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 Le cauchemar vivant | Lilith

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Mer 21 Aoû 2019, 19:52



Précédement...


Ce qu'il faisait ? Mieux valait ne jamais répondre à cette question dont la réponse lui échappait très certainement. Le Chaman resta tout autant muet au reste des questionnements de Lilith. Par ailleurs, il était trop concentré à repousser le monstre qui s'était abattu sur eux pour se soucier des délires de sa sœur. Le Suprême de l'Au Delà s'avança d'un pas ferme vers la Porte Rouge et disparut, emportant avec lui la femme enceinte. Vers le Néant et l'Au Delà, pensa-t-il en étouffant un rire macabre. Il était particulièrement perturbé par la réponse d'Ezechyel qui lui avait affirmé que toute cette mascarade n'était pas un rêve mais bien la réalité. L'Ygdraë devait avoir prit de la drogue, ou plutôt on avait dû le forcer à en consommer puisqu'il ne s'agissait pas vraiment des coutumes elfiques... Le pauvre ! Pourvu que le vrai Ezechyel dans la vraie réalité ne soit pas en train de devenir fou lui non plus...

La pièce dans laquelle ils arrivèrent était parfumée à l'encens, dont la fumée hantait les hauteurs de la voûte en bois. En regardant par une des fenêtres ouvertes, à travers les fines soies de rideau, le Chaman déduisit qu'ils se trouvaient dans la demeure de Delawam, au beau milieu de la cité du Draugr. Devaraj avisa un lit sur lequel il déposa Lilith. «Je ne suis pas venu pour toi, pour être honnête.» C'était Circë qui le préoccupait, à la base. «Puisque notre père a disparut et que ce monstre sortit de nul part s'en est prit à toi, je, hum...» Il n'avait pas envie de terminer cette phrase et se tût subitement. «Nous sommes dans un rêve, au fait, alors peu importe la destination où je t’emmène. La vraie toi doit être en train de dormir dans une demeure de l'Île Maudite, et moi, je ne devrais pas tarder à me réveiller en sueur après un énième songe délirant et complétement idiot.» compléta-t-il en crispant les épaules, grincheux. Au moins n'avait-il plus à maintenir sa Magie pour lutter. Le Chaman inspecta tout de même les alentours avec ses pouvoirs, pour être sûr que le monstre ne les avait pas suivi, puis se relâcha complétement. Son regard se baissa sur le sang qui coulait toujours de la cuisse de sa soeur. «Je vais chercher Delawam.» La tribu était connue pour ses connaissances en médecine. «Essaye de ne tuer personne entre temps...» Plusieurs autres chamans s'étaient aperçus de leur arrivée et s'agitaient dans les couloirs et les pièces environnantes, sans oser s'approcher de l'un ou de l'autre. Avant de passer l'embrasure de la porte, Devaraj se retourna et sourit. «Je suis lâche avec toi, c'est vrai. Pourtant, il en faut du courage, pour supporter les lubies perverses des Aetheri.» D'ailleurs il ne devrait pas tarder à se réveiller ! Ce rêve commençait à être long et très réaliste, même dans les sensations corporelles, comme la fatigue qui lui picotait les yeux ou la sueur qui collait à sa peau nue.


«Vous devez rester au repos et continuer de prendre les anti-douleurs. Je passerais changer le bandage quotidiennement. Comment va l'enfant ?»
L'homme à la peau noire zieutait le ventre arrondi de l'ex-reine d'un oeil noir. Il n'aimait pas ce qu'il se trouvait à l'intérieur, c'était son instinct et rien d'autre. Le Draugr préféra ne pas demander à Devaraj pourquoi il avait dû faire plusieurs points de suture à sa sœur. Mieux valait ne jamais savoir avec ces deux-là... D'ailleurs Delawam ne s'éternisa pas dans la pièce. Il avait donné ses meilleurs onguents pour favoriser la cicatrisation et empêcher toutes sortes d'infections. Discrètement, il ralluma quelques bâtonnets d'encens dont la fumée et l'odeur avait le pouvoir d'alléger les esprits et apaiser la douleur. Lilith avait aussi du boire une mixture au goût âpre, qui mettrait sur un nuage n'importe quelle personne normalement constituée. Sans rien en dire, il disparût dans une autre pièce de sa demeure.

Pendant les soins, Devaraj s'était procuré une bière Ashï et s'était occupé à réduire en poudre un cristal de Demencia. La puissante drogue orangée lui servait maintenant de façon quotidienne. Il la mixait à sa nourriture ou à ses boissons. L'homme s'assit en tailleur sur un coussin, prêt du lit bas. Le goût légèrement amer de l'alcool mélangé à la drogue acheva de le calmer. Du moins, il ne craignait plus à tout instant de voir surgir cet être abject qui les avait attaqué, il se sentait chez lui loin de tout ces étrangers hérétiques, et il était certain que la Princesse était en sécurité entre les mains d'Ezechyel. Restait le problème suivant : Delawam lui avait aussi confirmé qu'il ne s'agissait pas d'un rêve. Entendre cette affirmation deux fois à la suite, cela commençait à l'angoisser. Peut-être était-ce là le véritable test que les divins lui faisaient passer ? «Tu supportes de nouveau ma présence où bien je retourne d'où je viens ?» demanda-t-il avec sarcasme.

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Mer 21 Aoû 2019, 22:12



La Chamane plissa les yeux. Que racontait-il ? Dans un rêve, vraiment ? Elle voulut ricaner mais elle n’en avait plus vraiment la force. Cet homme était totalement fou. Elle n’aurait pas eu des sentiments si complexes, dans un rêve. Elle en avait fait beaucoup, avec le Suprême de l’Au-Delà. C’était souvent la même chose. Parfois leurs corps se mêlaient et d’autres fois l’un tuait l’autre. De temps en temps, leur père était présent, rendant le tout bien plus malsain. Le sourire qui étirait ses lèvres à présent l’était, en tout cas. Si son ancien mari et frère portait la parole du Divin, elle se demandait ce qu’il lui réservait. Dire qu’il était tombé sur elle presque par hasard ne la satisfaisait pas. Il aurait pu la laisser mourir, puisqu’ils « étaient dans un rêve ». Son ouïe captait les mouvements autour d’eux. Les autres Chamans ne savaient jamais comment s’y prendre avec elle. Le même traitement devait s’appliquer à Devaraj, mais, le concernant, il y avait beaucoup plus de raisons. L’homme pouvait décréter, d’une seconde à l’autre, de brûler la face d’un individu parce que « les Dieux ». Cette explication pouvait valoir pour tout. Qui pouvait vérifier ? Elle aussi, demain, elle cramerait les villages en prétextant qu’Ezechyel le lui avait ordonné. L’Æther viendrait-il se plaindre ? Viendrait-il la punir ? Punie, elle l’était déjà. Puisque la Mort n’était qu’une continuité à la Vie et qu’il jouait avec elle, alors quoi ? Il allait la faire disparaître pour de bon ? Elle s’en fichait bien. « Merci, je suis au courant. » râla-t-elle, son mécontentement lui donnant la force de s’exprimer en des mots presque incompréhensibles cependant. Elle ne voyait plus grand-chose. Il croyait être le seul à devoir subir ? En attendant, Ezechyel n’était pas venu le pénétrer, lui. Elle culpabilisait d’avoir aimé ça. Elle savait que ce n’était pas sa faute, que s’il ne l’avait pas contrainte, elle se serait débattue. Seulement, ça ne s’était pas passé comme ça. Sa grossesse touchant à sa fin, elle redoutait le prochain assaut. Il n’était pas le seul qu’elle craignait.

Lilith laissa Delawam prendre la suite, restant silencieuse autant qu’elle le pouvait. Elle leva les yeux au ciel lorsqu’il lui parla de l’enfant. Elle le sentait bouger, si c’était ça qu’il demandait. Seulement, savoir s’il allait bien ou pas, c’était une autre question. Jamais elle n’avait eu une grossesse semblable. Cette chose n’était pas saine. La Chamane n’était même pas certaine que l’accouchement se passerait de façon normale. Si cela se trouvait, le nourrisson allait se nourrir de ses entrailles avant de perforer la peau de son abdomen pour sortir. Elle grimaça. Son père ne lui avait pas franchement expliqué. Il s’était surtout occupé de la partie qui consistait à la féconder. Il ne semblait pas être de ceux à courir au chevet de la mère dès qu’elle était prise de nausées, de cauchemars ou d’une furieuse envie de défigurer son Roi. Considérer Devaraj ainsi était étrange. Elle ne s’était jamais vraiment positionnée par rapport à sa royauté. Elle préféra penser à autre chose, regardant l’homme à la peau foncer partir. Il n’était pas à l’aise. À une autre époque, elle ne l’aurait pas été non plus, prise en étau entre le Hǫfðingi et elle-même.

Elle reporta son attention sur le Maître des Esprits, assis en tailleur près d’elle. Elle se sentait étrange, comme si la partie enragée de sa personne était en train de se battre avec un apaisement qui gagnait du terrain. Lilith fusilla pourtant son ancien mari du regard lorsqu’il l’interrogea, avant de sourire à son tour, d’un air qui en disait très long sur la teneur de ce qu’elle allait répondre. « C’est drôle, lorsque tu prends le ton du sarcasme, on dirait lui » Ses lèvres redevinrent neutres tout de suite après. Elle posa de nouveau sa tête sur le lit, laissant le silence s’installer avant d’enlever ce vêtement de nuit que Ragnar avait trouvé sur une femme plus tôt. La robe de chambre ne couvrait presque rien, de toute façon. Elle était trop grosse pour que le tissu soit utile. Elle aurait pu être pudique, en d’autres circonstances. « Mais reste ici. » ajouta-t-elle, plus calmement. Rien ne servait de se battre car, après tout, ils avaient un bourreau en commun. Pourtant, le fait qu’il croit qu’ils étaient dans un rêve était tentant à bien des égards. Elle doutait qu’il lui pardonne un jour si elle cherchait à le tromper. D’un autre côté… ses souvenirs n’étaient pas stables. « Finalement, c’est un peu comme si tu n’existais plus. » lâcha-t-elle sans expliquer son commentaire. C’était douloureux. Un peu comme s’il était mort mais sans qu’un quelconque Esprit puisse lui rappeler son souvenir. « Raanu doit bien rire, à te faire disparaître. » Elle se redressa, avisant le bain. Elle se téléporta à l’intérieur de celui-ci, soupirant d’aise une fois que l’eau se fut calmée. Elle se sentait moins lourde, ainsi. Elle tourna la tête vers l’homme. « Crois-tu que je pourrais accoucher dans un rêve ? » Elle ricana. « Ne penses-tu pas qu’il serait plus amusant de faire autre chose ? Tu pourrais te laisser aller à tout ce que tu as toujours désiré faire. Et si tu m’étranglais, pour voir ? Ce n'est pas comme si tu n'avais jamais essayé. Ou si tu tuais l’enfant de tes mains ? C’est peut-être pour ça que nous sommes ici. Tu y as pensé ? Peut-être que les Dieux t’ont envoyé pour éviter que notre père ne devienne trop puissant. S’il étend son pouvoir… Crois-tu qu’il pourrait le faire au préjudice d’autres Dieux ? Peut-être qu’il est de ton devoir de l’arrêter… » Elle finit par sourire puis rire. Ce n’était pas le même que précédemment. Elle se sentait plus légère, comme si elle flottait dans l’immensité. L’eau renforçait la sensation de la mixture qu’elle avait bu plus tôt. « Tu devrais venir te baigner avec moi et ton frère et neveu. » Elle jouait avec le bord en bois du bain. « Tu pourrais me masser en me racontant à quel point je te suis indifférente. On pourrait en rire, tous les deux. Sauf si, ça non plus, tu ne sais plus faire. » Elle en plaisantait, presque innocemment. Elle se sentait étrangement bien. Les mots graves qui sortaient de sa bouche n’avaient plus aucune intensité. Elle trouvait tout ça stupide et pencha la tête dans l’eau pour se débarrasser de la sueur et du sang qui rendaient ses cheveux collants. C’était comme si cette vie là ne lui appartenait plus vraiment, qu’elle voyait tout d’un angle extérieur. Elle émergea et ajouta : « De toute façon, tu sais tout faire avec tout le monde, sauf avec moi. » Elle laissa courir ses doigts dans ses cheveux pour les démêler. « Mais tu sais quoi ? Je te pardonne. »

