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 [Q] Le meilleur jour de ta nuit

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Lun 16 Sep 2019, 22:13


Image réalisée par Pauline Voss


Partenaires : Solo
Intrigue/Objectif : Invitée pour la célébration de son mariage, Azaar devra finaliser l'union afin d'être libéré de la merveilleuse journée dans laquelle elle se croit plonger.


La vie à l’école est aussi trépidante qu’une bonne pluie et finit toujours par me rincer en fin de journée. L’ambiance est studieuse, nous ne le remarquons pas mais l’odeur de la sueur en classe est très forte. Seuls ceux qui s’échappent aux toilettes et qui reviennent font une tête impossible, dégoûtés à l’idée de devoir retourner dans cette casserole sur le feu. Je fais partie d’une expédition et je reviens quelques minutes plus tard, soulagée. Chaque pas est douloureux, les minutes se comptent dans cette atmosphère pesante. Il n’y a que le professeur et certains élèves doués qui ont une montre, les autres, comme moi, en sont dépossédés. Nous ne demandons jamais l’heure, nous essayons de la deviner avec les rares rayons qui traversent la salle. Je retourne à ma place et m’assois pour découvrir un mot entre les pages de mon livre sur " La Vie en Société " de Danalasii Allay. J’ouvre au chapitre des Nägs puisque c’est là où se situe le mot et je découvre avec mécontentement le contenu.

« Même un Näg ne te donnerait pas de diplôme, la tâchée. »

Je bous et je me retourne furieusement. Je sais qui l’a écrit, je le ressens au plus profond de moi. C’est ce cafard d’Alvarian, ce sang-mêlé. Je bondis sur lui, ongles acérés, j’ai très envie de lui scalper le cuir chevelu, c’est d’ailleurs ce que je compte faire une fois qu’il sera mort. Il est surpris par mon bond et me réceptionne, se protégeant le visage comme il le peut. Je compte le défigurer et je serai sans pitié. La haine nourrit chaque action, je ne réfléchis plus. J’ai envie de sang. Tous les élèves se relèvent et applaudissent le combat, le professeur crie à l’autre bout de la classe. Personne ne l’entend, il ne réussit pas à se frayer un chemin jusqu’à nous. « Azaar, Azaar, Azaar ! » entonnent-ils en chœur. « Azaar, Azaar, Azaar ! » Mon prénom est salué. La rage me fait perdre toutes notions, je hais cet Alvarian, je les méprise tous tandis qu’eux m’acclament. L’élève n’arrive pas à se défendre, je suis bien plus grande que lui. Soudain, je me sens attirée en arrière, je me débats de toutes mes forces pour qu’on me lâche et que je puisse continuer à lui faire du mal. S’il voulait ressemblait à un Näg, c’est bien à moi qu’il fallait envoyer un mot. « Lâchez-moi, lâchez-moi ! » Je n’arrive pas à voir qui me tient, c’est peut-être mon professeur mais je n’en suis pas sûre. Les élèves continuent de s’exalter devant le spectacle, puisqu’après tout, celui-ci n’est pas terminé. On me traîne jusqu’à la fenêtre, nous nous situons au deuxième étage. On me penche par-dessus pour que je prenne l’air et, ce n’est plus tant de l’énergie qui m’anime, mais une peur glaciale qui vient froisser chaque muscle. Je suis tétanisée face au vide et je sens qu’on continue de me pousser. Ce n’était pas pour prendre l’air. « Pitié. » Je supplie. « Je- promis. Promis, je vais aller nettoyer, promis, je… » « Promis quoi ? » On me redresse et me retourne, toujours à moitié dans le vide. C’est un balais qui me tient, dans son bois je discerne un visage. Le trou qui lui sert de bouche s’agrandit. « Alors quoi ? Hein ? Promis quoi ? » - « Promis, je ne nettoierai plus la classe avec toi. Je- euh… Prendrais un élève, je prendrais Alvarian pour nettoyer le sol. Par pitié, redresse-moi. Je… Je n’aime pas. Je… Je suis vraiment pas très bien. » - « Tu me tutoies ? Bon. Ce n’est pas suffisant. Comme toujours. » On me lâche. Le décor défile à toute allure, je sens l’univers m’aspirer. Je ferme les yeux. La première image est celle de ma mère, je suis si désolée pour elle.

Le monde finit par lacer ses voiles autour de moi et je me retrouve ralentie dans une chute de tissu d’un rouge de sang. Je ne bouge pas, quelques instants puis je me redresse, habillée dans une somptueuse robe de mariée. Plusieurs femmes que je connais s’agglutinent autour de moi et me félicitent chaleureusement. « Félicitations Azaar, tu as trouvé un fiancé digne. Qui aurait cru que celle que l’on surnommait la tâchée arriverait jusque là ? » C’est une femme que je sais être mon amie, sans savoir son nom, qui me prend dans ses bras. Je lui souris. Les embrassades sont longues, chacune des femmes présentes souhaitent me glisser un mot. Je les écoute, émue. C’est le jour de ma vie, disent-elles. « C’est un jour à toi, rien qu’à toi. » Quelques balais sont aussi parmi elles, je les remercie de leur visite. « Fffrrffffrrr, vrrrrrr, frrrrr. » - « Moi aussi je suis contente de vous voir. Vous avez pu venir ! Cela me fait plaisir. » Je mens, qu’est-ce qu’ils font là ces frotteurs de placards ? Qu’ils retournent dans leur armoire ! J'offre un baiser à chaque balais. Leur bois est différent, je préfère le balais à manche ciré, plus doux que tous les autres. Enfin, ma mère m’accueille dans une magnifique robe, elle aussi. Elle est géante, je suis une puce à côté d’elle. Elle me prend dans sa main sans m’écraser et me guide jusque dans l’allée. Une musique pittoresque est jouée par un groupe de musiciens du Lotus Rouge et s’accorde parfaitement aux lourds pas maternels. Où est mon père ? Je ne le vois pas. Je suis attristée. « Ne pleure pas ma fille, ton père travaille, il n’a pas pu venir. » - « Mais je me marie à un homme riche ! Il n’aura plus à travailler de sa vie ! » - « Ne te fâche pas Azaar, il ne souhaite simplement pas devenir un Näg. Moi, ce n’est pas possible de toute façon, je suis une géante. Je franchis les Plateaux d'un pied. » Son explication est claire ; il faut que je devienne une géante moi aussi, si je ne veux pas finir en Näg. Mais d’abord, j’ai quelqu’un à épouser. Je ne sais pas qui c’est, je vibre tant on m’en a fait des éloges. Ma mère me dépose à côté d’un autel qui ressemble à une immense arche d’un blanc clair. L’endroit est incroyable. Le voile rouge sur mon visage est abaissé, je ne vois plus rien. L’heureux élu est attendu, il ne devrait pas tarder à arriver. J’angoisse, mon cœur palpite. Certains balais froissent leur paille pour me rassurer, je les en remercie.

