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 [A] - La Terre promise

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Mar 19 Fév 2019, 15:16



La Terre Promise


Catégorie de quête : A. Intrigue de race
Partenaire : Solo
Intrigue : En réflexion depuis bien longtemps sur la situation angélique, Edwina a réussi à convaincre quelques Faes de l'aider dans sa quête. Cela étant, ne sachant pas si le projet aboutira ou non, la Souveraine a décidé de ne pas en rester là et de partir vers une destination incongrue et dangereuse : les Terres Glacées. Bien décidée à y aller seule, sachant que quelques Magiciens y vivent, elle est néanmoins rejoint par un individu inattendu avec lequel elle devra bien discuter durant le long voyage qui les attend. Seulement, les démons du passé ne sont jamais loin et quelque chose va venir mettre à mal le trajet qui s'avérait pourtant tranquille. L'Apakan devra gérer la situation jusqu'aux termes du voyage, une situation qui s'améliorera de jour en jour. Une fois sur les Terres Glacées, une toute autre quête commencera pour les deux Souverains, une quête de la plus haute importance et ne devant échouer sous aucun prétexte.

[A] - La Terre promise  555969singatureBLACKOSS

« Hum. ». La conversation avec l’Apakan avait bien du mal à aboutir à quelque chose de concret. Edwina se sentait coupable, au fond, de ne pas lui avouer qu’elle avait joué avec ses lèvres et qu’elle était la cause de ses émotions étranges. Lui, fraichement couronné, la fixait en coin, ne comprenant pas pourquoi est-ce que ses sentiments avaient progressivement évolué. Il la voulait tout comme il désirait Perséphone. Il n’était pas idiot au point de penser que la coïncidence était liée au hasard. Il n’osait simplement pas poser la question. Ce n’était pas de la lâcheté mais il savait que la réponse ne lui plairait pas. Il attendait sans doute qu’elle avoue, aussi. « Pourquoi m’avoir suivie ? ». « Le mal des Jardins, sans doute. » répondit-il, un brin sarcastique. Elle le prenait vraiment pour une truffe. « Je vous espionne, Majesté. Je me suis dit que je devais venir car c’est de mon devoir. ». « Bien sûr. Comme ça, il n’y a que des substituts pour veiller sur nos Royaumes respectifs. Très intelligent. ». « Pas avec moi. Je sais que vous disposez d’un réseau d’espionnage réellement étendu. Les vôtres seraient en sécurité quand bien même tout le gouvernement venait à y passer. Vous y avez veillé durant des siècles. Les protections s’activeraient, les Gardiens se réveilleraient. ». Elle était étonnée de ses connaissances. « C’est pour ça que vous avez laissé l’autre. Pour ça et parce que… ». Elle s’était approchée de lui, trop près. « Chut, Erwan. Si vous parlez trop, je devrais vous couper la langue. Ce n’est pas dans mes projets. ». Il sentait son parfum et dut faire œuvre de magie pour y résister. C’était agaçant et la question finit par fuser. « Que m’avez-vous fait, Edwina ? ». « Vous qui êtes censé m’espionner… ». Elle lui paraissait légèrement différente, moins impressionnable, plus venimeuse. Le changement n’était sans doute pas lié à l’altitude. Ils volaient dans un bateau enchanté qui devait les conduire sur les Terres Glacées. « Hum. Je ne sais pas comment vous dire ça, en réalité. Cependant, à moins que vous ne changiez d’avis, nous allons devoir rester ensemble un long moment et la franchise me semble la meilleure solution. Cela lavera ma culpabilité. ». « Il n’est pas sûr que je vous pardonne. ». « Les Anges pardonnent toujours. ». « Préjugé idiot. » s’amusa-t-il. Il haussa les épaules. « Enfin, comme on dit : faute avouée, à moitié pardonnée. ». « Oui, et il vaut mieux demander pardon que la permission. ». Il sourit, elle aussi. « Le problème c’est que c’est compliqué. ». « Et nous avons tout notre temps. Je vous aurai vu nue au moins une fois avant la fin de ce trajet et, qui sait, sans doute tomberai-je même amoureux de vous par dépit puisque vous êtes la seule femme ici. ». Il plaisantait, bien sûr, un trait de caractère qui ne lui ressemblait pas le moins du monde. Aux Jardins, il était sérieux, carré, droit. Le voyage lui donnait un nouveau souffle, en quelque sorte. « Je pense que vous me préférerez sans doute un oiseau migrateur. ». « Actuellement, je dois avouer que mon corps et mon esprit sont assez focalisés sur vous. Et cette Ange que je dois épouser, étrangement. Pour être franc, je ne comprends pas moi-même mon ressenti. J’arrive à le maîtriser grâce à ma magie mais vous savez comme moi que nous n’avons jamais été proches. Je vous agace. Je vous exaspère. Mes pensées extrêmes vous dérangent. Et vous m’irritez également, avec vos manières, votre façon d’être attachée au Diable, vos actions qui paraissent idiotes et décousues, comme si vous ne viviez pas dans le même monde. Et même ce physique que vous me montrez et qui n’est pas le vôtre. Tout ceci m’agace. J’ai envie de vous embrasser, pourtant. ». « Cela ne ferait qu’attiser le mal. ». « Ça me soulagerait, je pense. Faites-le et expliquez-moi, ensuite. ». Ses paroles, bien que douces, avaient sonné comme un ordre. « Nous sommes sur le même bateau, je vous le rappelle. Et je ne changerai pas d’avis. Je vais rester ici et aller en Terres Glacées avec vous. Vous me connaissez mal mais si je fus un soldat particulièrement efficace, c’est aussi parce que je suis incroyablement têtu. ». « Cela devrait être considéré comme un péché, je pense. Mais soit. ». Elle déglutit et s’approcha. C’était étrange. Elle avait appris à le connaître en tant qu’Ange et il lui paraissait différent, moins agaçant, plus humain. Elle se pinça les lèvres, soudainement plus impressionnée. Elle avait l’habitude qu’on la force, pas d’embrasser d’elle-même. « J’attends, hein. » fit-il d’un ton moqueur. « Oui ça va. ». Elle finit par poser ses lèvres sur les siennes, un baiser qui s’éternisa plus que nécessaire. Il en ressentait un étrange bien-être, un apaisement profitable. Elle lui semblait être moins savoureuse, moins irrésistible. Il soupira d’aise, arrêtant par la même occasion de se contenir par magie. Les yeux dans ses yeux, il éloigna son visage avant de le rapprocher de nouveau, répétant le baiser sans trop savoir pourquoi, comme s’il pouvait en tirer une sérénité encore plus grande. « Cela restera entre nous. ». « Certes. » murmura-t-elle.

