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 [A] - Les Rois des Gorges | Solo

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Isiode et Isley
~ Ange ~ Niveau III ~

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◈ Activité : Soldats
Isiode et Isley
Ven 31 Jan 2020, 05:26




Partenaire : Solo ♪
Intrigue/Objectif : Partis en expédition, Isley et le détachement dans lequel il est affilié mettent pied à terre dans les Gorges Dorh, sur le territoire de Faraael. Là-bas, ils devront découvrir les secrets que cachent ce territoire et établir si, oui ou non, il s’agit bel et bien d’un lieu viable pour les Anges.


Je pris une grande inspiration, l’air marin s’infiltrant dans mes poumons. Les vagues se brisaient sur la coque des bateaux tandis que le remue-ménage qui allait et venait des ponts camouflait les cris de l’Océan. Cela faisait plus d’une trentaine de jours que nous voguions en mer, dans l’optique de rejoindre les terres étrangères et merveilleuses des Gorges Dorh. En vérité, nous ne savions pas réellement à quoi nous attendre si ce n’était que des informations que nous connaissions déjà, grâce au travail des éclaireurs qui avaient survolé, bien avant la campagne d’expédition, le sol que nous nous apprêtions, dans quelques jours, à fouler. La capitaine du navire Babylone, Nymer Oracles, nous avait partagé son ressenti à ce propos, sous la forme de ce discours :

« Les vents sont en notre faveur et les vagues sont douces, enfin. Si les conditions restent aussi stables, nous devrions arriver sur les côtés de l’Archipel d’Aeden dans moins de cinq jours, et nous devrions jeter l’ancre sur les plages de Faraael dans un peu moins de sept à huit jours. »

Les nouvelles étaient prometteuses, l’excitation de nous savoir si près du but rendant plus fébrile encore l’ambiance sur les navires. Nous en avions bien besoin, surtout après tout ce qui s’était produit au cours de ce voyage pour le moins mouvementé. À ce simple souvenir, un frisson couru sur la longueur de mon échine alors que je reprenais une inspiration.

Près de trois semaines plus tôt, nos chemins s’étaient séparés, chacun des détachements partant vers son horizon, les voiles des navires disparaissant au loin alors que l’eau sous les bateaux se fendait au gré des déplacements sinueux des vaisseaux. Sur les ponts, des sourires s’étaient dessinés, des mains s’étaient tendues vers le firmament pour saluer les compagnons que nous ne reverrons pas avant un moment. Étrangement, cependant, à l’instant où nous avions finalement baissé les bras, une sorte de solitude nous avait envahi, la réalité nous rattrapant au galop alors que nous le réalisions, petit à petit : nous étions désormais seuls face à l’inconnu, seuls face aux épreuves qui se profileront devant nous et qui nous attendaient, assurément, sur les berges de la terre de Faraael. Pourtant, cette solitude s’accompagnait de cet étrange sentiment de liberté et de légèreté. L’horizon nous tendait les bras et cette aventure en mer, pour la plupart des passagers, représentait leur premier grand voyage d’outremer. Je me souviens avoir souri, à ce constat, tout en contemplant la ligne qui divisait les flots des cieux, avant de me tourner en direction de Ren Muramasa. L’Orine avait été entraînée à la dernière seconde dans ces explorations, arrivant de manière bien fortuite au cours de la soirée organisée par l’Archange Ivanhnoé, avouant à mon frère et à moi-même qu’elle nous était destinée. Que ne fût pas notre choc à l’entente de ces mots, à l’entente de son histoire, et alors qu’Isiode rejetait la jeune femme, j’avais choisi d’aller à l’encontre de son avis pour qu’elle puisse mesurer notre mérite quant à l’avoir à nos côtés.

À la suite de l’angoisse poignant qui avait précédé ma réponse à son énigme, et l’incroyable soulagement qui m’avait envahi lorsque je m’étais aperçu de son sourire, un flot incommensurable et indescriptible m’avait submergé, la réalisation de la création et du renforcement de notre Lien me frappant le visage de plein fouet. Je ne savais toujours pas comment définir cela, cette bizarre et insolite impression, mais quelque part, cela était extrêmement… étourdissant. Muramasa n’avait que de bonnes intentions à notre égard. Oui, notre égard car, malgré la méfiance et la rebuffade légendaires que lui avaient réservé mon frère à notre première rencontre, Ren songeait inlassablement aux besoins de mon jumeau, comme si sa vie en dépendait – et c’était le cas pour être tout à fait franc avec vous. C’est pourquoi, à l’intérieur de sa tête, cela l’attristait et l’affolait de savoir son second Maître aussi loin, et pour un temps aussi long et marqué que celui-ci. Tout ce qu’elle voulait, c’était l’aider, le soutenir du mieux qu’elle le pouvait. Mais cela lui était impossible à l’heure actuelle. Je n’avais pas besoin de le lui demander pour savoir que c’est ce qu’elle souhaitait : elle n’avait qu’à y penser, à le ressentir et, presque instantanément, je le percevais au plus profond de mes tripes. C’était véritablement une drôle de sensation que de pouvoir lire aussi aisément dans l’esprit et le cœur de quelqu’un que l’on venait à peine de rencontrer. En vérité, je ne savais trop quoi penser de cette relation qui nous liait, tous les trois – elle, mon frère et moi. Muramasa pouvait lire en nous, connaître le moindre de nos désirs, la moindre de nos pensées, le moindre de nos ressentis, et cette réalité était perturbante : c’était particulièrement troublant de savoir qu’un second parti pouvait, à ce point, avoir accès à notre intimité.

Malgré tout, je vivais ce nouveau Lien bien mieux qu’Isiode, qui n’avait pas été très enchanté par la présence de l’Orine à nos côtés. De peur qu’elle comprenne quelle personne il était? De peur qu’elle éveille des sentiments qu’il se forçait à enfouir au plus profond de son subconscient? Par crainte qu’elle dévoile ce qu’il ne voulait pas qui soit connu? Plus que du trouble, je ressentais, vis-à-vis cette situation, de l’incompréhension. Qu’avait-il de si grand et sombre dans son cœur et dans sa tête pour qu’il ne veuille le dire à qui que ce soit? Pourquoi se terrait-il à ce point dans le trou de son subconscient? Ces interrogations avaient de quoi me faire soupirer. C’est d’ailleurs pour cette obscure raison qu’il avait été convenu que Ren m’accompagnerait à la campagne d’exploration : Isiode ne la voulait pas auprès de lui et je m’étais tout de suite porté garant de l’Orine. La situation était exceptionnelle, mais je m’en accommodais au mieux : je n’étais pas le seul à devoir m’habituer à sa présence, à m’adapter à son caractère, à sa personne; Ren aussi devait s’accoutumer à qui j’étais – et à qui mon frère était également, même si ce dernier l’évitait et était, désormais, bien loin. Chacun de nous avions une sorte de bête à apprivoiser afin de la dompter pour s’en faire, dans l’avenir, un parfait allié.

Cependant, au contraire de ce qu’Isiode aurait sûrement vécu, j’avais fini par apprendre à vivre avec notre nouvelle situation, et cela se déroulait assez bien, pour être honnête. Ces trente jours en bateau auprès de la rousse m’avait permis de mieux la connaître, de mieux cibler et comprendre sa personnalité qui, sans être extravagante ou extravertie, pouvait, à plusieurs reprises, être carrément surprenante. Certes, Ren était quelque peu maladroite, surtout à ses tout débuts, lorsqu’elle croyait réaliser des tâches et des gestes pour ma prospérité d’âme et d’esprit, et qu’elle finissait par toucher la cible à côté. Quelques fois, ce fut gênant et extrêmement embarrassant : il ne fallait pas croire que tout s’était déroulé en bonne et due forme dès les premiers jours de cohabitation. Personne ne pouvait être parfait, même avec de la bonne volonté et aucune arrière-pensée. Et, pour tout vous avouer, j’avais toujours plus rigolé qu’autre chose devant ses déboires et ses quelques instants de mauvais jugements. Car, c’est ce qui faisait le charme de Muramasa : elle ne se targuait pas d’être excellente en tout point. Elle ne se prévalait pas comme la réincarnation de l’idéal et de l’achèvement couronné et accompli, parce qu’elle était consciente de ses défauts, et palliait ces derniers grâce à sa persévérance, sa patience et sa ténacité. Elle était gauche mais sincère, prompte à réagir au quart de tour mais attentive. Elle savait se montrer volontaire, perspicace et empathique lorsque la situation le demandait. Et tout cela, c’était sans compter les sessions d’erhu qu’elle organisait, avec deux autres ménestrels et matelots du bateau, pour animer les soirées de détente et de relaxation de l’équipage.

À chaque fois qu’elle prenait son instrument en main, une atmosphère délicate et sereine enveloppait les environs. De par la musique qui s’échappait de leurs instruments, les musiciens arrivaient à effacer nos soucis, à bercer nos esprits qui, dès lors, se remplissaient des douces mélodies et mélancolies qui s’esquissaient au bout de leurs doigts de fée. Le premier soir que Muramasa avait sorti son erhu, je l’avais religieusement écouté, appuyé à l’un des garde-fous du navire, décelant dans la résonnance des notes relâchées par l’instrument traditionnel, une vague de nostalgie, un fragment de délicatesse qui semblait nous souffler, par bribe, les vents des Terres d’Émeraude. Cela étant dit, le jeu n’était pas toujours aussi doux et litanique, l’ayant déjà perçu en train d’échanger, auprès d’un second musicien, des morceaux aux airs de danse effrénées, théâtrales, voire même endiablées. C’était impressionnant qu’à la pincée de ces uniques deux cordes, l’Orine était en mesure de varier son style, de diversifier le chant de son instrument pour jouer des mélodies entières – en solo bien souvent – aussi riches et travaillées. Il était possible de comprendre que cet erhu, que ces ballades, représentaient une attache et un repère pour la jeune Muramasa, qui en jouait et en pratiquait dès qu’elle avait un instant à lui consacrer.

Cela étant dit, l’erhu n’était pas son unique vocation, l’art de la guerre et du combat lui étant enseigné pour la préparer à tout ce qui pouvait nous bondir dessus une fois arrivés aux terres de Faraael. Des nuits entières avaient été consacré à lui expliquer ce que nous attendions d’elle ainsi que de la structure des expéditions. Notre voyage consistait, d’abord et avant tout, à confirmer si les lieux pouvaient accueillir notre nation. Le sécurisant et l’explorant grâce au travail collaboratif de nos différentes unités, nous la coloniserons une fois tout danger écarté afin de bâtir les fondations d’une toute nouvelle cité angélique. Les Gorges Dorh, après tout, semblaient prometteuses, même si l’état particulier de la faune restait un sujet préoccupant pour chacun d’entre nous, compte tenu de la taille disproportionnée de ces mammifères et autres vertébrés. En temps et en heure, cela dit, nous verrions bien ce qui nous attendait. D’ici là, je m’étais promis de former et d’entraîner Muramasa afin de la renforcer et de lui apprendre le peu de techniques qui me seraient possible de lui transmettre avant le débarquement de l’équipage. Deux cours par jour, un de technique et l’autre de pratique, afin qu’elle puisse se familiariser à un autre style de combat, bien distinct de ce qui lui avait été enseigné sur sa terre natale. La particularité de ces échanges reposait dans le fait que cela nous permettait non pas seulement de nous partager certaines frappes et certaines astuces, qui combinaient la forme et les qualités de chacun de nos sports respectifs, mais aussi de nous rapprocher là où quelques gênes du début auraient certainement représenté un frein à notre propre avancée.

