Le Bal du Cygne Bleu

« Cher journal,

Nous sommes arrivés aux Terres du Lac Bleu hier. Lhéasse me suit toujours partout, surtout depuis que la période est à l’amour. J’espère que je pourrai aller au Bal du Cygne Bleu qui a lieu en plein air à côté du Lac. Pour ça, il faudrait que l’on m’offre un ruban assorti. Je n’ai personne a invité et si Lhéasse apprend que je me suis mise à la couture avec l’intention d’inviter un garçon, il risque de m’interdire d’y aller. Il m’énerve. J’en ai marre de lui et de l’avoir sur le dos tout le temps. S’il avait de l’humour encore… Mais non ! Je vais devoir me le coltiner au Bal si je veux y aller. Après… C’est vrai qu’il est plutôt bon danseur, et noble. Isabeault n’arrête pas de le regarder avec des yeux de vieilles huppes. Ma sœur est devenue une vraie catin, avide de monter dans la hiérarchie nobiliaire. Ça ne la fera pas évoluée vers des responsabilités ! Quelquefois, j’ai envie de lui claquer sa face ! Ça me ferait du bien ! Et à elle aussi ! Je trouve que papa et maman sont bien trop laxistes avec elle ! Je suis à peu près sûre qu’elle va finir par tomber enceinte hors mariage ! Et que fera-t-elle ensuite ? Ça m’énerve ! Surtout qu’elle n’arrête pas de parler des rubans qu’elle confectionne. Encore ce matin, elle était en train de se vanter d’en avoir déjà reçu plusieurs mais de préférer se ménager des possibilités. Elle compte inviter pleins d’hommes ! Et en plus elle est nulle en couture ! Ses rubans ne ressemblent à rien ! Elle m’énerve ! Bref, elle veut inviter Ignatius Worth et Kaahl Paiberym. Comme s’ils avaient du temps à lui consacrer ! Elle est ridicule ! Surtout que ce n’est pas tout ! Elle va envoyer des rubans aux Anges aussi ! Elle est complètement à la ramasse si elle croit que le Prince de Caelum et la Bûche Sauvage vont vouloir l’accompagner à un bal ! Et puis je ne te raconte pas la robe qu’elle a prévu de mettre ! Super décolletée, avec plein de froufrous partout. Elle devrait avoir honte !

Bon et sinon j’en ai marre que tout le monde parle de moi comme si j’étais une pestiférée. Ils me soûlent ! Ils ne peuvent pas être discrets un peu non ? Forcément, avec Lhéasse à côté de moi je ne passe plus franchement inaperçue. Et malgré l’aura qu’il dégage, il arrive encore à me surprendre. Hier, j’avais oublié ma serviette et il est apparu de nulle part pour me la tendre ! J’étais complètement nue ! Je me demande ce qui lui passe par la tête ! Il est complétement tordu ! Sans parler de l’autre là, je ne sais plus qui Taiji qui était à la soirée en l’honneur de Clémence. Les deux ensemble… J’ai cru que la soirée allait se terminer en bain de sang ! Heureusement que le Nylmord et le Sirigon étaient là !

Enfin bref. Depuis ce matin je fais les préparatifs pour le repas de ce soir. Avec plusieurs de mes sœurs – pas Isabeault, forcément, parce qu’elle est trop occupée à chanter ses propres louanges – nous avons décidé d’organiser un repas romantique pour nos parents, qu’ils puissent se retrouver tous les deux, ensemble, sans nous. On a convenu d’aller passer la soirée chez ma tante pour leur laisser de l’espace. Je vais aider mes sœurs à se préparer pour le bal de demain. Certaines ont déjà reçu des rubans confectionnés par leurs amoureux. D’autres en ont envoyé qu’elles ont fait elles-mêmes et reçu des réponses positives. Ce sera vraiment magique je pense. Même Pâquerette y va, accompagnée.