Quelques minutes plus tard, ils étaient tous les deux assis sur les marches menant au pont supérieur. L’heure des confidences, en somme. « Comment dire ? Il se trouve que je vous ai maudit. ». « Vous autres Magiciens êtes tellement sympathiques… ». « Arrêtez de vous moquer. ». « Je fais ce que je peux pour ne pas vous étrangler. ». « Je vous ai maudit en vous embrassant. Vous devez vous en rappeler. ». « Oui, j’avais déjà voulu vous étrangler ce jour-là. ». « Eh bien je vérifiais une théorie concernant le Diable qui… est maudit aussi. Seulement, contrairement à vous, ce n’était pas vraiment de mon fait. Il m’a embrassé. Il en paye encore aujourd’hui les conséquences. ». « Ceci explique cela. ». « Voilà. Depuis je cherche un moyen de briser le charme. ». « Et vous vous êtes dit qu’en prenant plusieurs cobayes, des gens que vous n’aimiez pas de préférence, ça pourrait vous aider à comprendre. ». Dit comme ça, c’était assez terrible. « C’est ça mais vous savez déjà que je ne vous aimais pas, à l’époque. Je ne vous cache donc rien. ». « À l’époque ? ». « Hum. En fait… entre temps, des Anges m’ont parlée de la Couronne angélique, que je suis allée chercher. ». « Par les Ætheri… » souffla-t-il. « Vous vous foutez de moi ? ». Il s’était levé d’un bond, apparemment remonté. « Mais vous êtes totalement folle ma parole ! Vous avez vraiment tout mis en scène ? Jusqu’à votre enlèvement par les Démons ? Sincèrement… Moi qui avais imaginé qu’elle était liée à vous d’une manière ou d’une autre… De là à penser que c’était vous… Et puis, qui vous a confié le secret de la Couronne ? Qui aurait pu faire ça ? ». « Je hum… c’est compliqué, je vous l’ai dit. Et je n’ai rien mis en scène du tout. Il se trouve qu’un Démon a failli me tuer le jour où vous m’avez récupérée… j’ai juste, disons, profiter de la situation par la suite. ». « Profiter ? ». Il ferma les yeux et expira. « D’accord donc depuis tout ce temps, vous vivez chez moi… Mais comment est-ce que vous avez fait ? Je… Comment vous avez pu gérer les deux ? Être l’Impératrice Blanche et Perséphone à la fois… ». « Vous n’êtes pas souvent chez vous. ». « Ingénue qu’ils disent… Vous êtes totalement timbrée, oui ! ». « Je sais. Je sais. Bon, écoutez, de toute façon, si j’avais fait autrement, vous ne m’auriez jamais écoutée. Vous vous souvenez ? Nous ne nous aimons pas. Des Anges ont cru bon voir en moi la prochaine Apakan, c’est tout. Je ne comptais pas vraiment exaucer leur vœu mais vous devez avouer que la politique d’Asriel était problématique. ». Il fit un mouvement un peu brusque, plaquant ses mains sur ses épaules, ce qui eut pour effet de la faire heurter les marches derrière elle. À moitié sur elle, il la dévisagea. « Ne me dîtes pas que vous l’avez tuée… ». « Non mais je sais qui. ». « Qui ? ». « L’Impératrice des Deux Rives. ». « Comment le savez-vous ? ». « Je l’ai croisée en partant de chez vous, dans un souterrain. ». Erwan se laissa tomber à côté d’elle, soudain extrêmement fatigué. Le silence s’installa. « Donc vous avez la possibilité de vous transformer en Ange… ». « Oui. ». « Et vous ne savez pas comment faire en sorte que j’arrête d’entrer en érection à chaque fois que vous êtes à côté de moi ? ». « Non. ». « J’aimerais vous détester, croyez-moi. ». « Vous en avez le droit. ». « C’est sûr. Seulement, j’avoue que vous m’impressionnez assez. Je ne suis pas ravi de m’être laissé berner mais je me dis que nous pourrions réussir à faire quelque chose, vous et moi. Autre chose à m’avouer ? ». « Hum… J’ai hum… convaincue quelques Faes de m’aider par rapport à la cause angélique. L’objectif serait de créer un conte dans lequel les personnages, Anges, seraient capables de procréer, et de les en faire sortir. ». Il y eut un silence durant lequel l’Apakan se frotta l’arrête du nez avec son pouce et son index. « Vous êtes… Est-ce que vous êtes toujours Magicienne ? ». « Oui. ». « Bien. Ne changez pas de camp, sinon je vous éliminerai rapidement, histoire d’être sûr de ne pas me réveiller un matin en m’apercevant que, durant la nuit, vous avez annihilé tous les miens dans le plus grand secret sans que personne ne s’en rende compte. ». Il se leva. « Je vais digérer ça. Nous nous verrons plus tard, quand j’aurai décidé si je vous étrangle maintenant par prévention ou pas. ». Il sourit mais ça se voyait qu’il était déstabilisé.

Edwina resta un instant seul, de longues minutes pendant lesquelles elle réfléchit à la suite. Erwan ne lui pardonnerait pas de ci-tôt et pourtant… pourtant, elle avait vu dans son discours une ouverture. Un léger bruit attira son attention vers une silhouette inconnue. « Vous vous souvenez de moi ? » fit l’homme, ses mots accompagnés d’un sourire enjôleur. Il semblait jouir de l’instant d’une façon qu’elle ne comprenait pas. « Non, hein ? Dommage. Parce que, moi, je me souviens de vous. ». Il s’approcha. « Vous finirez par vous souvenir, ne vous inquiétez pas. En attendant, je gagne la manche. » susurra-t-il à son oreille avant de murmurer quelques paroles dans une langue oubliée. La Reine Blanche sentit son cœur s’arrêter de battre d’un seul coup. L’air devenait irrespirable. Un bruit étrange s’échappa d’entre ses lèvres et elle vacilla. Son corps tomba sur le bois du pont, dévalant les quelques marches sur lesquelles elle était assise précédemment. Il la regarda un instant. « Tu m’as donné du fil à retordre cette fois, j’avoue. » souffla-t-il, comme si elle pouvait encore l’entendre. Il fit un geste de la main, créant un portail noirâtre. D’un geste ample, il se lança à l’intérieur et disparut.

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Mar 19 Fév 2019, 21:49



La Terre Promise


Jour un.


J’ai l’impression que cette journée ne finira jamais. Alors que j’avais enlevé mon haut et m’apprêtais à m’allonger sur ma couche pour réfléchir à ce que l’Impératrice Blanche venait de m’avouer, quelque chose se produisit en moi. Je sentis, à ce moment précis, une forme de soulagement, un sentiment libérateur mais, d’un même temps, déprimant. On venait de m’enlever un fardeau qui, je m’en rends compte à présent, possédait néanmoins de délicieux aspects. Je ne savais pas d’où ceci venait. Était-ce elle ? M’avait-elle fait quelque chose de particulier ? Je suis alors sorti de ma chambre, sans réellement prendre le temps de me rhabiller, me surprenant à être, soudainement, inquiet. L’embarcation trembla à cet instant, comme pour m’avertir du drame. Lorsque j’arrivai à l’endroit exact où elle et moi nous trouvions quelques minutes auparavant, c’est son corps que je découvris, étendu là, inerte. Que les Ætheri m’en soient témoins : quand bien même nous nous étions quittés sur une situation complexe, j’ai essayé plusieurs fois de la ranimer. La faire revenir à la vie aurait dû être aisé pour moi mais…


« Edwina ! ». Erwan passa son bras derrière le dos de l’Impératrice Blanche pour la redresser. Sa main libre se posa sur son cou, cherchant un pouls inexistant. « Edwina ! » répéta-t-il plus fort. Ce n’était pas le ton du désespoir, il était bien trop ferme pour cela. L’Apakan ne perdit pas un instant, faisant glisser ses doigts sur elle. Une douce lueur blanchâtre s’en extirpa sans que celle-ci ne produise le moindre résultat. Il fronça les sourcils, ne pouvant s’empêcher de penser à la situation. Il devait sécuriser les lieux. Rapidement, il déploya le Sanctuaire d’Ahena, s’assurant que nul être n’essaierait d’attenter à ses propres jours. Une fois qu’il fut sûr que la violence et les envies néfastes s’étaient retirées, il répéta l’opération, sans plus de résultat. Elle était morte, sans qu’il ne sache ni comment ni pourquoi. Erwan ferma les yeux et fit œuvre d’une toute autre forme de magie, une magie temporelle. Sans quitter le présent, il fut le spectateur silencieux des événements passés, avisant l’homme aux longs cheveux rosés. L’expression de la Tisseuse lui fit rapidement comprendre qu’elle ne le connaissait pas. Lui non plus, il ne l’avait jamais vu. Pourtant, s’il avait pu annihiler une Souveraine avec autant de facilité, il devait faire partie de ces Grands. Certains n’étaient pas connus, traversant les Ères dans le plus grand secret. Erwan le fixa et… « Quoi ? ». Juste avant de disparaître dans le portail, le meurtrier avait regardé dans sa direction. Un clin d’œil fusa, comme une ultime provocation. Erwan plissa les yeux. Il ne savait pas qui était ce guignol mais il allait le trouver et lui faire payer. Son regard vint se poser de nouveau sur la Reine. Il l’avait remarqué sans le noter, plus tôt, mais elle n’avait pas le même physique. Il sourit tristement. Elle avait décidément bien des secrets. Il s’en approcha de nouveau et passa ses doigts dans ses cheveux. Ils étaient doux. « Merde ! » clama-t-il en retirant vivement sa main. La chevelure rêvée s’était changée en serpents virulents. L’un d’eux l’avait mordu. Ils remuèrent encore un peu mais ne tardèrent pas à périr à leur tour, suffocant sur le sol. Erwan tomba sur les fesses, foudroyé par un poison qu’il s’empressa de faire disparaître. Après quelques secondes, il soupira. Le poids de la réalité le désespérait légèrement. Qu’allait-il faire, à présent ? Rentrer ? Annoncer aux Magiciens que la Belle était morte alors qu’il se trouvait avec elle ? Qu’il avait été incapable de la protéger ? Qu’il avait survécu, lui que tous savaient ne pas l’apprécier ? C’était bien trop suspect. « Bordel. » murmura-t-il tout en serrant les dents. Devait-il se rendre sur les Terres Glacées ? Il ne savait même pas où est-ce qu’elles se trouvaient. C’était elle qui savait. Elle qui avait décidé de cette expédition. Il ramena ses genoux contre lui, cachant son visage derrière ses mains de lassitude. La situation était complexe. Il devait réfléchir pour faire au mieux… le mieux dans le pire. Curieusement, il se sentait dévasté par sa mort. Il n’aurait su l’expliquer.

