à Eskil pour avoir son avis ? Ou le garder pour elle, tout simplement ? De toute façon, ça n'était pas un secret. Dévisagée  par tout Amestris et la moitié du monde qui s'était déplacé pour cet instant exceptionnel où ils avaient moins de chance finir dans les donjons des Mages Noirs, le côté obscur de chacun des participants avait ainsi pu se dévoiler aux yeux de tous. Elle poussa un soupir et laissa les croquis tels quels, continuant à vider le sac en se remémorant ces dernières semaines. Ça avait été difficile. Plus difficile qu'elle ne l'avait songé. En même temps, il fallait s'y attendre chez les Sorciers., aussi était-elle contente d'être de retour. Drosera commençait à lui manquer. Elle délaissa son sac dans un coin et ne prit pas la peine de ranger ses affaires immédiatement. Elle voulait faire part de son retour à son maître avant toute chose. Aussi se saisit-elle d'une bouteille de champagne qu'elle avait ramené de la Vorace - au prix de ses économies - avant de traverser d'un pas rapide le plateau pour rejoindre l'atelier de l'Illustrateur.

La Sarethi appuya doucement sur la poignet de la porte et poussa cette dernière tout comme pour y passer sa tête dans l’entrebâillement. « Bonjour Eskil. ». Le Drielsha leva la tête, surpris par la voix qui lui parvenait aux oreilles, puis adressa un sourire à sa jeune apprentie avant de quitter son chevet pour la rejoindre tandis qu'elle pénétrait la bâtisse. « Je commençais à croire que tu ne reviendrai plus. », fit-il en la saisissant par les épaules pour l'embrasser sur le front. Eskil était étonnement tactile. Du moins, bien plus que la moyenne supérieure de la société Alfar. Ce pouvait en rebuter plus d'un, mais aujourd'hui Èibhlin était contente de cette attention. Plusieurs fois elle s'était mise à penser qu'il était né parmi le mauvais peuple. « Qu'est-ce que c'est ? », ajoutait-il en posant son regard sur la bouteille. « Un souvenir de mon passage à Amestris. Il parait qu'ils font du champagne de qualité alors j'ai pensé que ce serait une bonne idée de vous en ramener. Pour me faire pardonner cette absence qui s'est prolongée plus que nécessaire. ». A nouveau le visage du Nerethi se dessina d'un sourire et, comme il se récupérait la bouteille que lui tendait la jeune fille, la remercia. « Tu n'es pas partie "plus que nécessaire". C'était une épreuve de Coupe des Nations. C'était normal que tu maximises le temps que l'on t'as offert. », ajouta-t-il comme il tourna les talons. « Tu t'en ai bien sortie d'ailleurs, malgré le stress qui pouvait en découler. ». Èibhlin le dévisagea un instant, surprise. Tandis qu'il posait la bouteille sur une petite table à l'écart, il captait l'expression qui marquait le visage de la Sarethi. « En sachant mon apprentie entre les murs d'Amestris, je n'ai pu que faire un détour pour voir si elle se portait bien. ». Un sourire timide remplaçait la surprise de la jeune fille qui s'avança pour découvrir sur quoi travaillait le Drielsha. « On l'ouvrira ensemble à l'annonce des résultats. », termina-t-il alors en se réinstallant face au dessin, une vouivre, noire comme la nuit, dont les griffes d'argents paraissaient telles des couteaux aux lames acérés. Ce devait être le cas. Èibhlin prit un tabouret et s'installa face à son maître. « C'est inutile. J'ai échoué. ». Cette fois ce fut l'Illustrateur qui argua sur elle un œil surpris. « Je n'en ai fait qu'à ma tête. Il y avait deux conditions pour gagner, je n'ai respecté aucune d'elles. ». Un rictus rieur se dessinait sur les lèvres d'Eskil en entendant sa disciple s'exprimer. Il pouvait sentir la déception de l'échec qui gangrenait le ton de sa voix, mais aucunement le regret d'être allée à contre-courant de ce qui avait été demandé. « Nous trouverons bien une autre occasion alors. », rétorqua-t-il en reprenant la mine qui attendait patiemment son maître. « Au fait. Tu ferais bien de passer voir Iravami. Elle a été plutôt contrariée de la façon dont se sont déroulés les choses. ». Èibhlin fit glisser son regard du dessin à Eskil. La musicienne acceptait de la revoir malgré tout ? Tant mieux. Elle était loin d'en avoir finir avec cette histoire de partition. Au contraire, elle commençait juste.