Je dois te laisser, il faut que j’aille chez le fleuriste pour acheter des fleurs afin de garnir la table de ce soir ! On a prévu des petites bougies et Douce est en train de s’occuper de préparer l’entrée. On va mettre tout ça au frais et on n’aura plus qu’à réchauffer le plat principal quand l’heure sera venue ! Alba et Carmen doivent avoir presque fini le dessert. C’est un gâteau en forme de cœur avec des fruits de toutes les couleurs sur le dessus ! Ça m’a donné trop envie d’en manger quand je suis passée devant la ganache, tout à l’heure ! J’espère qu’ils aimeront. Je pense encore un peu à Priam... »

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Le Bal du Cygne Bleu

« Bonjour M… » La fleuriste venait de lever les yeux vers Aliénor. Si elle ne l’aurait pas reconnue en d’autres circonstances, le Marquis qui l’accompagnait était bel et bien distinguable de la masse. Lorsqu’ils étaient dans la rue, les regards se tournaient vers eux. C’était à cause de lui que beaucoup de Magiciens chuchotaient autour de la jeune femme. Seule, elle ressemblait à madame Tout-le-Monde. Certains la connaissaient visuellement mais c’était surtout son nom qui était célèbre. Il y avait eu sa victoire à la Coupe des Nations Démoniaque et, bien entendu, son alliance avec l’Empereur Noir. Aux Palais de Coelya, les autres étudiants la connaissaient. Dans la rue, les choses auraient pu être bien différentes si elle n’était pas tout le temps en compagnie de Lhéasse. « Comtesse Aliénor Vaughan ! » fit la fleuriste en se redressant légèrement, soudain bien plus formelle. Il y avait de drôles d’histoires qui couraient sur ceux qui s’étaient approchés d’un peu trop près d’Aliénor. On racontait beaucoup de choses, dont certaines complètement aberrantes mais il valait mieux être prudents. Les Sorciers n’étaient pas réputés pour être commodes. « Que puis-je faire pour vous ? » demanda-t-elle, en faisant un signe discret à son fils, qui soudain était bien trop curieux à son goût. Elle essayait de le convaincre silencieusement d’arrêter de regarder la demoiselle depuis deux pots de fleurs posés sur des étagères au milieu de la boutique. Tout le monde le voyait et cela en était gênant. Sa mère savait bien ce qu’il en était et lui avait déjà répété plusieurs fois que ça ne servait à rien de courir après l’épouse d’un autre, surtout après l’épouse de Niklaus Salvatore.

Aliénor se tourna vers lui. « Juvénien ? » demanda-t-elle. Elle n’était pas très sûre, étant donné qu’elle ne voyait que ses yeux et une vague partie de son visage. Le jeune homme, qui était souvent dans la même classe qu’elle, pour avoir choisi les mêmes options, sortit de sa cachette en se grattant la tête d’un air un peu idiot. « Bonjour, Aliénor. » Lhéasse le fixa quelques secondes avant de se tourner vers la fleuriste. « La Comtesse aimerait acheter des fleurs. » « Oh, oui. » confirma la Magicienne en quittant son camarade de classe des yeux. « Vous avez déjà une idée de ce que vous souhaitez ? C’est pour une occasion particulière ? Le Bal peut-être ? » Il était de coutume que celui qui avait reçu le ruban envoie une fleur ainsi qu’un petit mot pour marquer son acceptation. « Oh non. Personne ne m’a invitée. C’est pour mes parents. Avec mes sœurs, nous leur préparons un dîner romantique qui se tiendra ce soir. Si vous avez quelque chose de discret et d’élégant, qui sent bon, ce serait idéal. » « Quoi de plus élégant que des roses ? » dit la fleuriste avec un petit sourire. « Nous en avons une variété, bleue. » « Oh ce serait parfait. »