C’est pourquoi j’espérais, à ce moment-là, qu’elle puisse se sentir bien, au mieux, dans cette nouvelle situation qui deviendra, pour les prochains mois – et pour le restant de sa vie – son quotidien. Tout ce que j’espérais à ce moment-là fut qu’elle et moi puissions nous entendre au-delà du Lien, au-delà de ce qui faisait de nous une Orine et son Maître. Je voulais m’en faire une amie, une alliée, une sœur d’arme, avant même de faire d’elle une simple… esclave – qu’elle s’y plaise ne m’importait guère, je ne me faisais pas encore à son étrange mais ô combien fidèle dévotion. Et une nuit, songeant à Ren et à Araya, en raison de cette nouvelle liaison, similaire à certains égards à celui entre un Gardien et son Protégé, j’avais finalement fermé les yeux, n’ayant aucunement conscience de la tempête, non loin, qui gonflait et s’approchait de notre position.


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Isiode et Isley
Lun 16 Mar 2020, 17:55



Au cœur de la nuit, les vagues s’étaient soudainement affolées, se soulevant sur plusieurs mètres de hauteur pour rencontrer avec fracas la surface en bois renforcé des navires. Si les premières secousses firent frémir plus qu’elles ne firent chanceler, ce ne fut qu’une question de temps avant qu’elles ne commencent à s’attaquer à la stabilité des vaisseaux, ranimant les quelques dormeurs profonds qui n’avaient pas remarqué que l’océan, dans toute son imprévisibilité et sa déferlante ivresse, commençait à s’éveiller et à gronder. Au fur et à mesure que l’équipage reprenait ses sens et que la tempête se rapprochait de notre position, le bruit de pas s’était multiplié contre le plancher des ponts, et l’accent qu’il nous était possible d’entendre dans l’inflexion de voix des marins n’en était que plus fort et névrosé, une anxiété nerveuse s’étirant dans chaque exclamation qu’ils expiraient afin de se rassembler. Quelque chose se passait à l’extérieur, puissante et intenable, et tout l’équipage avait été réclamé au pont supérieur pour recevoir les ordres de la capitaine Oracles.

C’est pourquoi, petit à petit, ma conscience s’était, à son tour, réveillée, quittant le monde onirique pour retomber dans la réalité. Lorsque les premières grosses vagues étaient nées sous la coque, mes sens s’étaient instinctivement alertées, mes paupières papillonnant au rythme des heurts de l’eau contre le bateau. Pourquoi toute cette agitation? Me souvins-je m’être demandé tout en me redressant dans mon lit, quittant mes couvertures et mon repos pour porter mon regard vers le hublot de la cabine. Dehors, le vent sifflait à la vitre de la fenêtre, les flots se soulevant à des hauteurs que je ne lui avais encore jamais vu atteindre. L’océan s’était fâché, s’était énervé, et nous subissions inévitablement son courroux. Aussitôt, à cet instant-là, j’avais écarquillé les yeux, quittant définitivement mon lit pour rejoindre, dans un bond, l’espace étroit qui nous servait de garde-robe à mon colocataire de chambrée et moi. Celui-ci, par ailleurs, n’était pas présent au moment des faits, son absence ne m’inquiétant pas le moins du monde, puisque je savais qu’il avait été mandaté, cette nuit-là – et comme plusieurs autres soirs d’ailleurs –, pour participer aux patrouilles de nuit. Quoi qu’il en soit, avec précipitation, je m’étais défais de mes habits de soir pour reprendre des vêtements plus convenables à la tâche qui m’attendait. Je voulais prêter main-forte à l’équipage, surtout après avoir vu l’agitation inquiétante de la mer qui menaçait nos vaisseaux ainsi que le bon déroulement de notre voyage. De ce fait, en deux temps, trois mouvements, j’avais enfilé une veste, un pantalon confortable ainsi que mes bottes. Puis, dans la seconde qui avait suivi, je m’étais précipité à la porte de ma chambre, quittant dans la hâte ma cabine pour rejoindre celle de Muramasa. J’avais cogné à sa porte, doucement, conscient qu’elle dormait peut-être encore, mais l’agitation environnante – j’en était sûr – ne tarderait pas à la tirer, elle aussi, de son repos. Autour de moi, les voix commençaient déjà à s’élever et à réveiller les jeunes gens qui dormaient à même sur le pont et dans les hamacs tendus.



« RETENEZ LES VOILES ET RÉDUISEZ-LES! »

Malgré l’intempérie et la fureur des eaux, Nymer Oracles parvenait à faire monter sa voix au-dessus des déflagrations hurlées par les vagues et la tempête. Le vent sifflait et criait à nos oreilles, comme dans l’intention de nous rendre sourd à tout autres bruits environnants. Il n’y avait plus que la tempête dans nos oreilles, les bourrasques et les cris des hommes dans nos tympans. Les prémices de ce qui nous apparaissait être un ouragan, puisque nous nous trouvions littéralement à l’intérieur de sa rage et de ses torrents, avaient été aussi rapides qu’abruptes, nous tombant à la figure sans que nous ayons pu nous y préparer adéquatement : le branle-bas d’organisation de dernière minute témoignant de cette réalité, alors que la capitaine et son second dispersaient les gens afin que chacun ait une mission assignée. Ceux du centre s’occupaient de retenir les voiles et d’éviter qu’elles déchirent dans les vents; vous, à gauche, c’était la sécurisation du matériel, histoire qu’on n’ait pas de tonneaux qui se propulsent sous l’impulsion d’une vague et qui se fracassent contre la nuque d’un de nos passagers; les ingénieurs, gardez un œil sur la machinerie des navires et assurez-vous que tout fonctionne correctement à chaque instant : la dernière chose que la capitaine Oracles voulait gérer, c’était la réparation d’un bris conséquent qui leur demanderait soit de rester à leurs coordonnées, sans pouvoir bouger et ce, pendant des jours, soit qui les forcerait à faire demi-tour le plus rapidement possible. Cela étant dit, une tempête de cette espèce, elle en avait affronté d’autres au cours de sa longue carrière sur les eaux, et quelques fois, elles avaient été bien plus meurtrières et terribles que celle-ci, la colère d’Eoda outrepassant toute imagination. C’est pourquoi, malgré la panique généralisée qui semblait avoir cueilli le cœur des passagers et d’une petite proportion de son équipage – les jeunes matelots tout nouvellement embarqués, notamment – la capitaine Oracles dirigeait son navire d’une main de maître, sans se laisser impressionnée par la hauteur des houles ou bien par la nervosité des hommes. Elle tentait, à grands cris et gestuel, d’insuffler l’optimisme et la vaillance dans le cœur de tous et chacun, et la voir manier aussi habillement le gouvernail du vaisseau que les déplacements de son équipage, contre vents et marées, avait de quoi rehausser la motivation dans nos esprits et faire fuir la crainte et la peur. Il nous fallait aider. Et plus vite que ça! – si je reprenais la formulation de la femme des mers.

Ainsi, ce ne fût qu’une question de minutes avant que tout le monde se mette rapidement au travail. Nous chauffions et étirions nos muscles, nous exclamant, à en perdre la voix, des directives à notre voisin qui nous faisait face pour qu’il puisse clairement nous entendre à travers les heurts de la mer et les grondements de l’orage, qui rugissait comme des lions au-dessus de nos têtes. Des éclairs fendaient la couverture de nuages, qui dissimulait le ciel d’une épaisse brume noire. Ils s’effondraient avec fracas tout autour de nous, surprenant plusieurs hères lorsqu’ils excitaient la mer et faisaient trembler les structures des édifices marins. Nous tenions du mieux que nous le pouvions, cherchant à endiguer au maximum les dommages de la tempête sur nos vaisseaux. Plusieurs s’étaient déjà activés pour écoper l’eau qui s’était abattue aux ponts, raffermissant l’angoisse de voir, peut-être, l’eau monter depuis les cales. Cependant, nous n’en étions pas encore à ce stade, gérant au mieux la situation infernale. Attachés au bastingage ou aux mâts par de solides cordes de sécurité, afin d’éviter toute chute malencontreuse, nous avancions aveuglément dans la tempête, évitant de peu des chocs sournois avec des obstacles de l’océan ou bien avec des animaux qui, comme nous, cherchaient à fuir le plus rapidement possible le paroxysme de la tempête, espérant atteindre des eaux agitées, certes, mais beaucoup plus calmes que celles contre lesquelles nous bataillons présentement.

Pourtant, si nos efforts et notre énergie diminuait, la tempête, quant à elle, ne semblait pas se calmer outre mesure. Elle grossissait et grossissait, l’intensité n’allant qu’en crescendo. L’eau de mer, mêlée à la pluie torrentielle, nous fouettait le visage, nous piquait les yeux et si nos mains n’étaient pas en train de retenir des cordes de voiles, de tenir des seaux, elles se trouvaient forcément sur nos faces, à tenter de réduire l’accumulation d’eau qui nous embrouillait la vue et rendait, plus glissante encore, la prise que nous exercions sur nos cordes : c’était exactement ma situation. Nous essayions, le plus vite possible, de réduire la voilure en limitant les claquements du vent contre les toiles, mais c’était plus facile à dire qu’à faire, surtout lorsque nos prises étaient si inconsistantes et instables. Je serrais des dents, tournant et retournant la corde autour de mon bras afin de renforcer ma poigne. Il fallait que l’on ferme cette voilure : elle était la dernière qui devait être réduite.

« VOUS TROIS! Entendis-je beugler à mes oreilles, redressant immédiatement la tête pour rencontrer le regard de feu de la capitaine. FAÎTES BOUGER CES MUSCLES, BON SANG! ON N’PEUT PAS S’PERMETTRE D’CONTINUER AVEC UNE VOILE ENCORE DÉPLOYÉE D’LA SORTE! GROUILLEZ-VOUS!! »

Et c’est ce que nous fîmes, redoublant d’efforts aux injonctions toutes plus tranchantes les unes que les autres de la capitaine. Cependant, lorsque nous parvînmes à refermer les voiles, facilitant grandement la maniabilité et les manœuvres du vaisseau, nous nous permîmes de nous écraser au sol un instant, histoire de reprendre notre souffle pour quelques secondes. Nous savions qu’il s’agissait d’un luxe que nous ne pouvions nous permettre à l'heure actuelle, mais nous en avions besoin. Juste… pour quelques secondes. Naturellement, je portais mon visage jusqu’à Ren, qui cherchait également son air à travers le chaos de la tempête et je lui adressais un sourire réconfortant, histoire de l’encourager.