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Sam 21 Sep 2019, 22:54


Un labyrinthe, une sortie introuvable, une chute et encore une autre, incapable de tenir sur ses jambes. Incapable d'avancer ou d'avoir la moindre pensées cohérentes. Quelqu’un approchait, l’enfant pouvait l’entendre, ses bruits de pas martelant le sol rythmé au son de la démarche de son bourreau. Un pas. Un deuxième. Un troisième. Quelques mètres. Un mètre. Son visage commençait à apparaître. Il était là.

« Allons, allons, lança Oomaria en tendant sa main à l’enfant. Ce n’est pas un endroit pour jouer, viens avec moi. »

Oomaria attrapa la main du petit garçon et tout sourire l’entraîna en haut des escaliers pour se retrouver dans une salle remplit de monde, qu’il pensait connaître, mais il n’en était pas certain. Toujours était-il que le petit Réprouvé était à présent habillé d’un ravissant petit costume, donnant l’impression d’un enfant modèle, tenant la main de son aîné. Tout le monde était là pour le jour qui était sensé être le plus beau de la vie d’Oomaria, entouré de toutes les personnes qu’il aimait et respectait. Bientôt, il serait uni à son illustre inconnue pour la vie. Un très bon parti, d’une bonne famille qui permettrait au Réprouvé de se placer facilement dans la société. Le manoir familial à Stenfek serait parfait pour accueillir le futur couple. Il espérait que tout serait parfait et qu’il pourrait enfin retrouver la famille qu’il avait perdu.

« Vergil, qu’est-ce qui se passe aujourd’hui ?
- Aujourd’hui je me marie.
- Tu n’es pas en colère que je t’appelle Vergil ?
- Je m’y suis habitué. Et je peux profiter de vous tous aujourd’hui ! »

Le Réprouvé sourit à cette l’enfant. Ce dernier n’était rien de plus qu’une version miniature de lui-même, un reflet de ce qu’avait été ou peut-être avait engendré Oomaria, il n’en était pas sûr. Qu’importe. Il appréciait ce petit garçon comme s’il était le sien à présent. L’hybride s’agenouilla devant lui pour arriver à sa hauteur et ébouriffa ses cheveux, le regard plein de tendresse envers cet être innocent. D’autres enfants se joignirent à Oomaria, une dizaine l’entourant, formant un cercle de petites têtes ; tous étaient des Réprouvés et semblaient avoir un air de famille, un sourire d’Ange définissant leur visage et la joie de vivre s’insinuait autour d’eux. Le Réprouvé les aimait tous sans exception.

« Vergil ?
- Oui ? Tout sourire face à la jeune Réprouvée.
- Pourquoi tu ne veux pas nous libérer ?
- Parce que vous m’appartenez. »

Oomaria dessina une expression sincère sur son visage. Ces enfants qui peuplaient son esprit lui appartenaient, il ne pouvait s’en séparer. Ils étaient les gardiens de ses souvenirs et ne pouvait pas les voir partir sous peine d’en être privé. Ces petits êtres pouvaient se montrer agaçant mais ils lui étaient précieux. Le Réprouvé les envoya jouer ailleurs pendant qu’ils discutaient avec d’autres invités qui rôdaient autour de lui. Il les connaissait sans réellement les connaître, c’était une situation qui lui paraissait étrange de prime abord mais il laissa finalement prendre au jeu. Des mains serrées, des accolades à certains Réprouvés, d’autres qui n’en étaient pas, ce qui lui paraissait bien plus bizarre, mais il n’éprouvait aucune animosité envers eux. Après tout, ils pouvaient très bien être de la famille de sa future femme, autant éviter les faux pas. Après quelques minutes de patience, le Réprouvé fut invité à se joindre à sa future épouse afin d’accomplir la cérémonie de Keyronta. Une union éternelle. Oomaria ne connaissait pas encore sa promise, mais il était certain qu’elle était la femme la plus merveilleuse qui existait. Le Réprouvé était suivi des enfants qui entraînaient tous les invités sur leur passage. Tous les regards étaient braqués sur l’élue qui attendait Oomaria sous ses voiles de cérémonie. Les petits compagnons de ce dernier se placèrent de part et d’autre des deux futurs mariés et les invitèrent tous deux à passer sous l’arche. Un Réprouvé, de l’autre côté, les attendait en tenant un bol avec un pinceau trempé dedans. Oomaria ne prêta pas attention à sa future femme, il n’avait d’yeux que pour les enfants qui se tenaient autour de lui. L’un d’entre eux, celui qu’il avait aidé à remonter les escaliers lui fit un signe afin de lui glisser un mot à l’oreille. Il s’exécuta.

« Elle mourra car tu devras payer. »

Le Réprouvé écarquilla les yeux devant cet enfant. Il fut pris d’un incontrôlable tremblement et jeta un coup d’œil à son élue qui n’attendait que lui. Il ne pouvait pas faire ça. Ils ne pouvaient pas se marier. Il ne pouvait pas détruire une autre vie, le petit avait raison, il allait la détruire. Comme il s’était détruit. D’un pas lent, il recula et passa sous l’arche en secouant la tête de droite à gauche, sans dire un mot. Ce seul signe signifiait une chose, il ne se marierait pas aujourd’hui.