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Ven 23 Aoû 2019, 22:59




«Raanu ?» Le Chaman émit un rire sarcastique. «Oh non ! Ce n'est pas elle qui est responsable... » Puis il arrêta de rire et s'assombrit. «Non, il est bien plus répugnant et effrayant. Oh, oui !» Elle se moqua de lui lorsqu'il parla du fait qu'ils étaient dans un rêve, cela le perturba. Puisque tout le monde s'évertuait à lui dire qu'il était dans la réalité, peut-être était-ce vrai. Néanmoins, il se souvint de ce qu'il avait appris en tissant la Magie des Chimères, en vivant songe après songe l'expérience de communiquer avec un autre monde. «Tu ne devrais pas dénigrer les rêves avec mépris. Tout à l'heure tu me demandais si les cauchemars pouvaient devenir vivants, la réponse est oui. La réalité n'est qu'une étiquette que nous mettons sur quelque chose, pour donner un sens à notre vie. En vérité...» Il poussa un long soupir. «Elle n'existe pas. La réalité peut tout aussi bien être une illusion que l'inverse, surtout quand des divins sont à l’œuvre. Pour une ancienne génie nouvellement chamane je te trouve assez naïve !» Loin de lui l'idée de dire qu'ils étaient sous l'emprise d'un puissant sort d'hypnose ou d'illusion, ou de se donner une excuse pour continuer de croire qu'ils étaient en songe. Mais finalement, sous l'effet de la drogue, il trouvait son questionnement et la panique qui en résultait stupides et inutiles. «Crois-moi, j'ai eu des visions bien plus réalistes que toi en train de m'offrir ton pardon, et elles n'étaient que des songes. Poussières qui se volatilisent au réveil... Je n'ai pas l'intelligence ni la prétention de discerner les deux. Qui sait ? La frontière est inexistante, surtout quand notre père s'appelle Le Prince des Cauchemars. Somnium est bien un lieu réel ? Pourtant nous y accédons dans un rêve.» Un sourire malicieux perla sur ses lèvres.

«Non, je ne suis plus censé exister. Amuses-toi de ma situation si tu veux. Tu préférerais peut-être me voir réduit au Néant ? J'aurai pu. Il me l'a proposé. Gideon était le bourreau près à exécution. Pouf ! Plus de Devaraj, même pas son esprit pour le souvenir; C'est ça que tu veux, j'imagine. Ne t'inquiètes pas, cela finira par arriver tôt ou tard...» Il haussa les épaules. Il avait fait le choix de la vie à ce moment là, seulement parce-qu'il avait souhaité mettre à terre ceux qui l'avaient fait souffrir un martyr sanglant pendant une grande partie de son existence. Maintenant que les esprits parasites en question avaient fini dans le Néant à sa place, il ne voyait plus vraiment de raison viscérale de continuer à vivre. Jouer son rôle de fou sur l’échiquier divin passait le temps. Il remplissait son Destin jour après jour, s'occupant à remplir les tâches qu'on lui confiait, sachant que la sentence se rapprochait inévitablement. Néanmoins, il ne comptait pas se laisser abattre par le temps compté qui lui avait été offert par le Pacte. Il avait apprit que les Aetheri entretenait des relations entre eux, des jeux sentimentaux, des jeux de pouvoirs. Ainsi, la condition dans laquelle Amshloumkarhya l'avait enfermé pourrait peut-être défaite par un autre divin désireux de tirer son épingle dans le jeu. Devaraj n'en savait rien et s'en foutait. Il voulait être un pion, un vrai et un puissant. «Maintenant que nous sommes tous les deux esclaves des Aetheri, tu voudrais quoi ? Que je te désire ? Que je t'aime ? Tu sais très bien que ce cela a donné la première fois...»

Il traversa la pièce et alla s'installer dans l'eau en face d'elle, pour la contempler. Après quelques instants d'observation, il ricana. «Tu es en train de devenir comme moi. Mauvaise, ou folle, ou les deux. Tu vois, on finit toujours comme ça lorsqu'on se rapproche des Aetheri. Ton mari ne doit pas s'en porter mieux que moi... » Le Chaman désigna les cristaux oranges qui pendaient à son cou en collier. «Si jamais tu as la volonté d'apaiser tes maux, tu pourrais piocher dans ma réserve personnelle.» Pourquoi lui proposer de la Demencia ? Parce-qu'elle avait l'air suffisamment perturbée pour que la drogue médicinale fonctionne désormais sur elle. Devaraj referma les yeux et laissa l'eau détendre ses muscles. Trouvant la maison de Delawam trop silencieuse à son goût, il déclencha sa magie pour laisser entendre une musique au rythme lent, enivrante. «Que vont devenir ces enfants ? Ils n'auront pas forcement leur place sur l'Île Maudite. J'imagine que père ne t'as rien expliqué. Ils n'expliquent jamais rien, c'est comme une sorte de règle commune chez les divins.» Blasé, le Chaman s’immergea un peu plus dans l'eau pour être capable de souffler à la surface de cette dernière pour faire des bulles. Il surveillait d'un oeil Lilith pour voir où en était les contractions. Il n'avait aucune envie d'assister à cet accouchement.

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Mer 28 Aoû 2019, 21:06



« Peut-être. » murmura-t-elle doucement. Elle se sentait bien. « Seulement, Devaraj, tu auras beau battre tes ennemis en rêve, ils demeureront, en réalité. » Elle sourit. Elle aurait tellement souhaité l’emmener dans un dédale infernal, le faire prendre des couloirs infinis pour le priver de toute raison et de toute possibilité de survie. C’était un délice que de distiller le doute entre rêve et réalité. « Mais la réalité demeure la réalité à cause d’autrui. Le rêve ne concerne que toi seul et les autres échappent à ses conséquences. Certes, il est loisible de penser que ces deux menteurs sont semblables mais ne te trompe pas de combat car tu pourrais entreprendre des choses indélébiles que tu regretteras en t’apercevant que tu n’étais pas plongé au cœur d’une illusion. » Elle sourit. « Le Rêve, tout comme le Cauchemar, a toujours une fin, même funeste. » Somnium était peut-être un peu à part, une île née d’un vœu, aussi insaisissable que ceux qui en étaient les auteurs. L’ancienne Ifrit poussa un soupir d’aise. « Quant à savoir ce qui est réalité ou non, je te l’accorde, ce n’est pas toujours aisé. Tout est une question de temps et d’observation. Je suis certaine que tu es parfaitement capable de reconnaître l’un et l’autre. Le veux-tu seulement ? »

Elle plissa les yeux lorsqu’il parla de disparaître mais ne répondit rien, le laissant approcher. Un moment, seule la voix de l’homme traversa la pièce, Lilith restant silencieuse, emprunte à une réflexion profonde. Que voulait-elle ? Il n’était jamais de bon ton de souhaiter à voix haute, surtout devant son frère. Il lui semblait qu’il avait pris un malin plaisir à n’exaucer aucun de ses vœux, ou si peu. Seulement, pouvait-elle lui en vouloir ? Il n’était pas un Djinn. Il n’était qu’un homme.

Lilith attendit qu’il se redresse un peu avant de bouger pour se rapprocher. Oh ils avaient déjà été aussi intimes. Ce n’était pas si étonnant. Son ventre trouva appui contre celui du Chaman. Il était encombrant. Ses mains se rapprochèrent du cou du Roi qu’elle agrippa doucement. « Je t’interdis de disparaître. » murmura-t-elle sévèrement avant de rire gentiment. Elle déplaça ses doigts pour le caresser. Étrangement, ça l’amusait. Elle avait envie de lui faire du bien et trouvait dans la contemplation de sa peau une source d’intérêt un peu chaotique et inexpliquée. « Je t’interdis aussi de dire ce genre de choses. Notre père a été clair sur ce qui t’attirait en réalité chez moi. La Mort. Quant au sexe, ton goût pour les hommes rend les choses bien vaines. Et quand bien même Jun aurait-il décidé de me laisser vivre la consommation de notre mariage, quel plaisir ceci t’aurait-il apporté ? Aucun. Par conséquent, eh bien… » Elle remonta ses ongles sur sa mâchoire qu’elle parcourut. « … Il n’y a jamais eu de première fois. À rien. » Elle descendit sur ses épaules, sagement, remontant dans sa nuque pour perdre ses mains dans ses cheveux. Elle se laissait aller au rythme de la musique, se sentant flotter dans un océan de douceur. « Mais je me demande ce que, toi, tu veux. » fit-elle, songeuse, avant de poser véritablement la question. « Que souhaites-tu, Devaraj ? »

Les mains de l’ancienne Ange descendirent sur son torse d’un même rythme, lent. Elle songeait à la Demencia. Peut-être n’était-ce pas une bonne idée. À vrai dire, à cet instant précis, elle était tellement détendue qu’elle se demandait si son frère n’exagérait pas un peu. Et puis, était-il certain que la folie venait d’elle ? Les enfants en étaient peut-être porteurs et leur mal pouvait parfaitement déteindre sur elle d’une façon dérangeante. Peut-être s’évaporerait-il une fois qu’elle aurait accouché de ces monstres ? Elle s’en fichait un peu, là, tout de suite. « Je me fiche de ce qu’ils vont devenir. » souffla-t-elle tout bas, remontant ses doigts pour les passer derrière son dos. « Ce seront des monstres. Je le sais. Je le sens. Ils serviront sans aucun doute des desseins qui les dépasseront, parce que notre père est ainsi. » Elle retrouva ses cheveux mouillés. « Il reviendra simplement pour continuer ce qu’il a commencé, encore et encore, jusqu’à ce que Rak s’invite lui-aussi dans la danse. Mais j’ai un plan… » fit-elle doucement. « Si je trouve d’autres ventres pour porter ces choses, si je les forme pour ça, alors peut-être qu’ils me laisseront en paix. » Elle sourit. « Qui sait ? » murmura-t-elle. Elle appuya un peu sur la tête de l’homme pour que leurs deux fronts se collent. L’atmosphère était humide, moite. « Je ne veux plus qu’il me pénètre, Devaraj. Crois-moi, j’enverrais les Dieux moisir en Enfer si je le pouvais. Aucun d’eux n’a besoin de moi pour procréer. C’est impensable qu’un Djinn puissant puisse donner la vie et qu’un Dieu ne le puisse pas. C’est simplement un petit plaisir malsain qu’ils s’offrent dès qu’ils en ont envie. »

Elle serra soudain les dents, poussant un petit gémissement étrange. Il n’était pas semblable à une contraction. Il était beaucoup plus doux. Sa vision devint fractionnée, comme si un inconnu s’amusait à éteindre la lumière et à la rallumer à intervalles réguliers, à couper le son et à en faire quelque chose d'inharmonieux. Elle ressentit un grand vide. Elle baissa les yeux. L’eau était rougie mais elle était certaine que ce n’était pas du sang. Elle posa son regard sur son ventre qui avait fondu comme neige au soleil. « Qu’est-ce que… ? » Il n’y avait plus rien, au creux de ses entrailles.