« Allez! Ils ont encore besoin de nous. L’eau ne doit pas s’infiltrer dans le navire, exhalais-je, à bout de souffle, tout en me redressant soigneusement, cherchant deux seaux. Ça se terminera bientôt. »



Mais notre cauchemar s’était terminé après plus de trente-six heures à devoir affronter les houles de la mer. L’ouragan avait été bien plus long que je l’avais cru. Pendant je ne sais combien de temps, nous nous étions déployés afin de sécuriser le plus rapidement possible les vaisseaux. Cependant, pris de court par le climat, nous nous trouvions déjà au cœur de la tempête lorsque nous avions commencé les préparations. Cela avait pris du temps beaucoup d’énergie, et tout le monde savait ce que nous avions risqué en effectuant aussi tardivement les manœuvres de sécurité. Par chance, nous étions parvenus à terminer le plus gros du travail sans que l’une de nos voiles ne se déchirent ou que l’on perde le contrôle des bateaux. Cependant, plusieurs personnes avaient craint le pire lorsqu’une vague de plus de trente mètres de haut s’était soulevée et que nous avions pu la voir s’écraser tout près de notre position.

Les bateaux avaient été encore plus instables que tout ce que nous avions vécu jusqu’à présent, la houle emportant plusieurs corps dans sa vague, risquant que ces derniers plongent et disparaissent dans la furie de l’océan. Deux cordes avaient, pourtant, lâché. Un homme s’était rapidement retenu au bastingage, nous l’avions rattrapé; la femme qui l’avait suivi dans sa chute, par contre, avait eu moins de chance, plongeant dans un cri sourd dans l’écume de la mer. Aussitôt, nous nous étions mobilisés afin de la sortir de ce champ de bataille, lui envoyant une bouée qu’elle avait peiné à accrocher, mais qu’elle avait fini par attraper, de peine et de misère. Combattre la tempête l’avait épuisé; vivre ce plongeon ne l’avait pas plus endurci, mais l’adrénaline et l’instinct de survie donnaient un puissant coup de jus à ses maigres forces, qu’elle libérait sans relâche, en rythme, avec les hommes et les femmes qui tentaient par tous les moyens de la ramener au pont. Sincèrement, elle avait eu de la chance. Elle aurait facilement pu y passer. Néanmoins, elle était en vie; nous l’étions tous. Et c’était le plus important.

La tranquille nuit qui avait suivi ces heures d’allures apocalyptiques nous parue irréelle. Elle était bien trop sereine, beaucoup trop calme, alors que nos corps et nos esprits vibraient encore de tout ce que nous venions de vivre. Malgré tout, cette nuit-là, cela ne surprendra personne si je vous dis que j’ai dormi comme un bébé pendant plusieurs heures d’affilé.


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Isiode et Isley
Ven 03 Avr 2020, 05:39



La tempête était loin derrière nous désormais et, aux petites lueurs de l’aube, c’était comme si tous les événements de ces deux jours n’avaient été qu’une suite abominable de cauchemars perpétuels. Le contraste entre ces jours particuliers et celle d’aujourd’hui était saisissant, et je ne le constatais que maintenant, alors que mes iris voguaient au gré de la houle des vagues pour remonter jusqu’à la ligne de l’horizon. Désormais, le ciel était parfaitement clair au-dessus de nos têtes, dans lequel se reflétait, timides mais de plus en plus éclatants, les rayons de l’Astre-Père. Une brise, quelques fois bien trop faible pour nous mener à flot, soufflait dans les voiles des bateaux, et, pas plus tard qu’hier encore, au lendemain des dernières heures de la tempête, nous avions finalement retrouvé notre cap, la capitaine passant la barre au véritable timonier de son équipage.

« Nous avons passé deux journées vraiment éprouvantes et pénibles, avait-elle commencé avec un grand sourire, mais on s’en est sorti comme des chefs! Et ça, c’est grâce à vous, à vous tous. Toi, toi, et ouais, toi aussi, au fond! »

La capitaine Oracles avait pointé du doigt chacun des protagonistes dont elle avait fait mention, éclatant de rire lorsque son index s’était arrêté sur le dernier membre de ces heureux élus, une jeune femme qui venait de se remplir les joues avec une grosse bouchée de pomme, et qui ressemblait à un écureuil en plein travaux de réserve alimentaire. Rapidement, la concernée avait avalé ses bouchées, expirant un rire nerveux lorsqu’elle venait de remarquer que plusieurs paires d’yeux s’étaient portés sur ses épaules pour la dévisager. L’hilarité avait perduré un certain temps avant que la femme des mers ne reprenne son sérieux, tapant avec fierté sur le bois de son navire.

« Cette vieille coque en a vu des vertes et des pas mûres, mais j’avoue que cette tempête-là, elle a secoué! C'était quelque chose! Néanmoins, on a vaincu! Et pour ça, j’espère que vous profiterez amplement des tonneaux d’rhum qu’il y a dans la cale! »

Elle avait aussitôt sollicité quelques-uns de ses hommes pour que ces derniers montent les tonneaux en question jusqu’au pont, invitant tous les braves à se joindre à sa petite fête improvisée. Plusieurs ne s’étaient pas gênés à y participer et s’étaient relâchés, heureux de pouvoir profiter de cet instant de répit bien mérité après le combat contre les éléments que nous venions d’affronter. Cependant, lorsque j’avais aperçu un Magicien me tendre l’un des verres, j'avais immédiatement repoussé la boisson, secouant poliment la tête en signe de refus.

« Je ne tiens pas du tout l’alcool… » Lui avais-je déclaré, gêné, lui avouant de la sorte qu’il serait préférable que je ne boive pas, du moins, pas cela.

Le mage n’avait pas semblé m’en tenir rigueur, prenant finalement le rhum pour lui en y puisant une première grande gorgée. J'avais alors regardé l'ambiance s'animer en souriant, à l’écart, appuyé au bastingage du vaisseau marin. Il est vrai que je ne tenais pas l’alcool, mais ce qui m’avait empêché, cette soirée-là, de lever la main vers un seul de ces verres étaient les souvenirs de cette horrible journée que j’avais passé à Avalon, à chercher ce rena… Soupir. Pendrake Hrafninn. En parallèle, Patrick et ce Déchu de la Colère hantaient encore mes nuits. Décidément, il n’était plus question que je me fasse embobiner de la sorte, que ce soit par le Choucas de Sceptelinôst ou par qui que ce soit d’autre, d’ailleurs.

« Wouhou! R’garde-moi ça! » Avait soudainement sifflé une voix.

L’exclamation n’avait pas été la seule à s’élever, plusieurs inflexions se joignant, volontaires, à cette dernière. Mon regard s’était doucement porté jusqu’à leur groupe, intrigué. Ils semblaient tous encourager quelqu’un, qu’ils avaient entouré et qu’ils clamaient fervemment en levant leur chope dans les airs. Curieux, je m’étais approché de leur petit rassemblement, tirant légèrement le cou pour voir par-dessus leurs épaules ce qu’il en était vraiment.

« Eh bah! T’as l’estomac solide, la p’tite!

- Bois! Bois! » Avait continué les acclamations, dans des rires et des vivats enfiévrés.

Devant mes yeux, j’avais pu voir l’Orine pencher la tête vers l’arrière, buvant le contenu de son verre sans s’arrêter et, dans un geste sec, elle avait retiré la chope de ses lèvres, soupirant une expiration d’aise et de plaisir évident. Poussé par une gaieté contagieuse – et certainement amplifiée par la boisson dont il s’humectait les lèvres – un premier homme félicita la rousse en levant son verre pour l’imiter, buvant à grandes gorgées le contenu de sa propre chope.

« Hahaha! On va bien s’entendre, toi et moi, Ren! »

Un marin, cette fois-ci, lui avait tapé le dos, bien content, semblerait-il, d’avoir trouvé un nouveau partenaire de boisson, mais presque instantanément, les joues de la rouquine s’étaient empourprées et il était assez difficile de savoir s’il s’agissait de la rougeur provoquée par le bien-être de la joie, qui coulait dans ses veines, celui de l’alcool sucrée, qui pétillait sur les papilles de sa langue, ou s'il s'agissait simplement de son naturel caractère timide et réservé. Néanmoins, je n’avais pu m’empêcher d’étirer un sourire à cette vue. Malgré sa gêne, l’Hanatsu s’intégrait particulièrement bien aux différents groupes du détachement et constater cela de mes propres yeux me réconfortait. Elle n’était pas obligée de songer vingt-quatre heures sur vingt-quatre au bonheur de mon frère et du mien : au plus profond de ma conscience, j’espérais surtout qu’elle puisse profiter et s’amuser pour elle. C’était une évidence, une certitude inflexible dans mon esprit, et si elle pouvait prendre en compte ce désir, je n’en serais que plus heureux en vérité. Mon sourire avait continué de jouer sur la commissure de mes lèvres et, d’un mouvement, j’avais esquissé un premier pas pour rebrousser chemin.

Cependant, c’est au même instant que Ren s’était brusquement tendue en se redressant. À l’instar d’un suricate, son faciès s’était prestement tourné dans ma direction, ses yeux d’un doux céladon se posant contre ma nuque. J’avais senti son regard sur moi plus que je n’avais perçu le changement dans son cœur et son esprit, m’obligeant à me retourner pour lui faire face. Tout de suite, il m’avait semblé que son faciès avait pris encore plus de couleur et, sans pouvoir me retenir, je m’étais mis à rire franchement, étouffant l’éclat dans mon poing pour pouffer discrètement – afin de ne pas l'intimider plus encore qu’elle semblait l’être également. Je lui avais alors fais signe que tout allait bien : elle pouvait s’amuser si elle le désirait, personne ici n’était là pour la restreindre ou l’enchaîner à une quelconque obligation ou responsabilité. Néanmoins – s’il-te-plaît – j’avais espéré qu’elle fasse attention et qu’elle s’emploie à s’amuser et à fêter avec modération.

La saluant ainsi de loin, j’avais fini par quitter le pont, bien heureux de voir mes camarades en vie et bien portant, riant et fredonnant au rythme des chansons qu’ils s’improvisaient. Des mélodies populaires, que l’on gazouillait à travers les contrées, s’extirpaient également de la gorge de certains personnages alors que j’étais en train de tracer ma route jusqu’à la porte de ma cabine. Une fois à l’intérieur, je m’étais déshabillé, enfilant des vêtements plus confortables pour la nuit avant de me plonger dans une nouvelle longue et reposante période de sommeil, la conscience légère et tranquille, un sourire plaqué sur la figure. Et avant de me laisser emporter dans le monde des songes, je me souvins m’être demandé si Ren parviendrait à se réveiller pour notre entraînement matinal du lendemain ou si la petite soirée la terrasserait...

Soudainement, un mouvement dans mon dos attira mon attention et je fis aussitôt volte-face pour voir de quoi il s'agissait. À sa vue, un sourire fendit ma bouche.

« Ah! Bon matin, Ren! J'espère que tu te portes bien! »

Prestement, j'avais détourné mon regard du Soleil et de l'Océan.