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Lun 22 Fév 2021, 23:42


Image réalisée par Pauline Voss

Camille Saint-Saëns - Danse Macabre

N.B : Je continue la quête, je ne jouerais évidemment pas Oomaria.
Sa réponse a inspiré celle qui suit, mais on n'y retrouvera pas son personnage.



L’excitation mêlée à la nouveauté suffit à me faire suer. Je cogite à n’en plus pouvoir ; je veux savoir qui se tiendra à côté de moi. J’entends soudainement des voix d'enfants lointaines, ce qui me surprend. Je n’en connais pas et je ne comprends pas leur présence : que viennent-ils faire là ? Ne doivent-ils pas être gardé par une nourrice ? Plus je me pose de questions et plus j’ai l’impression que je peux voir à travers le voile. C’est pénible de ne pas être tenu au courant. J’entends des gloussements, des échanges de voix graves et des salutations. Je souhaite le voir. A quoi peut-il bien ressembler ? Comment se tient-il ? Toutes ces questions m’amènent à désirer sa présence. Autrefois ma vision obstruée, me voilà claire voyante. Mon souhait a été exhaussé. Il arrive, hésitant, jusqu’à l’autel. Son visage est caché par un linge maculé. Il est petit et brun, je devine un regard dur, la tenue solide. Mon fiancé passe à côté sans s’arrêter. « Je… Bonjour… » Je ne suis qu’une statue, je n’existe pas et mes mots s’évanouissent dans un souffle. Cela me fend le cœur, j’ai envie de pleurer. Pourquoi ne me regarde-t-on pas ? Ne serait-ce pas le jour le plus important de ma vie, pourtant ? Pourquoi m’ignore-t-il ? J’enlève le voile, agacée. Je n’ai plus envie de me marier.

Les enfants s’agitent de plus en plus, les balais qui répondent à un désir profond tentent de les chasser. « Ffffrrrrr fffffrrrr ffffrrfrrr ! » J’acquiesce. Le balais au pommeau ciré a raison. « Frrrrrrssst ssssssfrrr ssfffrrrr ! » Il se secoue nerveusement et d’autres s’en suivent. Les enfants crient – ils ne savent faire que ça. J’ai envie de leur courir après mais on me retient. Ma géante mère m’en empêche et me fait pivoter : mon fiancé est en train de partir, il ne s’est jamais arrêté de marcher. Je pleure alors que je ne le connais pas. Pourquoi cela me fait-il tant de peine ? « Azaar, rattrape-le, si il part, tu ne pourras plus jamais te marier. » L’annonce sonne comme une punition. Cela vient de ma mère, alors je la crois. Si il part, je ne pourrais pas connaître le bonheur marital et je serais la honte des miens. Je serre le voile rouge joliment brodé de petites fleurs. « Attends ! » crie-je en sa direction. Il passe l’arche où nous aurions dû échanger nos vœux et le bougre disparaît. Ma mâchoire manque de se détacher. « Comment vais-je faire pour le rattraper ? » Plusieurs colosses que je n’avais encore jamais vu se mettent à affluer dans la direction de l’arche puis disparaissent à leur tour. Je suis paniquée. « Vas-y Azaar. » Elle me pousse avec son index énorme, comme un pétale, je vis en me laissant porter. Son souffle est le vent que je respire et ma raison d’être. Sans elle, je ne serai même pas née.

Je prends mon courage à deux mains et je me force à y aller. Mon corps, étrangement, ne bouge pas de place. J’ai beau vouloir aller de l’avant et franchir l’arche, rien n’y répond. « Vous voyez, elle est incapable. Je vous l’avais dit. » Des rires fusent. Si la moquerie ne m’atteint plus, les larmes de ma mère en revanche me touchent. Ils m’éclaboussent et le flux ne s’arrête guère. « Maman ? Pourquoi… Pourquoi pleures-tu ? » Je ne cesse de poser la question sans retour intelligible. Elle finit par quitter la salle, laissant derrière elle une rivière dans laquelle je me baigne et qui m’emporte. Engloutie par le désespoir, je vogue à la dérive, perchée sur un banc que j'ai réussi à atteindre à temps. Je perçois un balais flottant que j’attrape du bout des doigts et le ramène difficilement. Il suffoque, c’est insolite. Sa paille mouillée tremble comme s’il voulait me dire quelque chose. Une nouvelle vague de larmes nous surprend. L’autel est rasé. Les musiciens du Lotus Rouge continuent de jouer comme si leur vie en dépendait. Il en découle une musique défaillante et suintante, les basses se taisent et les aigus s’animent à m’en percer les tympans. Une des alfars que je pensais être mon amie nage allégrement à côté de moi, sans aucune difficulté alors que je pourrais me noyer si je restais dans l'eau salée. « Tu n’étais pas faite pour lui, c’est tout. » Je quitte mon navire de fortune car je lui bondis dessus. Qu’elle crève, cette salope.


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Mar 23 Fév 2021, 01:11


Image réalisée par Pauline Voss



Dans le lit de la rivière, je m’enfonce, déterminée à me noyer avec la fille. Je lui tiens le col et j’exerce tout mon poids sur elle. Nous nous débattons, elle pour regagner la surface et moi pour l’y plonger. Je perçois clairement les remous que son agitation cause. Elle me blesse, me griffe et me ravage le ventre. Je manque d’air, je n’ai plus la force de la contraindre mais je n’abdique pas car je reste en position. Un frisson me lancine le poitrail puis le cou, j’étouffe. L’impression est d’autant plus grande que mon champ visuel se réduit. Le monde est sombre. Son corps se transforme en bulle et me gêne le visage, je suis désormais seule dans le berceau sauvage. Je tente en vain de regagner la surface. Une pression s’exerce sur mon corps et, exactement comme lorsque je courais après mon fiancé, je reste sur place. Une malédiction me rend statique. Je m’agite, je ne peux rien faire. Mes bras ne cessent de brasser, je suis à la recherche de l’air que je ne voulais pourtant plus dans mes poumons. Cela me fait affreusement mal. Le choix que j’ai fait est terrible et me nuit gravement. Le voile rouge de noces vient me recouvrir la vue. Je ne perçois plus, ni les échos de l’inondation, ni les débris. Je ne serai bientôt plus qu’un amas de bulle.

