Depuis son arrivée, Maximilien avait fini par devenir familier avec les différentes rues de la capitale et avait assimilait les parcours les plus rapide menant d'un point A à un point B. Il fallait au moins ça. Avalon était grande et un mauvais détour pouvait rallonger la route de plusieurs minutes à pieds. Celui qui avait réfléchi l'architecture de la ville se moquait bien des êtres dépourvus de la capacité de voler. Il s'y était fait. Il y avait bien été obligé. C'était comme tout et partout à vrai dire, il n'y avait pas à se leurrer. Ils avaient beau être les Enfants de Sympan, la légende avait beau raconter que leur race avait été la première à naître et y poser le pied, ce monde n'était pas conçu pour eux. Il n'était pas pensé pour eux. Seule les villes construites pour et par les Humains leurs étaient fonctionnelles. En d'autres lieux, peu importe quel qu'il soit, la magie régnait en maître incontesté et absolu. Et il fallait faire avec. Ou plutôt sans dans le cas de l'Obstiné. Pourtant cela n'avait pas empêché ce dernier de s'attarder dans celle que l'on nommait la cité des plaisirs. Loin d'être pour cette raison, cela était surtout dû à son poids mort. Il avait fait le pari des ailes et en cela il irait jusqu'au bout de ses forces pour arriver ne serait-ce qu'à en tirer un usage minime. Car si la capitale n'était pas pensée pour ceux vivants sur terre, elle l'était totalement pour ceux qui passaient leur temps dans les cieux. Ce qui était évidemment loin d'être le cas de Qaixopia et son dôme protecteur. Cela n'avait rien d'illogique en soit. Personne n'aurait imaginé que des Humains puissent un jour être pourvus d'une paire d'aile. Mais c'est bien à cause de cette architecture qu'apprendre à en user serait bien plus aisé ici que dans la cité sous-terraine. Voilà la raison qui le retenait encore aujourd'hui sur les Côtes de Maubëe.

Tandis qu'il passait la porte de l'appartement, Maximilien trouva Kyra qui nourrissait son morfale de félin. « L'autre à un régime particulier ? Je le vois jamais réclamer. ». La Déchue haussa des épaules. « Je n'en sais rien, je n'ai jamais eu à lui donner. Mais il ne semble pas mourir de faim. Regarde-le. ». D'un signe de tête elle lui indiqua la position de l'animal, vautré sur l'une des étagères dont il avait renversé livres et bibelots sans la moindre gène pour se faire plus de place. « Je soupçonne des fois qu'il ne s'agisse pas réellement d'un chat à cause de ça. » - « Quoi alors ? » - « Aucune idée. » répondait-elle d'un air nonchalant. « Quoi, ça t'intéresse pas de savoir ? Tu dis que c'est peut-être pas un chat, et t'es même pas curieuse de savoir si t'as un espion ou que sais-je d'autre dans ton appart' ? ». De nouveau elle haussa des épaules. « Il n'est pas envahissant. Il n'a jamais été nocif envers moi ou mon entourage. A partir de là, je ne vois pas de problème. » - « Je sais pas comment tu fais. » rétorqua le Kaahi en déposant la cagette qu'il ramenait des halles sur la table. « Merci. » commença Kyra avant de répondre à son interrogation. « Ce n'est pas compliqué. J'ai tout repris depuis le début en m'installant ici. J'ai appris de nouvelle chose et en ai ré-appris d'autres sous un nouveau point de vu. J'ai revu mes opinions. Politiques et religieuses. Surtout religieuses avec la Guerre des Dieux qui est passé entre-temps. Et dans tout ça j'ai fais des rencontres ou bien perdu des êtres qui m'étais chers. Parfois même les deux. » fit-elle en exhalant un souffle comme elle commençait à ranger les victuailles. Maximilien ne répondit rien, détaillant la Déchue qui s'expliquait d'un regard qui se fût durci à ces dernières paroles. « Et j'ai simplement fini par me rendre compte que les divergences d'idées ne provenaient que de l'éducation raciale et que les vraies rencontres, celles qui nous construisent et auxquelles on tiens, sont trop éphémère pour les ignorer. Alors ce n'est pas un chat qui ne ne me cause aucun tracas qui m'occupera l'esprit. » conclut-elle plus simplement. « Ça va faire combien de temps ? » - « De quoi ? » - « Que tu as décidé de pardonner au monde comme ça. ». Un rire bref échappa à La Petite Sœur. « Non, ce n'est pas exactement ça. C'est plus une chance que je lui offre. ». Un mince sourire barra ses lèvres sur son visage tendu. « Je... N'ai pas pardonné au monde. Non. ». Elle marqua un temps avant de prendre une longue inspiration et faire face au Kaahi. « Je ne peux pas pardonner le regard de mes parents