Cachées dans la pénombre, quelque part sur l’Île Maudite, deux formes étaient apparues. Elles demeuraient immobiles.

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Tic et Tac

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Mer 28 Aoû 2019, 22:20




Le Chaman étira ses lèvres, finissant par ne plus retenir un rire dérisoire. «Qui es-tu pour m'interdire ? Une Déesse ? C'est mignon. Tu crois encore que je tiens le moindre fil de ma vie entre mes mains. Tu apprendras que je n'en contrôle plus un  seul millimètre. Pourquoi je ris ? Parce-que tu as bu ses paroles comme de l'eau de vie sans même imaginer une seule fois qu'il puisse te mentir. Tu le considères encore comme un être intègre. Tu préfères lui donner raison et t'accrocher à lui comme une misérable bouée, avaler toute la belle illusion qu'il t'a jeté aux yeux. Eh bien, en parlant de réalité et d'illusions, oui, je t'ai véritablement aimé. Et je sais faire la différence entre les deux. La Mort ? Vraiment ? Tu n'avais rien de celle-ci à cette époque. Tu en étais éloignée en tout point.» Il avait dit tout cela avec un faible sourire après s'être décalé pour s'écarter d'elle, sans toutefois la lâcher du regard. «Mais ne t'inquiète pas, tout ce que je dis n'a aucune valeur ni vérité, je suis un fou et violent. Et qui n'aime que les hommes.» finit-il sur l'ironie la plus noire. «C'est sûrement mieux ainsi, que tu restes ignorante, enfermée dans son mensonge. Qu'en-sais-je ? Je ne souhaite rien. Je ne suis plus qu'un pion. Ils m'ont brisé. Je suis comme une Ombre, je me contente de faire ce qui doit être fait et tout le reste ne vient qu'en bonus.» murmura-t-il, un peu triste. Il se tut et écouta en barbotant dans l'eau.

Un être naïf et inexpérimenté aurait probablement approuvé sur toute la ligne. Lui avait trop souffert pour croire encore à l'existence de l'optimisme. «Cherches donc d'autres femmes, je t'aiderai s'il le faut. Mon plan pour échapper à Nidalu fut de tenter de génocider mon propre peuple, crois-tu vraiment que je suis de bon conseil ? Tu as encore la volonté de leur résister. Tu me rappelle moi, avant Plus il parlait, plus il se sentait fatigué. Et vieux. Il s'imagina un instant qu'il pourrait noyer le monde avec la sueur qu'il avait développé à s'efforcer de supporter son Destin. «Mais je n'aimerai pas que tu te fasses les mêmes illusions et bêtises que moi. N'oublie jamais, que tu ne pourras pas t'échapper, que même si tu as l'impression que tu le peux, c'est un mensonge. Un cadeau empoisonné. Une erreur qu'ils attendent que tu fasses pour t'éclater par terre sous leurs pieds. Ce monde est malsain, de ses fondations jusqu'aux plus hautes sphères... Honnêtement, cela me fait de la peine de te voir esclave. Comme si les Aetheri ne se suffisait pas de moi pour leur putain. Je te souhaite le Néant que l'on me refuse, Lilith, voilà ce que je souhaite.» L'homme s'interrompit pour observer l'eau qui se teintait de rouge. Du sang ? Il leva un regard inquiet vers la Chamane, mais elle venait d'accoucher. De la façon la plus incongrue au monde, apparemment sans douleur. Le Suprême de l'Au-Delà fronça les sourcils devant la scène si rapide. «Que- Où sont-ils ? Oh pardon, tu ne dois pas le savoir. Je ne dois pas le savoir non plus mais des monstres viennent probablement d'apparaître sur mon territoire, selon les bonnes volontés de notre charmant père. Un homme tellement honnête, n'est-ce-pas !» cracha-t-il en appuyant sur le dernier adjectif, particulièrement rancunier. Il relâcha néanmoins ses épaules qui s'étaient tendues, inspirant puis expirant. Il en avait marre. Sur toute la ligne. La Demencia ne devait pas y être pour rien. «Oh.. Peu importe.  Je suis las de me battre contre lui. Il a gagné. Il t'a gagné. Sois contente...»

Soit, ils étaient dans la réalité. Qu'est-ce-que cela changeait pour lui ? Absolument rien. Une vision aussi détaillée n'aurait pu être que prémonitoire et la dimension matérielle ou psychique dans laquelle il se trouvait ne changeait rien au fait qu'il devait répondre aux appels divins. Ainsi, Amsh avait exigé de lui qu'il se rende dans ce halo, point. Il lui dit alors d'un ton morne en l'observant pour voir si l'accouchement déclenchait quelques sentiments ou sensations en elle. «Libérée ? Ne te fais pas de fausses idées, s'il veut recommencer son acte, il le pourra et il le ferra.» Le Chaman redevint silencieux et se mit à écouter la musique qui provenait maintenant des autres pièces de la maison. Il repensa à la question de sa sœur. Cette dernière l'avait dérangé sans qu'il ne puisse dire pourquoi. «Ce que je souhaite ? Un monde sans Dieux. Abandonner cette couronne. Qu'en sais-je ? Je ne suis que le fou blanc ou noir d'un échiquier. Je n'ai plus d'identité et ne parlons pas de souvenirs.» Ce n'était pas un blasphème pour lui. Il était trop accoutumé aux divins pour les voir de la même façon qu'un croyant aveugle et sourd. Il les voyait de trop près, trop souvent. Il voyait leurs défauts. Comme s'il s'agissait de personnes véritables, il s'attachait à certains et se mettait à détester d'autres. La puissance divine l'écrasait toujours par sa prestance, mais ses yeux ne pouvaient plus se tromper. S'imaginer leur disparition ne signifiait pas qu'il ne les respectait pas, ni qu'il refusait de les servir. Il avait fait ce choix, de continuer à vivre, par envie de vengeance, par ambition, par amour ? Autant d'Aetheri à vénérer que de sentiments. Balloté comme une brindille dans un océan, il s'était lui-même attaché aux chaines de l'esclavage divin. Car si sa foi laissait à désirer, le mot Destin résonnait encore en lui. L'immense malheur et chaos de sa vie nécessitait une raison et il se l'était trouvée en acceptant son rôle avec résignation et obéissance. Le Chaman sortit de l'eau et se rhabilla. Puis il traversa la pièce pour regarder les paysages par la fenêtres. De grands champs cultivés et les berges écarlates du Lac Rouge. «C'est une honte que tu suives mes pas dans cette sombre voie. Mais toi, tu iras bien plus loin que moi, Lilith.» dit-il alors, sans expliquer ce qu'il signifiait par là. Il pensait simplement qu'elle était plus résistante et qu'elle ne baisserait pas les bras. Elle finira peut-être par s'élever parmi leurs bourreaux et lui en sera encore à ruminer ses chaines et ses boulets.

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Jeu 29 Aoû 2019, 00:12



Lilith resta un instant immobile. Seule dans le bain, elle trempa ses mains dans l’eau rougie, s’amusant à les voir disparaître sous la teinte opaque. Elle finit pourtant par fermer les yeux. Il y avait des comportements chez Devaraj qui la fascinaient autant qu’ils la terrorisaient. Elle avait appris à fonder des hypothèses sur ses silences, à interpréter ses gestes, au fil des années qu’elle avait passé à ses côtés. C’était sans doute ce qui l’avait fait rester auprès de lui aussi longtemps, de toujours espérer, de croire que s’il se montrait froid ou cinglant, ce n’était qu’une marque d’affection ; une affection qu’il ne supportait pas de ressentir. Elle avait pensé plus d’une fois que ses violences étaient dues à son refus d’embrasser la voie chamanique, qu’il ne pouvait envisager de la voir vivre ailleurs. Elle l’avait cru possessif, jaloux et, quelque part, ça lui avait plu, d’une certaine manière. Elle avait fini par le fuir, parce qu’il lui avait menti, parce qu’il s’était fait passer pour un autre de qui elle était tombée amoureuse. Cependant, elle l'aimait déjà, lui, à cette époque.

Ses idées étaient confuses et elle rouvrit les yeux. Que préférait-elle ? Ses actes déments, ses tentatives d’enfermement ou sa neutralité presque dérangeante, ce discours qui consistait à lui dire qu’il l’avait aimée mais que, à présent, tout était terminé ? C’était comme remuer le couteau dans la plaie de ce qui aurait pu arriver s’ils avaient été tous les deux plus francs et plus équilibrés. Elle devait arrêter d’interpréter ses non-dits, ses regards et ses paroles à double sens. Il jouait sur une corde sensible, faisant œuvre tantôt de cynisme, tantôt de fatalisme. Elle avait envie de le frapper pour qu’il arrête ce manège. Elle déglutit, ses pensées valsant vers l’enfant qu’elle portait encore quelques minutes auparavant. Où était-il ? Sur l’Île ? Elle ne savait pas. Voulait-elle seulement le savoir ?

La Chamane finit par se lever, cherchant de quoi se sécher et se vêtir. Elle en avait assez de cette relation qu’ils entretenaient. Une non-relation, en réalité, puisqu’il semblait que chacun cherchait plus ou moins le Néant plutôt que la discussion. Elle se sentait plus calme. Aussi, d’un pas qu’elle voulait discret, elle s’approcha de lui. Il regardait par la fenêtre. Doucement, elle passa ses bras de chaque côté de sa taille et l’enlaça, posant sa tête contre son dos, simplement. « Excuse-moi » murmura-t-elle. « Parfois, il est plus aisé de croire des mensonges plutôt que de chercher la vérité, notamment lorsque celle-ci n’existe plus. » Elle laissa un silence s’installer avant de reprendre sur le même ton posé. « Je ne veux pas que tu disparaisses parce que je tiens à toi, Devaraj, tout simplement. Et outre mes sentiments, j’ai besoin de toi parce que tu es l’une des seules personnes en ce monde à savoir ce que je ressens vis-à-vis des Divins. Si tu disparaissais je… » Elle ne savait pas. Un monde sans lui lui paraissait inenvisageable, quand bien même elle avait eu plusieurs fois envie de le tuer les dernières lunes.