J’avais cessé de compter les jours. Sans se ressembler, ils se répétaient néanmoins selon un schéma typique, de sorte qu’en quelques jours à peine, la routine devint notre quotidien. La tempête était loin, et nous l’étions malheureusement tout autant de notre destination finale. Nous avions perdu un temps précieux, et espérions rattraper notre retard au plus tôt, mais nous savions également qu’il ne s’agirait pas là d’une mince affaire. Malgré tout, nous ne pouvions y faire grand-chose : notre vie reposait ainsi entre les mains d’Eoda. Si ses caprices nous propulsaient au cœur même de ses rages et colères, nous ne pouvions faire autrement que de les affronter et d’y survivre par nos propres forces et capacités. Par chance, aucune victime n’était à pleurer à la suite de ces violentes turbulences en mer, et le reste des détachements avaient été mis au courant de cela par le biais de nos Hérauts, qui s’étaient empressés de partager la bonne nouvelle à nos compagnons partis au-delà de l'outremer : seule notre énergie semble avoir été drainée et seul notre repos avait pâti de ses deux jours sous tension, à craindre la prochaine vague qui nous balayerait de la surface de la mer. Mais cela, c’était du passé et, à présent, même si notre voyage avait bien mal commencé, je restais optimiste quant à la suite de celui-ci. J’avais un bon pressentiment, pour tout vous dire, celui-là même qui me soufflait, jour après jour, que le reste de la traversée à bord du Babylone se réalisera dans le calme et la sérénité.

Et je fus tout de même content de constater que mon instinct ne m’avait pas trompé : l’expression « Après la tempête vient le beau temps » n’ayant jamais été aussi authentique, aussi vraie. Depuis l’ouragan, la lumière de Jeriel était constamment au rendez-vous, bien haut dans le ciel, et le souffle d’Ajrov nous portait à travers l’Océan, jusqu’à la Mer de la Méduse dans laquelle reposait les terres de Faarael. Tout au long de notre voyage en mer, nous avions été mis au courant de plusieurs événements qui faisaient trembler les continents : la libération des mille rescapés de la Terre Blanche, notamment, avait causé une véritable onde de choc à travers les détachements, l’avènement des Enfants des Cieux, même s’ils étaient déjà connus des nôtres, avait surtout alimenté les conversations à propos de la diminution de la natalité au sein de plusieurs peuples, alors que les rumeurs, de plus en plus persistantes, concernant un potentiel assaut de la Terre Blanche par nos forces militaires, gonflaient la crainte et la prudence de plusieurs de nos pairs quant au bien-fondé d’une telle opération.

Entre deux tâches et entraînements, je me permettais également de communiquer avec certains membres de ma Troupe, pour prendre des nouvelles et ainsi connaître leur progression dans la campagne d’exploration. Surtout, j’envoyais plusieurs missives à l’endroit d’Hiddleston afin que ce dernier me tienne au courant pour Isiode. Les tensions étaient encore palpables entre mon frère et moi et cela expliquait pourquoi j’hésitais à communiquer directement avec lui. Parce que j’avais peur qu’il ne m’ait pas entièrement pardonné… C’était peut-être idiot. C'était lâche. Peut-être que j'angoissais pour rien, mais en réalité, je préférais pouvoir régler nos différends en face à face plutôt que par courrier et c’est pourquoi je me tenais au courant de son état par le biais de notre vieil ami, et de Ren aussi.

Et un beau jour, un Héraut vint cogner à la porte de ma cabine, m’offrant une enveloppe : ce n'était pas du tout celle à laquelle je m'attendais.

« De la part de la Marquise Leenhardt », m’apprit-il.

À la mention seule de ce nom, mes yeux se plissèrent, sceptiques.

« Merci… »

Le messager avait aussitôt pris congé alors que je refermais la porte dans mon dos, m’écrasant sur le matelas de ma couche avant de déplier… les missives?


1 968 mots | Post III


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Isiode et Isley
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Isiode et Isley
Mer 15 Avr 2020, 17:11



Une fois de plus, le papier fut dévoré par les flammes de la lanterne. J’exhalais un long et profond soupir, ce dernier se mêlant à l’air tempéré de cette douce nuit. En silence, pourtant, je ne faisais rien de plus que d’observer la feuille de parchemin se réduire en cendres, tout en attaquant mes lèvres de morsures nerveuses et agitées, signe du trouble qui soulevait une tempête fiévreuse dans mon esprit. Lorsque l’énième morceau de parchemin disparut entre mes doigts, je tirais une nouvelle page, vierge, devant moi. Reprenant la plume en main, trempant sa pointe dans le petit flacon d’encre qui se tenait non loin de ma future – peut-être? – missive, je me réinstallais confortablement sur mon assise, prêt à engager de nouveau le combat… … Sans parvenir à écrire quoi que ce soit au bout d’une dizaine de minutes. Je soufflais, mes narines se dilatant devant la résignation, alors que je déposais finalement ma plume à l’intérieur de son encrier en signe de capitulation face au parchemin vide de toute inspiration et blanche de toute encre. En réalité, je ne savais tout simplement pas comment prendre la nouvelle. C’était bien trop soudain et je… je n’étais pas préparé à recevoir de telles annonces. Bon, et si je me donnais une nouvelle chance?



… …

Non, décidément, je n’y arriverais pas ce soir. Encore. Cela devait faire près de trois jours que j’essayais de trouver les mots pour écrire cette lettre, en vain. L’affaissement de mes épaules témoignait de ma lassitude et de mon découragement. Je n’arriverais à rien aujourd’hui, c’était évident. C’est pourquoi, d’un mouvement, je finis par me redresser de sur mon siège, emportant, dans le creux de mes bras, mon matériel d’écriture ainsi que la lanterne, qui m’éclairait au milieu du noir profond de la nuit, que je suspendis dans la poigne de mon autre main. Je ferais mieux d’aller me coucher. Et peut-être que demain, je parviendrais à trouver les mots justes pour répondre aux missives du Capitaine et de sa fiancée.



Mais rien ne se passe comme prévu, n’est-ce pas? Cette nuit plus que les autres, je n’avais pas réussi à fermer ne serait-ce qu’un œil, tant les événements qui s’étaient succédés avaient été intenses et invraisemblables, mixant la confusion à la tristesse, la joie à la détresse et, pour tout vous avouer, j’avais l’impression d’avoir fait un rêve éveillé. Cette nuit-là, je l’avais souhaité tranquille et porteuse de conseils pour parvenir, enfin, à mettre par écrit ce qui se crapahutait à l’intérieur de mon crâne, et voilà qu’elle m’avait plutôt amené…

« Araya…? Est-ce vraiment toi? »

Il n’y avait plus personne dans ma cabine : Ren, l’Ultimage, le Prince des Cauchemars… Tous envolés, partis, déguerpis, nous laissant seuls, elle et moi, au beau milieu de la nuit, la lumière lunaire filtrant avec aisance à travers la vitre du hublot qui surplombait mon lit. Devant la fenêtre, la jeune femme ne pipait mot, sa réponse s’attardant durant plusieurs secondes, incitant une pause des plus vibrantes et tendues entre nous. Je la contemplais de ma position, fixé comme un enfant apeuré à la porte de ma chambre. Sa silhouette se découpait à travers le voile nocturne et ses cheveux obsidienne descendaient en cascade sur ses épaules, glissant le long de son dos, libres et aériens. Son visage, malgré l’obscurité, m’apparut pourtant très clairement, l’acier de ses mires s’ancrant doucement sur mon propre faciès. Elle aussi me jugeait de l’autre côté de la distance. Pourtant, elle ne semblait porter la même crainte et panique qui bondissaient follement au fond de ma poitrine. Elle était calme, analytique et, après un moment, j’interceptais son sourire. Un sourire doux et nostalgique. Un sourire qui m’emporta des années en arrière, à une époque où les aléas impitoyables et tortueux de la vie n’avaient que faire de notre histoire; à une époque où tout ce qui nous importait était de poursuivre ensemble notre chemin.

« Oui, Isley, finit-elle par murmurer, l’inflexion de son timbre étant le même que la résonance qui faisait écho dans mes souvenirs. C’est vraiment moi. »

Mes doigts se crispèrent contre le bois de la porte. Ma respiration était courte, se hachait violemment lorsque je la sentais voyager à travers ma gorge. Pouvais-je vraiment croire cela? Après toutes ces années sans nouvelles, sans signe de vie, pouvais-je vraiment croire qu’Araya pouvait simplement apparaître, comme ça, à l’intérieur de ma cabine de voyage? Le doute se mêlait à l’émoi, le choc se faisait trop grand pour être totalement assimilé d’un coup. Mon cerveau cherchait un raisonnement derrière cette apparition, derrière toute cette… folie que je venais d’expérimenter en une seule nuit. Non, non… Pensais-je progressivement, mes iris se scotchant à la silhouette svelte de l’ancienne Humaine. C’était trop bordélique pour que cela soit vrai. C’était trop… irréel pour que cela soit vrai. Forcément, forcément, tout ceci était le fruit de mon imagination, de… mes troubles et passions. Je ne voyais que ça comme explication.

Mais en s’apercevant que je réagissais nerveusement à son introduction, Araya fit alors un premier pas dans ma direction et mon corps, par un mouvement purement instinctif, se colla plus encore au battant de la porte d’entrée.

« J-Je dois rêver, soufflais-je en ricanant mollement, incapable, pourtant, de détacher mon regard du sien.

- Non, tu ne rêv…

- Je dois rêver, répétais-je sans sommation, de plus en plus agité. Tout ça n’est qu’un songe, un jeu de mon esprit. Bientôt, je me réveillerais et… »

Ce fut à son tour de me couper soudainement la parole, alors que sa main cherchait une route à travers le poing formé par mes doigts. Le contact était léger, ressemblant plus à un frôlement qu’à une véritable poignée, mais cela suffit à figer mon corps dans une tension palpable. Devant moi, je repris Araya en train de sourire, le dessin de la taquinerie, cette fois, se distinguant sur les lignes de son rire.

« Doute de moi encore une fois et je risque de te mordre pour t’assurer qu’il ne s’agisse pas là d’un rêve », me menaça-t-elle d’une voix si émue et vibrante, qu’il m’était impossible de la prendre véritablement au sérieux, malgré toute la volonté qu’elle avait soufflé dans chacune de ses paroles.

Ses yeux souriaient, son visage souriait et, tranquillement, je pouvais sentir le poids qui broyait mes épaules et mon estomac s’alléger.

« C’est… »

L’inusité de la situation, son trouble et son anormalité, me firent éclater de rire, créant une soudaine rupture dans le malaise qui nous attachait l’un à l’autre sur l’instant présent.

« C’est n’importe quoi, parvins-je à expirer, ne pouvant m’arrêter de rigoler, désormais, tout en ne la perdant pas des yeux.

- Je sais.

- Tu es partie depuis si longtemps et te voilà maintenant, ici, au beau milieu de l’Océan…

- Je sais… »

Le tremblement de mes lèvres se mit à altérer mon sourire, mes yeux se refermant brusquement. Mes doigts, finalement, s’étaient relâchés et sans attendre, sa main s’y était glissée. Ses phalanges étaient toujours aussi fines, sa paume toujours aussi froide, et sa poigne toujours aussi ferme. Palpable. Matérielle. J’enveloppais sa main de toutes mes forces, comme une dernière preuve qu’elle était bien là, en chair et en os, devant moi, et, à ce constat, toute mon enveloppe charnelle se mit à palpiter sous le coup de la fièvre et des émotions.

« Nipa ẹjẹ Nímkalàri! (Par tous les Ætheri!)

