Yicaly | In the End

Il pouvait revoir ce qu'il venait de se passer, en boucle, sans jamais en perdre une seule miette d'exactitude.  « Je ne te reconnais pas. Tu n'es pas mon frère, pas celui que je connais. » avait-dit Itak. La scène restait ancrée dans ses pupilles. Son frère avait sûrement attendu de lui une certaine fierté pour son nouveau titre de Chevalier du bien. Seulement, sa réaction primaire avait été le mépris pour la trahison de sa propose race plutôt qu'un quelconque encouragement. Pourquoi lui avait-il dit qu'il allait le dénoncer au lieu de le soutenir secrètement ? C'était faux, en plus, il était plutôt fier d'Itak au fond de son cœur et n'irait jamais jusqu'à le livrer aux autorités même s'il désapprouvait sa prise de position politique. Pourquoi avait-il répondu par un nouveau mensonge ? Parce-que le temps où enfants, ils se seraient les coudes était terminé depuis belle lurette. Ils ne s'étaient pas vu depuis dix ans, et en autant d'années, l'un comme l'autre avaient parcourus deux chemins contradictoires. Jiang-Li voyait d'un mauvais œil leurs retrouvailles, et dans la toile d'araignée ridiculement complexe qui lui servait de cerveau, il n'avait rien trouvé de mieux que mentir et provoquer. « Lui m'aurait soutenu au lieu de me cracher dessus. Et surtout, surtout, il ne m'aurait jamais menacé de briser notre lien de sang. »

Le Chevalier porta la main au fourreau de son épée, un réflexe contre la peur et l'incompréhension brutale qui tournoyaient en lui, ce à quoi Jiang-Li répondit par un feulement, se sentant subitement agressé. Il jouait le jeu, sachant pertinemment qu'ils allaient se battre. Itak était un guerrier qui prenait le soin de régler tout ses différents par les armes. Or contre son frère qui faisait deux fois son poids en muscles, il n'avait absolument aucune chance de gagner. Il ferait semblant d'être énervé lui aussi, donnerait quelques coups et se laisserait battre. Tout ceci lui sembla irréel. Allaient-il vraiment le faire ? Se trahir ? Briser le dernier bout de la famille Akai ? Comme à VasteSylve, quand ils s'étaient tous entretués dans une marre de sang. Etait-ce là l'éternelle malédiction des Evershas ? N'était-il pas en train de volontairement se suicider en provoquant son frère, pour mettre fin à son existence pitoyable ? Cette réflexion lui laissa un goût amer dans la gorge. L'atmosphère était lourde. Ils étaient devenus une menace mutuelle, l'un avec son épée, l'autre avec sa langue acerbe. Le lynx gronda en eux deux. Le combat fût rapide, si l'on peut appeler ça un combat. Jiang-Li avait simplement essayé d'esquiver la masse géante du blond, sans succès, avant de ressentir une vive douleur à la poitrine et de se rendre compte qu'une épée lui passait à travers le corps. Le coupable avait retiré sa lame puis franchit la porte d'entrée de la cabane sans même se retourner. Personne ne saura jamais qu'il avait fondu en larmes quelques mètres plus tard, avant de disparaître de cette île qu'il jugea maudite.  

Allongé sur le plancher, Jiang-Li souriait étrangement, malgré la douleur. Il allait mourir.... Peut-être. Il baignait dans son sang, contre le sol. Mais il avait fait ce qu'il fallait faire : se séparer de son frère. Itak était parti et ne reviendra plus jamais. Ses bourreaux ne devaient jamais savoir qu'il avait un frère. Son passé était trop dangereux et encombrant pour Itak, qui devait apprendre à se débrouiller tout seul et sans attache autre que celle de l'Ordre. Malgré sa stupidité naïve, le blond était finalement allé jusqu'au bout de ses rêves fantastiques, bien plus loin sur le chemin de la vie ; alors que lui, le plus intelligent de la fratrie s'était enlisé quelque part dans ses mensonges et ses manipulations morbides. Comme l'avait si bien remarqué le blond, il n'était plus celui qu'il avait été. Le lien devait être brisé car il n'avait pas envie d'être un boulet à la jambe du Chevalier. Et lui, il ressentait une attirance malsaine pour les griffes de la Mort qu'il crût apercevoir dans les coins de son champs de vision affaibli. Il s'imaginait sans savoir pourquoi, que la mort devait être un endroit ; un endroit calme, sans saveur, un peu vide.

750 mots.