Une main aussi large que mon corps me tire de l’eau. Je suis avachie en son creux, amoindrie par le meurtre et par mon abandon. Je me redresse pitoyablement et m’aide de l’annulaire de la main géante qui me guide jusqu’à la terre ferme. « Le balais nous a prévenu à temps, tu en as de la chance. Une apnée t’aurait tué. Es-tu au courant ? » Je plisse les yeux. Évidemment. Je me sentais partir. « Merci. » Je tousse machinalement pour évacuer toute l’eau des poumons. Rien en sort. « Encore un peu et nous n’aurions rien pu faire pour toi. Pourquoi t’être mise dans un tel état ? » - « On m’a quittée. » La rage qui envenimait mes pensées ne fait plus effet. Je me sens juste lasse et nauséeuse. Tout tourne autour de moi. La main géante se transforme en une tâche toute bleue qui valse dans le décor. « Arrête de tourner sur toi même et pose toi sur le banc. Viens avec moi. » La forme bleue danse et arrive malgré tout à me tirer le bras. Son inflexion me semble plus réelle que le sol. « Aïe, vous me faites mal, andouille ! » Il me lâche et claque des doigts. Mon monde cesse de tourner, mes yeux se stabilisent sur lui. Un alfar bleu aux grandes oreilles. « Vous n’êtes donc pas une tâche d’encre ! Je… Suis perdue. » - « Tu n’as rien à comprendre. Je suis une tâche, une main ou un alfar, j’aurais toujours une forme qui te sied. » Soit, j’accepte ce qu’il dit. Je ne cherche pas à savoir ce qu’il fait là. En vérité, je n’ai plus trop le souvenir de ce qui m’y a amené. « Alors on t’a quitté et tu veux te tuer ? » - « Hum, oui… Je crois... » Je m’assieds sur le banc. « Mon fiancé m’a quitté et puis ma mère… C’est une géante vous savez. Et les géants quand ils vous quittent, ils laissent toujours un trou grand comme ça dans le cœur. » Je me rapproche de l’alfar bleu, il me rassure. Il n’a encore rien dit, il juge la situation. La rivière coule toujours plus loin et comme si je l’avais fortement désiré, elle pénètre le sol puis disparaît. Le paysage se ravive, les couleurs naissent sous le temps nuageux. « Je n’ai pas envie qu’on me quitte comme si j’étais une vieille chaussette. Je n’aime pas non plus qu’on se moque de moi. Cela me fait toujours mal au ventre et j’ai les yeux qui piquent. C’est très désagréable. » - « Je ne t’ai pas demandé de me raconter toute ta vie. » - « Ah d’accord. » Je balance les pieds, le banc est assez haut. C’est accommodant de sentir tout le poids de ses jambes comme quand j’étais petite. La gravité est séduisante et me donne toujours envie de sauter. Je reste sur place. Sa présence me rend toute mobile. J’ai cette impression que mon décor ne flanchera pas cette fois.



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Mer 24 Fév 2021, 00:27


Image réalisée par Pauline Voss




Un frottement irrégulier attire mon attention. Un balais sautille et se rapproche de nous. « Le voilà, ton sauveur. » m’indique l’homme bleu. J’accueille nonchalamment le balais qui se plonge dans mes bras. Je le repousse au bout de quelques secondes car je ne le connais pas. On ne sait jamais de quel bois est fait leur manche, je me méfie naturellement. « Une bien étrange manière de remercier un objet qui vient de te sauver. » - « C’est n’importe quoi. Vous comprenez le balais, vous aussi ? Depuis quand peuvent-ils dire des choses bienveillantes ?  Ils nous contraignent plus qu’ils nous aident vraiment ! » Il lui faut un instant pour me répondre « Eh bien je vois que mon rôle va s’en tenir là. Je ne souhaite pas devenir ton tuteur, tu es assez grande pour retrouver ton chemin, n’est-ce pas ? » Il se relève, j’ignore ce que je peux dire pour le retenir. J’aimerais pourtant qu’il reste car éclot en sa présence une émotion conciliante. J’attrape le balais et caresse le manche afin de montrer ma gratitude et je me mets à balayer. « Vous voyez, j’avais tort ! C’est un excellent balais, merci infiniment. » L’alfar bleu s’arrête et me fixe. J’ai fait quelque chose de mal. Il y a des signes qui me l’apprennent, comme un soupire ou une impression grandissante de malaise. La paille frétille, il y en a au moins un d’heureux. « Écoutez-... » - « Non, je ne t’écouterais pas. » Face au mur qu’il représente, je manque de défaillir mais j’insiste. « Je me-... » - « Non. » Il s’en va. Je cours après lui. « L’assistanat est terminé. » Je regarde tout autour de moi et je marche, collant le balais à ma poitrine. Je n’accepte pas qu’il s’en aille, pas si facilement du moins. Puis, s’il le voulait, il pourrait se transformer en oiseau. Comme il l’a dit, il prend la forme qui me sied le plus. « Cassez-vous si ça vous chante, je ne vais pas vous poursuivre jusqu’à l’infini. » - « Si tu me colles, ça risque d’être dur. » - « Il me va que vous vous envoliez. Allez vous-en donc, moi, je marche tout droit. Vers nulle part d’ailleurs. » - « Tu pourrais monter un spectacle à Vervallée et l’appeler ‘ Le grand drame de ma vie ‘, ç’aurait du succès, les magiciens raffolent des histoires tragiques. » Je bleuis, bien que je sache ni ce qu’est un vervallée, ni vraiment ce qu’est un magicien. Enfin, je sais qu’ils existent et qu’ils ressemblent à des citadins en froufrous de blanc et de bleu vêtus, comme on le voit dans l’imagier d’un des livres de Danalasii Allay. « Si vous m’aidez à retrouver celui qui m'est promis, je vous laisserais tranquille et je vous oublierais, c'est juré. » - « Qu’A’zar me vienne en aide, malignité divine. » - « Je suis juste là. Comment connaissez-vous mon prénom ? » Il plisse les yeux. « Je m’appelle Azaar. » - « J’en suis profondément désenchanté.  » Le balais quitte mes mains et bondit dans l’herbe. Doté d’une volonté propre, il s’agite. « Frrrrssttt frrrrrrrssst frrrrssssssst. » L’alfar bleu inspire. « Il a raison. » - « Sfffffrrrrrsssst fsssssrrrrrrrt. » « Retrouver la nuit de mon pâturage ? C’est quoi un pâturage ? Je n’ai pas compris. » - « Il ne parlait pas à toi. » - « Vous pensez qu’on y retrouvera mon fiancé ? » - « J’en doute fortement, à moins qu’il ne soit devenu un mouton. » - « Épouser un inconnu oui, un mouton non. J’ai des principes. » - « De très grands principes oui. On perçoit bien la manière de comment tu traites ceux qui t’aident. » Le balais sautille et se met en route, nous le suivons. Si le ton qu’il emploie est couvert d’ironie, j’y décèle une critique qu’il m’assène. « Je l’ai remercié le balais, que dites-vous. » - « En le caressant comme si… Ce n’est pas comme ça qu’on remercie quelqu’un. Il y a des manières plus fidèles de le faire. » Nous marchons et tout en se faisant, il exécute des gestes. « Faire preuve de reconnaissance, pour commencer. » Je l’écoute. Il s’arrête de parler un instant. « Cela te va si on te nomme autrement, ici ? » - « Cela me dérange, pourquoi ? » - « Quel surnom pourrait-on te trouver… » L’alfar fait comme s’il ne m’avait pas entendu. « Je m’appelle Aza- » - « Chut. Zaza… Non. Az ? Az. Simple, efficace. »