Sans terminer sa phrase, elle se retira et se déplaça pour se trouver devant lui. Elle prit son visage entre ses mains pour qu’il la regarde. Il était fort, plus qu’elle, mais elle ne pouvait croire ses paroles. Elle ne pouvait se dire que c’était ainsi et qu’ils ne pourraient rien y faire. C’était si cruel et injuste. « On revient de loin, tous les deux. » commença-t-elle. Leur première rencontre semblait dater d’une éternité. Elle ne savait pas réellement où ils en étaient au juste et préférait se baser sur un simple constat, quelque chose qu’il ne pourrait pas remettre en question par une fuite ou un habile retournement de situation. Elle ne voulait pas le remettre en colère. « Le fait est que nous sommes toujours là. Ne crois-tu pas que c’est ce que veulent les Ætheri, nous faire croire que tout est inéluctable, que leur puissance est sans limite, que nous n’avons pas notre mot à dire ? Tout ce que je sais c’est que lorsque je suis née, les Dieux n’avaient aucune place dans la société. Personne ou presque ne les priaient. Qu’est ce qui a changé ? Pourquoi est-ce que ça ne pourrait pas redevenir comme avant ? » Elle inspira. « Je n’aime pas te sentir défaitiste. Je sais que je suis très loin de toucher du doigt ce que tu as vécu mais je refuse de croire qu’il n’y aura aucune finalité aux sacrifices que tu as fait. Crois-moi, à moins de me plonger dans un état agentique pour le reste de ma vie, il ne me gagnera jamais, parce que je lutterai aussi longtemps qu’il le faudra tant qu’il se comportera ainsi. » Elle le lâcha et recula un peu pour se placer contre la fenêtre. « Ce qui est sûr, c’est que tu es mon frère. » Elle préférait l’objectif au subjectif. Il ne pourrait nier être son frère. « Nous devons nous soutenir face à ceux qui nous veulent du mal. Peut-être que si nous arrivons à être là l’un pour l’autre alors, ensemble, nous serons bien plus forts et plus à-même de supporter les caprices des Dieux jusqu’à trouver une opportunité pour les faire tomber. Tu penses n’être qu’un pion sur l’échiquier mais si tu arrives de l’autre côté du plateau, Devaraj, tu deviendras la pièce la plus puissante du jeu. » Elle se tut. Elle avait beaucoup changé depuis que la chose était sortie de son ventre. Elle n’était plus malsaine. Elle ne ressemblait plus à l’Ange qu’elle avait été parce qu’elle n’était plus faite de lumière, pourtant, elle voyait l’espoir se profiler, un espoir pur et profond, comme si une petite voix lui disait qu’il y avait un autre chemin, qu’il y en aurait toujours un. Elle sourit. « Tu dois me penser naïve mais peut-être qu’il existe un moyen de retrouver tes souvenirs ou, au moins, de t’en fabriquer de nouveaux, beaucoup plus beaux que les anciens. » Elle se demandait s’il allait encore s’énerver ou s’il resterait dans cet état las. Comme elle n’était pas sûre de vouloir savoir, elle se retourna pour faire face au paysage. « Je n’irai nulle part sans toi. » dit-elle alors, repensant à ce qu’il avait dit plus tôt. Elle ne savait pas ce qu’il avait voulu lui signifier mais elle voulait croire qu’elle pouvait l’aider. Elle voulait croire que si quelqu’un était là pour lui et l'attendait, il renoncerait à cette idée folle de se plonger dans ce Néant interdit. « Même si je dois te trainer tout au long du chemin. » ajouta-t-elle.

Les choses étaient toujours immobiles.

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Jeu 29 Aoû 2019, 22:02




Le Chaman se retourna dos à la fenêtre, pour la contempler. «Si je disparais, tu t'en remettra et puis c'est tout. Tu as ton mari, et je ne sais combien d'autres cartes en main que tu ne m'as jamais montré.» murmura-t-il, légèrement indifférent. Il avait du mal à la croire aussi douce envers lui et ne comprenait pas vraiment le revirement de situation. Et puis il avait gardé le souvenir de sa sœur comme quelqu'un ayant beaucoup trop de secrets, de vieux secrets oubliés - ce qui avait en partie décuplé sa paranoïa et sa jalousie envers elle. Le fait est qu'il n'arrivait pas à la croire de bonne volonté. Elle l'avait littéralement fui et ils ne s'étaient pas jamais quittés en bons termes. Il imagina quelques minutes un monde sans Aetheri, n'y arriva pas le moins du monde et se contenta de murmurer. «Oh. Je ne savais pas.» avant de secouer la tête. Son peuple était la création de deux Aetheri, comment pouvait-il s'imaginer exister sans eux ? «Je ne suis pas défaitiste !» souffla-t-il pour réagir à la mauvaise foi que lui inspirait les paroles de la Chamane. Il sourit simplement à la fin de son monologue. «En tant que roi, je devrais te faire sacrifier pour toutes les hérésies que tu viens de dire. Comment peux-tu être sûre que je ne le ferai pas ?» Pour le moment, ce n'était qu'une blague toute droit sortie de son humour un peu bancal.

«Je ne t'ai pas attendu pour avoir l'intention de devenir ce pion. La place du fou n'est pas la moins enviable, je crains de bien l'aimer malgré moi et de l'avoir choisie pour cette raison.»
Le Chaman ne pouvait dénier apprécier la liberté si spéciale que lui offrait la voie de Nidalu. Dans son cas, la Folie complète et totale était ce qui pouvait le rapprocher le plus de la paix intérieure. «Je n'ai aucune envie de regagner mes souvenirs ni de m'en trouver de nouveaux.» souffla-t-il alors tout en s'éloignant de nouveau d'elle, en glissant de quelques pas sur la droite pour venir trouver appui sur le rebord d'une seconde fenêtre. «Je ne veux plus d'attaches.» Elles représentaient autant de chaînes que de boulets qu'il aurait à porter partout avec lui. «Je n'ai jamais réussi à contrôler mes sentiments envers toi.» Paranoïa, violence, jalousie, haine, amour, envie, tout ceci poussé dans un extrémisme rarement égalé. «Je les ai donc éradiquésdit-il d'un ton neutre. Ses yeux s'étaient drôlement illuminés lorsqu'il avait prononcé le dernier mot. Dire qu'il n'avait pas eu le choix était un mensonge. Lorsqu'il avait senti que Gideon était en train de le dévorer lui, son esprit, son identité et sa vie, il avait choisi de protéger seulement la partie qui faisait de lui un Chaman et un Roi, et d'abandonner littéralement tout le reste en pâture à l'Esprit Parasite. Autant dire qu'il s'agissait d'un épisode de sa vie qu'il n'avait pas envie d'avoir à revivre.

«Tu iras dans le Néant avec moi dans ce cas, car c'est vers lui que je me dirige, indéniablement.» Il n'y pouvait rien. Telles étaient les conséquences du Pacte avec Amshloumkarhya. Ce dernier ne lui avait d'ailleurs offert qu'une période de sursit en lui donnant une victoire dans un combat qu'il n'aurait jamais dû gagner. «Si je suis impuissant devant les Aetheri, je le suis aussi devant ce Djinn.» Il en était quasiment certain à présent, qu'il avait eu affaire à un ou plusieurs Génies. Il ne comprenait pas autrement le comportement si étrange de cette entité, qui avait encore moins de sens que celui de l'Aether de la Folie. «Je ne me rebellerais plus. Je n'ai pas envie que mon peuple en pâtisse de nouveau.» Ses yeux se durcirent, envahit d'un sombre voile. «Plus jamais.» susurra-t-il d'un ton sec et glacial, repensant au jour morbide où Nidalu avait essayé de lui arracher et de détruire son peuple. «Je serais tellement bon que la seule envie qu'il leur viendra sera de me récompenser.» Une sorte de sombre rage coulait dans ses veines. Il avait particulièrement mal digéré le fait qu'on essaye de s'en prendre aux Chamans pour le punir lui. Maintenant qu'il savait son peuple visé, il était pieds et poings liés et refusait tout simplement de faire une nouvelle erreur.

Le Chaman regarda à nouveau Lilith. Sans parler de ses idées révolutionnaires, il avait peur de ce qu'elle représentait et de ce dont elle était capable de déclencher à nouveau en lui. Le fait qu'elle lui parle à nouveau et partage enfin les mêmes émotions que lui le perturbait grandement. Il préférait lorsqu'il n'avait plus à la voir et lorsqu'elle faisait exprès de se tenir le plus loin de lui possible. Certes il avait perdu le souvenir de ses sentiments abîmés et déviants, mais rien ne l'empêchait, prit de court, de tout recommencer une seconde fois... Il se savait suffisamment idiot pour en être capable. Simplement, vu comment ils s'étaient brûlés les mains à essayer de se lier, ce n'était vraiment pas une bonne idée de renouveler leur proximité. Et si elle venait gâcher tout ses efforts avec ses mains tentatrices et son regard délicieusement malsain ? Et s'il était de nouveau envahi de pensées agressives en tout genre à son sujet ? Et si cela le faisait une nouvelle fois perdre le contrôle de la magie explosive qui coulait dans ses veines ? Qu'en était-il de son discours tout droit sorti de la bouche d'un hérétique ? Furibond, le visage du Chaman se décomposa bizarrement alors qu'il énumérait mentalement les hypothèses une par une. Les mains moites, il s'avança vers la porte sans oser la regarder de nouveau, franchit le seuil et s'enfuit littéralement le plus loin qu'il put, jusqu’à retrouver les murs réconfortants et familiers de sa capitale, qu'il longea tel un fantôme apeuré.  

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Jeu 29 Aoû 2019, 23:28



Un soupir s’échappa des lèvres de l’ancienne Reine après un certain temps. Elle était restée immobile, médusée, se demandant s’il plaisantait ou s’il était vraiment parti sans demander son reste. Les minutes qui s’écoulèrent ensuite lui prouvèrent que le Maître des Esprits avait mis un terme à leur conversation, sans plus de cérémonie. Elle s’appuya contre l’embrasure de la fenêtre, décidant qu’il valait mieux ne pas chercher à le rattraper. Elle ne put cependant s’empêcher de penser à ce qu’il lui avait dit. Elle lui avait pourtant déjà expliqué pour Rak. Elle n’était qu’une enfant, lui aussi. Ils avaient fait un pacte de sang en suivant les indications trouvées dans un vieux livre, un livre qui semblait aussi ancien que le monde. Ni lui, ni elle, ne s’étaient doutés des implications que cela pourrait avoir dans le futur. Là encore, il semblait que les Ætheri étaient taquins et savaient attendre leur heure. Seulement, au-delà de la remarque de Devaraj à propos de son « mari », il semblait qu’il était incapable de la croire quand elle lui disait qu’elle ne souhaitait pas le voir disparaître. Elle soupira de nouveau, ses yeux se frayant un chemin jusqu’à son propre corps qu’elle inspecta avec ses mains en essayant d’oublier la présence des Esprits. Ses seins avaient repris une taille normale. Son ventre était plat. Elle sentait les os de ses hanches et pouvait, enfin, contempler ses pieds en penchant un peu la tête. C’était étrange. Elle avait toujours aimé être enceinte avant ça. Le premier contact avec ses enfants l’apaisait. Sentir l’odeur de leur crâne la comblait. Pourtant, cette fois-là, les choses étaient complètement différentes. Malgré elle, malgré ce que ces enfants étaient, elle ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter un peu pour eux. Et s’ils n’étaient pas si monstrueux ? Et s’ils avaient besoin d’elle ?