Après avoir passé un moment en compagnie d'Eskil, à lui raconter plus en détail son séjour dans la Capitale des Mages Noirs pendant qu'elle l'observait dessiner, avec une précision impressionnante, la créature ailée, elle l'abandonna pour retrouver Iravami, imaginant par avance les différentes manières dont l'Alfar pourrait l'accueillir une fois à sa porte. Aussi, comme la première fois, elle marqua un temps avant de donner trois petits coups. Mais aucune réponse ne lui vint en retour, pas même lorsqu'elle toqua une nouvelle fois avec plus de force. Èibhlin laissa échapper un soupir en constatant l'absence de la musicienne, et quitta le parvis pour faire le tour de Mornhîngardh. Ignorant si elle venait de partir ou si elle s'apprêtait à revenir, elle ne comptait pas passer l'après-midi comme une miséreuse devant la porte à l'attendre. Et ce fut une elle idée, puisque la musicienne ne rentra que plus tard dans la soirée.

Lorsqu'elle revint pour tenter une nouvelle fois de discuter avec la Nerethi, ce fut avec un haussement de sourcil qu'Iravami accueilli la jeune Alfar. « Qu'est-ce que vous faites ici ? » - « Je venais pour m'excuser de mon départ précipité. Je vous ai dérangé alors que vous aviez à faire et, finalement, je suis partie avant même que vous n'ayez pu m'apporter l'aide que j'étais venue vous demander. ». Un rire bref s'échappa des lèvres de la musicienne qui fixait avec une intensité étrange la demoiselle face à elle. « C'est vrai que c'était plutôt inattendu. Eskil m'a dit que vous vous étiez un peu amusée à refaire le design des bâtiments, sur place. ». Elle semblait particulièrement amusée à cette idée, ce qui fit germer un sourire sur le visage d'Èibhlin . « Venez, entrez. J'ai quelque chose à vous montrer. Et vous me devait bien ces quelques minutes supplémentaires. ». D'abord hésitante, la Sarethi fini par la suivre, curieuse. Qu'est-ce que cette femme, qu'elle connaissait à peine, pouvait bien lui vouloir exactement  ?

Eibhlin la suivit, calmement et en silence, refermant dans un claquement sourd la porte derrière elle tandis que la musicienne allumait des lampes à huiles sur leur passage, éclairant l'habitat d'une douce lueur comme que la luminosité tendait à diminuer à l'extérieur. « Dites-moi. Comment est le Prince Salvatore ? Beaucoup d'histoire circulent à son sujet, mais il reste difficile de séparer le vrai du faux. ». L'étudiante fut prise au dépourvu par la question, loin de s'attendre à ce genre d'interrogation. Elle aurait dû. « Je l'ignore. Il n'était pas présent. ». La musicienne arrêta son geste pour se tourner vers la jeune fille. Ses iris anthracites fixaient avec intensité l'apprentie illustratrice d'une lueur que celle-ci ne sut déterminer. « Tiens donc. ». Ce furent ses seules paroles avant de reprendre sa marche vers le salon, celui-là même où Èibhlin lui avait expliqué ses déboires musicaux, juste avant de devoir rejoindre Amestris. « Installez-vous. Je revient dans quelques minutes. ». La jeune fille affirma l'injonction d'un signe de tête avant de s'installer, attendant patiemment et dans un silence religieux le retour de son hôte qui revint un verre dans chaque main et une liasse de papier sous le coude. « Qu'est-ce que c'est ? », demanda la jeune Alfar à son aînée, la questionnant pour la première fois depuis qu'elle avait passée le palier de la porte, il y a un mois de ça, en indiquant les parchemins du menton. « La raison pour laquelle je vous ai demandé de rentrer. », répondit simplement cette dernière sans plus de détails, en posant un premier verre devant l'étudiante afin de se libérer une main pour se défaire des feuillets encombrants qu'elle déposa au centre de la table, avant de s'asseoir à son tour. « Vous m'avez rendue curieuse avec cette histoire de partition pour harpe. J'ai fini par étudier la question de mon côté, pendant votre absence. », commença-t-elle en séparant les feuillets en deux tas distincts. Elle en reconnu un immédiatement, sitôt vu ce qui y était dessiné. La partition au trombone à coulisse. Èibhlin commença à sentir une pointe d'inquiétude naître en elle, espérant sincèrement qu'elle n'avait pas fait ce à quoi elle songeait. « Plutôt que de passer du temps inutile à expliquer le pourquoi du comment à une novice qui mettrait  quand même trois ans à écrire cette partition pour un nouvel instrument, même avec toutes ces informations, j'ai profité que vous ne soyez pas là pour le faire à votre place et gagner ainsi un temps considérable. Et vous avez raison, le rendu à la harpe est agréable à l'oreille. », fit-elle en tendant la deuxième pile de parchemin à la Sarethi, une partition qui différait légèrement de la première. « Oh. Merci. », fit doucement la Sarethi en baissant la tête. Elle était déçue. C'était justement ce qu'elle ne voulait pas. Que quelqu'un lui mâche ainsi le travail. Elle se saisit des feuillets et commença et les décrypter. Pourtant c'était vrai. Elle n'aurait jamais réussi une telle chose en un mois seulement. Toutefois, la déception qui marquait autant son être que son âme. n'échappa pas à Iravami. Aussi, cette dernière reprit rapidement. « Je vous la confie. Apprenez-là sur le bout des doigts. Revenez avec ce jour-là que je puisse juger par moi-même de la qualité de votre prestation. » - « Très bien. », répondit la Sarethi, avec un sourire mais sans autant de conviction qu'elle ne l'aurait souhaité.