- Q-Quoi…?! »

Elle n’avait pas du tout compris l’expression, exclamée en Naciaze. Mais je ne lui laissais pas le temps de réfléchir ou de se poser des questions, bloquant ses vocables contre l’épaule sur laquelle je venais de brusquement l’attirer. Elle était , ici, tout près de moi. Je la sentais contre mon corps, prisonnière de l’étreinte dans laquelle je l’entourais, par crainte qu’elle disparaisse, par crainte qu’elle s’effondre à l’intérieur de mes bras, partie en poussière, comme il m’était arrivé si souvent de le rêver dans mes nuits de cauchemars et de désespoir. Mes bras enserraient sa nuque, ses épaules. Les battements de mon cœur fracassaient avec fureur les os de ma cage thoracique, tandis que ma respiration, affolée et profonde, ne cessait d’humer son odeur, sa présence. Je ne voulais plus la lâcher. De peur qu’elle disparaisse, de peur qu’elle ne puisse plus jamais me revenir comme tel, ne remarquant même pas l’inertie de la jeune femme, prise en étau entre les sensations qui faisaient vibrer son cœur et ceux, plutôt, qui faisaient vibrer sa faim. Elle ouvrit la bouche, tremblant quelques secondes…

« I-Isley, tu m’étouffes…

- Je m’en moque, souriais-je dans le creux de son cou, incapable de camoufler la joie qui enfiévrait ma conscience. Tu ne sais pas à quel point je m’en moque actuellement… »

Araya se mura dans un drôle de silence, que je ne perçus pas le moins du monde, en toute sincérité, car dans le cas contraire, j’aurais certainement intercepté l’œillade qu’elle adressa au plafond de la chambrette. Elle était assoiffée, mais retenait férocement ses instincts, d’autres considérations fouettant brutalement son esprit. Déceptions et regrets éclairaient alors le céruléen acéré de ses mires; remords et mélancolies, quant à eux, écrasaient avec une violence insoupçonnée l’intérieur de ses entrailles. Sa mâchoire se contracta brutalement à la réalisation de la vérité. Et c’est pourquoi, dans un geste délicat, et quelque peu hésitant, elle finit par monter ses bras le long de ma colonne afin de s’ancrer solidement à mon dos et mes épaules.

« Je suis désolée d’être partie sans prévenir. »

Elle l’était. Sincèrement.

« Je suis désolée de ne pas t’avoir écouté et d’avoir cherché à tuer Adrian, seule. »

Elle le regrettait. Sincèrement.

« Je suis désolée de n’avoir pensé qu’à moi…

- Je te le répète, Araya : je m’en moque. Je voudrais simplement profiter de cet instant avec toi. Rien de plus. »

Parce que les dernières paroles du Taiji, depuis un moment, sonnaient comme une alerte au creux de mes tympans.

« Juste le temps d’une nuit, il a dit… » Chuchotais-je.

Ma voix était pauvre et faible, les propos se dirigeant directement dans la conscience de la brune, qui tressaillit à cette mention. Le temps qu’il nous serait possible de partager ensemble ne serait guère infini. J’en avais conscience et elle aussi, si je me fiais à son mutisme. C’est pourquoi, d’un mouvement brusque, sans même lui laisser le temps de répliquer ou de freiner la danse, j’échangeais nos places respectives pour nous élancer jusqu’à ma couche, dans un bond léger. Notre chute, précisément, nous emporta jusqu’au matelas du lit, contre lequel mon dos rebondis, alors que j’enlaçais une Araya surprise et troublée dans mes bras.

« O-Ouah! Mais tu…! »

J’avais légèrement relâché mon emprise, son visage pouvant enfin se dégager de mon épaule pour dévisager le mien. Cependant, à l’instant où ses yeux rencontrèrent le bleu de mes iris, toute injonction semblait s’être essoufflée de sa voix. Je souriais comme rarement je l’avais fait depuis des années. Le simple fait qu’elle soit à mes côtés faisait déborder mon cœur d’un bonheur incommensurable, fantastique, le trop-plein de cette joie démesurée illuminant l’iris de mes yeux lorsque je les posais sur elle. Par réflexe, ma paume se glissa sur sa joue, et le corps de la jeune femme se mit à frissonner.

« Tu m’as manqué, Araya. Tu n’as pas idée… »

Au contraire, elle le savait très bien. Depuis sa mort, elle n’avait fait que l’observer et broyer du noir.


1 914 mots | Post IV


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Isiode et Isley
Ven 17 Avr 2020, 05:54



Araya restait silencieuse, immobile, se laissant doucement bercer par les caresses que je lui prodiguais affectueusement sur sa joue, dans son cou. Elle rabattit ses paupières un instant afin de profiter de chacune de ces tendresses chaleureuses et affectueuses, représentantes d’un attachement et d’un amour qui lui avaient manqué autant de son vivant qu’après sa mort. Elle m’observait d’un œil indescriptible, mon esprit ne parvenant à définir une quelconque présomption quant à la ligne de ses pensées. Elle ne faisait que me scruter fixement, sa main remontant le long de mon bras pour venir joindre ses doigts aux miens, contre sa joue. Son esprit s’apaisait à mon contact et lorsqu’elle entendit mon aveu, elle avait reposé son regard sur mon faciès sans mot. Elle était complètement perdue dans ses réflexions, perdue dans une mélancolie qui semblait vouloir la noyer et, à chaque fois qu’elle posait les yeux sur moi, elle se sentait encore plus tirer vers le bas, tirer vers une époque lointaine dans laquelle elle n’était encore qu’une Humaine intrépide et téméraire qui cherchait la première opportunité pour s’envoler.

Quitter à tout jamais la terre de ses pères n’était pas un souhait, mais elle n’aurait pas été sincère si elle avouait n’avoir jamais rêvé de voyages et d’aventures, d’explorations et de découvertes de toutes espèces. Parce que si les contrées qui l’ont vu naître et grandir avaient des frontières, elle n’avait jamais eu la chance – ou le courage peut-être? – de les traverser par elle-même afin de rejoindre l’horizon entre la terre et le firmament. C’était tout un monde qui n’attendait qu’elle, un monde qui lui ouvrait grand les bras et dans lesquels elle songeait s’y jeter presque à tous les jours. Pourtant, malgré toute la passion qu’elle nourrissait à l’égard de ses rêves – capricieux et inintéressants selon sa mère; dangereux et un brin surréaliste pour son père – elle n’était jamais partie d’elle-même. Si l’inconnu l’attirait, l’appelait, il lui faisait également peur et cette appréhension, toute justifiée, l’empêchait de faire le premier pas vers celui-ci. Son père n’avait cessé de lui raconter, durant toute son enfance, les horreurs du monde extérieur, ses dangers et les menaces qui la guetteraient à chaque intersection, surtout celles qui lui tomberaient dessus parce qu’elle n’était qu’une Humaine. Et c’est pourquoi elle avait toujours eu conscience que, par-delà les protections du village, l’univers pouvait être beau, l’univers pouvait être merveilleux sans doute, mais chercherait toujours à attenter sa vie. Toujours, elle devrait être sur ses gardes, à craindre le prochain poignard qui viserait son flanc ou la prochaine main qui voudrait s’attaquer à sa bourse : c’est de cela qu’elle avait peur, parce qu’elle ne savait pas se défendre à l’époque, elle ne savait pas se battre non plus. Jusqu’au jour où un groupe de militaires avait fait escale dans leur petit village.

Jusqu’au jour où, par un serment qui nous avait uni pendant plusieurs années, je lui avais promis de lui faire voir le monde et de l’aider à poursuivre son rêve.

Après tout, elle n’était que la fille d’un couple de fromagers, le père vivant humblement du peu qu’ils possédaient au contraire de la mère, avide et acariâtre, qui cherchait à fuir cette vie qu’elle considérait comme fade et miséreuse. C’était fou comment la Mort, une fois enlacée, révélait des secrets cachés aux yeux des trépassés, parce que c’est ainsi qu’Araya avait enfin su comment elle avait fini entre les griffes de cet Adrian, entre les griffes de ce Sorcier qui, pendant des années, n’était plus devenu que son obsession et la source de son ire bestial et insatiable.

Sa mère l’avait vendu.

Sa propre mère avait accordé plus d’amour à l’argent et à la liberté plutôt qu’à sa propre fille aînée. Cette révélation avait choqué la Vampire, l’avait enragé, meurtri et blessé, ces derniers sentiments n’en ayant été que plus acérés lorsqu’elle avait revu le visage tanné et creusé de son pauvre père fatigué, le poids de l'âge écrasant sa silhouette désormais recroquevillée. Il avait cherché sa fille pendant si longtemps, il avait blâmé son Ange Gardien d’avoir été absent, mauvais, menteur et négligeant. Il avait maudit la terre entière sans, pour autant, ne serait-ce qu’une fois, soupçonner sa femme d’avoir été l’instigatrice de tout son malheur. Il était vieux à présent, vieux et épuisé, épuisé par les guerres, par les bousculades, par tout ce dont ce monde offrait de plus laids et immondes. Et jamais, il n’avait su la vérité, dormant seul et affligé, depuis que sa femme l’avait quitté.

Cette histoire vous semble froide, n’est-ce pas? Pour Araya aussi, maintenant qu’elle avait en main tous les morceaux du casse-tête. Et c’est pourquoi la chaleur et l’affection que je dégageais à son endroit lui semblaient inaccoutumées et irréelles. Depuis qu’elle était tombée entre les mains d’Adrian, son monde n’était plus devenu qu’un étau glacé dans lequel le ressentiment, la peine, la colère et la solitude se bataillaient furieusement son cœur; plus d’une fois, par ailleurs, la lame d’un couteau lui avait parue fascinante. Cela étant dit, aveuglée par la haine, par la peur, par ce désir cruel d’appliquer la maxime de l’œil pour œil, dent pour dent, elle avait fini par vivre dans l’unique but d’assassiner cet homme répugnant et de lui faire payer – oh oui, de lui faire payer – toutes les années qu’elle avait perdu dans son donjon, à être sa poupée de chiffon, son rat de laboratoire, sa chose aux canines tranchantes.

Et malgré son évasion du donjon sorcier, elle avait perdu tout espoir de retrouver sa vie d'antan, croyant, en plus de cela, à une trahison chimérique de l'être qu'elle reconnaissait et appréciait le plus au monde : pendant des années, elle avait cru que je l’avais abandonné, incapable de comprendre, qu’en réalité, notre Lien s’était désormais brisé et que plus rien ne me permettait de comprendre et de supposer qu’elle était encore vivante. Moi aussi, j’avais goûté à sa haine, pendant si longtemps et de manière si viscérale, qu’aujourd’hui encore, lorsqu’elle plongeait son regard dans le mien, elle ne pouvait que s’en sentir affreusement coupable. Elle m’avait haï comme elle avait haï Adrian. Elle m’avait méprisé comme l’on pouvait mépriser le chien galeux qui faisait les poubelles à travers la ville. Pendant des années, elle ne m’avait considéré que comme un traître, un lâche et un menteur; pendant des années, elle m’avait détesté au plus profond de son cœur. Et je savais, je savais ce qui lui en avait coûté pour faire tomber ses défenses, ses barricades pour que, de nouveau, elle puisse embrasser ce semblant d’amour et de confiance qui, trop longtemps, lui avait manqué.