La vendeuse avait suivi son fils des yeux. Elle savait qu’il allait faire une bêtise mais ne pouvait décemment pas l’en empêcher maintenant. Elle devait s’occuper de la Comtesse et les yeux du Marquis sur elle lui faisaient l’effet d’un blizzard. Ses doigts tremblaient légèrement. Elle se demanda furtivement si le Sorcier n’exerçait pas une quelconque pression sur sa psyché pour l’empêcher d’aller retrouver Juvénien pour lui interdire de faire ce qu’elle pensait qu’il ferait. Ils vivaient juste au-dessus de la boutique. Elle savait qu’il était allé chercher le ruban. Il l’avait confectionné pour Aliénor et lui. Il espérait qu’elle dirait oui, même s’il ne lui avait parlé que quelque fois et avait, depuis quelques jours, totalement abandonné l'idée. Sa présence dans le commerce avait dû le motiver de nouveau. Peut-être était-ce le Destin, après tout ?

« Aliénor ? » demanda le garçon, une fois de retour. « Juvénien… » murmura sa mère entre ses dents. « Non, laissez donc. » dit Lhéasse d’une voix confiante, avec un sourire bienveillant sur le visage. « Il faut bien qu’ils s’amusent un peu. » ajouta-t-il avant de se tourner vers le jeune homme. « Je vous en prie, allez discuter un peu plus loin. Je resterai avec votre mère. » « … Oh d’accord, merci. » fit le garçon en faisant un signe de la tête à Aliénor qui le suivi. Entre une rangée de bambous et quelques orchidées, il sortit le ruban de sa poche. « Je serais ravi si vous vouliez bien m’accompagner au Bal du Cygne Bleu. Je sais qu’on ne se connait pas vraiment mais… je… Je vous aime. » « Qu… ? »

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Le Bal du Cygne Bleu

« Mais enfin… » murmura Aliénor, tout en jetant un petit coup d’œil angoissé en direction de Lhéasse. Il semblait être en pleine discussion avec la mère de Juvénien. Elle lui montrait plusieurs variétés de fleurs et, lui, opinait de la tête en posant des questions, l’air sincèrement intéressé. « Vous… Vous ne pouvez pas m’aimer. C’est euh… » « Je sais que ça paraît fou mais… Je me sens vraiment bizarre dès que je vous vois et… J’ai choisi mes options de façon à être avec vous. » Un silence s’installa. « Je sais que ça fait un peu voyeur comme ça… Je n’aurais probablement jamais dû dire ça… » « C’est euh… touchant, je crois. » dit-elle, totalement prise au dépourvu. « Vous euh… Vous travaillez ici ? » Elle essayait de changer de sujet, aussi parce que les joues rosées de l’homme la mettaient mal à l’aise. Quand il s’agissait de Nikolski qui pensait à Mélodie, elle trouvait ça mignon. Quand c’était Juvénien, elle trouvait ça gênant. Priam n’aurait jamais rougi comme une fille, lui. Ni même Harald, d’ailleurs, bien qu’il vienne d’un milieu un peu moins barbare que le Fils de Réprouvés. Curieusement, elle se sentit un peu agacée par la déclaration de son camarade de classe. Ça la mettait dans l’embarra, même si elle trouvait ça vraiment rassurant et touchant que quelqu’un s’intéresse à elle malgré son statut d’épouse de l’Empereur Noir. Il devait beaucoup l’aimer pour braver ainsi un interdit si dangereux. « Pas vraiment. J’aide ma mère pendant les vacances. » « Ah oui… » dit-elle, un peu gênée, tout en essayant de rester calme et de ne pas s’énerver contre lui. Quelle mouche l’avait donc piqué ? Ne voyait-il pas qu’il risquait gros ? « Je euh… Bien sûr, je ne peux pas répondre à vos sentiments. Vous l’avez dit vous-même, nous ne nous connaissons pas vraiment. Au-delà de ça, vous comprendrez que ma situation ne me permet pas d’entretenir une relation avec un homme. » « Oui, je sais… Je devais vous le dire, c’est tout. » « Ah oui… Je vois. Pour le bal, je ne vous promets rien. Il faut que j’en discute avec le Marquis Taiji. » « Oui, je comprends. » dit-il en lui tendant tout de même le ruban de plus belle. « Acceptez-le quand même. » « Oui. » dit-elle en le prenant. « Ne lui dîtes rien pour l’instant. » murmura-t-elle, avant qu’ils ne retournent auprès des adultes. « Ce n’était rien de particulier. Juvénien voulait simplement me poser des questions concernant nos cours. Nous sommes dans la même classe. » dit-elle, en regardant Lhéasse droit dans les yeux. Elle essaya de ne pas flancher et l’absence de doutes dans le regard du Sorcier l’y aida grandement.