De retour chez elle, Èibhlin s'installa en tailleur sur sa couche tandis qu'elle attachait d'un geste vif ses cheveux en un chignon approximatif, son regard rivé sur la pile de parchemin qu'elle avait étalée face à elle. Elle s'attarda sur les premiers accords, ceux auxquels elle s'était essayée sans succès. Et, effet, la version de la Nerethi n'avait rien à voir avec celle qu'elle avait pu transcrire. Le parchemin en main, elle se leva pour aller se saisir de sa harpe et joua avec les cordes pour tester la tonalités. Le son était clair, c'est bon. Si l'instrument produisait une mélodie digne des harpes des plus grands luthiers à la lueur des étoiles, sous la clarté de Jeriel, le son était effroyable. La magie qui l'imprégnait était aussi étrange que loin d'être pratique. Elle devrait trouver une solution à ce problème. Elle s'installa sur une chaise et cala l'instrument entre ses cuisses, jeta un dernier regard sur les notes, puis vint doucement pincer les cordes de la Nuit. En effet, ça n'avait rien à voir avec ce qu'elle avait bien put faire elle.
:copyright: ASHLING POUR EPICODE




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Dim 14 Juin 2020, 16:32

Des Gammes et des Argèges
Elle ne comptait plus le temps qu'elle avait passées à tenter de maîtriser les accords de cette musique sans avoir à y jeter un œil. Elle manquait terriblement de temps et avait l'impression d'avancer à la vitesse d'un escargot sur au cœur du Désert de Mow. Il y avait toutes ces heures d'étude qu'il lui fallait rattraper sous le regard sévère de ses professeurs - Jämiel avait raison, on pouvait être Isemssith, cela ne changeait absolument rien - et son temps d'apprentissage auprès d'Eskil - elle ne pouvait décemment pas l'abandonner pour une simple lubie - qui lui chargeait déjà de façon faramineuse son emploi du temps de telle manière qu'elle ne pouvait commencer à déchiffrer qu'au noir. De toute façon, comme muée par une volonté propre, la Nuit n'acceptait de laisser filtrer ses douces mélopées que sous les rayons de Phoebe, n'offrant à l'oreille que sons désaccordés et inharmonieux lorsque la lueur du jour l'atteignait. Ce n'était pourtant pas une excuse. Le visage de poupée de la musicienne lui revenait à l'esprit à chacune de ses erreurs, soit, trop souvent. La revoir quand elle maîtriserait la partition parfaitement et sans avoir besoin de l'avoir sous les yeux, c'était ce qu'elle lui avait ordonnée. Mais la Sarethi était bien loin d'une telle maîtrise. A peine pensait-elle connaître un parchemin que, quelques jours plus tard et, passant au suivant, l'avait-elle déjà pour ainsi dire oublié. Pas dans son entièreté, bien sûr. Néanmoins, il lui était incapable de la rejouer les yeux fermés et son regard avait continuellement besoin de ne serait-ce que frôler les notes inscrites sur le papier jaunis avant de pouvoir s'élancer afin d'effectuer un juste accord. Elle en était aussi frustrée qu'elle était agacée de devoir continuellement recommencer les mêmes parties et de ne pouvoir jamais avancer plus loin que ce troisième bout parchemin sur la dizaine qui n'attendait que d'être répétée. Elle avait l'impression de jouer une sempiternelle mélodie et d'être bloquée dans une bulle temporelle dans laquelle elle ne pouvait sortir. Était-ce ça que les interprètes, qu'ils soient comédiens, chanteurs ou musiciens, vivaient lorsqu'ils devaient apprendre une nouvelle composition ? Par Kennocha, c'était un véritable calvaire ! Ils devaient faire preuve d'une patience et d'une détermination monstrueuse ! Actuellement, la seule chose qu'elle avait envie de faire, c'était