Et en voyant actuellement les perles de bonheur au fond de mes yeux, elle ne pu s’empêcher de sourire, approchant, oscillante, sa propre main sur mon visage. L’odeur que je dégageais lui semblait délicieuse, vivifiante et tellement entêtante qu’elle prit un instant pour respirer le fumet, respirer le parfum de sa proie…

« Toi aussi, Isley, tu m’as manqué… »

Sans hésiter, elle se pencha au-dessus de moi. Nos souffles se mélangeaient, s’harmonisaient et subitement, je pu goûter à la caresse de ses lèvres sur les miennes. Mon être se mit à frémir, mes mains encadrant sa figure alors que je répondais à son baiser avec fièvre, étreint par un doux et somptueux sentiment qui s’étendit dans l’intégralité de mon être. Cette chaleur qui s’éparpillait de ma tête jusqu’à mes orteils, combien de temps ne l’avais-je pas ressenti se répandre de la sorte? Combien de temps n’avais-je pas ressenti un si grand besoin d’être enlacé? Combien de fois avais-je souhaité me retrouver de nouveau dans le creux de ses bras? Une folle explosion faisait pourtant papillonner l’intérieur de mon ventre tandis que je pouvais sentir ses doigts couler le long de mes épaules, remonter jusqu’à ma nuque pour les mêler aux mèches de mes cheveux. Et doucement, elle fit glisser ses lèvres jusqu’à ma gorge, alors que mon regard se perdit sur les planches du plafond. Depuis un moment déjà, elle avait faim. Mon effluve la rendait fébrile, affamée, au point que cela lui tordait l’estomac. Elle avait faim, tellement faim. Et mon odeur sentait bon, si bon…

« Raconte-moi… Soufflais-je après un silence ténu, uniquement entrecoupé de nos expirations communes, la sienne se heurtant contre mon cou tandis qu’elle tentait au mieux d’endiguer ses spasmes et ses envies de prédateur de la Nuit. Raconte-moi ce qui t’es arrivé. Je veux tout savoir. »

Elle ne prononça aucun mot en réponse, concentrée à contrôler sa respiration et sa faim, son intenable faim, qui tenaillait chacune des parcelles de son corps. À son mutisme, je portais mon regard jusqu’à son visage enfoui dans le noir, comprenant rapidement ce qu’il en était. Cependant, avant même d’avoir l’occasion d’aligner quelques palabres, elle se permit enfin d’ouvrir la bouche, étirant une phrase qui perça mes tympans en raison des notes graves et ahanées qui s’extirpaient de sa voix.

« Avant que je te raconte quoi que ce soit… »

Elle émit une pause, brève, reculant difficilement son faciès de ma nuque pour me jeter un regard en biais.

« J’ai soif. Cela fait une éternité que je n’ai pas bu. »

Je la contemplais longuement, écoutant avec attention les fracas de ses expirations contre ma peau. Elle pouvait entendre les pulsations de mon sang qui battait dans mes veines, ses oreilles ne percevant plus que cela, ses yeux ne distinguant plus que la jugulaire qui courrait le long de mon cou et, d’une main tremblante, hypnotisée, elle chercha à coincer ma gorge entre ses doigts. Cependant, je la freinais brusquement. Ses pupilles étaient dilatées. Elle avait faim, par tous les Dieux. Tellement, tellement faim…

« Pas besoin de m’entraver ou quoi que ce soit », lui assurais-je en lui adressant un sourire charmant.

D’un mouvement, je fis simplement basculer ma tête sur le côté, lui offrant ma gorge sans le moindre signe de résistance. Araya ne réfléchit pas une seconde de plus, se jetant à mon cou comme un animal. La morsure, dès lors, incendia mon épiderme et mes doigts s’ancrèrent violemment à son dos. La douleur qui s’échappait de ma gorge était atroce. Elle l’avait toujours été quand elle me mordait, mais pour elle, je me promettais de ne pas y succomber. Et d’endurer.



Couchés en longueur sur le lit, mon front appuyé sur le sien, mes bras entourant sa taille et ses propres mains contre ma nuque, nous restions immobiles l’un contre l’autre. Elle m’avait tout raconté et même si les questions n’en finissaient plus de tourner dans mon esprit, ce dernier cherchant à assembler les fragments de l’histoire qu’Araya m’avait conté, lentement, sans que je puisse expliquer pourquoi, j’avais fini par m’assoupir dans les bras de la Vampire. Avait-elle usé de Magie? Ou était-ce mon état de fatigue avancé qui m’avait simplement mis hors service? Dans tous les cas, la brune m’observait calmement dans le noir, mémorisant chacune des lignes de mon faciès, traçant avec son ongle les contours de mon visage. Une œillade rapide en direction de mon cou la fit rougir légèrement, honteuse de m’avoir montré, une fois de plus, ce côté animal qui l’habitait désormais. Elle soupira, se ressaisissant. Son temps dans le Monde des Vivants touchait presque à sa fin. Elle pouvait sentir son corps s’alléger, ses sens s’effacer et pourtant, elle ne m’avait pas tout dit. Se collant contre moi, approchant ses lèvres de mon oreille, elle se mit à chuchoter doucement :

« Tu as veillé sur moi pendant des années et tout ce que tu as récolté lorsque nous fûmes de nouveau réunis furent les fruits de ma haine et de ma vengeance. Tu as toujours été là pour moi et je n’ai fait que… que te repousser là où tu voulais simplement m’aider. Je suis désolée, Isley. Désolée de t’avoir causé tant de peine et j’aimerais que tu… que tu puisses tracer ton propre chemin. »

La jeune femme marqua une pause, alors qu’elle percevait distinctement mon souffle endormi sur son épaule.

« Comme tu l’as fait pour moi, j’aimerais aujourd’hui te tendre ma main et te guider, poursuivit-elle d’une voix terriblement douce. J’aimerais, à mon tour, devenir ta Gardienne. »

Tendrement, ses bras s’ancrèrent plus solidement à mon cou, à mes vêtements, et, d'un geste purement inconscient, mon étreinte autour de son corps se renforça tout autant, afin d’approcher plus encore sa silhouette de la mienne. Je la sentais partir. Elle s’évaporait. Elle s’effritait. Elle retournait de là où elle venait. À ce constat, la Vampire sourit gentiment, reculant son visage.

« Au revoir Isley, murmura-t-elle tout en déposant un énième baiser sur mes lèvres. Je t’aime. »

Une seconde plus tard, mes bras étaient vides et pourtant, mon visage, lui, souriait amoureusement.


2 128 mots | Post V | Isley réagit également aux chocolats sentimentaux de Devaraj, mangés dans ce RP.


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Isiode et Isley
Sam 30 Mai 2020, 03:19



~ La scène se passe après le RP de Quand le Vent tourne… - Partie III ~

En poussant les toiles de la tente sur le côté, je pénétrais à l’intérieur de l’abri en catimini, sans mot dire, remarquant que Ren dormait paisiblement entre les plaids de sa couche improvisée. À cette vision, j’eus un léger sourire : elle méritait ce repos et j’étais particulièrement soulagé de la savoir aussi détendu malgré tout ce qui s’était produit en amont. Elle n’avait pas ce contrôle de soi qu’Isiode imposait continuellement sur son cœur et sa conscience. Par conséquent, son propre corps s’envahissait de sentiments des fois trop puissants, des fois trop terribles pour qu’elle puisse résister ou ne pas craquer. Je l’avais ressenti au plus profond de mes tripes, comprimer mon estomac au point d’en grimacer, à plusieurs reprises : une nuit, même, je l’avais surprise à pleurer. C’est pourquoi la vue de son faciès si serein, l'espoir qu'elle somnole dans un repos tranquille bercé par – je l’espérais – les grâces d’Harabella, me faisaient autant de bien. Je détestais la regarder se tordre dans une douleur si insupportable; je détestais la voir succomber à une détresse aussi cruelle.

Après un certain temps à la contempler, je me permis finalement d’avancer, dépassant sa hauteur pour m’arrêter à quelques centimètres d’un petit tabouret qui se trouvait au fond de notre tente. Sur ce dernier avait été empilé une série de lettres que j’avais écrite il y a quelques jours de cela, mais qui n’avait toujours pas été envoyées aux principaux concernés. Je les jaugeais un instant, avant de me pencher et de tendre le bras pour les attraper. Pour quelques-unes, en effet, j’avais tardé à offrir ma réponse, tant les événements s’étaient enchaînés à une vitesse insoupçonnée, qui m’avait fait rapidement oublier leur existence, jusqu’à tout récemment du moins. Le débarquement sur les terres de Faraael, nos premiers pas au cœur des hauts bois qui longeaient la rive de sable doré de la plage, l’illumination des cieux par la Lune écarlate, notre progression lente mais effective jusqu’aux limites des Gorges Dorh, et surtout, surtout, l’impressionnante pression qui pesait sur nos épaules à chaque instant. Nous nous trouvions au milieu d’une contrée particulièrement sauvage et austère, rien à voir avec ce qui avait pu être observés chez les autres territoires d’exploration. Ici, la faune pouvait faire notre taille, les araignées nous arriver aux hanches. Nous devions être constamment sur nos gardes, constamment en alerte, puisque la moindre bestiole pouvait, d’un souffle s’il le désirait, envoyer valser nos tentes, démolir nos semblants d’infrastructures… comme il avait pu être fait tant et tant de fois depuis que nous avions débarqués ici. C'était pour cette raison, principalement, que nous peinions à forcer notre chemin jusqu'aux Gorges Dorh, le détachement laissant finalement la tâche aux êtres ailés de faire fi de ces barrières, depuis la voie des airs, afin de s'enfoncer jusqu'à la destination désirée.  

Quoi qu’il en soit, ma conscience me chuchotait qu’il ne me faudrait pas attendre plus longtemps pour transmettre ces missives à leur destinataire. Ainsi, je rebroussais chemin, jetant une dernière œillade en direction de Muramasa en me disant qu’après ceci, je pourrais définitivement, moi aussi, me plonger dans le monde onirique des songes.