Elle se tourna, admirant l’extérieur. Devaraj accapara de nouveau le fil de ses pensées. Elle ne pouvait pas s’en empêcher. Il la rendait triste à refuser de vivre, à parler ainsi, à se mettre entièrement au service des Dieux, à espérer qu’il excellerait pour que, jamais, les Chamans ne pâtissent de leurs caprices. Ses mains rejoignirent les rebords de la fenêtre qu’elle serra un peu plus au fur et à mesure de sa réflexion. Il ne pouvait pas vivre sans attache. À quoi bon, sinon ? Elle fut un instant désemparée, frissonnant en songeant une nouvelle fois à la façon dont il avait eu de lui affirmer qu’il avait éradiqué ses souvenirs la concernant. Ça la blessait. Durant les années qu’elle avait passé à ses côtés, à user de magie blanche pour l’apaiser, à veiller sur lui, elle avait cru lui être utile. Ce qu’il disait, c’était qu’elle ne l’avait pas aidée et qu’elle l’avait, au contraire, encombré, au point qu’il choisisse de… l’éradiquer de sa mémoire. Elle avait le cœur lourd. Rien n’était simple. Ça aurait dû l’être, pourtant. Et cette expression sur son visage, lorsqu’il avait fui pour se poser près de l’autre fenêtre…

Quelques secondes plus tard, après un léger pincement de lèvres, Lilith avait quitté la pièce. Elle n’eut, curieusement, pas à demander aux Esprits où se trouvait le Suprême de l’Au-Delà, ceux-ci pointant discrètement du doigt la bonne direction. C’était étrange qu’ils se montrent si coopératifs. Elle marcha jusqu’à l’apercevoir. Elle fixa un instant la paume de sa main, faisant apparaître dans cette dernière un objet qui n’avait plus servi depuis bien longtemps. Il était totalement inutile contre un homme capable de se transformer en Esprit mais elle n’avait pas l’intention de l’emprisonner, pas véritablement. Elle disparut, réapparaissant juste devant lui. Elle lui attrapa le poignet d’un geste rapide et referma sur ce dernier l’un des bracelets de ses menottes. Elle activa l’autre sur son propre bras. Un petit éclat taquin brilla dans ses yeux. Sans doute était-il préférable de faire entrer un trait d’humour dans leur conversation. Elle n’avait pas envie de rire, à vrai dire. Elle voulait une explication. Elle avait pourtant un choix à faire : pleurer et crier ou trouver une alternative. L’alternative lui paraissait meilleure, surtout qu’il avait l’air profondément accablé. « Il paraît que le Néant est plutôt vide. Au moins, on aura de la place, plus que dans l’Au-Delà. » dit-elle. Elle reprit un peu son sérieux. « Il faut que tu me parles, Devaraj. Tu ne peux pas prendre une tête étrange et quitter la pièce sans rien me dire comme tu l’as fait… » Elle avait réfléchi à un autre problème durant son instant de solitude. Protéger les Chamans, c’était ce qu’il voulait. « Je ne sais pas ce que ça vaut mais peut-être qu’il serait sage de trouver un Æther capable de protéger ton peuple de la folie des autres Divins. Je m’étais faite la réflexion lorsque Delta a fait disparaître Hans, un des Esprits du Temple, mais ils ne sont peut-être pas tous aussi forts les uns que les autres. Certains sont peut-être capables de s’élever contre leurs pairs. Tu m’as dit qu’Edel avait façonné une île au sein de laquelle notre père ne pouvait pas se rendre… Ne crois-tu pas que ce serait possible avec Awaku No Hi ? » Elle supposait, absolument pas certaine de la faisabilité de ses propos. Elle savait aussi qu’elle risquait gros. Il l’avait dit sur le ton de la plaisanterie, lorsqu’il l’avait menacé de la sacrifier, mais elle avait vu le Roi dans bien des états et savait qu’il pouvait faire d’une blague une réalité. Elle anticipa. « Si tu veux me sacrifier, d’accord, mais j’emporterai la clef dans la mort. » dit-elle avant d’ouvrir la bouche et de placer l’objet à moitié dans celle-ci, comme si elle était prête à l'avaler. Le morceau qui reposait sur sa langue avait un goût métallique, désagréable.

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Sam 31 Aoû 2019, 20:34




Le Chaman dévisagea Lilith, les yeux écarquillés hésitant entre fixer son visage ou fixer les menottes qui emprisonnaient son poignet. Il tenta par réflexe de se transformer sous forme éthérée, mais cette dernière était trop instable pour lui permettre de s'échapper. «Donne moi ça, espèce de grognasse !» s'écria-t-il alors précipitant ses doigts sur la clé afin de s'en emparer, persuadé qu'elle allait l'avaler. Il se dépêcha de détacher son poignet, puis jeta la clé et les menottes en dessous du jardin dans lequel ils se trouvaient, dans un ruisseau qui coulait paisiblement. «Si tu veux me faire fuir, il n'y a pas de meilleur moyen que de m'attacher quelque part, ou que de se frotter à moi et susurrant un discours hérétique.» Il marqua un moment de silence. «Tu me perturbes, Lilith. J'essaye de rester en paix mais je n'y arrive pas tout à fait encore. J'ai une façon très malsaine et destructrice d'aimer autrui... Je n'ai pas envie que cela se reproduise à nouveau. Ces derniers temps, je- j'aspire à quelque chose de plus... bénéfique. Ou neutre. Détaché. Impartial.» Les souvenirs de Gideon imprimés dans sa tête le poussaient à ressentir un certain dégout envers lui-même et une envie de changer. En ce sens, elle lui faisait peur. Ce n'était pas contre elle, vraiment pas, mais il n'était pas tranquille et pas le moins du monde à l'aise avec ce brut changement de comportement de sa part. Pourtant, il aurait dû s'y faire, il avait l'habitude de vivre des événements dont l'illogisme pousserait beaucoup à se suicider. Sa vie était un chaos. «Je ne sais pas. Raanu protégera son bien quoiqu'il arrive, ce devrait être suffisant pour le moment. Je sais qu'elle est puissante. Je ne connais pas la hiérarchie des dieux. C'est déjà suffisamment pesant de savoir que je suis le fils de deux d'entre eux.» Son regard se fixa sur une statuette de corbeau qui était sculptée dans la pierre. «Je sais aussi que notre père est en train de tuer celle qui remplace ma mère, afin de retrouver ma vraie mère, qu'il a perdu dans son incapacité universelle. Et que pour ce faire, il va tuer la vie. Et après, il vient se pavaner devant moi en se présentant comme "papa". Je me demande comment il a pu, ne serait-ce-qu'un instant, faire un enfant avec Edel. Ou plutôt, comment Edel a pu accepter de faire un enfant avec lui. Pas étonnant qu'elle ait voulu s'enfuir et disparaître de sa vue !  N'est-ce-pas ?» Il s'était penché sur le corbeau pour lui parler, comme s'il s'agissait d'une véritable personne. Il savait très bien que les Aetheri pouvaient entendre ce que les Chamans leurs disaient via les totems.

«Bref.»
Devaraj s'était un peu égaré. Il chassa Jun de ses pensées et croisa ses mains derrière son dos, faisant quelques pas dans le jardin. Ce dernier marquait une des entrée de Zaowa. Le palais était en hauteur, séparé du reste de la capitale effervescente par des chemins sinueux et des volées d'escaliers colorés. «Qui voudrais-tu bannir de cette île ? Ses reliefs sont le symbole de Nidalu. Amsh vit dans son volcan et son peuple est enfant d'Edel et d'Ezechyel. Par ailleurs notre panthéon est si immense, je ne peux pas me permettre d'espérer en chasser un Aether juste par prétexte que ce dernier soit malsain, ou violent, ou fou, ou dangereux. Nous sommes nés pour être esclaves, particulièrement nous, les Chamans. Je préfère être le seul à pâtir plutôt que de laisser tous les autres s'exposer à une possible colère divine.» Et puis la volonté des Aetheri était si insaisissable et imprévisible... Valait-il vraiment le coup de s'attacher à l'un pour s'attirer les foudres de l'autre ? Qu'est-ce-qui les empêcherait de se liguer contre eux dans leur dos ? L'on pouvait fomenter des alliances et complots de ce genre entre gouvernements, mais c'était une autre histoire de traiter de la même façon avec les divins. De plus, les Chamans étaient trop nombreux et leur cultes étaient trop cosmopolites pour réussir à y former une quelconque unité. Devaraj secoua la tête. «Ne veux-tu pas aller voir tes enfants ?» Il s'était étonné de ne pas la voir chercher ceux qu'elle avait porté en son sein, lui qui l'avait vu protéger ses enfants telle une sirène enragée. Certes, cette grossesse là était différente. «Je doute qu'ils aient une forme humaine digne de ce nom, ni même la capacité de communiquer ou de réfléchir. Toutefois, si par miracle, ils ont la capacité de faire preuve de sentiments, ils ne devraient pas avoir à payer et souffrir à la place de leur père.» Lui qui n'en pouvait plus d'être balloté comme un vulgaire objet entre deux Dieux parents idiots et imbéciles qui se tiraient dans les jambes, s'inquiétait de voir quelqu'un d'autre subir ce même et horrible sors.

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Sam 31 Aoû 2019, 22:12



La surprise sur le visage de Lilith ne passa certainement pas inaperçu. Après quelques secondes, elle soupira, écoutant Devaraj d’une oreille attentive. Avait-il été joueur un jour ? Elle en doutait de plus en plus. C’était surtout elle qui était taquine. Cependant, dans ses souvenirs, titiller son frère avait un goût bien plus savoureux. Elle qui avait cru pouvoir établir un dialogue en passant par l’humour, il semblait que le Roi n’avait pas la tête à ça. Pouvait-elle lui en vouloir ? Peut-être pas. Le fait est qu’elle ne pouvait vivre sans amour. Lui était en quête d’impartialité, de calme. Ce n’était pas franchement ce qu’elle désirait. La Chamane ne savait pas vraiment comment le considérer. Sans parler du reste, elle attendait de son frère de l’affection, quelque chose de… vivant, de socialement viable, quelque chose de tactile et de rassurant. La vision qu’il avait de lui-même, tel un martyr devant souffrir à la place d’autrui et devant prendre sur lui, était à l’opposé de ce qu’elle attendait. Là encore, sans doute avait-elle des exigences qui ne pourraient jamais être assouvies. Elle amena son index et son majeur sur son front, frottant doucement la zone entre ses sourcils. « D’accord, bien. » finit-elle par dire sans rien ajouter d’autre au sujet de leur relation.