envoyer valser les feuillets à travers sa chambre. Il lui avait été presque plus simple de se confronter à l'épreuve de Coupe des Nations, quoi que le contexte fût quelque peu différent. Ici c'était un véritable désir qui lui tenait à cœur. Et, justement à cause de cette épreuve, elle avait dû repousser cette intention d'une durée trop importante à ses yeux. Ce qui lui déplût fortement. Probablement l'une des raisons l'ayant poussé à rejeter et se rebeller contre toute forme d'autorité lors de sa présence au sein de la Vorace, alors que ces Mages Noirs avaient évidemment plus d'expérience qu'elle ne pouvait en désirer. Elle devrait apprendre à ne pas se laisser autant guider par ses émotions. Elle était encore trop passionnée, ce n'était pas bien. Du moins, pas de cette façon. Elle voyait comment ses comparses, notamment ceux provenant des grandes familles, agissaient et réagissaient. Ils étaient bien moins spontanés. Non, ce n'était pas ça. Irréfléchis était le bon terme.

Lorsque les Arcesi lui offraient encore le gîte et le couvert, elle avait pu les voir. Líadan et Ailill répondaient de façon tellement naturelle au moindre mot, à la moindre phrase prononcée. Pourtant elle avait pu comprendre, au fil de son séjour, que ce n'était qu'apparat et mensonge. Que derrière ces façons, chacun des gestes, et chacune des réponses offertes étaient pensées et calculées. A la fin, elle avait fini par se demander s'ils s'en rendaient encore compte. Alastar et Jämiel, par l'apprentissage méticuleux de leurs parents ou effet de mimétisme, avaient les mêmes réactions. La jeunesse et le manque d'expérience les rendaient néanmoins plus fougueux et, au détour d'une phrase, dans l'éclat d'un regard, par un geste parasite, l'on était susceptible d'obtenir d'eux une réelle part de vérité. Pas toujours, mais cela pouvait arriver. Elle était si différente d'eux. Elle n'avait l'expérience que d'une enfant de 5 ans et les réminiscences d'une pathétique Ygdraë. Rien qui ne pouvait l'aider à réagir comme les Arcesi, aussi minime soit le temps qu'ait pu les fréquenter. De même, elle ne pouvait pas dire qu'Eskil soit un modèle dans son genre. S'il lui enseignait les travers et les armes des Enfants de Dothasi, il ne serai pas celui qui lui apprendrai à se défendre des traîtres prêts à lui planter un couteau dès qu'ils le pourraient le jour où elle passerai les portes de Mornhîngardh. Et, malgré ses liens avec les Arcesi et le fait que Jämiel lui ait tendu la main à sa "naissance", pour une raison lui étant encore inconnu aujourd'hui en ayant connaissance des mœurs de la société, elle savait que celui-ci pourrait parfaitement faire parti de ces derniers. Il avait été élevé ainsi. Elle ignora à l'instant si elle était triste pour lui de vivre déjà, sur ce plateau loin d'être des plus agressif, avec cette mentalité ou si elle l'enviait car, ainsi, elle le savait déjà prêt à faire face à ses comparses, que ce soit pour s'emparer de leur place comme pour accepter la victoire de l'un de ces derniers. En d'autres termes, accepter la mort. Elle ne l'était pas, elle, prête à ce combat et ces coups bas. La Sarethi leva les yeux, observant à travers la fenêtre la lune sanglante dans le ciel. Un frisson glacé glissa le long de sa colonne vertébral tandis que toutes ces tragiques pensées traversaient son esprit épuisé. Ses paupières s'alourdissaient à chaque minute qui passait et elle devenait de plus en plus incapable de comprendre ce qu'elle avait sous les yeux. Finalement, elle se résigna et rejoint sa couche, quittant l'Aether des Arts pour rejoindre celle des Rêves.