Kaabo Capitaine Katzuta. Bonjour à vous, Marquise Leenhardt.
Je zigzaguais au milieu de notre camp temporaire, faiblement éclairé dans la nuit par des lanternes éparpillées un peu partout entre les tentes et les quelques tables.
Tout d’abord, je tiens à vous féliciter pour vos fiançailles. Vous devez être très heureux, tous les deux, et je souhaite que cette union vous apporte le plus grand des bonheurs.
Je me souviens avoir écrit ces mots d’un air détaché, mon esprit encore envahi par un sentiment viscéral.
Cependant, j’aimerais être clair avec vous : je ne m’attendais pas à une lettre de votre part et je n’en demandais aucune. Notre dernière rencontre nous a tous deux laissés un goût amer en bouche et j’aurais préféré que nous nous en tenions là.
Je révisais mentalement les mots que j’avais couché sur cette lettre. Ils pouvaient paraître froids, tranchants, mais ils étaient mes sentiments. Ces derniers s’étaient d’autant plus renforcés depuis la nuit où Araya m’avait rendu visite. Tout en marchant, je ne quittais pas la tente des communications des yeux.
Je m’excuse d’avance pour la virulence qui pourra être perçu dans mon message, mais, comme vous l'avez souligné, votre lettre m’irrite. Je me souviens inéluctablement des mots que vous m'avez adressé, du rire que vous m’avez lancé au nez après avoir critiqué ce que je partageais de plus précieux avec ma Protégée, et je ne peux tout simplement pas les oublier. Vous avez méprisé et rabaissé l’amour que je ressens pour Araya. C’était abject.
J'avais écrit et récrit une vingtaine de fois ce passage de mon message, tant les mauvais souvenirs faisaient remonter la hargne à mon esprit, et tant les informations contenues à l’intérieur de sa lettre n’avait fait qu’étendre plus encore mon ressentiment. Cependant, à un certain point, j’avais fini par me calmer, inspirant et expirant pendant un temps avant de reprendre mon stylo et de poursuivre ma rédaction.
Dame Leenhardt, je ne sais guère à quoi vous jouer. Cela me dérange : toute cette situation me dérange. Vous avez le culot de nommer votre fils d’adoption sous le même prénom que le mien? Et vous me demandez, par la suite, d’être le parrain de vos enfants? Après tout ce que vous m’avez dit? Après avoir ainsi craché sur ce qui nous unissait, ma Protégée et moi?
Je ne m’étais même pas senti énervé à cet instant-là. Simplement… choqué.
S’il s’agit d’une plaisanterie, sachez que je n’en ris pas; si vous êtes sérieuse, autant dire que cela me sidère plus encore. Nous ne sommes pas proches. Vous ne me connaissez pas et je ne vous connais pas non plus, si ce n’est à travers les rumeurs et votre réputation. Vous êtes une femme émérite et j’estime vos hauts-faits, certes, mais je ne me targuerais pas à me définir comme votre ami. Je comprends que notre dernière rencontre vous a… chamboulée. Moi aussi. Pour des raisons bien différentes, mais soit. Cependant, je préférerais prendre mes distances et m’en tenir là. Je ne me sens pas du tout à l’aise dans la situation actuelle.
J’avais pu sentir le regard écrasant de Ren par-dessus mon épaule à un instant, sachant pertinemment qu’elle était en mesure de ressentir ma nervosité vibrer dans toutes les fibres de mon corps.
C’est pourquoi je vous demanderais de changer le prénom de votre enfant pour un nom qui le siéra, lui, et qui ne correspondra pas à une tentative de votre part de m'amadouer ou de vous consoler.
Je m’étais pincé les lèvres à la suite d'une expiration, mais surtout, j’avais vu du coin de l’œil la jeune Orine s’avancer dans ma direction. En secouant la tête, je lui avais signalé de ne pas approcher.
Et même si votre proposition m’a été offerte par le plus pur et franc sentiment, je suis dans l’obligation de la refuser. Je suis profondément désolé, Capitaine, Matasif, mais je ne suis pas celui qui devra endosser un tel rôle. Tant que je n’ai pas trouvé la Foi pour vous pardonner, je me vois mal accepter.
Vaguement, mes yeux s’étaient posés sur les visages de l’illustration qui avait été jointe aux messages du couple.
Je suis désolé. Désolé que cela se conclue de la sorte. Cependant, je ne peux être l’ami d’une personne qui ne chérit que son amour au mépris de celui des autres…

Bonne chance à vous, Matasif Leenhardt, Capitaine Katzuta. Sincèrement, j’espère que vous pourrez vivre heureux.

Ije mẹje Ọrun ifa setọju (Que les sept Vertueux vous préservent).

Isley Yüerell


« Mẹio! »

La rousse rabattit rapidement son avant-dernière carte sur le paquet de jeu, les yeux pétillants d’excitation. Le sourire dont elle me gratifia me fit aussitôt maugréer quelques palabres au bout de mes lèvres tandis que je considérais ma main, composée de mes cinq cartes. La partie était serrée. Depuis quelques tours déjà, Ren enchaînait Mẹio! sur Mẹio!, sans pour autant parvenir à se défaire de sa dernière main. Je me torturais l’esprit à essayer de deviner l’unique couleur de son jeu, sachant qu’elle n’avait ni de carte verte ou cyan, puisqu’à chaque fois qu’une des cartes mises en jeu avaient cette couleur, elle tirait dans la pioche. C’est pourquoi, dans un froncement suspicieux des sourcils, je jetais un nouveau neuf vert. L’Orine expira profondément, pigeant encore. C’était à mon tour de sourir–

« Isley! »

La voix venait de l’extérieur, forte et pressée : nous la reconnûmes sur-le-champ. Il s’agissait du Capitaine Endeover, qui se rapprochait d’un pas urgent. Son appel nous avait aussitôt fait perdre toute concentration sur le jeu auquel nous nous adonnions et, poussés par un spasme de surprise, nous pivotâmes d’un seul bloc en direction de l’entrée de notre tente.

« Qu’y-a-t’il, Capitaine? Posais-je à l’intéressé lorsque celui-ci s’engouffra prestement au milieu de l’abri.

- Prépare ton sac. Tu vas rejoindre le groupe qui est parti s’enfoncer dans les Gorges. »

À cette annonce, nous restâmes statiques, mais nos regards s’étaient agrandis, soudainement intrigués et nerveux.

« Il s’est passé quelque chose?

- Les Hérauts ont intercepté une transmission des soldats Aressi et Véneltia. Il y a un problème. Ils ont besoin de renfort et nous devons nous y rendre le plus rapidement possible. »

Il n’en fallu pas plus pour que nous sautâmes sur nos pieds et abandonnâmes notre manche, déjà bien entamée. Depuis notre débarquement sur cette terre, nous savions les dangers auxquels nous nous exposions. Les rapports des premiers éclaireurs avaient été plus que clairs sur le sujet : certains représentants de la faune du territoire possédaient des grandeurs inaccoutumées, au point où quelques souris pouvaient littéralement faire la taille d’un chat ou d’un chien de moyenne dimension. C’est pourquoi nous étions prêts à toutes éventualités. Ainsi, Ren et moi, nous hochâmes aussitôt de la tête. Elle commença à ranger les cartes de jeu, tandis que je m'exécutais à empaqueter mes bagages.

« Nous partons dans dix minutes. Nous prendrons notre envol à l’entrée du campement », rajouta le Capitaine Blanc après s'être arrêté au seuil de l’entrée, le tissu de la tente sur le revers de sa main.

C’est tout ce dont j'avais besoin de savoir. Sans se retourner, Hayden Endeover disparut derrière le voile, nous laissant à nos préparations et à notre rangement, en toute hâte. Nous n’échangions aucun mot, la jeune femme et moi, conscients qu’il nous fallait également organiser nos esprits. Si la situation demandait une telle initiative, nous devions nous attendre au pire. En balançant mon sac sur mon épaule d'un mouvement ample du bras, tout en attachant le fourreau de mon épée par l’autre main, je finis par observer Muramasa du coin de l’œil. Je lui adressais un signe de la tête :

« À tout à l'heure. »

Auquel elle répondit en acquiesçant.

« À tout à l'heure. Fais attention à toi. »


1 849 mots | Post VI



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Isiode et Isley
Sam 04 Déc 2021, 17:24


Quelques minutes après le départ des renforts.

Son regard suivit leur progression jusqu’à ce que leur silhouette ne soit plus qu’ombres, puis taches, sur la ligne de l’horizon. Bientôt, ils disparurent complètement de sa vue, dissimulés par les éclats brûlants de l’Astre-Père qui se tenait, bien haut, au-dessus de leur tête. Après s’être assuré de leur départ, l’Immaculé baissa enfin les yeux, se dirigeant d’un pas aérien sous les toiles de la tente médicale. Il repoussa le voile qui en dissimulait l’entrée, puis s’assit sur le bord de son bureau, le corps légèrement penché vers l’arrière, le visage tourné en direction du plafond de son habitacle. Il réfléchissait dans un silence énigmatique, son expression restant de marbre. La communication que les Hérauts leur avait transmise était inquiétante, mais surtout intrigante. Il ne s’était pas attendu à une telle annonce lorsqu’on lui avait fait part du communiqué et de la demande de renforts. Les interrogations martelaient son crâne à la manière de troupeaux de buffles courant dans leurs contrées sauvages.

« Consul Nortamion? »

Cependant, elles finirent par cesser de courir une fois qu’il perçu la voix dans son oreille – il n’était pas au bout de ses surprises aujourd’hui. Le Premier Consul de la Compagnie détacha finalement ses yeux de la toile pour les glisser jusqu’au visage de son Imperio Militia.

« Qu’y a-t-il, Générale Astaria? »

La blonde s’était arrêtée à quelques mètres seulement de son chef, l’émeraude de ses prunelles rejoignant instantanément le nacre des siennes. L’expression de la militaire était gravée dans la pierre, la chaleur habituelle de son sourire et la jovialité qui dansait sur ses traits s’étant étrangement refroidies à la surface de son faciès. Le commandant de la Compagnie s’alerta éventuellement de cet air incongru, tandis que l’officière se permit quelques enjambées de plus sous le chapiteau.

« Nous venons de recevoir des nouvelles qui nous ont été transmises par les équipes d’Hérauts stationnées aux Jardins. Elles concernent les Démons. »

L’attention du Consul s’aiguisa davantage, son regard se plongeant à l’intérieur des mires de sa subordonnée, cherchant à deviner les pensées qui voguaient dans son esprit. Cependant, ce qu’elle lui annonça par la suite le laissa dans un état complètement pantois et statique.

« Il semblerait qu’ils aient réalisé une Grande Purge. Selon les premières estimations qui nous ont été confiées, près du tiers de la population des Enfers a été décimée. Le nombre risque de fortement augmenter à la prochaine évaluation. »

Le Consul n’avait pas les mots, la Générale continuant tranquillement de transmettre son communiqué, lui partageant également que d’épaisses volutes de fumée avaient pu être aperçues, depuis les cieux, à l’est du Continent Dévasté. Un terrible tremblement de terre avait secoué la contrée, précédant les fracas et la soulevée d’immenses jets de magma vers le firmament. Le Nortamion n’ouvrit toujours pas la bouche à cette nouvelle. Au lieu de quoi, il darda sa subalterne d’un air songeur, le rehaussement de ses sourcils étant le seul signe qui témoignait de sa surprise. Et maintenant, le volcan au milieu des Terres Arides était entré en éruption?

« Hum… »

Le marmonnement du Consul faisait écho aux interrogations de la Générale Astaria, qui se frustrait de ne pas avoir plus d’informations sur le sujet à l’heure actuelle.

« Tenez-moi au courant dès que vous avez du développement.

- Ce sera fait comme vous le souhaitez. »

La militaire le salua solennellement avant de s’éclipser.