Mais quelque chose d’inattendu se produisit.

Erwan releva soudainement la tête. Est-ce qu’il avait bien entendu ? Il tendit l’oreille, incrédule. Des pleurs résonnaient sur le navire. Où ? Il bondit presque instantanément, ouvrant ses ailes pour se donner l’élan nécessaire. Quelques minutes plus tard, ses yeux se fixèrent sur un nourrisson. Une petite fille se trouvait par terre, les yeux baignés de larmes, la bouche grande ouverte. L’Apakan la regarda un moment sans oser bouger. Était-ce ?

À ce moment, je ne sais pas pourquoi, mais j’eus la certitude qu’il s’agissait de l’Impératrice Blanche. La coïncidence était trop belle, trop parfaite, pour qu’elle ne soit que le fruit du hasard. L’Éternité du Phénix… une magie à la fois belle et maudite pour quiconque aimerait trouver le trépas un jour. Je compris d'un même temps que ce don était sans doute l’une des raisons qui empêchait la Belle d’avoir peur de la Mort. Elle ne pouvait pas mourir. Ce fut et c’est encore ma théorie, bien que je n’en sache pas beaucoup plus à l’heure actuelle, maintenant que le bébé dort dans ma chambre. Je ne suis pas beaucoup plus avancé concernant mon voyage et les possibilités qu’il me reste. Rentrer ? Continuer ? Le pouvoir qui est le sien est bien mystérieux et je ne sais de quoi sera fait demain. Restera-t-elle petite longtemps ? Je me dois d'attendre un peu.


Elle grandit particulièrement vite. Il ne fait plus aucun doute qu’il s’agit de l’Impératrice Blanche. Notre navire est à la dérive mais elle n’a pas encore récupéré assez pour que je puisse lui parler des Terres Glacées. À cause de sa magie, la moindre chute est susceptible de devenir une catastrophe. Je dois l’éduquer. Heureusement, elle avait prévu assez de vivres pour tenir un long moment. Lorsque je la gronde, sa chevelure me menace. Ces serpents sont un véritable fléau. Néanmoins, j’ai réussi à instiller la peur chez elle. La première fois qu’elle a évoqué le Diable, je suis entré dans une colère noire ; faussement noir. Je l’ai impressionné, tellement que la deuxième fois, elle n’a fait que susurrer son prénom. J’ai recommencé l’expérience et continuerai jusqu’à ce qu’il représente le mal absolu, l’engeance à laquelle elle n’osera plus penser, jamais. Puisque les Ætheri ont souhaité que je la suive dans son périple, puisqu’ils ont voulu faire de moi celui qui s’occuperait d’elle pendant ce temps, il semble de mon devoir de corriger les erreurs du passé, afin de remettre les choses dans le bon ordre. J’effacerai de son esprit l’appel des péchés pour la rendre vertueuse. J’ignore si elle m’en voudra, si ces modifications mineures auront des répercussions à l’avenir, mais je préfère prendre le risque. Je veux en faire une alliée de confiance. La confiance : la base fondamentale de toute amitié naissante. Je veux pouvoir compter sur elle dans le futur et que cette affirmation soit réciproque. J’ai touché du doigt l’étendue de ses possibilités et je ne peux prendre le risque de la faire regarder vers le mal de nouveau. Elle restera dans le droit chemin. Elle apprendra les vertus et les acceptera comme une ligne directrice censée guider son existence.

« Edwina, regarde ! ». Erwan pointa son doigt vers la lune. L’enfant, d’environ six ans, fronça les sourcils. « Je ne m’appelle pas Edwina. » fit-elle d’une voix agacée. L’Apakan la fixa. « Ah bon ? Première nouvelle. Sans doute voudrais-tu partager ton véritable prénom avec moi, dans ce cas ? ». « Je ne sais pas. Est-ce que tu le mérites ? ». Il s’accroupit pour la regarder bien en face. « Donner son prénom à quelqu’un n’est pas quelque chose qui se mérite. Il n’y a rien à mériter. Tu as un prénom, si tu veux pouvoir tisser des liens, il vaut mieux que tu ne mentes pas. Si tu mens, les gens se détourneront de toi. Tu comprends ? Seule la vérité compte, surtout si tu désires avoir des amis. ». « Tu veux être mon ami ? ». « Peut-être. ». « Tu es trop vieux pour être mon ami. Tu es plutôt comme un père ; j’imagine. ». Un père un peu incestueux alors si on partait du principe qu’il l’avait embrassée plus d’une fois avant qu’elle ne meure. « Raison de plus pour ne pas me mentir alors. En tout cas, moi, j’aimerais vraiment connaître ton prénom. Si ce n’est pas Edwina, alors, c’est quoi ? ». « Huuuum… » fit-elle, faisant mine de réfléchir. Elle avait vraiment des attitudes de petites chipies. « Cassandre. ». Erwan ne savait qu’en penser. Il ne lui avait jamais connu un tel prénom. Mentait-elle ? Il ne voyait pas pourquoi elle le ferait. « Et comment ça se fait que tout le monde t’appelle Edwina ? ». « Ils sont bêtes. ». « Bon ben je vais arrêter d’être un idiot à partir d’aujourd’hui alors » dit-il en souriant, avant de se relever. « Dis-moi, Cassandre. Que penses-tu de la lune ? Qu’est-ce qu’elle t’inspire ? ». « La magie, je crois. » fit-elle tout en unissant ses mains entre elles. Une forme apparut alors et grandit, une sorte de volute éthérée qui se projeta vers la lune avant de se transformer en centaine de papillons. L’enfant tourna les yeux vers l’Apakan. « Tu sais danser ? ». « Je suis un guerrier, tu sais. ». « Est-ce que tu sais danser ? » répéta-t-elle. « Pas vraiment mais tu peux m’apprendre, si tu veux. ». « D’accord. Viens. Tu mets ta main là, et l’autre là. Les pas sont basiques… ». Elle sourit. « Suis-moi. ». Sans un mot de plus, elle se mit à chanter, Erwan se laissant prendre au jeu. C’était intéressant. Il n’avait pas besoin qu’elle lui enseigne de vive voix. C’était comme si son chant lui indiquait ce qu’il devait faire. S’il ne résistait pas à la voix de Cassandre, son corps se laissait guider. Il ferma les yeux un moment, oubliant la situation complexe dans laquelle ils étaient. Finalement, les mouvements lui rappelaient ses entraînements martiaux. Sa silhouette se mouvait sans difficulté. Il avait toujours été agile. Ses muscles étaient fins et lui permettaient bien des marges de manœuvre.

Il ne rouvrit les yeux que lorsqu’il sentit un contact froid sur sa peau. Il neigeait. Il baissa les yeux sur elle. Elle souriait, visiblement ravie de le sortir de ses rêveries. Ils dansèrent longtemps, sous le regard de la lune et des étoiles, à bord d’un navire qui volait entre les nuages sans qu’il ne sache, au juste, s’il dérivait ou si, inconsciemment, la Belle avait maintenu le cap. Il se posait mille questions à son sujet. Cassandre. Pourquoi avait-elle caché son prénom jadis, alors qu’elle était Reine et puissante ? À cause d’ennemis à ses trousses ? Ceci aurait expliqué cet homme mystérieux, sorti de nulle part pour la tuer. Peut-être.

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Lun 25 Fév 2019, 11:34



La Terre Promise


« Cassandre ! ». Le ton était sec. Erwan n’eut guère à préciser ses propos. Elle les connaissait déjà. Leur effet fut immédiat sur les traits de son visage. Il l’agaçait à exiger d’elle une chose pour laquelle elle n’était visiblement pas douée. La lueur bleutée qui avait commencé à apparaître dans la paume de sa main se résorba néanmoins, signe qu’elle écoutait l’Apakan. Il était autoritaire et elle n’était qu’une enfant. Parfois, elle lui tenait tête mais il excellait dans le don de faire disparaître son animosité. Il savait l’apaiser et les rares fois où lui-même avait haussé la voix concernaient les Démons. C’était un sujet sur lequel il demeurait intraitable. Pourtant, ils parlaient beaucoup. Ils discutaient du Monde, de la politique, d’absolument tout. Elle posait mille questions, n’étant plus tout à fait sûre de certaines choses, de certains de ses propres souvenirs. « Allez ! » fit-il, pour la presser d’utiliser l’arme qu’il lui avait fourni.