Après des jours à enchaîner les échecs, la jeune Alfar se décida à changer de technique d'apprentissage. Assise à même le sol, la partition étalée autour d'elle, Eibhlin croquait dans une pomme, ses iris s'attardant pendant une dizaine de minute sur un premier accord, jouant dans le vide de ses doigts fins comme elle interpréterai sur son instrument. Enfin, elle se leva, attrapa sa harpe, et commença à le jouer autant de fois qu'elle avait relu les notes enchaînées, jusqu'à ne plus à avoir à glisser un œil afin de vérifier que ses doigts filaient vers les bonnes cordes. C'est alors qu'elle parvenait à transformer une simple succession de notes en douce harmonie qu'elle s'arrêtait et reposait la Nuit pour revenir s'installer au centre du cercle de feuillet, reprenant sa pomme en main, la croquant à pleine dent et se concentrant sur l'accord suivant, imprégnant son esprit de la série de note une dizaine de minutes au moins, jusqu'à ce qu'elle soit parfaitement ancrée. Alors elle posai le fruit, se levai pour rejoindre l'instrument, et jouai ce nouvel accord autant de fois qu'il le fallait jusqu'à ne plus douter, avant de reprendre la mélodie du début. Quand tout se déroulait parfaitement et de façon fluide, alors elle passait à la suite. Si elle avait à s'arrêter pour se souvenir, ou simplement oubliait l'un d'entre eux, elle recommençait à partir de cet échec. La Sarethi répéta ainsi ce schéma, étrangement plus efficace que le premier, autant de fois qu'il le fallut afin de retourner voir Iravami. Tout aussi étrangement, elle espéra que cet apprentissage dure le plus longtemps possible. Au moins son esprit était occupé pendant ces exercices.

Partition en main, Eibhlin exhala un long souffle avant de s'annoncer à la porte de la musicienne. Comme chaque fois, il y eut quelques secondes de latence entre cet instant et celui où la porte s'ouvrit. « Oh. Vous voilà enfin. Je commençais à croire que vous ne reviendriez jamais. ». Eibhlin baissa les yeux à cette remarque. « J'imagine que vous n'avez plus besoin de ça si vous êtes ici. » continua l'Alfar à la peau de porcelaine en tendant la main pour récupérer les feuillets. La Sarethi les lui offrit d'une main peu assurée, ce que la musicienne remarqua immédiatement. « Si vous ne vous sentez pas capable, reprenez donc ces parchemins et revenez un autre jour. » fit -elle avec un ton sec. Alors Eibhlin releva ses iris améthystes pour les poser sur la Nerethi. « Non ! Non, ce n'est pas ça. Je suis prête, je vous l'assure. ». Elle l'avait répétait tant de fois, trop de fois, qu'elle ne pouvait qu'être certaine de réussir. Non, c'était bien autre chose qui occupait ses pensées actuellement. Il n'y avait donc qu'une seule réponse possible ce jour-là. Qui plus est, qu'en savait-elle des manigances des Hauts-Plateaux ? Ils étaient à des hauteurs qu'ils leurs étaient parfois impossible de voir depuis Mornhîngardh lors des journée trop brumeuses, comme si la nature elle-même leur rappelait la place qu'était la leur. « Vous avez votre propre harpe ? », questionna la Nerethi en tournant les talons. « Oui. Mais elle est... Particulière. Je ne peux en jouer que la nuit. Le jour, le son qu'elle produit est affreux. » - « Un bien étrange instrument. Vous devriez en changer ou sinon en prendre un véritable. » - « Quand j'en aurai les moyens. », conclu-t-elle en glissant une mèche derrière son oreille. « Ce n'est pas grave. J'en ai loué une, au cas où vous n'en ayez pas. ». Un air de satisfaction pût se lire sur le visage d'Eibhlin suite à la déclaration de l'Alfar. Cela faisait combien de temps qu'elle l'avait en sa possession ? Elle ignorait quand elle allait venir et peut-être demain aurait-elle encore travaillée sur ce mouvement. Pourtant, elle avait cette harpe, chez elle, en location. « Elle est dans le salon, à côté du service à thé. Faites attention quand vous vous installerez. ». La Sarethi confirma d'un signe de tête avant de devancer son aînée. S'installant sur le canapé, calant la harpe entre ses cuisses, elle commença par faire doucement glisser ses doigts sur chacune des cordes afin de vérifier si elle n'avait pas à l'accorder. Il sembla que non. Toutefois, c'était étrange. Elle n'était pas habituée à utiliser une autre harpe que la Nuit. Iravami la rejoint quelques secondes après, deux verres pleins en mains, et s'installa face à elle sur un fauteuil crapaud. Puis elle fixa la jeune étudiante, en silence, qui compris que c'était le moment de se lancer. Après une inspiration, elle ferma les yeux et se lança dans l'interprétation.