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Mar 02 Mar 2021, 17:31


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En levant le nez, je peux apercevoir la silhouette de ma mère s’en aller dans le ciel. Je la vois partir sans réussir à l’atteindre, tout comme je n’ai pas réussi à courir après mon fiancé. Cette question me taraude et tandis que nous marchons sur un sentier perdu dans la cambrousse, je parle pour combler le silence qui pèse. « Parfois… Je n’arrive pas à avancer. J’essaie de courir mais je reste sur place, comme si mes pieds rentraient dans le sol ou que mon corps refusait de m’écouter. » Je me répète plusieurs fois, car je n’ai pas de réponse en retour. Au bout de la cinquième fois, il s’arrête et me regarde. « Si tu souhaites que j’y réponde, je le ferais. » Son ton est empreint d’agacement. « Je le souhaite. » A son tour, ses yeux se perdent dans le ciel. J’ai comme l’impression qu’il voit ce que je perçois : ma mère entre les nuages, s’en allant au loin. « Tu n’as pas envie. » - « Je viens de le souhaiter pourtant ! » - « Et c’est ma réponse. Je ne peux pas être plus clair. » - « Je n’ai pas envie de quoi ? » Son côté énigmatique commence à me taper sur les nerfs. « Dites plutôt que vous l’ignorez ! Vous ne savez pas pourquoi je n’arrive pas à avancer ! » - « C’est vrai, je ne sais pas ce qui te démotive, je sais juste que tu n’as pas envie. Bonté divine, tu pourrais réaliser tes envies les plus folles et fffsssssssssttttsssss frssssofffffsssst ssfrrrrrrftsssssssssss ! » Perplexe, j’interviens. « Vous parlez le balais avec un drôle d’accent… Je… Vous êtes certain de parler ? » Alors que je comprenais, les mots qui s’échappent de sa bouche se traduisent étrangement. Je saisis le balais assez couramment, parle-t-il un dialecte voisin ? Il soupire et cherche un instant à être plus intelligible. « Je ne peux pas te dire ce que je veux, ici. Je ne pourrais t’offrir davantage qu’un vœu. » - « Cela ne m’aide pas. » - « Comme le disait mon père, réfléchir ne mange pas de pain. » Le balais qui nous guide s’impatiente. Il sautille sur place pour récupérer notre attention, ce qu’il réussit. Nous continuons, pénétrant une forêt qui m’est familière.

« Nous nous dirigeons vers le pâturage ? » - « Je ne sais pas. Je ne suis pas le guide. » Ce n’est pas courant que j’entende quelqu’un avouer sa méconnaissance. Généralement, nous pesons le silence et nous inventons pour ne pas paraître plus stupide qu’un autre. Il m’est inconcevable d’avouer une lacune. Je tire le voile qui me servait pour le mariage et caresse les petites fleurs. Je suis inquiète pour ma mère plus que pour mon fiancé. Si je fais tout ce chemin pour lui, c’est pour ne plus revoir les yeux de quelqu’un que j’aime verser une larme. Si seulement elle ne m’avait rien demandé, je n’aurais pas failli me noyer dans son chagrin. Certes, je n’ai pas réfléchi un seul instant quand il s’agissait de faire taire une garce, mais je sens que je recommencerais si l’aventure me redonnait le choix. La charge mentale qui s’est déversée dans mes mains était salvatrice, bien que périlleuse. J’observe le balais sautiller devant moi, son bois clair est ciré. Enfin, ses pailles semblent bien entamées. N’est-ce pas celui que j’ai sauvé de l’eau avant qu’il ne se noie ou pire, se brise contre un rocher ? « Je te reconnais. » dis-je. « Tu es le balais que j’ai tiré de l’eau quand j’étais sur le banc ! » Ses pailles frémissent, signe qu’il acquiesce. Je colle mes mains contre ma poitrine puis j’applaudis, un grand sourire aux lèvres, étonnamment heureuse. Je me précipite sur lui et le prends sans préavis, me mettant à danser avec. Le monde tourne autour de moi, ou alors je me mets à tourner autour du monde. Cela n’a pas d’importance. « J’ai tout le temps du monde, mais j’aimerais bien rejoindre mes moutons. Laisse notre guide nous diriger, s’il te plaît.  » Le tournoiement s’estompe et je reprends mes esprits, laissant le balais vaquer à sa première occupation. Il reste à côté de moi, je suis agréablement enchantée. Je surprends le regard du bleu sur moi, il a l'air perplexe. « J'ai une tâche sur le visage ? » me permets-je, portant une main à mon visage. Pour la première fois, je le vois sourire franchement. « C'est charmant, Az. Je pensais avoir à faire à une sorcière, mais je me suis peut-être trompé. » Entre les magiciens et les sorciers, il n'y a que les images du livre de Danalasii Allay qui me reviennent. Je n'en ai jamais croisé et j'espère bien ne pas leur ressembler. On les décrit comme très laids et l'Empereur actuel serait affreux, effrayant et vieux. Je suis certaine qu'en plus de ne pas avoir de jolies oreilles pointues, il doit avoir pleins de poils. Je frémis à l'idée. « Ai-je l'air d'être une sorcière avec des oreilles rondes et poilues ? » Il éclate de rire.