Sa croissance semble réellement longue mais l’horizon semble s’éclairer légèrement. Les vivres ne sont plus un problème puisque l’Impératrice possède le don de les façonner. Nous partageons donc les repas qu’elle fait apparaître. Je pense qu’elle a un goût prononcé pour les amandes et les mangues. L’entraînement se passe pour le mieux. Elle résiste légèrement au maniement de certaines armes, préférant de loin la magie. Je pourrais lui accorder ses volontés si l’enjeux n’était pas aussi grand. Je veux en faire une guerrière, qu’elle soit parfaite dans absolument tous les domaines. Les Ætheri m’ont donné la chance de pouvoir l’éduquer, et même si je ne cesse de le répéter dans ces notes, je ne passerai pas à côté d’une telle opportunité. Elle doit devenir encore plus agile, sa silhouette doit se sculpter davantage pour que, peu importe la situation, avec ou sans magie, elle puisse venir à bout de ceux qui voudront l’éliminer. Je connais les risques et suis prêt à les assumer. Demain je commencerais la deuxième étape du mon projet. Pour la troisième, ni elle ni moi ne sommes prêts. Utiliser l’artefact devant elle, avec elle, ne me semble pas une idée judicieuse en l’état actuel des choses. Ce voyage s’éternise sans que je n’arrive à savoir si nous allons dans la bonne direction. Pourtant, là encore, je crois que les Dieux y sont pour quelque chose. Nous verrons si j’ai raison.

« Allez ! » cria-t-il, pour encourager la jeune femme. Elle lui semblait bien plus à l’aise. Ses mouvements étaient devenus fluides à force d’entrainement. Seulement, à présent, il ne s’agissait plus seulement de combats préparés. Elle avait appris les coups, elle devait les appliquer contre lui. Il était bien meilleur qu’elle. Il avait servi l’armée toute sa vie durant. Les lames s’entrechoquaient mais il n’hésitait jamais à lui couper la peau ou à la frapper lorsqu’elle laissait la moindre ouverture. Elle devait devenir indestructible. Erwan était exigeant, bien plus qu’il ne l’avait jamais été avec aucun de ses élèves. Cassandre n’était pas comme il l’avait imaginée, par le passé. Au début, il avait pensé que le Phœnix avait fait son œuvre, l’avait changée, mais il s’était rendu compte qu’il ne la connaissait tout simplement pas, qu’il n’avait jamais voulu la connaître. Comment une personne proche d’elle aurait pu passer à côté de sa fausse identité ? D’un physique tronqué ? La vie d’Edwina n’était qu’un mensonge, un mensonge suffisamment puissant pour dissimuler sa véritable généalogie. Il ne lui en avait pas reparlé mais le ferait, bientôt.

Il sourit, constatant qu’elle était en sueur et qu’elle ne l’avait toujours pas touché. C’était normal. Il ne l’aurait jamais formulé lui-même mais il était excellent. Sans utiliser sa magie, qui lui permettait d’amoindrir les surprises, voire de les faire disparaître, son corps était modelé pour la guerre. Il aimait se battre, peu importe le style de combat choisi ou le type d’arme. Petit déjà, il avait su qu’il serait soldat. Il n’aurait jamais cru, cela dit, devenir Roi. Le regard vif, il balaya les jambes de son adversaire, la faisant tomber au sol sans le moindre ménagement. « Tu dois être plus vive, Cassandre. Tu te concentres trop sur le haut de ton corps, pas assez sur le bas. ». En fait, elle alternait. Lorsqu’elle pensait à ses jambes, sa garde se baissait. Lorsqu’elle réfléchissait à une tactique, ses yeux scrutaient toujours la même direction. Plus le temps passait, plus il arrivait à lire en elle. Seulement, il sentait bien que quelque chose se préparait. « Ta forme me trouble. » fit-elle, au bout d’un moment. « C’est normal, c’est fait exprès. » répondit-il tout en revenant à une position neutre. « Si je te trouble déjà alors que je ne suis pas lui, imagine le jour où il viendra pour te tuer ; parce qu’il va venir. Je te l’ai dit : personne ne peut faire confiance aux Démons. Regarde où ça t’a menée : à la mort. ». Il la fixait d’un air grave, afin de lui faire comprendre qu’il ne plaisantait pas avec ça. « Tu as émis l’hypothèse que tu ne pouvais pas mourir et, certes, c’est vrai. Cependant, crois-moi, il y a des choses bien pire que la mort. Un Démon ne va pas te tuer en sachant que le Phœnix t’a choisie, Cassandre, mais il peut te laisser souffrir des siècles, dans un état très proche de la mort, tellement que tu imploreras Ezechyel de venir mettre fin à tes jours. ». Il resta silencieux un moment. « Les Anges et les Démons sont en guerre depuis la nuit des temps. Par le passé, les miens ont toujours veillé à rester sur leurs gardes, à s’améliorer, encore et encore, pas pour tuer les êtres démoniaques, mais pour être certains de pouvoir les maîtriser, peu importe ce qu’ils tenteraient. Bien sûr, Delix fut un cas à part, une anomalie, sans doute guidé par des Ætheri vengeurs mais je me plais à croire que les Anges ne tuent pas sans raison. Ils apparaissent pour sauver autrui, pour sauvegarder ce qui est attaqué, pour contribuer à l’équilibre et à la paix. Ils sont, en quelque sorte, des garde-fous. ». Il s’accroupit. Il avait changé de forme dès le début de son discours, conscient qu’il ne pouvait se permettre d’être aimable avec une apparence démoniaque. Ce qu’il cherchait à faire ne devait comporter aucune ambiguïté. « Tu sais, j’en suis sûr, qu’à part pendant l’Ère de la Purge Salvatrice, où les Anges eux-mêmes ont combattu Delix, l’Histoire ne comporte pas la moindre trace d’une possible extinction due à nos actions. Nous avons soutenu des camps, certes, mais toujours pour des raisons qui nous semblaient contribuer au bien-être du plus grand nombre et à la sauvegarde du plus de vies possibles. Tu as vécu ces Ères, alors tu sais. L’œuvre des Sorciers n’a jamais apporté le bien-être, pas plus que l’œuvre des Démons. Ce n’est pas pour rien que la majorité des peuples s’accorde pour leur donner un statut de maléfiques. Ils ne sont pas maléfiques en eux-mêmes mais maléfiques par rapport aux autres races. Ils sont mauvais parce qu’ils sèment le chaos et la désolation autour d’eux. Ils attaquent sans raison et sont la cause des guerres par leurs actes néfastes. Ils ne bâtissent rien qui pourraient favoriser autrui sans les avantager eux-mêmes. Ils agissent par opportunité. Pas comme toi ». Il s’arrêta un moment. « Tu vois, quand tu as décidé de sauver les Anges que tu pouvais, par exemple, quand tu as décidé de nous accueillir dans les Jardins de Jhēn, tu as pris un risque. Ça ne t’apportait rien de le faire. Certains diront que tu as agis de la sorte pour protéger ta pureté aux yeux du monde mais c’est faux. Tu l’as fait pour nous aider, comme tu as accueillis les Humains de Haute-Terre dans cet objectif. Tu n’avais rien à y gagner. Et, sincèrement, de toi à moi, je ne pense pas que ton objectif de vie soit de te faire passer pour une femme bienveillante. Tu es simplement bénéfique. ». Il lui sourit. « Finalement, peu importe tes pensées, peu importe tes mots, ce que tu es se reflète dans tes actes. ». Ses deux mains vinrent saisir délicatement les cheveux de la jeune fille, afin de remettre correctement l’élastique qui les attachait. À force d’entrainement, il était descendu, libérant quelques mèches rousses rebelles. « Ne permet à personne de te laisser croire que tu pourrais être maléfique. Moi aussi, tu sais, parfois, je me dis que tout serait plus simple si j’exterminais les races néfastes. Pourtant, tu vois, je ne m’en prends pas aux Sorciers ou aux Ondins. Si je combats les Démons, c’est parce qu’ils torturent actuellement des innocents, juste pour le plaisir de le faire. Tu m’as dit, il y a quelques jours, que leur Roi était intelligent et pas aussi terrible qu’il en avait l’air. Je ne le crois pas. Un Souverain digne de ce nom contrôlerait ses sujets. Un Souverain digne de ce nom ne permettrait pas une telle barbarie, sauf à ce qu’il soit aussi cruel que ceux qui l’entourent et l’ont choisi comme représentant. Alors tu vois, il n’y a que deux possibilités : soit Azmog se complaît dans la situation, soit il n’a aucun contrôle sur celle-ci. Et dans ce dernier cas, il ne devrait plus être Roi très longtemps. Dans toutes les situations, tu ne dois plus douter, jamais. Rappelle-toi ce qu’il s’est produit sur les Terres Arides. Rappelle-toi que ce Démon t’a poussé à tuer des innocents pour pouvoir t’en sortir ; que si tu ne l’avais pas fait, il t’aurait éliminée. Il t’a forcée à faire un choix presque impossible, un choix qui te hante dans tes songes, encore aujourd'hui. ». Il passa derrière elle et tressa ses cheveux. « Tu as été choisie par les Dieux pour être l’Impératrice Blanche. Les Ætheri t’ont permis de nous aider et, depuis le génocide, tes actes démontrent que c’est ce que tu souhaites faire. Je suis convaincu que si je suis à tes côtés aujourd’hui, c’est pour t’aider à mon tour, pour profiter de ta jeunesse renouvelée pour t’apprendre ce que je sais. Je crois en toi et je ferai de toi une guerrière accomplie. Tu feras ce que tu souhaites de mon enseignement. Je ne crois pas avoir tort sur ton compte mais si jamais cela devait arriver alors j’en paierai le prix. Tu pourras me tuer parce que j’aurai échoué, parce que je ne me serai pas montré digne de mon rang. Pourtant, quand je te regarde, je ne vois pas le mal. Je vois le bien qui lui barre la route. C’est pour ça que je t’entraine, que je complète ta formation, que je comble tes faiblesses. L’avenir me donnera raison ou tort. Peut-être que nous n’arriverons pas à nous accorder lorsque tu auras grandi mais, finalement, sans doute n’est-il pas question de moi ici. ». Il sourit, finalisant la coiffure. Elle se retourna et répondit à son sourire.