Elle écouta la suite, son regard admirant le jardin. Elle fit apparaître ses menottes entre ses doigts avant que celles-ci ne disparaissent pour de bon. Elle avait envie de se baigner dans de l’eau fraîche. « Deux d’entre eux ? » demanda-t-elle discrètement. Ça l’étonnait. « Pour quelqu’un qui aspire à l’impartialité, je te trouve bien renfrogné vis-à-vis de tes parents. » murmura-t-elle en s’approchant de la végétation. Elle l’était, elle, par rapport à Jun mais cela n’avait rien à voir avec l’homme, plus avec ce qu’il lui avait fait subir et ses mensonges. Avant ça, elle ne le portait pas dans son cœur non plus – il l’avait assassinée – mais elle reconnaissait ses qualités. Il y avait quelques mystères, le concernant, qu’elle n’avait toujours pas résolus. L’un des plus grands concernait l’annexion des Terres du Lac Bleu. Edwina Nilsson avait été nommée Reine après avoir chassé les Sorciers mais la légende avait amplifié ses actes et Lilith ne croyait pas à cette version des faits. Jun n’aurait pas perdu une terre du fait d’une seule femme. Il était venu là pour une raison et, quand il avait obtenu ce qu’il souhaitait, il était parti. Peut-être même avait-il souhaité son ascension ? Elle expira. Peut-être le pensait-elle bien plus malin qu’il ne l’était vraiment. « Tu penses vraiment que c’est ça, l’histoire ? Qu’Edel a fui Ezechyel ? » demanda-t-elle. « Enfin, j’imagine que tu en sais bien plus que moi à ce sujet. Je ne suis qu’une Barnœska, après tout, et tu es le Hǫfðingi. Notre père doit te confier bien plus de secrets qu’à moi. » fit-elle. Les yeux de Lilith fixèrent le corbeau. Elle devait réfléchir aux actes de Jun et à ses mensonges. Il n’avait rien à y gagner, à lui dire que Devaraj ne l’aimait pas. Alors pourquoi ? Les petits plaisirs gratuits et sadiques ne lui ressemblaient pas, même si elle préférait croire qu'il était le dernier des salopards. « Peut-être que tu es plus puissant sans attaches. » fit-elle, un peu au hasard, sans préciser le fil de sa pensée. « Peut-être que je suis mauvaise pour toi. » ajouta-t-elle.

« Hum. » émit-elle en contemplant le palais. Les Chamans avaient changé avec le temps. « Au début, il n’y avait pas tous ces Dieux. » C’était amusant parce que l’une des premières Maîtres Chamans avait été Violette, sa fille adoptive, une Humaine guidée par Drejtësi pour réunir son peuple et capable d’utiliser la magie. Ce qu’elle ignorait, c’est que, elle aussi, était l’une des filles de Jun. « Mais soit. Parfois les risques payent, d’autres fois non. Il vaut mieux ne rien faire et subir en espérant que l’orage n’éclatera pas, même si le ciel est constamment menaçant. » dit-elle. Elle avait envie de l’aider mais plus ils discutaient, moins elle voyait comment faire.

Lilith plissa les yeux lorsqu’il parla de son enfant. « Je ne sais pas où il se trouve. » fit-elle, tout en passant ses mains dans ses cheveux. Ils n’étaient pas encore secs. Elle réfléchit en se les tressant. « Qui te dit qu’il ne l’a pas récupéré ? » demanda-t-elle avant de se sentir légèrement étrange. Elle resta silencieuse un temps indéfinissable. Quand elle reprit un peu vie, elle se tourna vers le blond. « Nous devrions célébrer ce jour, Devaraj. Il faut réunir des Chamans pour danser et chanter. Il faut qu’ils copulent et dorment sur le sol, recouvert de fourrures, après avoir consommé de l’herbe à pipe. » Elle le regarda. « Tu peux organiser ça ? Ta présence est requise, de toute façon. »

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Mar 03 Sep 2019, 19:39




Le Chaman éclata d'un rire moqueur. «Tu n'as absolument rien en commun avec un Barnœska, Lilith.» Ces derniers, en plus d'être âgé entre quinze et dix-huit ans, ne seraient capables ni d'enfanter des fils de divin, ni de tenir une discussion correcte avec lui. «A vrai dire, je me demande ce que tu attends pour devenir Draugr.» Cela lui conviendrait bien mieux, à lui comme à elle. «Je ne connais pas le moins du monde notre père. Il ne fait des apparitions que pour me casser les couilles. Que crois-tu ? Que je vais boire des bières tous les soirs avec les Aetheri parce-que je suis Hǫfðingi ?» Jusqu'ici, Edel avait été probablement la seule à prendre la peine de lui confier des secrets de façon claire, il ne pouvait lui enlever ce mérite d'avoir prit la peine de se pencher sur le cas d'un mortel extrêmement perturbé par les messages divins et lui en étant reconnaissant. «Je ne trace pas un trait sur tes idées Lilith... Laisse-moi seulement le temps d'y réfléchir.» Il marqua une pause et étouffa un soupir. «Imagine tes enfants mourir dévorés par la Folie, puis disparaître, ça te donnera une idée de ce que j'ai vécu. Je préfère que mon peuple subisse le joug assez doux de certains plutôt que d'assister à une énième tentative d'extermination par ma faute.» Il se rapprocha d'elle pour mieux la regarder dans les yeux et lui chuchoter. «Surprise ! Pour les choix qui concernent les miens, figure-toi que je suis loin d'être fou.» Qui avait décidé que la Folie excluait la Sagesse ? Peu importe, il avait décidé qu'il était temps de briser ces règles soit disant logiques et il continuerait de marcher sur toutes ces étiquettes idiotes et de les piétiner avec plaisir tant que ces capacités le lui permettraient.

Il pensa une nouvelle fois aux enfants et haussa les épaules. «Rien. Personnellement, je m'en tape. Je ne veux pas de lui ou d'eux sur nos terres, c'est tout. Si je les trouve, je peux prévoir assez facilement que j'essayerai de les tuer, quand bien même leur puissance dépasserait la mienne. Je suis encore bien renfrogné, comme tu le dis si bien.» Si ça se trouve, il allait se retrouver nez à nez avec eux dans sa chambre à coucher, allez savoir jusqu'où pouvait aller l'humour des divins. Il pouvait se tenir face à Jun parce-qu'il s'agissait d'un Dieu avant tout et qu'il devait lui vouer un culte quoiqu'il arrive. Sûrement pas face à ses rejetons de malheur, qu'il voyait comme une sorte de malédiction sale et infernale, contrairement aux enfants d'Edel et de Raanu. «Nous en reparlerons quand je serai redevenu objectif sur la question...» murmura-t-il. Il avait bien l'intention d'y arriver même s'il était encore incertain du nombre de gouttes de sueurs et de migraines que cela allait lui coûter. Le Chaman releva la tête vers la jeune femme. «Ah oui ? A vos ordres...» ironisa-t-il. Il n'était pas du tout d'humeur pour participer à ce genre de rituels, ainsi il fit apparaître sur leurs têtes deux bonnets rouges qu'elle connaissait déjà. L'étrange magie de l'artéfact fit qu'il se retrouva immédiatement dans le corps de Lilith. «Vas-y donc.» Il lui fit une grimace taquine, qui devait avoir l'air étrange avec les traits qu'il lui empruntait et se téléporta aussitôt hors de sa vue pour avertir les Draugr Raoni et Delawam et leurs tribus qu'une fête allait se tenir à Zaowa, en l'honneur d'Edel et d'Ezechyel. En réalité, les deux chefs de tribus vivaient proches de la Capitale et beaucoup de Chamans eurent tôt fait de se regrouper dans les jardins et les bains du palais royal.

Le Chaman ne les rejoignit pas tout de suite. Il se fichait de savoir si Lilith allait accepter de garder le sortilège actif, et se réfugia dans ses jardins privés, là où une myriade d'animaux étranges vivaient dans une harmonie qui laissait parfois à désirer. Il s'affala d'abord contre la fourrure de Cendres en grommelant quelque chose d'inaudible, puis passa en revue l'ensemble de son corps. Cela aurait pu être intéressant dans un autre contexte, mais la Dementia qu'il avait pris un peu plus tôt chez Delawam l'empêchait de réfléchir correctement. Il avait juste envie de se détendre, ce qu'il fit donc en se trainant à l'ombre de l'oranger, sous un matelas de coussins en soie moelleux. Là, il manqua bien de s'endormir pour de bon, mais les sensations inhabituelles de son nouveau corps temporaire le dérangeaient. Son oreille distraite écoutait les chants lancinants, rendant ses mains baladeuses malgré tout. Son univers visuel se résuma à des formes floutées, voluptueuses et saturées. Il en était à explorer l'effet de ses doigts sur son sexe quand il sombra dans un sommeil lourd et violent. Une main lui prenait le corps et l'attirait dans des tréfonds qu'il ne connaissait pas. Ses lèvres prononcèrent vaguement un appel à l'aide répété sans réussir à l'articuler correctement, pourtant il y mit toute la volonté du monde. Elles se scellèrent dans une sorte de moue désespérée alors que l'écorce de l'oranger sur lequel il s'appuyait engloutissait une partie de son corps, le transformant en statue végétale. Encore une fois victime d'un phénomène qu'il ne contrôlait pas, illusion ou réalité, il regretta alors de ne pas avoir voulu participer à la fête. Il sombra alors dans un monde de rêves charnels et luxurieux dont il prononçait parfois les phrases à voix haute sans pouvoir s'entendre.

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Mar 03 Sep 2019, 22:28





Le rythme des tambours était lent et enivrant. Lilith avait hésité, c’est vrai. La première fois que Devaraj avait tenté l’expérience, elle y avait mis fin quelques secondes après. Ce jour-là, il l’avait blessée. Elle avait voulu échanger avec lui sérieusement et il s’était comporté comme le dernier des abrutis. À présent, échanger leurs corps lui semblait être une expérience intéressante. Sans doute aurait-il dû avoir peur. Quelques temps après le début des festivités, elle était apparue, dans le corps de son frère. Il était plus solide qu’elle, un peu plus grand, aussi. Sa vision du monde était différente. Ses cheveux blonds et ses yeux verts la changeaient de la noirceur de ses attributs à elle. Elle avait exigé que l’on peigne son corps et avait dû rectifier les a priori de Devaraj. Ce n’était ni Edel, ni Ezechyel qui seraient célébrés, ce soir. Elle avait clamé le nom d’A’zar et la venue au monde de ses enfants, par l’intermédiaire du ventre de « sa sœur ». À présent, il s’agissait de chasser les Cauchemars de l’Île en les rendant plus forts, à même de voyager. Les corps devaient se mêler pour permettre aux Rêves Maudits de sortir du corps des hommes. Les femmes qui les recevraient devraient ensuite conter des histoires d’horreurs, allongées sur les épaisses fourrures, pour que leurs mots les conjurent. Tous s’endormiraient, enfin, lavés, bénis par l’Æther. Les Cauchemars s’étendraient alors sur le Monde, attaquant les ennemis du peuple sans merci.  