Une fois qu’ils eurent réglé leurs affaires, ils sortirent de la boutique. Comme le silence s’était installé entre eux, Aliénor crut bon de le faire disparaître. « Lhéasse… » « Oui ? » « Pensez-vous que je pourrais me rendre au Bal du Cygne Bleu ? » « Bien sûr. » « Avec un homme ? » Un petit sourire germa sur les lèvres du Sorcier, qui s’arrêta. Il portait les roses, ce qui lui donnait presque un air chevaleresque, malgré l’aura ténébreuse qui le suivait partout. Il était tout de même davantage présentable que Val’Aimé. « Aliénor. » dit-il, alors, plus fermement. Son sourire avant disparu et il s’approcha de la jeune femme, près. « Je suis au regret de vous informer que Juvénien risque de mourir d’ici quelques années d’un cancer des poumons, par votre faute. » « Qu… ? » « Tu tu tu. » fit-il en passant sa main libre dans les cheveux de la Magicienne. « J’ai reçu des ordres clairs et je m’appliquerai à les réaliser jusqu’à ce que vous compreniez où se trouve votre place. Vous appartenez à l’Empereur Noir, à présent, et il est impensable que quiconque vous voit roucouler comme une bécasse au bras de n’importe quel homme. Faites donc le deuil de vos rêves d’enfant, sinon c’est un tapis de cadavres qui vous entourera bientôt. De toute façon, il n’avait aucun avenir. » dit-il d’un air lugubre. « Et ne vous avisez plus de me mentir sinon j… » Un bruit sec se fit entendre, celui de la main de la Magicienne sur la joue de son garde du corps. « … » Les sourcils froncés, elle le dévisageait, prise entre une tristesse immense et une colère sans précédent. Sa poitrine se soulevait à un rythme effréné. Lhéasse bougea un peu la tête. À vrai dire, il avait laissé passer la gifle. Il était bien trop puissant pour ne pas pouvoir arrêter la main de la jeune femme. Elle était faible, par rapport à lui, faible et prévisible. Pourtant, il devait admettre qu’il aimait bien lorsqu’elle était hors d’elle, surtout qu’elle finirait par culpabiliser et par s’excuser, comme une cruche. Puisqu’il devait la garder du matin au soir, il devait bien s’intéresser un minimum à elle ou, au moins, trouver de quoi se distraire. Il ne dit rien. Elle non plus. Elle se contenta de se remettre à marcher. Les passants, eux, avaient vu. Ils commencèrent à discuter du phénomène. Était-ce Aliénor Vaughan qui venait de frapper Lhéasse Taiji ? Pourquoi ? Ces roses, étaient-elles pour elle ? Était-ce un cadeau de l’Empereur Noir ou entretenait-elle une liaison torride avec son garde du corps ? On racontait qu’il devait rester tout le temps avec elle, même lorsqu’elle dormait ou prenait son bain… Peut-être que… Et qu’avait-il donc fait pour l’agacer ? Devenait-elle violente ? Devenait-elle une Sorcière ?