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Dim 31 Mar 2019, 21:00



La Terre Promise



Les cheveux de la Belle frôlèrent la nuque de l’Apakan. Le vent lui indiquait son exacte position. Il se retourna, décocha un coup de pied qu’elle amortit avec son propre genou. Elle réapparut alors qu’elle prenait appui sur le sol puis sur lui pour exécuter un salto qui la propulsa plus loin. Il la suivit, l’air lui obéissant, rendant ses ailes bien plus résistantes. Il y eut un temps où ils se jaugèrent. Elle était désarmée mais il savait que ceci n’était qu’une illusion. Elle lui donna raison lorsque, sa magie à l’œuvre, elle créa de rien. Même si cela n’avait jamais été le cas, depuis qu’il la côtoyait tous les jours, qu’il l’entraînait, qu’il l’observait, il s’était promis de ne jamais sous-estimer les Mages Blancs. L’arme était d’une beauté époustouflante et, surtout, semblait particulièrement efficace pour qui savait la manier. Elle sourit avant de se volatiliser de nouveau. Il s’envola, évitant l’eau qui étaient montées de l’Océan jusqu’à leur navire volant. Elle avait modelé des ennemis aqueux auxquels des goules de terre en provenance du Roi répondirent avec férocité. Le temps sembla soudain plus lent. Il s’en rendait compte parce qu’il était suffisamment puissant. Il se demandait comment elle pouvait encore avoir des ennemis aujourd’hui, des ennemis encore vivants. Elle avait tant d’opportunités, tant de dons capables d’anéantir n’importe qui. Il avait cessé de prendre l’apparence du Monarque Démoniaque lorsqu’il avait compris qu’il avait réussi à créer chez elle ce qu’il voulait, à savoir un néant sentimental le concernant. Il n’était plus l’ennemi à abattre, il n’était qu’un Démon parmi tant d’autres, celui qui gardait le pouvoir de donner des ordres mais qui pouvait aussi être déchu par un autre à n’importe quel moment. Il avait compris qu’elle n’hésiterait pas à le tuer à la moindre tentative malfaisante ; ou alors elle faisait semblant et elle était la meilleure comédienne qu’il lui avait été donné de croiser jusqu’ici. Il la croyait sincère et, de toute façon, il savait pertinemment que la confiance qu’il avait placé en elle serait bientôt testée. Ils seraient bientôt sur les Terres Glacées. L’air s’était rafraîchi. Néanmoins, pour l’instant, il devait être attentif.

Il discerna un léger bruit. Elle était toujours perceptible. Il sourit, brisant sa magie sur le temps. Si elle pensait être la seule à pouvoir ainsi s’amuser, elle se trompait. Son coude rencontra une partie de l’anatomie de la jeune femme. Elle émit un son diffus et il crut qu’il avait le dessus. Non. La douleur qui lui lancina la poitrine lui prouva qu’il avait tort. Elle le soignerait, plus tard, mais pour l’instant, il devait réagir. Il disparut. Seul le sang qui avait coulé de son torse était encore visible sur le pont. Il savait comment elle avait fait : un simple sort, de ceux qui semblaient inoffensifs de prime abord. Elle avait traversé la matière de son corps et était redevenue tangible en lui grâce à un contrôle absolu de cette magie. N’importe quel mage inexpérimenté y aurait laissé son poignet. Elle, avait trié, était réapparue minutieusement, écartant ses organes avec une précision chirurgicale. La vérité c’est qu’il lui avait déjà fait un coup semblable, quelques jours plus tôt. Elle était adulte maintenant, une adulte ayant subi un entrainement drastique depuis le premier jour de sa conception. Erwan plaçait beaucoup en elle. Il avait joué le jeu de la confiance en un avenir commun. Il risquait gros. Cependant, il le sentait, depuis quelques lunes : le lien qui les unissait à présent était aussi fort qu’ambigu. Coupés du reste du Monde, sans nouvelle de leur Royaume respectif, privés de toute autre compagnie, chacun voyait en l’autre un point d’ancrage, de rattachement. Cassandre n’avait jamais côtoyé quelqu’un de façon si intense, sans aucune interruption. Ils dormaient ensemble, le plus souvent sur le pont, à admirer le ciel qui semblait ne plus être tout à fait le même au fur et à mesure qu’ils approchaient de leur destination. Ils se racontaient des histoires, formulaient des théories sur monde, parfois totalement farfelues. La journée, ils s’entraînaient. Elle l’avait exercé à la magie, il l’avait formé au combat à mains nus et avec tous les types d’armes existant. Ils s’étaient mutuellement renforcés et, ensemble, ils avaient tous les deux l’impression d’être bien plus puissants et complémentaires qu’ils ne l’avaient jamais été avec personne d’autre. Cela faisait longtemps qu’ils naviguaient et ils avaient conscience que le Monde tel qu’ils l’avaient laissé ne serait peut-être plus le même lorsqu’ils le retrouveraient. Parfois, ils émettaient l’hypothèse de territoires détruits, de Rois ayant trouvé le trépas en leur absence. Ils n’avaient aucun moyen de savoir, pas à cette distance, malgré leurs deux puissances magiques. Aucun d’eux ne pouvaient revenir en arrière d’un claquement de doigts. Peut-être qu’il y avait une part de peur au fond de leur cœur, la peur de retrouver leur peuple décimé, de ne pas avoir été à la hauteur, d’avoir fait une erreur, peut-être.