Lilith avait recouvert le chapeau d’une coiffe plus imposante. Elle ne souhaitait pas risquer sa perte. L’or et le noir coulaient sur sa nuque. Elle avait imaginé ses enfants mourir après avoir été dévorés par la Folie, comme il le lui avait demandé. Il réfléchirait sans doute à ses propositions. Peut-être finirait-elle Draugr, aussi. Cela dit, le temps n’était pas un ami. Un joug « assez doux » pouvait toujours se transformer du jour au lendemain en extermination. Cependant, que pouvait-elle y faire ? Il était Roi. Elle avait beau être dans son corps, il restait Hǫfðingi et les Chamans ne s’y tromperaient pas longtemps. Pouvait-elle, seule, obtenir la protection d’un Æther puissant ? Pourquoi l'avait-il laissé entrer dans sa chair ? N’avait-il pas peur de ce qu’elle pourrait entreprendre, une fois aux commandes ? Elle s’enfonça dans les bains, l’ambiance tamisée provoquant chez elle un effet à la fois agréable et étrange. La chaleur la détendit. L’ambiance lui rappelait des souvenirs. Quand elle était reine, elle passait beaucoup plus de temps ici. Devaraj lui avait même aménagé un endroit pour l’occuper. Les Souterrains étaient magnifiques. Il avait raison, peut-être qu’il l’avait aimée, jadis. Elle ne l’avait simplement jamais remarqué.

« Allez chercher ma sœur. » finit-elle par déclarer, d’une voix plus grave qu’à l’accoutumé à laquelle elle avait décidément du mal à s’habituer. Elle avait remarqué que Devaraj n’était pas venu la rejoindre et ça ne lui plaisait pas. Il devait être là, lui, pas son corps. Des femmes s’étaient rapprochées et elle avait consenti à danser avec elles. La tribu Raoni était on ne peut plus tactile. Elle fut surprise de l’effet produit. Elle se serait attendue à quelque chose de plus… Hum. C’était simplement là, une rigidité inhabituelle pour elle mais parfaitement naturelle pour le corps qu’elle possédait à présent. Elle passa outre, pensant à autre chose. Elle ne désirait pas que Devaraj tue ses enfants. Elle avait su qu’ils étaient plusieurs et qu’ils étaient encore sur l’île peu de temps auparavant. Comment exactement ? Elle n’aurait pu le dire. C’était comme une évidence qui s’était imposée à elle, à l’image des rituels de la soirée. Heureusement, les créatures de son père quitteraient l’endroit. Reviendraient-elles ? Lilith ne savait qu’en penser. Ces choses l’avaient mise dans un état affreux mais… « Hum… » Elle venait de sentir une main un peu plus aventureuse. Elle l’attrapa d’un geste qu’elle voulut tendre. Cette Chamane ne savait pas ce qu’il en était. Était-elle attirée par les femmes ? Son corps réagissait mais ça lui semblait bien plus mécanique qu’autre chose. Elle pouvait toujours approfondir le questionnement maintenant, en espérant trouver la réponse. Le Suprême de l’Au-Delà factice posa les doigts de sa partenaire sur son torse, laissant aller son corps contre elle. Sa peau caressa la sienne dans une étreinte rythmée par les instruments et les chants qui se voulaient langoureux. Ses pensées vinrent heurter le passé. Son ancien époux avait toujours pratiqué le coït de façon soutenue et malgré ce qu’elle savait de la vision qu’avaient les Chamans du sexe, malgré son statut d’Ange, elle avait toujours eu beaucoup de mal à l’accepter. Combien de femmes et d’hommes avaient-ils touché le corps qu’elle possédait actuellement ? Elle glissa ses lèvres dans le cou d’une deuxième femme, s’abandonnant lentement à des pensées moroses. Elle avait envie de sombrer dans des eaux bien plus profondes que celles de ces bains, de couler. Finalement, elle se laissa porter et ferma les yeux, laissant les caresses la faire soupirer d’aise.

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Mar 10 Sep 2019, 18:22




Le Suprême de l'Au-Delà se réveilla dans une position qui laissait à désirer. Les pauvres êtres à qui Lilith avait ordonné d'aller le chercher étaient tous nus autour de son corps, essoufflés et couvert de sueur, entre autre. Eux aussi avaient été touchés par ses pouvoirs dévastateurs de rêves charnels et aucun d'eux n'avait pu résister au charisme libidineux qui dégoulinait de sa chair nue. Le Chaman sentit un long frisson glacé lui descendre l'échine et gâcher en partie le plaisir qu'il ressentait au creux de ses reins sous les vas et viens d'un des hommes. Il n'avait aucune idée de ce qu'il venait de se passer. Était-il victime de l'Aether du Sexe, maintenant ?  Pour avoir préféré parfois les hommes aux femmes ? Non, cela n'avait aucun sens. Pour avoir évité certaines orgies ? Peut-être. Toutefois il avait jugé cela nécessaire dans ses périodes les plus instables, comme par exemple lorsque les esprits parasites le dévoraient. Dans ces temps-là, s'il commençait à se laisser aller dans le plaisir, il n'était pas certain de retrouver son partenaire vivant à la fin de l'acte sexuel... Était-ce alors une punition pour ses attirances un peu détraquées ? Pourtant ce n'était pas sa faute s'il n'était excité que par les personnes plus, ou autant puissantes que lui. Personne ne choisissait ses goûts ! Il étouffa un gémissement et reprit subitement conscience. L'homme avait fini ses affaires, mais lui, n'en avait pas tiré la jouissance habituelle. Peut-être parce-qu'il n'était pas dans son corps d'origine, en partie... Le Chaman se leva brusquement et jeta un regard dédaigneux sur les corps évanouis à ses pieds. Il en enjamba un qui se trouvait sur son chemin et quitta le jardin, un peu honteux que la faune et la flore ait eu à contempler ce spectacle.

Lorsqu'il franchit la porte des bains, il ricana légèrement en voyant sa sœur, et préféra ne pas la déranger dans ses ébats. Il repensa à ce cauchemar horrible qu'il avait fait il y a quelques temps, celui où une Déesse inconnue du panthéon venait purifier les chamans. Purifier ? Pour quoi faire. Ce mot pouvait avoir tant de définition et celle qui venait des Anges était d'un ennui à mourir. N'étaient-ils pas déjà purs, grâce à leur parfaite communion entre le monde des Vivants et celui des Morts ? Entre le monde des Mortels et celui des Dieux ? Leur existence et leur mode de vie était la preuve de l'équilibre qui s'en découlait. L'homme jeta nonchalamment son bonnet dans l'eau, et rompit le sortilège qui les avait fait échanger de corps. Heureux de retrouver sa forme corporelle original, l'homme se glissa dans l'eau, jusqu'à disparaître de la surface. Il n'avait plus envie de rien. Curieusement, il n'avait jamais été un grand amoureux du sexe. Hormis son utilité reproductrice, il n'y trouvait pas d'avantages suffisamment intéressants. Dominer l'autre ? Se laisser soumettre et se donner à l'autre ? La fusion était largement plus satisfaisante pour se faire. Elle était plus complète, plus brutale, elle permettait de réellement ne faire qu'un avec son partenaire, pour le meilleur comme pour le pire. Il était bien plus addict à cette sensation qu'au plaisir que pouvait lui procurer le sexe. En repensant à son cauchemar, il se sentit brusquement sale. Perturbé par cette nouvelle sensation, le Chaman se mit à nager dans le bassin, puis à se laisser flotter sur le dos, comme un cadavre. Il se sentait impur et pourtant, l'excitation de son rêve le poursuivait encore, puis-qu’aucun des hommes envoyés n'avaient pu le satisfaire correctement. Cette contradiction était extrêmement désagréable à vivre.

L'eau qui l'entourait se mit à briller de filets dorés et cuivrés. Elle était à la température exacte qui souhaitait, elle sentait la fleur d'oranger et la fragrance doucereuse l'endormit légèrement. Son corps flottait peu importe sa position. Il avait l'impression d'être sur un matelas mou et voluptueux. Les chimères brûlantes qui avait prit possession de ses reins un peu plus tôt le poursuivaient encore s'il fermait les yeux. Alors il s'obligea à les garder ouvert et fixés sur le plafond en bois coloré. «Vas-tu m'expliquer quel est le but de ce rituel ? Je doute que ce soit uniquement pour fêter la naissance.» murmura-t-il, fiévreux, en essayant royalement d'ignorer son sexe qui se dressait.

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Mar 10 Sep 2019, 23:35



Lorsque la même femme avança sa main une deuxième fois, Lilith la laissa faire, poussant un soupir d’aise. Pourquoi pas, après tout. La zone était sensible et, les doigts, chaleureux et habitués. La tribu Raoni et ses orgies… À l’époque où elle était encore une Ange, elle avait toujours essayé de ne pas juger, de s’ouvrir aux coutumes chamaniques, sans pouvoir les pratiquer. Elle fuyait l’orgueil, ce sentiment qui poussait les êtres à croire leur façon de vivre supérieure à celle d’autrui, meilleure. À présent, plus rien ne la retenait vraiment. Elle pouvait se plonger dans la Luxure sans craindre une quelconque déchéance. Pourtant, elle n’avait pas pratiqué depuis Jun. Avoir ce corps masculin à portée de main donnait une toute autre tournure aux événements. La physionomie de son frère était intéressante. Elle ne l’avait jamais observée de ce point de vue-là. Lentement, ses doigts parcouraient les courbes de ses compagnes, contournant le galbe de leurs seins avec sensualité. Les avoir contre elle lui procurait une sensation nouvelle. Son torse était plat et elle sentait un certain bien-être vis-à-vis des rondeurs qui venaient s’écraser sur sa peau.

Elle ouvrit les yeux lorsqu’elle sentit sa physionomie se transformer. Le chien. Les femmes en furent quelque peu étonnées. Elle aussi, mais absolument pas pour les mêmes raisons. Elle sentait qu’il en avait profité. Ses lèvres étaient gonflées et humides. Ses seins, comme plus lourds. Elle plongea sa main dans l’eau, constatant avec un sentiment qu’elle n’aurait su décrire, l’étendue des dégâts. L’eau s’occupa de laver son entre-jambe du liquide gluant qui l’avait pénétré. Elle fronça les sourcils. Peut-être était-elle légèrement en colère. Pourtant, elle avait joué, elle-aussi, avec le corps de son frère. Était-elle réellement légitime à un quelconque commentaire ? S’il n’y avait que ça… Mais non. Le feu brûlait toujours ses entrailles. Elle ne savait pas ce que Devaraj avait fait au juste mais son amant ne savait visiblement pas s’y prendre. Elle n’était pas rassasiée. Le Roi n’avait pas dû jouir dans son corps et, à présent, elle en voulait plus, comme obnubilée par un désir de pénétration ; une pénétration satisfaisante, cette fois. Il y avait d’autres moyens d’être comblée, bien entendu, mais c’était ça, qu’elle voulait. Elle expira, tout de même contrariée. Elle espérait qu’il n’avait pas outragé leur père avec ses jeux idiots.