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Le Bal du Cygne Bleu

Après ce rp

« Bien sûr, je sais. » finit par dire Aliénor. Lhéasse leva les yeux de son livre. « Vous devriez vous dépêcher de faire vos devoirs si vous souhaitez aller au bal ce soir. » « Arrêtez de me parler, alors. » « Changez de ton, sinon je vais hausser le mien. Je n’aime pas que vous me manquiez de respect, Comtesse. » Son intonation avait déjà changé. Elle baissa les yeux. « Pardonnez-moi. » « Volontiers. » répondit-il en regardant le dos de la Magicienne. Sa queue de cheval laissait apparaître ses cervicales. Il aurait été aisé de lui briser le cou mais ce n’était pas ce qui lui venait en tête, là tout de suite. « Vous ne trouvez pas que votre sœur a grossi ? » « Laquelle ? » « Isabeault. » « Si elle arrêtait d’aller de soirée en soirée et de manger n’importe quoi, peut-être qu’elle garderait la ligne. » « Ce n’est pas la seule gourmande de la famille. » s’amusa le Sorcier. « Je ne ! » Elle s’arrêta. Elle essayait de ne pas prendre la mouche, ça plaisait trop à son garde du corps. « Travaillez. » finit-il par conclure, en replongeant la tête dans son livre.

« Alors ? » demanda-t-elle à l’homme, en sortant de derrière son paravent. Elle s’arrêta net, en constatant qu’il était torse nu. Il la regarda. « Vous mettiez trop de temps. » argumenta-t-il tout en continuant tranquillement de se vêtir. « Oui, c’est pas mal. » Ils portaient un ruban similaire au poignet. Il était son cavalier. Elle aurait préféré en avoir un autre. « Un peu trop décolleté, si vous voulez mon avis. » « Tout vous semble toujours trop décolleté. Attendez de voir ma sœur avant de juger. » Le bal du cygne bleu n’était pas un bal comme les autres. Il était beaucoup moins exigeant sur l’étiquette et personne ne portait de robe à crinoline. Les robes étaient simples, bien que comportant un jupon. Généralement, de la dentelle habillait le col, qui pouvait descendre jusqu’à la naissance des seins. Nul doute qu’Isabeault dérogerait à la règle. Aliénor était sage, à côté d’elle. Généralement, le public était plutôt jeune. Il était rare d’y trouver des couples mariés, ou alors de jeunes mariés qui souhaitaient revivre leur première rencontre ou leur premier baiser. La soirée se déroulait au bord du lac, sous des kiosques construits et éclairés pour l’occasion. Plusieurs groupes de musiciens et chanteurs animaient la soirée. Ce n’était pas de la valse ou d’autres danses de salon. En début de soirée, le rythme était plutôt entraînant, puis le tout prenait un aspect bien plus sensuel et intime. Des stands étaient ouverts, plus loin, pour que tout le monde puisse acheter à manger et à boire. Au milieu de la soirée, attirés par magie, des cygnes apparaissaient sur les bords du Lac Bleu.

Le regard d’Aliénor se posa sur un couple, un peu plus loin. Elle était appuyée contre le rebord de l’un des kiosques, bercée par la musique. Ses yeux fixèrent les deux protagonistes. L’homme avait acheté des petits gâteaux au chocolat à partager. La Magicienne regarda Lhéasse. Ce n’était pas lui qui allait faire ça. Elle n’avait dansé avec personne, hormis lui, depuis le début de la soirée. Personne n’osait. Isabeault, plus loin, gloussait comme une dinde. « C’est vrai, son décolleté est bien plus plongeant que le vôtre. » laissa échapper le Sorcier. « Hum. » fit-elle, en reportant son attention sur le duo. Une émotion agaçante s’invita en elle. Sa poitrine se serra. Elle les haïssait, tous les deux, d’être aussi heureux, alors qu’elle était obligée de rester là, avec lui. Elle aurait aimé avoir la capacité de s’amuser, de flirter selon ses envies. C’était impossible et elle avait l’impression de gâcher sa jeunesse. Même ses sœurs plus jeunes avaient un compagnon pour le bal. Elles s’y amuseraient, en même temps que s’éveillerait leur intérêt pour les hommes, ou les femmes, peu importait. Elle, était cantonnée à Lhéasse, promise à un homme qui préférait entreprendre elle ne savait quoi plutôt que de faire connaissance. Elle soupira. Tant mieux, elle le détestait, de toute façon.