après ma déchéance. Je ne peux pas pardonner aux Démons la mort de mon père. Je ne peux pas pardonner le dilemme de mon frère. Je ne peux pas pardonner l'absence d'une amie alors qu'aux dernières nouvelles elle avait été tuée. ». Elle exhala un souffle long, profond, avant de s'ancrer dans les iris de l'Obstiné. « Je ne peux pas te pardonner, aussi insensée soit ce sentiment et malgré le temps écoulé. Et je sais que tu penses à l'identique. Je le vois. Régulièrement. Encore tout à l'heure. Mais on ne peut défaire ce qui a été fait. Alors la seule chose à faire c'est accepter. Et donner les moyens pour recommencer quand c'est possible. ». Le Kaahi croisa les bras, en silence, tandis que la Gourmande se détournait pour mettre de l'eau à chauffer. C'était vrai. Le temps passant et parce qu'elle avait insisté, il s'était décidé à offrir cette chance dont elle parlait. Néanmoins persistait dans les tréfonds de ses tripes le germe de l'abandon. Les choses allaient bon vent toutefois. Il aurait déjà quitté les lieux et depuis longtemps sinon. Mais cela ne fonctionnait que pour une seule raison. : jamais aucun des deux ne l'évoquait. Le passé. « C'est tout de même amusant. » reprit la Déchue, un sourire à la commissure des lèvres. « Même rompu le Lien reste toujours présent. » - « Je ne suis pas certain qu'on puisse dire que ce soit amusant. » répliqua Maximilien. « Peut-être. Je trouve ça intéressant personnellement. » - « Il va falloir que tu me fasses la liste de ce que tu ne trouves pas intéressant, ce sera bien plus simple. ». Rapidement l'Abjecto changea de sujet. Il était inutile de s'attarder plus là-dessus. « J'ai vu Yury hier. Il a dit qu'il passerait aujourd'hui. » - « Et c'est tout ? » - « C'est déjà pas mal. C'est la première fois que je le revois autant depuis qu'Alisha n'explose plus ma vaisselle. » - « Alisha ? » - « Une amie. La mère d'Oriane. Yury est son mentor. » - « La mère d'Oriane. C'est pour ça que je l'ai jamais vu j'imagine. » - « Non. C'est parce qu'elle n'est plus à Avalon. » - « En effet, c'est une bonne raison. » rétorqua Maximilien en finissant de moudre le café. Non. Elle n'a offert aucune raison valable, songea La Petite Soeur en fronçant des sourcils. C'était bien là ce qui la contrariait elle et plus encore son mentor.

Lorsque Yury les rejoints, en début d'après-midi, il ne s'attarda pas longtemps signifiant rapidement à Maximilien de rejoindre le Cœur Vert, tirant une grimace à ce dernier tandis qu'il le vît s'éloigner à tire d'aile. Il l'avait fait exprès, et il le savait. Aussi, lorsqu'il arrivât sur place, il trouvât le Colérique adossé à un arbre à éplucher une orange. Celui-ci cessa son mouvement en entendant le Kaahi approcher. « T'en a mis du temps. J'ai même eu l'occasion de passer récupérer des oranges. T'en veux une ? Attrapes ! » enchaîna-t-il sans laisser l'opportunité de répondre à Maximilien qui réceptionna le fruit en arquant un sourcil. « Je te rappelle que j'ai que mes jambes pour moi. Donc oui, j'arrive que maintenant. » répliqua-t-il agacé en renvoyant l'agrume au Déchu. « Dans ce cas t'as qu'à te bouger au lieu de te plaindre. » répondit sèchement Yury en reposant le fruit qu'il avait attrapé au vol. « Le monde serait moins étonné de voir un éléphant qui vole qu'un Humain. Il ne tient qu'à toi de montrer que c'est possible et c'est pas avec une plume magique que ça va marcher. » continua-t-il avant de croquer dans un quartier de l'orange qu'il avait pelé un peu plus tôt. « De toute façon ta plume magique n'aurait rien été d'autre qu'une plume normale entre mes mains. ». Un rictus se dessina sur les lèvres du Déchu. « Pas grave. Ça aurait été une plume de volonté. ». Maximilien le détailla, décontenancé. Qu'est-ce qu'il était en train de lui raconter là ? « Peu importe. T'en fais quoi de tes ailes pour l'instant ? » - « Pas grand chose. » répondit l'Obstiné en illustrant ses propos. Il arrivait enfin à les bouger. Un peu. Mais quand il voyait le ballet aérien d'Avalon, il se disait clairement que c'était ridicule ce qu'il faisait là. Pour commencer, il était incapable de dissocier le mouvement d'une de l'autre. En d'autres termes, s'il était capable de voler aujourd'hui, il formerait une trajectoire parfaitement rectiligne. Inutile donc. « Mouai, pas top en effet. » confirma le Colérique avant de croquer dans un nouveau quartier en fixant l'Humain, les sourcils froncés. « Quoi ? » interrogea ce dernier devant son air perplexe. « Je