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Mer 03 Mar 2021, 22:22


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« Je t’avoue ne pas avoir encore rencontré de sorcières aux oreilles poilues. Pourtant, j’en ai servi de très vieilles. Et puis, les oreilles, ce n’est pas vraiment ce qui caractérise un sorcier, tu pourrais être étonnée. » - « Je ne puis être surprise par des êtres inférieurs. » Son rire perce une seconde fois mes tympans, c’est insupportable. La forêt autour de nous s’agite en réponse à l’écho. Je l’afflige de mon regard le plus dédaigneux. Pourquoi ricane-t-il ? Il essuie une larme qui perle et tente de se calmer, difficilement. « T’es marrante. J’en conclus que tu ne sais absolument rien d’eux. Est-ce que tu comprends ce que je dis depuis tout à l’heure ? » Je fronce les sourcils. Oui, je comprends qu’il se fout bien de ma gueule et que je le suis pour aucune raison. Peut-être que mon fiancé n’est pas dans son satané pâturage. Le balais a menti, j’en suis désormais persuadée. Alors que j’avais l’impression jusqu’ici d’être en bonne compagnie, je me sens trompée. « A Dothasi. » Qu’elle ne te garde ni sauf, ni vivant, sale bleu. Pour un Alfar, je le méprise. Je ravale ma haine et je change de direction sans crier gare. Les poings sont serrés, la tête est chaude, les yeux piquent. Je dévale les bois comme je fuirais un chien à mes trousses puis la forêt cesse de défiler. Mes pieds ne veulent plus avancer.

Ils me rattrapent alors que je suis piégée dans cette bulle invisible qui m’empêche d’aller où je le souhaite. Pourtant, j’ai très envie de ne plus les voir, cela ne corrèle pas avec ce qu’il a dit. C’est un menteur. Le balais est le premier à me rejoindre, l’alfar bleu le précède. « Bloquée ? » Il tourne autour de moi comme une vilaine mouche qui se risquerait à s’approcher du miel. Je vais le mordre s’il ose me toucher, ce qu’il ne fait évidemment pas, à ma plus grande déception. Il jauge à qui il a à affaire et j’espère qu’il m’estime comme lui étant très fortement antipathique, je le déteste. « Taisez-vous. C’est faux. J’en ai décidé ainsi. » - « A force de se suspendre dans sa toile, tu vas appeler la Veuve des songes. Cela serait fâcheux que tu meurs. » - « Commencez par me vouvoyer et marquez la politesse que vous me devez. Je ne suis ni votre amie, ni de votre famille. Goujat. Vous n’êtes qu’un bonimenteur et vous me faites perdre mon temps. Une veuve des songes, et puis quoi encore, et puis de quelle toile vous parlez, je suis juste dans les airs. Maintenant, partez. » Il se penche vers moi, je ne sens pas son odeur. Il ne m’effraie pas. Je souris et ma grimace n’a rien d’amicale. C’est davantage pour lui afficher mes dents car je ne plaisante pas. J’ai dans l’intentions de le mordre. Il tend son bras, à ma plus grande surprise. « Je t’en prie, j’ai comme l’intuition que tu en as très envie. Si cela t’aide à te calmer, nous continuerons notre route. » Mes joues s’empourprent. Je baragouine quelque chose pour me motiver à lui faire mal mais son consentement m’indique qu’il acceptera la douleur. Or, je ne veux pas qu’il l’endosse aussi aisément. Je veux l’affliger de maux, qu’il se ploie à genoux pour me supplier d’arrêter. Son regard est animé par une étrange lueur bleue qui m’hypnotise tant elle vacille. « Comment… Non, merci. » La rage s’estompe comme une marque de fusain et la pesanteur se fait de nouveau ressentir.

Si l’énergie que je fournissais pour être en colère n’est plus, des questions rester en suspend manquent  maintenant d’assurance. Je prends mon courage à deux mains pour lui demander « Pourquoi… avez-vous rigolé ? » Avant qu’il n’ait le temps de répondre, nous entendons des rires d’enfants. La mélodie qui est sifflé sur un air lointain ne m’est guère familière mais appâte l’alfar bleu. Je prends dans mes bras le balais qui ne bouge plus d’un pouce et suis, curieuse, l’homme. Nous arrivons dans une clairière où dansent des dizaines d’enfants, si petits qu’il m’est difficile d’avancer sans en écraser un. Certains disparaissent sous mes pieds pour réapparaître plus loin. C’est un vrai champ de bataille. Ils n’interagissent aucunement avec nous. L’Alfar fixe un point qu’il prend pour cap. Nous nous rendons vers un petit groupe de filles habiller en frous frous qui gloussent et se chamaillent. L’une d’elle fait tomber quelque chose au sol, que le bleu s’empresse de ramasser et lui redonne. « La pelure de pomme est en forme de L. » piaillent-elles à l’unisson. « Le nom de ton mari commencera par L. » admet l’une des filles à l'éplucheuse.