Une flèche enflammée et gigantesque fut lancée, une flèche qui se transforma en corde infinie. Elle tournoya sur le pont, quadrillant la zone à la recherche du Roi. Cassandre réapparut, debout, les flammes dansant fièrement autour de ses doigts. Ses cheveux roux se mirent à onduler frénétiquement. Il utilisait l’air pour que le feu se dirige vers elle, inéluctablement. Une cascade d’eau se mit à danser autour d’elle pour la protéger, plus par amour de la beauté de l’exercice que par nécessité. Elle concentra une dose de magie noire dans l’eau avant de l’éjecter de tous les côtés. Alors que la maladie touchait l’Apakan, elle tomba au sol, électrocutée par la magie de l’homme. Convulsant quelques secondes, cela donna un net avantage à Erwan qui, bien que touché par une forme de choléra, enjamba la jeune femme dans l’objectif de la maintenir immobile. Il se soigna des maux qu’elle lui avait infligé jusqu’ici tout en cherchant à enserrer son cou de ses mains, la maintenant sur le pont à l’aide d’une pression énorme de vent. Le poids équivalait à trois fois le sien. Elle grimaça, essayant de trouver les faiblesses du corps de l’Ange afin d’appuyer sur les points douloureux qu’elle pourrait atteindre. Cependant, rien n’y fit. Elle n’eut d’autre choix que de se transformer en Esprit, disparaissant totalement aux yeux du Souverain. Il émit un râle. Il y était presque. Elle l’agaçait avec cette technique. Il se remit en garde, tendant l’oreille. Néanmoins, ce qu’il entendit provint de lui. Ses vêtements venaient de se desserrer, le tissu s’affalant sur le sol. Il ne put empêcher un rire de sortir de ses lèvres. « C’est bas. ». « Ça me paraît plutôt élevé. » fit-elle en réapparaissant à ses côtés. Elle n’avait pas regardé mais la perche tendue était trop tentante. Elle allait avancer quelques paroles en plus mais sentit plusieurs douleurs vives, tranchantes, lui parcourir le corps. Son dos mais également ses cuisses et l’un de ses bras, venaient d’être heurtés par des petites lames qu’il avait dû contrôler par télékinésie. Il la fixa et haussa les épaules, l’air de dire « Au lieu de faire de l’esprit, tu aurais dû rester concentrée. ». Le message fut reçu. Dans un grognement douloureux, elle utilisa sa magie pour sortir le métal de sa chair et résorber les plaies. Son poing partit en direction de l’homme nu qui répondit à ce coup par une clef de bras. Il la colla à lui, menaçant clairement de lui casser ce qu’il tenait entre ses mains. Les cheveux de Cassandre se métamorphosèrent, devenant de dangereux serpents. L’un d’eux mordit la joue de l’Apakan qui fut obligé de la lâcher sous la douleur ; aussi parce qu’il préférait éviter que les viles créatures lui percent un œil ou l’empoisonnent, si elles en avaient le pouvoir. Il croisa les bras avant de libérer une énergie lumineuse massive qui éblouit la Reine des Magiciens. Il copia l’un de ses dons, des serpents venant courir sur sa nuque. Il n’aimait pas ça. Elle avait dessiné de multiples pentacles sur le sol au préalable, chose dont il prit connaissance lorsqu’il marcha sur l’un d’eux, son pied se retrouvant enfermé dans un piège acéré. Elle sourit et s’approcha d’une démarche rapide et précise. Plusieurs objets du navire vinrent à elle, se mettant à tourner autour de sa silhouette. Ils prenaient de la vitesse. Erwan plissa les yeux. Quelques secondes plus tard il était dans l’Âme de la Bergère, en prenant le contrôle pour faire en sorte qu’elle soit le point de convergence de ce qu’elle s’apprêtait précédemment à lui envoyer dessus. Il s’éjecta, regagnant son corps avant d’entendre un bruit sourd. Elle avait eu le temps de se jeter sur le côté. Un trou béant se trouvait sur la zone du pont où elle se tenait précédemment. Ils allaient finir par s’auto-détruire. L’Ange s’en amusa presque, imaginant les gros titres. Il fit un léger geste de la main, exerçant une pression sur les vêtements de la femme à terre afin de l’attirer à lui. Proches l’un de l’autre, elle exécuta un mouvement rapide, plantant ses dents dans sa chair. Il fit de même, lui tordant le poignet à une vitesse prodigieuse. Ils se rejetèrent mutuellement, reprenant leur garde chacun de leur côté avant de s’affronter de nouveau en une série de mouvements rapides et précis. Il ressentait une certaine satisfaction face à la maîtrise qu’il lui avait enseigné. Elle pensait la même chose en ce qui le concernait. Un guerrier qui, auparavant, ne faisait que peu d’honneur à la magie, avait su maîtriser bien plus que la plupart des individus qu’elle connaissait en quelques lunes. Ils s’admiraient mutuellement, ce qui n’empêcha pas l’Ange de lui empoigner les cheveux et la Magicienne de lui envoyer son genou dans les parties. Il désagrégea ses vêtements à son tour, d’une humeur sans doute vengeresse. Ce n’était pas la première fois, ce ne serait sans doute pas la dernière. Ils s’étaient fait souffrir pour dix mille existences. Ils s’étaient mordus, griffés, ils s’étaient brûlés, glacés et avaient rivalisé d’ingéniosité pour chercher et trouver tous les points faibles de l’autre, qu’ils soient physiques ou psychologiques. Ils dansaient autant qu’ils se déchiraient, discutaient autant qu’ils criaient, riaient autant qu’ils pleuraient. Ils étaient, chaque jour un peu plus, la meilleure version d’eux-mêmes. Ils n’arrivaient plus à se départager. Leurs duels duraient parfois des heures, jusqu’à ce que la magie s’éteigne, bien trop simulée, jusqu’à ce que leurs corps eux-mêmes cèdent. Aujourd’hui, ce fut légèrement différent. Un simple regard suffit pour qu’ils comprennent qu’ils en avaient fini. Aucun gagnant, aucun perdant. Ce n’était plus important. Sans doute était-ce cela, la réponse : arrêter de considérer l’autre comme un ennemi potentiel et l’accepter. Accepter d’être entièrement nu, sans défense, faible, jusqu’à comprendre que la force naissait de là. Il ne s’était jamais senti aussi puissant. Elle ne s’était jamais sentie aussi puissante non plus. Elle lui sourit. « Tu devrais t’habiller, tu vas attraper froid. ». Il baissa légèrement le regard, sur elle, avant de le remonter vers ses yeux. « Ce n’est pas moi qui ai froid, il me semble. ». Il se mit à rire, légèrement taquin, puis lui fit signe de venir avec lui. Ils devraient réparer leurs bêtises. Cependant, avant, ils allaient se laver, s’habiller et manger. Ils arriveraient sans doute d’ici cinq ou six jours.

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Ven 10 Mai 2019, 19:53



La Terre Promise



Ses doigts suivirent le galbe de son bras, se profilant vers la main de l’Ange qu’elle rejoignit dans un mouvement gracieux. Leurs deux corps se courbèrent légèrement, ensemble. Il suffit d’une impulsion d’ailes pour les faire tourner sur eux-mêmes. Il lui donna l’impulsion nécessaire pour qu’elle se retrouve face à lui. Sa jambe droite vint se caler autour de sa taille et elle se laissa tomber en arrière, le dos cambré. Ses cheveux restèrent, un instant, presque immobiles, jusqu’à ce que l’Apakan insuffle un nouveau souffle, pivotant sur lui-même. Il vint la rejoindre, posa sa main sur sa nuque comme s’il souhaitait l’attirer à lui. Elle se redressa, le laissant prendre possession de son corps pour effectuer un porté. L’exercice était délicat car leurs ailes devaient s’adapter au vent, s’adapter à l’autre. Il s’agissait d’un mélange entre souplesse et contraction. Il n’y avait aucune place pour le hasard, juste le fruit d’un long travail qu’ils avaient mené l’un avec l’autre depuis des lunes. Seuls, aussi longtemps, c’était comme si le monde extérieur n’existait plus. Le nombre d’activités qu’ils pratiquaient régulièrement dépassait l’entendement. Ils s’étaient découverts des passions, avaient accepté d’expérimenter. Elle lui avait appris la sensibilité, il lui avait appris la fermeté. Il n’écrivait plus dans son journal que pour noter les jours, afin de ne pas perdre toute notion du temps. Lentement, il baissa les bras afin de la ramener en face de lui. Il sourit, attendant la seconde précise où la musique s’envolait pour déployer ses ailes. Il l’entraîna avec lui un peu plus haut dans le ciel, unit leurs mains un court instant avant de s’éloigner d’elle. Cassandre avait fait de nets progrès dans la maîtrise de ces membres. Elle arrivait à les contrôler, à être aussi délicate qu’un papillon se posant sur une fleur. Ses débuts avaient été catastrophiques, pourtant. Il la regarda le rejoindre, courant dans le ciel avec souplesse jusqu’à lui. Il plaça ses deux mains dans ses cheveux pour amener son visage au plus près du sien sans qu’ils ne se touchent, juste avant que la tête de la jeune femme ne tombe en arrière. Il la redressa et ils descendirent tous les deux jusqu’au pont, lentement. Là, ils se regardèrent, légèrement amusés. Elle lui chuchota alors quelques mots. « Quand nous rentrerons, promis, tout ceci restera entre nous. ». « Si nous rentrons un jour. ». Ils l’avaient déjà envisagé, de ne pas retourner sur leurs pas, de rester ensemble, de disparaître en un endroit où nul être maléfique n’aurait encore foulé le sol, afin d’y bâtir quelque chose de nouveau, de pur, d’immaculé ; quelque chose qui le resterait. Ils étaient si loin de tout.

Jour six-cent-cinq.