réfléchissais... J'imagine que tu sais un minimum te battre si t'étais avec les Réprouvés ? » demanda-t-il à son tour, faisant référence à Odon Do Dur. « Euh, ouai, je suppose. Ça dépend. ». Yury délaissa alors son fruit, l'offrant aux insectes qui ne tarderaient pas à se montrer pour récupérer l'agrume juteux, et se positionna face à Maximilien dans une posture semi-défensive. « Je vais te montrer un truc. Et pour ça je vais te demander de me frapper. » - « T'es sérieux ? » répliqua le Kaahi soudain dubitatif. « J'ai l'air de me marrer ? » répondit Yury, agressif. Non, bien sûr. Aussi Le Kaahi se positionna à son tour pour lui porter un coup que le Déchu para avec une facilité déconcertante avant de le repousser. « Je t'ai dis de me cogner, qu'est-ce que tu branles ? » - « Ah ! Parce que tu crois que c'est aussi simple chez les autres que chez les Déchus. » rétorqua Maximilien qui se laissait malgré tout porter par l'essence du Déchu que celui-ci laissait s'exprimer comme il réessaya, subissant un nouvel échec. « Donc pour toi les Déchus sont plus sensibles aux tentations que le reste du monde ? » commenta Yury avec sarcasme. « T'en est vraiment certain ? » ajouta-t-il au contact suivant. A cet instant Maximilien se crispa avant de siffler rageusement tandis qu'il s'écartait de l'Aile Noire « Bâtard. ». Il savait le Kan'Ghar de Yury relativement plus important que son Ma'Ahid bien que jamais il n'en eut fait usage. Toutefois il ne l'avait jamais vu être totalement dérangé en sa seule présence. A moins qu'il ne sache se contrôler avec une force incroyable, avait-il également songé. Aujourd'hui il optait cependant pour la première option tandis que la flamme de la Colère venait de embraser sa poitrine. Le Déchu n'avait même plus besoin de demander. Il se foutait de la raison pour laquelle il lui avait demandé d'ailleurs. Juste pour s'être permis de jouer avec ses sens et n'avoir pas été sport en la jouant ainsi, il allait lui en foutre une, ce qui ravi un sourire victorieux à Yury en voyant l'éclat brillant dans les prunelles de l'Humain. Toutefois, de nouveau, le Déchu esquiva le coup qui fût donné avec bien plus d'entrain et, avant que Maximilien n'effectue la moindre parade, le Colérique se saisit du bras tendu et déploya ses ailes pour passer vivement dans le dos de l'Obstiné en un battement. D'un coup dans le péroné, il fit s'effondrer à genoux le Kaahi tandis que, relâchant son bras, il se saisit de chacune de ses ailes. Un pied sur les trapèzes, le forçant à courber l'échine, ses mains rudement agrippées au cartilage de ses ailes tiraient dessus arrachant un râle douloureux à l'Humain. « Bordel ! Ça va pas ?! » - « C'est ça que je voulais que tu vois. Je pourrais facilement te les arracher si l'envie me prenait. ». Cette fois la colère qui brûlait l'être de Maximilien était réelle, et non fictive et dû à quelques sortilèges. Il le sentait, c'était aussi profond que viscéral. « Casse-toi sérieux ! J'ai compris ce que tu voulais dire ! ». Yury marqua un temps, dévisageant l'Obstiné qui l'observait en biais de sa position dominé. « Non. Je ne crois pas. » lâcha-t-il en renforçant sa prise et son appui sur l'Humain qui cherchait à se débattre. « Actuellement ce sont plus que des poids. Ce sont carrément des handicapes tes ailes. Tu sais pas les utiliser, tu es cloué au sol comme un oiseau blessé ou estropié et tout le monde sait que ces bêtes sont les premières à se faire chasser. Au mieux elles sont utilisés comme appât. ». Il illustra la fatalité de ses propos en insistant de nouveau sur la colonne vertébrale de l'Obstiné. « Putain, si c'est un repose-pieds que tu cherches tu t'es planté d'endroit alors casses-toi je te dis ! ». A nouveau le Colérique marqua un temps face à cette agression verbale, fixant le visage tendu et la haine qui teintait les iris de Maximilien. Alors un sourire vint dessiner ses lèvres. Ce n'était même pas pour ses ailes ou la douleur qui résultait de sa prise et de la force qu'il exerçait dessus qu'il lui crachait dessus. Il aurait pu les lui arracher, ça lui serait passé par-dessus la tête en vérité. Non, ici le problème venait de leur situation respective. Alors il le relâcha et se positionna face à lui pour lui tendre la main et l'aider à se relever. Main que le Kaahi rejeta. « Apprends à les rendre utile, même au sol. Alors tu n'auras plus à courber l'échine comme tu viens de le faire. Et pour ça, ça commence par savoir les coordonner. ».