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Sam 06 Mar 2021, 14:18


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L’endroit est enchanteur, joliment cerné par les bois mauves qui rendent ce lieu idéal pour être tranquille. Il le serait, si des bandes d’enfants ne courraient pas à tout va, braillant comme des mouettes. J’ai rapidement perdu l’intérêt de bavarder avec des petites filles qui épluchent des pommes et parlent de mariage. Quelle idée, si jeunes et rêvant de partager leur couche avec un inconnu, le tout décidé par une épluchure de pomme. « C’est une très belle lettre. » dit l’alfar, acquiesçant ce qu’elles disent « Certains noms de famille commencent par L. » - « A quoi jouez-vous ? Ce n’est qu’un déchet de pomme. Evidemment que ça ne peut pas faire de H ou de F, si on ne l’a pas sculpté. » Je fronce les sourcils. « Qu’elles aillent étudier plutôt ! Si vous êtes bienveillant à leur égard, c’est ce que vous devez leur souhaiter. » Je me penche vers les petits lutins de froufrous, les mains sur les cuisses. « Les filles, n’écoutez pas ce monsieur, étudiez bien et faites vos devoirs. », l’une d’elle peste « C’est d’un ennui ! Nous recherchons nos maris, c’est le destin qui nous le dira. » Le destin, dans une pomme ? « Ne te méprends pas, Az, ce que tu souhaites n’est pas forcément ce que les autres veulent. Et ce que tu crois, peut leur être indifférent. » Sa logique me dépasse. Les études en premier, le reste viendra après. La couche conjugale ne fait pas le bonheur et n’apporte pas d’argent, à moins qu’elle ne soit décidée par les parents. Les miens ont choisi pour moi, malheureusement mon fiancé a fui et cela me nuit. Nous devons le retrouver, pour notre honneur. « Leurs parents feront le choix et ça sera le mieux pour elles. » - « Tu y crois ? Cela te rend heureuse ? » Je reste un instant coi. En quoi mon avis l’importe ? « Si ils sont heureux, je ne peux être que d’accord, oui. C’est pour cela qu’on doit retrouver mon fiancé. » - « Je pose la question à toi, tes parents ne sont pas avec nous et tu n'es pas leur porte-parole. Je t'avoue que nous serions déjà dans le pâturage, si tu voulais vraiment le retrouver. » - « C'est faux. » - « Un simple souhait nous y aurait emmené. » Je plisse les yeux.  « Je ne vous crois pas. » - « Votre fiancé est-il un Roi ? » L'une des fillettes m'interpelle, intéressée par notre conversation. C'est la seule qui, jusque-là, a interagit avec nous. « Hum, je ne crois pas... Je n'ai pas vue de couronne sur sa tête. J'ai à peine eu le temps de le regarder, à vrai dire. » - « Je vous comprends que vous ne souhaitiez pas le retrouver, alors. Venez éplucher une pomme, peut-être que, comme ma sœur, vous tomberez sur la première lettre d'un Roi. Et peut-être que vous en épouserez deux. C'est le destin. » - « Je préférerais tomber sur la première lettre d'une Reine. » - « C'est la même pomme, vous savez que le fruit est l'enfant d'un arbre ? Il n'y a pas de sexe sur un fruit, on y trouve juste des graines quand c'est fini. » - « Laissez tomber, je ne confierai pas mon avenir à une pomme. » - « Tant pis pour vous, en plus une fois épluchée, ça fait une excellente tarte aux pommes. Vous ignorez ce que vous manquez. »

Nerveuse, je balaye l'herbe. L'objet n'a pas quitté mes mains et ne dit rien depuis tout à l'heure. Mes doigts cherchent les aspérités du manche là où la cire n'a pas poli le bois. « Je comprends mieux. » Les feuilles mortes s'entassent et disparaissent, je suis stressée. Je change rapidement de sujet. « Comment ça, elles sont déjà mariées ? Elles ne sont que des enfants, des lutins de surcroît. » - « Certaines sont déjà bien adultes, ta réalité est juste différente. Ton esprit perçoit uniquement ce que tu veux bien accepter. » Bientôt, le fil de la conversation se tord et mon attention se perd sur les arbres. Je n’entends plus, peut-être à cause de mon intérêt qui s'effile. J’aperçois un enfant bleu dans un bosquet qui s’échappe lorsque mes yeux se posent sur lui. Le voir ainsi partir me donne une folle envie de lui courir après, je désire le voir paniquer dans la forêt. Je suis persuadée que ma présence est l'objet de sa frayeur et cela me satisfait. Si tous ici pouvaient fuir rien qu'en me regardant, cela m'arrangerait. « Je reviendrais, Aliénor. » J'abandonne le balais qui se tient debout tout seul. « Ce lutin s’appelle comment, vous dites ? Hum, si vous en nommez une, j’appelle… celle-là… Pommie. » Je désigne la plus jeune, encore bébé. « Viens là Pommie, on va aller dans les bois courir après le garçon bleu. Tu verras, c’est marrant. » - « Non ! » Dès que je prends dans les bras l’enfant de bas âge, elle se met à crier. Horreur. Je ne supportais pas les piaillements sans m’en moquer, alors le pleur d’un bambin est tout bonnement atroce. L'interaction a soudainement assombri le lieu. Toute la clairière est très vite alertée et les lutins qui étaient jusque-là éparpillés se rapprochent de nous, dans un silence qui naguère ne m'aurait pas déplu. L’alfar bleu recule et je l’imite. Le groupe de fillettes alors joviales et ingénues dévoilent un visage déplaisant. Un à un, les enfants se mettent en cercle autour de nous, tout en se tenant par la main. Une comptine s’élève. Le chant parle d’une galette. Jusque-là, évoquer de la nourriture ne m’aurait pas effrayé si l’apparence des enfants ne devenaient pas celles de grandes silhouettes qui entonnent en chœur une chanson sur de la nourriture d'une manière si hostile et striée. Le bébé n’est plus dans mes bras et bientôt, le sol s’évanouit sous nos pas et nous tombons, le Bleu et moi, dans un tunnel d'oubli.