Son regard glissa jusqu’au corps du Suprême de l’Au-Delà. Ses compagnes ne l’avaient pas abandonnée, continuant leurs caresses langoureusement. L’atmosphère la détendait. C’était fait pour et elle le savait. Le rituel devait mener au coït. L’une des femmes vint puiser un peu de l’eau du bain entre ses mains, la déversant lentement sur la chevelure de l’ancienne Reine qui contemplait toujours le Hǫfðingi d’un air mystérieux. « Bien sûr que non. » répondit-elle, en se déplaçant pour se positionner derrière la tête de Devaraj. L’eau lui arrivait à la taille. Elle le regardait de haut, obligée de baisser la tête pour le voir. « Mais je suppose que tu as dû deviner les tenants et les aboutissants. » murmura-t-elle en passant ses doigts doucement de chaque côté du crâne de l’homme. Elle massa ses tempes avec volupté, un petit air amusé sur le visage. Le message était clair. Il s’était imposé à elle comme une évidence et, s’il devait être présent, c’était pour une raison bien particulière. Elle essayait de ne pas réfléchir aux conséquences, à ce que cela impliquait. Elle préférait que ce soit lui. Ses yeux se détachèrent de son visage pour courir sur le reste de son anatomie. Autour d’eux, les Chamans s’adonnaient à des pratiques charnelles diverses. Elle se demandait s’il allait obéir. Il avait dit vouloir être tellement bon que les Dieux auraient envie de le récompenser. Elle aurait eu presque envie de rire, légèrement amère que les choses aient à se dérouler de la sorte. Seulement, encore une fois, elle préférait que ce soit lui. « Finalement, il semblerait que les Dieux n’aient pas apprécié que nous ne consommions pas notre mariage. » Ses yeux glissèrent encore plus bas. Elle sourit avec malice. Lui non plus ne semblait pas satisfait de ses activités récentes. « J’espère que tu étais bien dans mon corps, Devaraj. » lui fit-elle remarquer en passant ses doigts de ses cheveux à son torse. Elle le massait toujours, lascivement, et pencha son buste au-dessus de sa tête pour atteindre son ventre. Elle remonta légèrement par la suite et approcha son visage du sien. Elle le fixa, à l'envers, entre envie et défi. « Il va falloir que tu y retournes, maintenant. » lâcha-t-elle. Sans ce bonnet ridicule, cette fois.

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Mer 11 Sep 2019, 22:37




Le Chaman se laissa faire sans broncher, pourtant tout lui hurlait de partir en courant. Il était drogué. Il crût qu'elle était en train de le provoquer. Pourquoi ? Il était bien incapable d'y réfléchir. La première réaction qu'il eut fut de se relever face à elle. Il provoqua un éclaboussement général. Par chance, il avait pied dans cette partie-là du bassin. Sa main attrapa fermement la nuque de Lilith. Il contempla un instant ses lèvres, mais le choix fût rapide, car dans son esprit de Fou, il n'avait pas tout le temps besoin de jauger les conséquences. C'était pratique ! Il l'embrassa à pleine bouche, appuyant d'abord doucement ses lèvres contre les siennes, puis approfondissant le baiser. Pourquoi ? Avait-il au moins déjà goûté sa langue auparavant ? Il ne savait plus, tout était flou. Sa main relâcha sa pression initiale pour se perdre dans sa chevelure, sûre qu'elle n'allait pas s'enfuir ou le repousser. Leurs deux corps trouvèrent appui sur l'un des rebords en pierre du bain. Il écarta légèrement ses cuisses pour se coller à elle et imprimer un léger mouvement de bassin, excité. La sensation qui remonta le long de son bassin était délicieuse alors il recommença. Il ne savait pas s'il valait mieux capter son regard ou fermer les yeux. Lequel était le plus idiot et dangereux ? Complétement fébrile, il relâcha à regret ses lèvres et courut se réfugier contre son cou.

«Je t'ai déjà raconté la fois où j'ai fais un cauchemar... » Sa vision se brouilla sur ses mots et son crâne manqua d'exploser mais il fit un effort conséquent pour continuer de parler. Sa langue passa sur ses lèvres sèches et douloureuses. Il inspira brusquement pour retrouver un semblant de souffle. «La fois où j'ai rêvé d'une déesse venait nous purifier.» Il ne s'étendit pas sur ce qu'il entendait exactement par ce mot, il n'avait pas envie d'y repenser mais seulement ce poids était trop lourd, soudain et effrayant pour qu'il se taise. Cette journée commençait à devenir anormalement longue. D'abord le réveil en sursaut par un soldat possédé qui hurlait à son chevet, ensuite le halo, puis cette contrée bizarre bourrée d'étrangers... La disparition de Circë, Ezechyel, Siruu qui essayait de mentir comme un bon sorcier, la créature du puits... Lilith qui se faisait poignarder. La peur, la panique, la force physique qu'il avait dû déployer pour créer un cocon de glace dans lequel les protéger de l'assaut brutal... L'accouchement, le changement inattendu et bizarre de sa sœur... Si ce n'était que ça, cela revenait à une journée normale pour un Suprême de l'Au-Delà quelconque. Il essayait d'ignorer le fait que la Princesse de Raanu soit perdue dans un endroit dangereux au milieu d'une guerre et préférait se persuader du fait qu'Ezechyel était là pour la protéger et que donc tout irait bien. Autrement, il en ferait une crisse d'angoisse. Sa paranoïa était un océan infini capable de noyer le néant. Le Chaman déglutit. Si ce n'était que ça ! Mais non, il s'était réveillé en pensant être dans un rêve. Mais finalement, il s'agissait de la réalité. Puis on lui avait imposé une série de rêves charnels pour une raison incongrue. Et maintenant on lui insufflait un dégoût envers ce qui était le plus naturel chez lui : le sexe. Via le Lien Divin, deux entités contraires se débattaient pour gagner le territoire, tout en lui piétinant la gueule. Un homme normalement constitué se serait déjà suicidé dix fois.

Devaraj était fiévreux, d'envie, de douleur, de fatigue. La différence importait peu et ses capacités mentales fonctionnaient au ralenti. Il sembla un instant fasciné par les boucles d'oreilles en or de Lilith. Comme elles étaient belles et rendaient bien sur sa peau cuivrée et ses mèches brunes, et leur forme de cercle rappelaient parfaitement la rondeur de ses seins qu'il était en train de caresser avec impatience pour la faire gémir... Peut-être que trente grammes de Demencia, c'était trop. Il n'avait jamais dépassé vingt dans ses premières expériences. «J'ai peur» finit-il par avouer, tout simplement. Il se colla un peu plus à elle dans une étreinte un peu trop brute, avide de la sentir contre lui, à lui seul. Elle n'était plus Ange mais elle restait rassurante à ses yeux, du moins quand elle n'avait pas en tête de l'étrangler ou quand lui n'avait pas en tête son admirable rancune paranoïaque. Il sentit le liquide qui coulait toujours entre les cuisses de Lilith atteindre sa propre peau. «Pardon. Il fallait que je teste.» mentit-il avant de se raviser. Il préférait lui dire la vérité même si elle ne comprendrait pas. «Je me masturbais juste par curiosité, le reste je-...» Un soupir passa ses lèvres. «Tu auras beau prendre mon corps, c'est toujours moi qui subira le Lien Divin de plein fouet.» C'était le prix à payer être le puissant mage qu'il était. Ses mains tremblantes descendirent en frôlant ses hanches jusqu'à s'affermir en prenant ses fesses entre ses doigts. Ce qu'il ressentait était indescriptible. Il était à la fois terrifié par les envies contradictoires que lui soufflaient le Lien Divin, puis horrifié de voir qu'il pouvait de nouveau être attiré par elle à un point qui dépassait toute normalité. Elle pouvait remplir le vide laissé par Gideon. Il pouvait se remarier avec elle ? Accepterait-elle ? Coucher avec elle. Il en avait crevé d'envie pendant une décennie entière. Il perdrait de nouveau toute notion de contrôle. Il ne savait pas avoir de relations proches autrement qu'en allant tout de suite dans les extrêmes. Le supporterait-elle cette fois-ci ? Il se sentait au bord d'un précipice sombre et morbide, avec déjà un pied dans le vide. Si elle avait conscience de l'étrange combat qu'il était en train de mener dans sa tête, elle se moquerait de lui. Il se mordit la lèvre. S'il s'était débarrassé de toutes ses chaînes sentimentales, ce n'était pas pour en retrouver des nouvelles après quelques mois de paix seulement. «Pourquoi tu fais ça ?» lui souffla-t-il à l'oreille. «Tu n'en as pas marre de moi ? Tu sais très bien comment cela va se terminer si je recommence à t'aimer. Ou bien je me trompe et tu veux juste me baiser ? Mais j'ai des clones pour ça. Je te comprends pas. J'aimerai bien pourtant... J'ai passé une bonne partie de ma vie à te courir après et à tenter de te déchiffrer.» C'était, définitivement, un échec.

Puis ce fût le silence. Il se posait trop de questions auxquelles il ne pourrait jamais répondre. «Ce ne sera pas agréable pour toi dans l'eau, me semble-t-il.» murmura-t-il. En la tenant fermement contre lui, il les téléporta directement dans sa chambre. Plus pratique ! Avec un sourire en coin, il la laissa s'habituer à ce nouvel environnement et en profita pour aller allumer quelques lampes afin de dissiper la pénombre ambiante. Son regard accrocha le totem d'Ezechyel -le nouveau tout neuf qui remplaçait ceux qu'il avait cassé ou brûlé...- L'objet était long, bien poli malgré quelques aspérités et rond sur les deux bouts. «Tiens c'est drôle, j'avais jamais remarqué qu'on pouvait l'utiliser pour se faire plaisir !» dit-il en balançant le totem en direction de Lilith, sur le lit. Mieux valait qu'il se taise, mais il n'en avait malheureusement pas conscience. Devaraj la poussa légèrement devant lui et se plaça au dessus d'elle, sur le matelas mou composés de fourrures. «Rho ça va, je déconne.» Pas elle, visiblement, vu sa tête. Devaraj réalisa trop tard que ce n'était pas une bonne idée de lui faire repenser à Jun et à ce qu'elle avait subit. La mine un peu déconfite, il reprit leur étreinte initiale. Briseur d'ambiance numéro un. Il l'embrassa de nouveau, puis sans rien dire, entreprit un premier examen de ce corps qu'il avait tant attendu jusqu'à le haïr, sans même le connaître. Il avait envie qu'elle se torde sous ses coups de langue, qu'elle frissonne et que ses dents lui arrachent des gémissements de surprise. Il avait l'avantage de connaître le corps d'une femme ou d'un homme sur le bout des doigts, comparé à elle. Il savait ce qui faisait du bien et ce qui faisait du mal. En fait, il pourrait refaire carrière dans un bordel ou comme bourreau, s'il en avait le choix. Ses propres reins brûlaient devant sa réaction, mais il voulait d'abord qu'elle le supplie de la prendre. Ou qu'elle le domine complétement. Il voulait tout et rien, mais surtout elle. Arrivé au nombril, le Chaman releva les yeux vers elle, armé d'un sourire vainqueur. Il descendit encore ses lèvres.

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Le cauchemar vivant | Lilith

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