Son menton reposait sur la tête de l’Impératrice. Il l’avait posé là après quelques longues minutes d’immobilité. Ils regardaient dans la même direction, celle des Terres Glacées. Le navire descendait petit à petit, les rapprochant d’un froid glacial. Elle leur avait confectionné des tenues adaptées, rendant leurs corps bien plus épais que d’ordinaire. Il appréhendait la suite. Ni l’un ni l’autre ne savaient si les individus qui avaient décidé de vivre ici étaient encore vivants aujourd’hui. Sans même parler de la possibilité de trouver des cadavres congelés, sa magie avait fui la veille, lui rappelant que seule Cassandre pourrait le maintenir en vie sur le territoire de Sympan. Il se retira de sa chevelure, ses lèvres atteignant l’oreille gauche de la Belle. « Avoue que tu t’apprêtes à m’abandonner ici. ». « C’est ce que j’ai toujours souhaité, tu sais, c’est pour ça que je tenais tant à ta présence à mes côtés. » plaisanta-t-elle. « J’ai été faible de me laisser convaincre. » répondit-il doucement, comme si elle lui avait réellement demandé quoi que ce soit. Il l’avait simplement suivi. Il ne lui avait pas demandé son avis. Il ne regrettait pas. « Tu devrais déjà être déchu. ». « Oh mais je pense être tombé le jour où tu m’as convaincu de danser avec toi. Mon honneur de guerrier, tu y as pensé ? ». « Je t’ai déjà dit que tout ceci resterait entre nous. » murmura-t-elle. Elle marqua une pause, puis continua. « Tant que tu fais ce que je dis, bien sûr. Le moindre signe de rébellion et je balance tout à tes sujets. ». « C’est comme ça que tu me remercies de t’avoir élevé ? ». Elle sourit et se retourna. Elle le regarda, laissant le silence s’installer jusqu’à ce que la coque touche la banquise. Ils n’étaient plus seuls. Un enfant avait vu l’étrange bateau volant la veille et avait averti ses parents, qui, eux-mêmes, avaient alerté tout le village, ainsi que les villages aux alentours. Beaucoup d’êtres avaient fait le déplacement, cachés jusqu’ici par un étrange brouillard. « Je te présente comme mon père ou ? » fit-elle. « Fais ça et c’est moi qui t’abandonne dans la neige. ».

[A] - La Terre promise  555969singatureBLACKOSS


Le sourire qui, jusqu’ici, éclairait les traits de celui qui avait été Ange un jour disparut totalement. Il avait souhaité savoir où est-ce que tout ceci la mènerait. Il la surveillait depuis longtemps, à vrai dire, observant son passé, son présent et son futur avec intérêt. Il avait vu l’arrivée de l’Apakan et de l’Impératrice Blanche sur les Terres Glacées et s’était attardé sur quelques détails avant de découvrir le voyage qui devait les mener vers le pardon de Sympan. Il avait souri lorsqu’Elros avait démontré sa puissance et lorsque la Magie Créatrice avait atteint son paroxysme. Néanmoins, le fil du futur venait de s’interrompre et aucune information ne lui parvenait plus. Il se redressa. Alaster ne dormait pas. Le Déchu l’observait depuis un moment et il le savait parfaitement. Par pudeur, peut-être, les yeux bleus de l’homme se tournèrent vers les pâturages. Il était ainsi. Il posait rarement la moindre question, attendant simplement que ceux qui voudraient éventuellement se confier le fassent. Le brun plissa les yeux. Ce n’était pas normal. Légèrement agacé, il repassa les derniers instants de ce qu’il pouvait entrevoir dans son esprit. La Magie Bleue envahissait le paysage. Il y eut un souffle qu’il capta parfaitement, le souffle de la Belle. Son regard changea brusquement. Elle venait de remarquer quelque chose ; quelque chose ou quelqu’un. Il pouvait le sentir. Elle avait compris. « Hum… ». Alaster tourna de nouveau la tête vers lui. « Je n’avais pas prévu cette possibilité… ». « C’est vrai qu’autant de naissances en si peu de jours chez les Wëltpuffs, c’est étonnant. » souffla ce dernier sans qu'il ne soit possible de savoir s'il s'agissait d'une plaisanterie ou non. L’Æther se leva, fixant le paysage. Il sentit ce même souffle et l'horizon s’effaça.

Il se tenait debout, au milieu de soldats. La guerre faisait rage. La magie et les armes s’affrontaient dans un bruit tonitruant. La Mort ne laissait aucune chance à ceux qui avaient le malheur de commettre la moindre maladresse. Il se sentait nauséeux, pris dans la valse macabre que les Ombres exécutaient pour lui dans son sillage. Les corps tombaient, les râles résonnaient. « Yaveäth ? » demanda-t-il alors. Qui pouvait mettre mal à l'aise la Guerre si ce n'était la Paix elle-même ? Aucune réponse. Petit à petit, il comprenait. Le silence tomba sur le champ de bataille. Les adversaires continuaient l’affrontement, ne se rendant compte de rien. Ses yeux bruns cherchèrent un point précis. Il se mit à courir, jusqu’au sommet de la colline. Là, sur le mont opposé, il la vit. Debout, elle aussi, elle le fixait de ses yeux gris-bleutés. Ils restèrent ainsi ce qui sembla être une éternité. Là où lui se situait, le sang coulait toujours. Là où elle se trouvait, les hommes et les femmes avaient cessé toute hostilité. Elle sourit et avança vers le vide. Elle ne tomba pas, se contentant de se mouvoir sur un chemin invisible pour les yeux. Haziel inspira et l’imita, après avoir repéré Yaveäth, un peu plus bas. Ce n’était pas le Dieu en personne mais une simple projection de l’esprit de celle qui lui avait donné rendez-vous ici. Était-ce une vision du futur ? Était-ce simplement une illusion ? Il ne savait ce qu’il aurait préféré. La scène avait un côté magnifique qu’il aurait aimé vivre et partager avec les Mortels. Sa robe blanche voletait élégamment derrière elle. Était-il heureux de ne plus avoir besoin de s’inquiéter pour elle ? Était-il heureux de la savoir à ses côtés ? Il l’ignorait. Il l’ignorait parce que cette femme, décidément, faisait tout pour l’agacer. L’Originale lui était cachée mais ses fragments d’Âmes, eux, ne faisaient que lui empoisonner l’existence.

Le champ de bataille disparut au profit d’une salle de bal. Une voix s’éleva, la voix d’un homme sans identité que le Dieu ne connaissait que trop bien. C’en était risible. « Ezechyel Eorgor » annonça-t-il, complétant son affirmation de ses titres, de ses identités divines et des identités des fragments d’Âme qu’il avait dispersé ici et là au fil du temps. « Cassandre Syrkell, fille de Melinda Syrkell et d’Evan Mebahel. ». Il énuméra ses différents titres, de noblesse ou non. « Ancienne Souveraine des Mages Blancs, Impératrice des Terres Glacées, Æther de la Conciliation et de... ». Il continua sur sa lancée et finit par détailler ses filiations maritales. Elle sourit à un instant particulier. « Épouse de Väaramar, Æther de la Justice et de l’Équité. ». Il finit. « Fragment d’Âme d’Edel Eorgor. ». La foule applaudit et une musique étrange débuta, mélange astucieux de tragédie et de grandeur. Il ne se détourna pas. Si elle l’avait invité ici, c’était parce qu’elle souhaitait lui parler. Il lui prit la main et glissa la sienne au creux de son dos. « Lorsque je vous ai dit que vous finiriez par me rejoindre, je pensais plutôt que vous embrasseriez les ténèbres et serviriez les Cauchemars que j’aurais réussi à représenter. ». Elle sourit. « Vous savez, je me suis toujours demandée pourquoi, tout au long de ma vie, vous n’aviez jamais cessé de me rendre visite. La chose m’est apparue si clairement, ce jour-là, sur les Terres Glacées. À vrai dire, tout m’a semblée limpide, à ce moment précis. ». « Je ne pense pas que vous soyez détentrice de la vérité sur ce point. Vous possédiez depuis bien longtemps le Phoenix. Je n’avais plus besoin de vous protéger, sous n’importe quelle forme que ce soit. Vous ne pouviez plus mourir. ». Il la détailla. « Cependant, mes différents fragments ont toujours aimé votre compagnie, à termes, certains se détournant même de leur mission d'origine. Il le prouve allégrement. ». Il parlait d’Erwan. « Je comprends, à mon tour, pourquoi. ». Elle resta, un instant, silencieuse, silence qu’il analysa rapidement. « Que vouliez-vous me demander ? ». « J’aimerais que vous mettiez votre projet à exécution. Les Rasväar doivent naître si vous souhaitez que cette version là de l’Histoire se produise. Sinon, elle sera autre. ». Il la fixa et resserra un peu son étreinte pour qu’elle soit réellement proche de lui. Il ne dit rien, se contentant de l’observer. Après quelques secondes, il sourit. « Je le ferai, dans ce cas. Je ne raterai pour rien au monde notre mariage. ». C’était ironique. Le plus souvent, les Dieux étaient mariés par les Mortels eux-mêmes qui inventaient des histoires à n’en plus finir sur des unions sans queue ni tête. La Guerre et la Conciliation avaient de quoi alimenter les fantasmes. Il était certain que Yaveäth et lui devaient être unis chez certains peuples, également. « Hel’dra ? » demanda-t-il alors qu’elle reculait déjà. « Oui ? ». « Et lui ? ». Elle le regarda un moment, avant de murmurer. « Un jour, peut-être, s’il a plus de cran qu’il n’en a eu jusqu’ici. ». Elle tourna les talons, entourée de ceux que les Faes avaient créé pour elle.

