Partenaires : Sabrina et Ninon
Objectif : Au sein de Durienrisda, les jeunes vampires que sont Sabrine, ? et Afraah devront continuer à s'habituer à leur nouvelle vie et apprendre à chasser des petites proies.

À genoux, Afraah avait les yeux fermés. Seuls ces derniers auraient pu détacher sa silhouette de l’obscurité. Immobile de la sorte, la jeune femme était invisible, dissimulée dans la pénombre. Sa nature vampirique était récente et Vladimir n’avait pu la « purifier » de ses habitudes humaines. Elle était née pour servir le Créateur et elle n’avait pas cessé de le prier, quand bien même une autre divinité aurait dû absorber sa totale attention. Son géniteur avait des plans pour elle, liés à Lubuska mais il ne se faisait aucune illusion. Ce ne serait pas facile, malgré le lien qui les unissait à présent. Il pouvait se montrer directif. Elle devrait lui obéir en finalité. Seulement, il ne voulait pas non plus l’arracher trop vite à ses habitudes et à cette vie qu’elle avait menée jusqu’ici, une vie qui l’avait attiré, lui.

- Sympan, nous te remercions pour cette opportunité. Toi qui es créateur de toute chose, puissent tes volontés s’accomplir dans ce miracle et puissions-nous obtenir ton pardon à force d’efforts.

La nouvelle lui était parvenue par le biais d’une magicienne transformée récemment. Elle avait accepté le baiser, éperdument éprise de son créateur. Afraah comprenait, petit à petit, que cette attirance qui l’avait rapprochée de Vladimir n’était qu’un piège à la fois grossier et subtile. Grossier parce que les schémas se répétaient. Subtiles parce que sa mise en œuvre était souvent un travail minutieux et de longue haleine. Pourtant, elle se sentait légèrement flouée, surtout depuis que son maître lui avait présenté Horus. Elle qui avait pensé être spéciale pour lui et s’engager dans un lien réciproque qui n’impliquerait qu’eux deux, se retrouvait plongée dans une sorte de cauchemar où elle devait partager le blond avec un autre. Ça ne lui plaisait pas et une forme de jalousie s’était éveillée au fond de son cœur.

Depuis l’arrivée d’Horus, donc, Afraah avait commencé à régresser. Elle apprenait toujours le langage commun, qu’elle arrivait à présent à pratiquer sans trop de difficultés, mais elle était beaucoup moins réceptive aux affaires vampiriques. Elle continuait de suivre Vladimir, de lui parler, d’obéir à ses ordres – puisqu’elle n’avait pas le choix, mais son esprit était ailleurs, vers les contrées de sable chaud du désert et son ancien mode de vie. Si son créateur préférait Horus, qu’il le forme, lui. Si elle valait n’importe quel individu, il ne verrait probablement pas de problèmes à ce qu’elle s’occupe de ses propres affaires. Globalement, elle boudait.

Quoi qu’il en soit, quand la nouvelle de l’apparition de bébés humains lui était parvenue, elle n’avait pu s’empêcher de se plonger davantage vers son ancienne vie. Elle connaissait peu de monde chez les vampires et cette méconnaissance l’empêchait de s’intégrer. Bien sûr, elle était soumise à la même condition que ses semblables. Elle ne pouvait plus faire face au soleil, ni même à son reflet. Elle était souvent prise d’une envie soudaine de sang qu’elle était incapable de réfréner. Elle devait chasser et écouter les conseils du blond. Pourtant, son choix de prendre un deuxième enfant avait brisé quelque chose chez elle.

- Afraah. Debout. Nous partons pour Durienrisda.

Elle n’eut rien à y redire et le suivit. Durant le trajet, alors que son regard contemplait le paysage obscur par la fenêtre de la calèche, il lui expliqua qu’il avait à faire sur ce territoire et qu’elle devrait se débrouiller. Les zones près du camp lui fourniraient un excellent terrain pour s’entraîner à chasser, d’après lui. Il mentionna quelques autres jeunes vampires qu’elle ne manquerait pas de rencontrer et lui expliqua rapidement les enjeux propres à l’endroit.

La nouvelle née réfléchit silencieusement à ces derniers, craignant quelques dangers. Sa condition vampirique récente l’aurait certainement poussée à penser que ces evershas n’avaient rien à faire ici. Pourtant, n’était-ce pas leur territoire de prime abord ? La volonté expansive des suceurs de sang lui semblait disproportionnée. Pourquoi faire ? Pourquoi chercher le conflit alors qu’il y avait sans doute bien des terres encore libres ? Elle se garda bien de poser la question, agacée contre Vladimir. Celui-ci ne semblait pas remarquer son état, ou ne le relevait pas, se disant peut-être que ce ne serait qu’une passade. Il avait tort. Il devrait intervenir pour régler les doutes et faire disparaître la rancœur d’Afraah s’il voulait espérer sa pleine et entière coopération.

- Nous sommes arrivés, dit-il bien plus tard. Trouve-toi de quoi t’occuper.

C’est ainsi qu’elle resta seule au beau milieu d’un campement, la silhouette sombre de son géniteur disparaissant dans une nuit qui semblait sans fin.

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Il avait été difficile pour Sabrina de s’impliquer dans le camp. Sa Créatrice était partie durant un temps incertain, la laissant ici sous la tutelle de quelques gardes vampiriques de la même lignée qu’elle. Sabrina avait eu l’impression de régresser. Comment était-elle censée vivre sans sa Créatrice ? Qui allait donc lui apprendre à chasser ? A se comporter comme une vraie vampire ? Sabrina n’était pas dupe : il fallait qu’elle ouvre les yeux ! Elle n’était plus humaine ! Loin de là. Elle pouvait se raccrocher à son ancienne part d’humanité, ce n’était que de la poudre aux yeux. Elle ne faisait que se bercer d’illusion. Ma chère Sabrina, comme cette période a dû être dure à vivre. Heureusement, cette ère est finie.