Une, deux, trois notes. La fin, qui résonna dans un écho. Une, deux, trois secondes, puis elle rouvrit les yeux, se plongeant dans les iris de la musicienne et attendant son jugement. Un sourire se dessina sur les lèvres de cette dernière. « Vous êtes une bonne élève, et assidue. ». Vraiment ? « Je comprends mieux pourquoi Eskil vous a prit sous son aile. ». Eskil. Si elle avait su qu'il était présent. « Il est évident que vous pourriez le rejouer n'importe quand et n'importe où sans la partition. ». N'importe où. Peut-être pas. Elle avait compris qu'il y avait des lieux à éviter. « Alors pourquoi cette mine désespérée ? ». Eibhlin retint un souffle de surprise. « Ne soyez pas étonnée. Une représentation réussie apporte toujours le contentement. Hors, vous ne l'êtes pas. » - « Je... ». La Sarethi se plongea dans le regard sévère de l'Alfar de porcelaine. Elle ne la lâcherai pas avant de savoir. « C'est juste que... Je ne suis pas vraiment rassurée. » - « Ce qui veut dire ? », insista Iravami en s'enfonçant dans le fauteuil. « C'est en rapport avec la Coupe des Nations. » - « Celle à laquelle vous avez participé ? Je croyais que les résultats avaient été donné. » - « C'est le cas. ». L'étudiante marqua un temps, laissant ses doigts glisser le long des cordes de la harpes, une douce mélodie s'échapper dans l'air. « En fait... ». Son regard vola sur les côtés, cherchant un point d'ancrage qu'elle ne sût trouver. « Nous devions répondre à une demande du Prince Noir. En l’occurrence, je n'y ai pas répondu favorablement. ». Un rictus se glissa au coin des lèvres de la musicienne. « Aucun Alfar n'y aurai répondu favorablement. » - « Même lorsque cela nous offre une possibilité de nous élever hiérarchiquement ? ». Iravami plissa les yeux comme elle pencha la tête sur le côté. « Alors tout dépend de la demande. ». Eibhlin ne précisa pas de quoi il s'agit. « Il y a quelques jours de ça, j'ai reçu une réponse, du Prince Noir en personne. Il ne semble pas vouloir accepter mon refus. ». Comme elle se leva, un rire bref échappa à la Nerethi. « C'est bien souvent le cas des personnes de pouvoir. Néanmoins, vous avez moins à craindre que vous ne le pensez. Dire "Non" à ces personnalités est l'une des choses plus compliquée qu'il puisse exister. Pourtant, même si ce fut par écrit, vous l'avez fait. ». Elle quitta la pièce pour revenir, une liasse de parchemin vierge entre les mains. « Maintenant que vous avez réussi à lui tenir tête une première fois, n'ayez pas peur de lui faire face une seconde fois. ». Cette phrase sonnait aussi bien comme un conseil que comme une injonction. « Pour revenir à l'essentiel, j'ai malencontreusement fait tomber la partition dans l'âtre de ma chambre. Peut-être pourriez-vous la réécrire. ». Malencontreusement. Un sourire se dessina sur les lèvres de la Sarethi. Elle comprit pourquoi elle avait insisté sur cet apprentissage rigoureux. Ainsi, c'est de mémoire qu'elle retranscrirai cette partition. Sa partition. Probablement devrait-elle s'y reprendre à plusieurs fois, mais au moins elle n'en aurai pas pour une décennie à présent. Egalement, ses paroles sur les soucis qui encombraient son esprit l'avait étonnement réconfortée.
:copyright: ASHLING POUR EPICODE




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