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Lun 08 Mar 2021, 01:31



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J’attrape le bras de l’Alfar bleu tandis que nous nous enfonçons dans les abysses d’une nuit éternelle. Nos corps nagent dans cette étendue sombre, les ténèbres alourdissent nos gestes. Il m’est difficile de rester au près de lui et je n’arrive à articuler aucun mot, comme si l’espace qui nous entoure absorbait les phrases. Je le distingue malgré tout sans lumière et ses yeux, d’un bleu azur, finissent par se poser sur moi. J’ai l’impression d’avoir échoué et j’ai envie de pleurer. Je devine ce que l’on va dire de moi. Je suis faite pour épouser personne. Alors que nous subissons la gravité sans jamais rencontré de sol, il pose ses phalanges sur mon menton et le tourne vers lui. Il parle mais je n’entends rien. Il s’approche, suffisamment pour que je discerne la pulpe de ses lèvres et il se répète. Sss- ...ou-… hai-…. te. Je prends la main qu’il a posé sur mon visage dans la mienne et je crie de toutes mes forces. Sa chevelure, que j’avais jusque-là pensé noire est en réalité rousse. Elle s’allonge tout autour de nous et nous disparaissons dans un éclat.

Étendue dans un champ, je me relève. Le sol est meuble et je commence à m’enfoncer. Je regarde tout autour de moi et je ne le vois pas. « L’alfar ? Où êtes-vous ? » Je ne connais pas son nom, à vrai dire, j’étais bien trop préoccupée par mes propres problèmes pour le lui demander. J’avance dans la tourbière. Il n’y a pas de courant d’air, ni de bruit. Le ciel est sombre et je vois seulement grâce à la lueur de la lune les spectres du paysage immobiles. Je bute contre un objet que je ramasse dans la boue. C’est le balais, inerte. « Oh, le balais, tu sais où l’alfar est allé ? Il était avec moi et…  Tu m’entends ? » Une fois que je lâche l’objet, il retombe lourdement dans la terre. Je le récupère et soupire. Peut-être qu’il frétillera plus tard, je décide de le garder avec moi. Je continue d’avancer et j’inspecte les environs ; à force d’observation, je perçois une chaumière dans le palude. Une fumée s’élève. Je n’ai jamais vu une maison semblable : elle est atrocement simple. Il y a de la chaume et les murs sont de pierres. Je m’en approche suffisamment pour voir si il y a quelqu’un à l’intérieur. En effet, j'aperçois assis dans son fauteuil un bougre qui fixe l’âtre juste devant lui. Son profil ne me rappelle personne, ce qui ne m’empêche pas de quémander son aide. Je toque une première fois aux carreaux. Est-il endormi ? Les vitres ne sont pourtant pas si épaisses, pourquoi est-ce qu’on ne m’entend pas ? Je décide d’aller directement frapper à la porte et, j’ai beau attendre, aucune réponse. Soudainement, des moutons que je n’avais pas vu en marchant se mettent à hurler derrière moi. Je prends peur et mes jambes galopent sans que je n’ordonne quoique ce soit. Je cours à en perdre l’haleine, suivant les faisceaux de la lune qui s’étendent dans les hautes herbes.

Je finis par dévaler une côte et enfin, il est là. Mon fiancé. J’ai comme l’intuition de le connaître depuis toujours, car je pourrais sculpter son profil entre toutes les ombres. D’autres hommes l’entourent, ceux qui sont partis à sa recherche dès qu’il a quitté l’autel. Personne ne bouge. Aucune fête n’est à célébrer, pourtant, je sens que nous allons enfin nous marier. Je fais le premier pas, d’abord en abandonnant le balais que je tiens et je cours vers lui. Une fois à son niveau, je lui presse timidement l’épaule. « Est-ce bien toi ? » - « Oui. » D’un mouvement lent, il se tourne. Je découvre, effrayée, son faciès ; il n’en a pas. Je plisse les yeux, est-ce que je vois mal ? Il lève une main et la pose sur ma tête, comme le ferait un père à son enfant. Je suis figée mais reprends rapidement mes esprits en l’en dégageant. Ce n’est pas une marque d’attention que j’attends de mon futur mari. Comment vais-je faire pour l’embrasser, s’il n’a pas de bouche ? La terre tremble et s’écarte jusqu’à nous ; nous assistons à l’entrée de ma mère, la Géante qui en sort et qui apporte dans son immense main la fête qui se déroulait plus tôt. Tous les convives reposent sur le grand plateau d’argent qu’elle porte et je redécouvre la mélodie entraînante des musiciens du Lotus Rouge, menée par une voix masculine que je reconnaîtrais entre toutes : mon père. Un voile me recouvre, celui que je porte depuis le début. « Promettez-vous de porter votre lignée au plus proche des arts de Dothasi ? » - « Oui. » - « Promettez-vous de chérir les œuvres que vous réaliserez ensemble ? » - « Oui. » - « Promettez-vous d’être loyal et fidèle dans votre couple ? » - « Oui. » Mon père se tourne successivement entre mon fiancé et moi. « Souhaitez-vous prendre Az Sitaasi-» - « Azaar. » - « ...-comme légitime et seule épouse ? » Nous nous regardons. A vrai dire, j’ai davantage l’impression de le percevoir que lui puisqu’il n’a pas d’yeux. « Oui. » - « Vous pouvez embrasser la mariée. » La vue est horrible. Il est laid et plus il se baisse, plus je recule. Ma mère avance un doigt pour me tenir la tête. « Attention, tu risques de tomber ma chérie. » Je ferme les yeux pour ne rien sentir et le monde s’assombrit.


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