Soudain, le bras ferme d’Alister Vaughan – le Nylmord – se posa sur l’épaule du Sorcier. « Lhéasse, Lhéasse, Lhéasse. Tu devrais sourire, un peu. » « C’est vrai ça ! » ajouta Judicaël Halloy, le Sirigon, en insérant son bras sur la taille du garde du corps. Son autre main finit dans ses propres cheveux, qu’il ébouriffa. « J’espère que Val'Aimé va bien, depuis la dernière fois. » Lhéasse sourit. « Vous m’aviez manqué. » dit-il, sur un ton faussement angélique. « Surtout toi Judicaël. Si tu pouvais laisser Val’Aimé attaché à ton lit, la prochaine fois, ça m’arrangerait grandement. » « Tu tu tu ! Malheureusement, Lhéasse, vous autres, les Sorciers, avaient tendance à refouler vos pulsions et à être frustrés pendant des années avant d’exploser. Si Val’Aimé comprenait qu’il était homosexuel, ça irait clairement mieux dans sa vie. J’ai déjà essayé de l’inviter chez moi mais, que veux-tu, rien à faire ! » Aliénor avait la bouche grande ouverte. Alister était l’un de ses cousins, elle en avait beaucoup. « C’est bête parce que ses veines noires sont plutôt sexy. » dit le Nylmord, avant de changer de sujet. « Et si tu laissais un peu la Comtesse Vaughan profiter de sa soirée ? Elle ne va pas s’envoler. » Le Sorcier redevint sérieux. « Elle a tendance à trop se volatiliser, malheureusement. »

Le Nylmord s’approcha de l’oreille de Lhéasse. « Laisse-la tranquille et on te dira des choses intéressantes sur… » Le reste se perdit dans l’oreille du Mage de la Corruption. « Hum. » Il sembla réfléchir, plutôt rapidement, avant de se tourner vers la Magicienne. « Vous allez me prouver que je peux vous laisser seule quelques minutes. Je vous donne l’autorisation de danser mais si je vois un homme poser la main sur vous d’une façon qui ne me convient pas, vous savez ce qu’il se passera. » « Allez Lhéasse, arrête de la traumatiser. Même si elle embrasse un garçon, Lord ne le saura jamais, il est trop occupé à s’astiquer devant on ne sait pas quel œuvre d’art, un tableau encore, je parie. » Le Nylmord se mit à rire. « Je pensais que ça occupait aussi cinquante pourcents de ton temps, Judicaël. » « C’est vraiment bas de ta part mais, d'accord, j'avoue. Tu devrais le faire plus souvent, toi aussi, ça détend. » « Je te rappelle que je suis confiné avec votre petite protégée. » Aliénor était de plus en plus incrédule, surtout qu’ils se fichaient tous les trois parfaitement de sa présence. Elle était insignifiante en comparaison et se sentait même mal de se tenir là. « Viens avec nous. » lança le Nylmord, d’un ton explicite. Lhéasse finit par soupirer, soudainement las des plaisanteries incessantes des deux Archimages. Il les connaissait bien, sans doute trop à son goût. Il se tourna une nouvelle fois vers Aliénor et pointa son index sur elle. « Pas de bêtises. » Elle eut envie de lui retourner le conseil mais n’osa pas.

Elle était libre, à présent, chose qui ne s’était pas produite depuis longtemps. Elle était tellement libre qu’elle resta plantée là, incapable de choisir ce qu’elle avait envie de faire en premier. Puis, son regard croisa celui de quelqu’un qu’elle connaissait. « Pr… Priam ? » appela-t-elle, avant que son cerveau ne lui fasse de grand signe d’interdiction. Elle se rappela son rêve et se mit à rougir.

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Image d'un kiosque
Exemple de musique au bal