Yicaly | Down by the silly garden, c'est calme pour un rp chill o/

Lorsque le froid l'envahit depuis le sol où il était étendu, il lui sembla retourner loin dans le passé, comme s'il s'enfonçait lentement mais sûrement dans un coussin mou, sans fond et sans retour. Quelque chose de noir, qui l'attirait dans ses bras griffus et douloureux sans qu'il ne puisse se défendre. En tant que scientifique avéré, il s'était demandé de nombreuses fois ce que l'humain ressentait en mourant, physiquement et psychologiquement. On racontait toutes sortes d'histoires à ce sujet, mais il était bien difficile d'obtenir une réponse fiable. L'Esprit de l'Eversha dérivait dans les méandres de sa mémoire alors qu'il se demandait finalement, pourquoi il en était arrivé là, pourquoi il finissait aussi misérablement. Plusieurs scènes lui revenaient en tête. Lorsqu'ils étaient enfants, dans le foyer familial au Rocher au Clair de Lune, lorsqu'il avait tout pour lui, le chouchouté. Itak n'était qu'un incapable doublé d'une stupidité inutile. Lui, Jiang-Li, il avait toujours eu beaucoup plus de potentiel. Puis VasteSylve, l'odeur de la boue de sang qui ruinait le sol, les cadavres à moitié dévorés, puis le visage terrifiant de son frère lorsqu'il s'était décidé à le tuer. Mais c'est une toute autre tête blonde qu'il entrevit à travers le flou de la mort. Léto... ? Il voulut lui répondre, car ses lèvres bougeaient, vraisemblablement pour lui parler bien qu'il n'entendit rien. Aucun de ses muscles ne voulu réagir et d'ailleurs, il s'abandonna bien vite à la sombre et douloureuse fatigue qui l'enlaçait.

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« Léto... » Jiang-Li avait d'abord constaté qu'il était habillé ou du moins, recouvert de haillons sales et ensanglantés. Horripilant. La première chose qui lui importait le plus était son apparence physique, et ce même dans la mort. Ironiquement, ses yeux étaient donc habitués par réflexe à surveiller ce genre de petits détails. Le Lynx ne dit rien de plus, néanmoins. Il vit qu'on l'avait soigné, par un miracle qu'il n'arrivait pas bien à définir. D'ailleurs, était-ce bien un miracle et non une malédiction ? Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas vu la Chamane. Si ça se trouve, c'était Devaraj qui l'avait envoyé. Si ça se trouve, Devaraj était là. Il sentit son sang se glacer et déglutit tant bien que mal. Réfléchir était une tâche compliquée, qu'il n'avait pas vraiment l'intention de mener à bout. Son Esprit était toujours assommé par la souffrance qui émanait de sa poitrine écorchée. Incapable de bouger -parce-qu'il avait peur de souffrir encore plus- Jiang Li ne tenta aucun mouvement des jambes. « Qu'est-ce-que... Euh... » Un soupir faible s'évanouit dans l'air. Il voulait lui parler, maintenant qu'il le pouvait. Beaucoup de questions se succédaient dans sa tête. Mais en vérité, l'Eversha, toujours abasourdi par les événements successifs et par son expérience un peu trop réaliste de la Mort, ne réussit qu'à se mordre la lèvre. Itak revenait sans cesse dans son esprit et il finit enfin par avoir un peu honte de ce qu'il avait dit et provoqué. Comme si tous les problèmes de son frère allaient se terminer par un règlement de compte unilatéral... Jiang-Li frissonna encore, finalement surpris par la facilité du blond à tuer. Itak avait changé, en quelque chose de plus sombre, c'était indéniable. A l'heure qu'il était, le Chevalier devait se croire meurtrier et assassin et le brun savait que, peu importe les apparences, cela créera une nouvelle blessure dans son cœur abimé.

Faiblement, le lynx désigna la bouteille blanche sur l'étagère de la pièce, parmi d'autres potions et livres de biologie. Il s'agissait d'une drogue à base de morphine dont il se servait normalement pour s'échapper mentalement du monde -voilà ce que c'était de côtoyer un Chaman pendant autant d'années. Mais la boisson fera aussi affaire comme anti-douleur. Épuisé, l'Eversha avala non sans peine le liquide. Brusquement submergé par les émotions qu'il avait retenu en lui pour ne rien laisser paraître ou que la souffrance avait refoulé, il laissa couler des larmes salées, silencieuses, le long de ses joues anormalement blanches.

723 mots.