Sabrina ne faisait que passer ses journées à se demander ce qu’elle devait faire à présent. Les gardes chargés de sa protection n’arrivaient pas trouver les mots adéquats pour la rassurer et pour lui faire comprendre que cette nouvelle vie serait riche – peut-être plus riche que celle qui avait été la sienne auparavant. Cependant, sa vie d’humaine lui manquait. L’odeur des livres lui manquait. Évidemment, elle pouvait encore la sentir aujourd’hui, mais elle n’était plus la même. Elle ne lui prodiguait plus ce petit frisson de contentement qui allait avec l’ouverture d’un nouvel ouvrage. Son village aussi lui manquait. Elle ne s’était pas rendue compte qu’elle aimait dire bonjour à ces gens qui l’avaient vu grandir. Ses parents et son frère lui manquaient également. Si elle avait été encore humaine, elle aurait ressenti un pincement au cœur à leur souvenir, mais rien ne s’était produit. Et c’était le détail qui la révulsait. Cela la dégoûtait ! Elle se dégoûtait d’elle-même. Comment était-il possible qu’elle ne ressente plus rien pour sa famille ? Elle était devenue une personne horrible ! Une maléfique ! Sabrina avait pensé de nombreuses fois à mettre fin à sa vie. Mais elle n’avait pas trouvé le courage pour cela. Et heureusement pour moi. Comment aurais-je fait sans toi, Sabrina ?

Cette nuit-là, elle avait tourné en rond pendant plusieurs heures, cherchant à se rendre utile. Mais elle était si faible. Elle ne pouvait pas aider à monter ou renforcer les palissades car elle n’arrivait pas à soulever les morceaux de bois … ou alors seulement pour quelques secondes et il lui fallait une bonne dizaine de minutes pour s’en remettre. Elle s’essoufflait rapidement. Elle était tellement fragile. Plusieurs fois, elle s’était pris les pieds dans les cordages lui valant quelques remontrances bien senties. Mais cela ne touchait pas ma Sabrina. Elle s’en fichait même. Si, personne ne l’aimait, qu’importe ! Sa Créatrice l’aimait suffisamment et ceux chargés de sa protection également à leur façon. Qu’elle le veuille ou non, elle était bien entourée. Et de toute façon, je veillais au grain. Je n’aurais jamais laissé quelqu’un lui faire du mal. Elle ne me voyait pas. Pas encore. Mais moi, je la regardais. Je savais qui elle était, et qui elle serait. C’était ma Sabrina à moi.

Sabrina avait fini par aller voir le régisseur et lui avait demandé si elle pouvait lui être utile d’une quelconque façon. Ce dernier lui avait donc assignée la tâche de compter leurs matériaux de construction. Elle s’était donc retrouvée à passer en revue les piquets, les planches, les marteaux, scies et autres composants. Elle ne s’était pas attendue à qu’il y ait autant d’affaires à répertorier. Elle avait essayé d’être efficace mais la tâche n’était pas si aisée que prévue. Elle s’était emmêlée rapidement les pinceaux et elle avait dû compter de nouveau plusieurs articles afin d’être certaine du chiffre à inscrire sur sa feuille de relevés. En faisant cela, cela lui permettait de ne pas penser à Soif qui se faisait de plus en plus présente. Elle savait que cette nuit, elle allait chasser avec l’un de ses gardes. C’était l’une de ses obligations. Elle devait devenir plus autonome et si sa Créatrice n’était pas là, elle devait se débrouiller seule – du moins, sans elle.

Le Vampire était venu la chercher quelques minutes seulement après qu’elle ait eut fini de travailler. Elle était épuisée et s'était demandé comment elle allait tenir durant la chasse. « Ne t’en fais pas » lui avait alors répondu le Vampire, lorsqu’elle lui avait fait part de son appréhension. « Tu seras tellement galvanisée par l’odeur du sang que tu ne sentiras pas ta fatigue. » Galvanisée hein ? Sabrina n’avait pas aimé se dire qu’elle allait apprécier ce moment de chasse. Elle, qui humaine, n’aurait fait de mal à personne, là voilà qui devait chasser et tuer pour se nourrir.

Ils allaient sortir du camp lorsqu’ils étaient passés devant une autre Vampire. Nouvelle née, selon les dires du Vampire accompagnant de ma Sabrina. « Es-tu perdue ? » avait demandé Sabrina sous le regard outré de son accompagnateur. Il n’était pas vraiment commun que les Vampires s’entre-aident entre eux. Surtout s’ils provenaient de lignée différente. Son créateur devait s’occuper mieux de sa progéniture et non la laisser seule au milieu du campement. Qui sait ce qu’il pouvait se passer par ici. Avec ses saletés d'Eversha. Sans compter qu’elle ne devait pas mieux se contrôler que Sabrina. Cela avait donc donné une idée à la jeune Vampire. « Viens donc chasser avec nous ! Tu pourras peut-être apprendre une ou deux choses. » « Sabrina, ce n’est pas des choses qui se font ! » lui avait glissé son protecteur en murmurant agressivement dans son oreille. Sabrina n’en avait que faire. Si elle voulait embrasser sa nouvelle condition de vampire, elle n’allait pas abandonner son altruisme pour autant. Pas pour le moment du moins.

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