La chaise vola à travers la pièce et s’éclata avec fracas contre le mur. Quelques secondes plus tard, elle fut soulevée de terre et frappée répétitivement contre le sol, jusqu’à ce que ses pieds ne cédassent un à un. L’assise effectua un vol plané, ricocha contre la table de la salle à manger et tomba dans l’évier, sur une pile d’assiettes. « Et ça aussi, ça me saoule ! » L’Ailé se dirigea lourdement vers la vaisselle. Il attrapa le tout et la jeta à ses pieds. « Voilà, nutaar ! » Il apposa ses deux mains sur le plan de travail, et d’un geste emporté, glissa pour chasser les verres et les couverts qui patientaient sur le côté. « Il est où, Santa’Claus, ardyr ? » s’égosilla-t-il. Il avait retourné toute la maison. Il n’avait trouvé aucun vieux pirate à la barbe blanche, aucun lutin vert, aucun renne. N’avait-il donc pas été assez courageux, ces derniers temps ? Non. Il ne l’avait pas été. Il était faible et lâche. Il attendait avec la passivité d’un caillou et se laissait ballotter par les événements. C’était inadmissible, et c’était pour cela que Santa’Claus n’avait pas daigné apparaître – peut-être aussi parce que ce n’était pas la bonne saison, mais cette possibilité n’effleurait même pas son esprit. Il lui avait pourtant préparé des gâteaux. Peut-être que les moules de Kagami ne lui avaient pas plu. Ça devait être ça. Il donna un coup de pied dedans. « Nutaar do mokaak do ardyr. » (Putain de moules de merde) Des pâtisseries, il ne restait que des miettes répandues sur la table. Il ne les avait pas mangées. Il les avait écrasées à l’aide de son poing. Il n’en était pas satisfait : il aurait préféré le faire à la hache, mais n’y avait pas pensé sur le moment. Un spasme secoua le fils de Réprouvés. Il plaqua la main devant sa bouche, puis la retira vivement et se plia en avant : il vomit tout son repas du midi. Il tomba à genoux devant sa régurgitation et pesta violemment. En plus des maux de crâne qui ne le quittaient pas, il fallait qu’il se vidât de ses tripes. Mais quelle bague de merde ! Dans un énième et dernier élan de colère, il la retira et la jeta à travers la pièce. Toute sa lucidité retrouvée, l’Ange cligna des yeux face au carnage qu’il avait perpétré. Il se rappelait vaguement que l’étage avait subi le même sort… « … Oups. »

Za,

Je crois que tu ne sais pas lire. Peut-être que tu trouveras quelqu’un pour te déchiffrer mon charabia. Sinon, tant pis, tu n’as qu’à déchirer ou brûler cette lettre (je ne sais pas trop pourquoi je te l’écris puisque si tu le comprends, tu n’as pas besoin de t’en débarrasser, mais peu importe). J’espère que ça va, à Gona’Halv. Aux Jardins, c’est toujours pareil. Moi, ça va. Kagami te passe le bonjour, d’ailleurs.

J’ai essayé la bague. Plusieurs fois. Je pensais que ce serait une connerie, ton truc, mais en fait, ça me transforme en Réprouvé. Je ne savais même pas que des artefacts de ce type existaient. C’est impressionnant, et ça m’aurait été bien utile si j’étais resté à Lumnaar’Yuvon. Tu me diras, ce sera peut-être l’occasion d’y retourner sans voir ma tête finir au bout d’une pique. Il va bien falloir que j’apprenne à gérer cette nouvelle nature. C’est bête que tu sois coincée sur cette île. Peut-être que j’irai demander conseil à Pendrake. Les Jardins-Sceptelinôst, ça peut vite se faire.

Les premières utilisations, ça allait (sauf une…). J’ai dû tomber sur le côté angélique, surtout. Il y a juste cette obsession pour Santa’Claus qui me prend par moment, c’est assez effrayant. Et les ailes, c’est clairement une arnaque. Rouges avec de la fourrure blanche en pilou-pilou autour ? Heureusement que j’ai récemment acquis des ailes rouges angéliques. Avec celles-là, au moins, j’ai l’air crédible. Ah et aussi, ça me donne mal au crâne, et la dernière fois – ce matin – ça m’a fait vomir. Au point où en était la maison, ce n’est pas très grave. J’ai tout retourné. C’est sens dessus-dessous. J’ai cassé deux-trois meubles, aussi. J’espère que les voisins n’ont pas entendu. En tout cas, réparer tout ça, ça va me prendre du temps. Il va falloir que j’apprivoise la partie démoniaque de cette personnalité, sinon ça risque de devenir problématique.

Enfin, je tenais quand même à te remercier – je prends soin aussi de ton effigie en peluche, évidemment. Il n’y a pas longtemps, j’ai offert une chienne à Kagami. Là où je l’ai trouvée, ils avaient aussi cette petite bête qui a dû te sauter dessus dès la réception du paquet. C’est un chimpansy. Il va te suivre comme un vrai pot de colle. Il fait des bruits trop mignons, même si je suis à peu près certain que tu vas les détester. Cela dit, je ne m’inquiète pas trop pour lui : il est insensible à la douleur, ses os se ressoudent automatiquement, et il sait mordre super fort. Si tu t’en occupes bien, il est adorable !

Prends soin de toi,

Priam

Cadeau : Le chimpansy est un animal excessivement affectueux, qui suit son propriétaire partout où il va. Pour s’exprimer, il produit des bruits adorables. Il dispose de trois pouvoirs : l’insensibilité à la douleur, l’incassable (ses os se ressoudent automatiquement) et le croc-mignon (lorsqu’il passe en mode attaque, ses deux canines s’allongent et se chargent de poison, poison qui peut être mortel ou provoquer de simples étourdissements).
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