Par des battements d’ailes frénétiques et acharnés, nos corps transpercèrent les différentes strates de l’atmosphère. La violence de notre rythme et la précipitation de notre vol témoignaient de l’urgence dans laquelle nous nous trouvions. Les équipes qui avaient quitté le camp, ce matin, avait reçu comme directives de ratisser l’aire ouest des Gorges Dorh, un secteur qui avaient été exploré en toute timidité en raison de l’intérêt qui avait été porté, de prime abord, aux autres habitats de la région, plus calmes et conviviaux. Par conséquent, nous avions très peu d’informations pour tout ce qui se trouvait dans cette zone, les principales équipes mandatées à l’exploration ayant seulement été dépêchées tout récemment sur le terrain. Ainsi, elles permettaient de poser les premiers jalons dans la région, de sorte à pouvoir guider, ultérieurement, le plus gros des forces lorsque celles-ci seraient envoyées par le commandement afin d’étudier plus minutieusement l’ensemble du territoire et le débarrasser des dangers les plus nuisibles. C’est ainsi que nous avions procédé depuis le début de cette campagne et, jusqu’à présent, cela s’était avéré concluant, en dépit des nombreux obstacles qui nous avaient ralenti. Toutefois, aujourd’hui, tout ne semblait pas se passer comme prévu. Dès l’instant où les Hérauts avaient transmis le message des Soldats Aressi et Véneltia au reste des troupes, tout le monde eut certainement la même réaction, le même pressentiment, celui-là même qui avait glacé notre chair et avait fait trembler nos os jusqu’aux profondeurs de la moelle. La découverte macabre ne nous avait pas été décrite en détails, mais le peu de description qui nous avait été faite avait suffi à nous faire craindre le pire. Cependant, une fois sur place, la réalité excéda toute imagination, nos corps se paralysant progressivement à la vue qui se profilait devant nous et se concrétisait, pas après pas.

« Qu’est-ce qui s’est passé ici… » Exhalais-je dans un tremblement de voix, l’intérieur de mes pupilles agité par ce haut-le-cœur qui m’entravait la gorge.

Puis, le murmure, la rumeur, s’éveilla doucement. Tel un écho, il se répéta à travers notre groupe, que ce soit sur le bout des lèvres ou au milieu des esprits les plus nerveux. Des yeux s’écarquillèrent alors que d’autres se refermèrent avec précipitation, incapables de supporter la vue qui nous était offerte. Non loin, un drôle de gargouillement se fit entendre, l’un des Soldats dépêchés s’étant accroupi pour vider ses boyaux au sol, l’estomac retourné. Rapidement, on voulut s’occuper de lui, l’éloigner de la scène, mais l’odeur qui envahissait l’air était aussi forte que répugnante, aussi invasive qu’immonde. Le mieux que nous pouvions lui demander de faire était de couvrir son nez avec l’un des bouts de tissu que nous avions ramené du campement afin de limiter l’agression des relents. Instantanément, tout le reste de la troupe suivit l’exemple, enfilant leur mouchoir, remontant leur cache-cou, pour réduire la violence effroyable de l’émanation.

« Au rapport, croassa le Capitaine Endeover en se rapprochant du chef d’équipe – le Soldat Aressi – qui, accroupi, observait un bras solitaire, détaché de son tronc, maculé d’un liquide rouge et poisseux. Par les Sept Vertueux, qu’est-ce qui s’est passé? »

Aressi se retourna dans notre direction. Immédiatement, nous pûmes noter la rougeur de ses yeux, le trait, tiré et tremblant, des lignes de son faciès qu’il cachait derrière la manche de son veston. Ses mains étaient recouvertes par des gants imperméables et son uniforme était souillé de taches rougeâtres. Nous déglutîmes, balayant le reste de la scène du regard.

« Capitaine Endeover… Il se redressa tout en relâchant une profonde respiration, portant une brève œillade sur l’amoncellement de cadavres et de membres humains qui jonchaient le sol, tout autour de nous. Je ne peux l’expliquer moi-même. Nous sommes arrivés sur les lieux et la scène était déjà ainsi. »

À la manière de croquemorts, les membres de l’équipe d’exploration voyageaient d’un bout à l’autre de la zone, rassemblant à un même point tous les bras, les jambes, les têtes, les troncs, les bassins… qui leur tombaient sous la main. Quelques fois, un homme ou une femme, plus ou moins préservé de la catastrophe, était tiré hors du champ de cadavres et d’organes, mais à tous les coups, aucune respiration ne réussissait à soulever leur poitrine.

« Comment autant de personnes ont pu se retrouver dans un tel état? Qui sont-ils?

- Nous n’en savons rien. Aucune des victimes ne semble être vivante et hier encore, nous n’avons décelé aucune trace de communauté, voire de vie humaine, dans le secteur. Tout ce qu’il y avait ici étaient la faune et la flore – les dangers de la nature et les quelques monstres géants. »

De nouveau, les deux supérieurs se consultèrent des yeux, immanquablement silencieux.

« Vous êtes-vous assurés de prendre en note les profils et les visages de ceux que vous avez trouvé? »

Du moins, les mieux préservés.

« Oui, confirma le chef au Capitaine, lui présentant son propre carnet, barbouillé d’encre et de dessins, la lividité des visages transperçant les feuilles sur lesquelles ils avaient été tracés. J’ai demandé à mes hommes de conserver une trace de toutes les victimes qui pourraient être éventuellement identifiées. »

Pendant ce temps, les renforts s’étaient parés et éparpillés au cœur de la zone, prêtant main forte aux troupes déjà présentes sur place, aussi exténuées que troublées. La quiétude ambiante se ternissait d’une appréhension horrible, d’un pressentiment aussi répugnant que dérangeant. Comme mes collègues, je plongeais mes bras à travers les morceaux des dépouilles, extirpant des chairs brûlées et des humeurs visqueuses, les corps démembrés des hères étrangers. Ma gorge était sèche, mon cœur vacillant. Le bout de mes doigts tremblait inexorablement, la chaleur du sang et la rigidité des corps soulevant un nouveau haut-le-cœur au fond de mon estomac. Ce n’était pas les premiers cadavres que j’apercevais, les guerres et les nombreux bouleversements du monde ayant plus d’une fois – trop de fois sûrement – placés devant moi les dépouilles d’amis, de connaissances, de coupables et d’innocents. Pourtant, jamais rien de tel. J’avais l’impression de me trouver à l’épicentre d’une explosion, sans les débris, sans les dommages faits à l’environnement, sans le cratère qui se serait formé, sous l’action de la détonation. Tout ce sang, tous ces morceaux… s’apparentaient davantage à une hécatombe, à un massacre, une boucherie, comme si les vestiges des guerres passées s’étaient toutes rassemblées à une même coordonnée; un tombeau à ciel-ouvert.

« À… l’aide… »

Violemment, la pulsation de mon cœur s’arrêta, mes yeux se soulevèrent, mes oreilles s’affûtèrent.

« Mal… M-Mal! »

C’est alors que je la vis. La main. À ma droite. Elle s’était tendue au sol, rampant à travers la terre et la poussière; elle s’était ouverte, ses jointures craquant au mouvement de ses phalanges, qui cherchaient à s’accrocher, à m’attraper. Mes yeux, doucement, tombèrent dans la noirceur des siens. Une faible étincelle y brillait encore, mais il me semblait qu’une simple brise pouvait l’éteindre, l’effacer pour l’éternité.

« Aid… moi… P-Piti… Jé… mal… »

Je ne réfléchissais plus, mes jambes me soulevant d’un coup.

« Monsieur! Ne bougez plus! Je suis là! J’avalais en quelques secondes à peine la distance qui nous séparait, me jetant à ses côtés, attrapant aussitôt le tremblement de sa main. Je suis là, je suis là. Ne vous inquiétez pas. Nous allons vous aider! Vivement, je portais mon visage par-dessus mon épaule, poussant un cri hystérique : CAPITAINE! J’ai trouvé un survivant! Étrangement, je ne sentais plus les frissons qui parcouraient son bras. J’ai trouvé un… »

Lentement, mes mires se reposèrent sur son visage. Dans mon dos, un tapage extraordinaire fit trembler le sol. On se rapprochait de notre position, le Capitaine Endeover ainsi que d’autres militaires me rejoignant. Pourtant, je ne pouvais détacher mon regard de son faciès, pétrifié.

« Soldat Yüerell?

- Il respirait… Il bougeait, il parlait et respirait, il y a une seconde à peine… »

Et l’étincelle, comme je le craignis, avait complètement disparu.



Les jours s’écoulaient dans un désordre indescriptible. Depuis la découverte des dépouilles démembrées et de la nouvelle concernant la Purge démoniaque, nos explorations s’en virent aussitôt chamboulées et écourtées. Des recherches pour savoir qui étaient ces gens que nous avions récupérés – en morceau ou en partie – avaient été menées en collaboration avec les forces présentes aux Jardins de Jhēn ainsi qu’avec l’Imperio Navia. Cependant, aussi étonnant que singulier, l’enquête menée n’aboutit à rien. Tous ces gens ne semblaient posséder aucune identité. Pendant des jours, des questions avaient été posées à des familles qui avaient signalé des disparitions; à des amis et des amants qui se retrouvaient sans nouvelles du compagnon ou de l’aimé depuis un certain temps.

En vain.

Tous ces gens semblaient être des fantômes. Mais ce n’était pas possible qu’aucune personne ne puisse les connaître. Comment cela se faisait-il? Personne ne paraissait avoir de réponses, et plus les jours avançaient, plus le mystère s’épaississait, jusqu’à ce que nos intérêts se portent sur un tout autre événement. Un matin, le Capitaine Endeover se rapprocha de notre table. Nous mangions sans apparente appétit, bien trop concernés par les rumeurs à propos de la Terre Blanche et de cette possible alliance auprès des Sorciers. Toutefois, à son approche, nous finîmes par nous taire, levant nos minois dans sa direction, attentifs et curieux, le sérieux de son regard nous alertant sur-le-champ.

« On nous demande de quitter les Gorges Dorh. Dans deux jours, nous reprendrons la mer pour rejoindre les nôtres. Nos forces seront plus utiles là-bas qu’ici, nous annonça-t-il calmement. Faîtes circuler le message. »

Nos explorations se terminaient ainsi, sans avoir pu complètement dompter la nature bestiale des Gorges ou comprendre les désastres qui s’y étaient produits. Nous partîmes de ces terres en le lorgnant longuement, silencieusement, incapables d’oublier tout ce qui s’était produit et ce que nous avions dû endurer pendant ce voyage. En finalité, les Gorges ne nous avaient jamais acceptées.



Plusieurs jours plus tard…

Toc, toc, toc.


Les sons de l’autre côté de la porte se turent brusquement. Le silence devint total, insondable et permanent. Nous nous échangeâmes une œillade en biais. Nous avions bien entendu après tout. Le grattement d’une guitare avait résonné, une mélodie était en train de jouer lorsque nous nous étions arrêtés au pied du seuil d’entrée. D’un accord commun et avec un peu plus d’assurance, je rabattis de nouveau mes jointures sur le battant en bois, la résonnance lui faisant acte de notre présence. Nous étions certains qu’il nous avait entendu, alors qu’attendait-il pour ouvrir cette porte?

Toc, toc, toc!

Et cette fois, la réponse ne se fit pas espérer trop longtemps, des pas pouvant être perçu de l’autre côté de l’appartement.

« J’arrive! »

Il s’agissait bel et bien de la voix de mon frère.

RP suivant : Ẹṣọ Kọọ

2 366 mots | Post VII | FIN



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