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Sam 08 Juin 2019, 18:45



La Terre Promise


Au loin, il n’y avait que de la neige. Celle-ci était partout, recouvrant les plaines, recouvrant les montagnes. Le Continent des Glaces semblait s’étendre à l’infini. Elle était déjà venue ici par le passé. Cependant, quelque chose attirait son attention, quelque chose qu’elle n’avait jamais senti, jusqu’à présent. Loin, très loin, elle sentait une présence qu’elle n’arrivait pas à qualifier. Plongée dans ses pensées, Edwina n’entendait plus les enfants qui jouaient autour d’elle. Si des Magiciens vivaient ici depuis bien longtemps, rares étaient ceux qui avaient atteint son niveau de magie. Erwan en était privé depuis leur arrivée mais elle n’avait pas l’impression que cela le dérangeait. Il était avant tout un homme de terrain. Il vivait pour le combat et sa magie lui servait essentiellement à la guerre. Cela étant, il ne pouvait plus voler, un handicap non négligeable. Elle l’avait observée longuement se fondre dans la masse. Cet homme avait bien changé depuis leur première rencontre. Il était devenu populaire en très peu de temps. Chaque jour, il retardait leur départ vers les profondeurs des Terres Glacées. Peut-être avait-il peur de s’engager dans cette voie. Il serait dépourvu de toute protection, entièrement dépendant d’elle. Sans doute hésitait-il à se lancer dans une épopée dont les résultats n’étaient qu’hypothèses. Elle pouvait le comprendre. Après tout ce temps passé sur ce navire, elle pouvait également concevoir que la compagnie des natifs était plaisante. Alors pourquoi ne ressentait-elle rien de particulier ? Il n’y avait que cette présence qui l’intriguait, qui l’attirait dans les tréfonds du paysage. Elle se prenait à rêver de ce qui l’attendait, là-bas. Elle était distraite.

Sans s’en apercevoir, comme hypnotisée par les vallées enneigées, elle commença à avancer vers le lointain. Sa magie qui créait précédemment une douce chaleur et amusait les enfants s’estompa. Ils cessèrent de rire, leurs yeux tournés vers la silhouette qui s’éloignait déjà. Les cheveux de la Reine Blanche ondulaient sous la force du vent qui se levait progressivement. Elle ne pensait à rien, qu’à cette force prodigieuse qui l’attendait au loin. Le froid ne la mordait pas. Elle se rappelait les Fragments du Cristal Maître qu’elle avait possédé jadis, de cet ersatz de puissance qu’elle pouvait tenir entre ses doigts, les fragments du Créateur. Les Hommes lui semblaient bien lointains tout à coup. Un rugissement se déclara à ses côtés. Elle ne sursauta pas. Les ailes d’Elros vinrent faire danser la neige autour d’elle dans un tourbillon puissant et destructeur. Le Dragon Pur était dans son élément. Plus que cela, il était l’élément. Ses yeux céruléens fixèrent la Souveraine avec une intelligence manifeste. Edwina sourit, levant la main pour créer un escalier de givre. Elle le gravit, lentement, s’installant sur le dos de la créature qui s’envola, l’une de ses ailes venant détruire les marches d’un coup sec. Tout lui paraissait irréel : la scène, le paysage qui défilait sous elle, cette douce chaleur que sa magie contribuait à créer au sein de son corps. Le temps lui-même semblait défiler au ralenti, chaque seconde faisant office d’éternité. Ce qui la frappait était cette impression de déjà-vu. Les rares fois où elle avait rencontré son frère, il lui avait semblée vivre ces instants d’éternité. Était-ce là une particularité de ceux qui possédaient la Magie Bleue ou était-ce l’apanage des poètes ? Était-ce l’un d’eux qu’elle s’apprêtait à rencontrer ? Car, à présent, elle en était sûre, Elros se dirigeait vers un point précis, vers une personne qui l’attendait.

Lorsque le Dragon entama sa descendante, les yeux d’Edwina se plissèrent. Elle essayait de distinguer un détail, quelque chose qui pourrait lui faire comprendre où est-ce qu’elle se trouvait. La neige seule lui répondait. Elle descendit de la Bête, scrutant les alentours. Il sourit de ce sourire si particulier, plein d’arrogance. Il claqua des doigts. Deux trônes apparurent sur une estrade. De chaque côté de l’Impératrice Blanche furent révélées des créatures, en rang, ordonnées. Elle ne comprenait pas mais sentait quelque chose en elle, quelque chose soulever sa poitrine. C’était comme si, au fond, elle connaissait la réponse. Il lui tendit une main, ses longs cheveux frôlant le sol. Il lui était familier ; son sourire, surtout. Il semblait fait pour ce paysage, pâle, d’une beauté délicate. Elle avança, ne cherchant pas à se soustraire à son emprise. Bien sûr, elle avait remarqué le physique étonnant de ceux qui se tenaient là. Des êtres semblables à des Démons mais aux ailes immaculées, immobiles. Elle aurait pu les prendre pour des statues de sel s’ils ne la suivaient pas du regard. Son sourire s’agrandit. Elle sursauta. Des Anges venaient de grossir les rangs. Il aimait lui faire cet effet. Il en ressentait une certaine fierté. Pourtant, le spectacle n’était pas encore achevé. Elle était le dernier maillon. Elle devait s’élever pour que le final soit parfait. Cela ne relevait pas de ses fonctions, malheureusement. Il plaça son avant-bras derrière son dos, dans une posture droite. Il semblait bien élevé, appartenir à la noblesse. Lorsque leurs mains se touchèrent, elle eut une sensation étrange. « Jun… » murmura-t-elle, manifestement inspirée. Une lueur passa dans son regard et il prit un air soudainement interrogatif. « Vous devez me confondre avec quelqu’un d’autre. ». Elle se sentit confuse, le laissant la guider dans ses mouvements. Ils firent face à la foule. « Je suppose que vous êtes habituée à ce genre de configuration, vous, la Reine des Magiciens. ». Elle resta silencieuse un instant, des visions s’imposant à son esprit. Ses apparitions sur le balcon du palais lors des cérémonies étaient toujours appuyées par la plèbe. Durant les temps de guerre, les yeux de ses sujets se tournaient vers elle. Lorsque les Anges avaient trouvé refuge sur ses terres, de nombreux espoirs lui avaient été confiés, parfois malgré elle. « Oui. » murmura-t-elle. « À combien les estimez-vous ? ». « Je ne le sais. Dix-milles peut-être… ». « Ils ne sont pas tous ici. » dit-il avec un ton qui laissait transparaître un amusement non dissimulé. « Savez-vous qui je suis ? ». « Vous ressemblez à un homme que je connais, qui lui-même possède quelques traits communs avec un individu de ma lignée. ». « Vous dites cela à cause de mon sourire, n’est-ce pas ? ». « Certainement. ». La Bergère fixa la foule, son menton se relevant légèrement. Elle était Reine, habituée à le paraître. Il se pencha doucement. « Je m’appelle Väaramar. » souffla-t-il d’une voix presque enivrante. Elle n’avait jamais entendu ce nom. Cela faisait longtemps qu’elle avait quitté le monde qu’elle connaissait ; un monde qui le connaissait, lui. « Enchantée. » murmura-t-elle à son tour. « Comment peuvent-ils survivre ici ? » demanda-t-elle alors. Cette question lui brûlait les lèvres depuis son arrivée. Il se déplaça sans un bruit, un air mystérieux sur le visage. « Vous le découvrirez bien assez tôt. Il serait bien impoli de vous révéler la suite de votre épopée. ». « Allez-vous seulement me dire ce que nous faisons ici ? » fit-elle d’un ton plus cynique qu’elle ne l’aurait souhaitée. « Nous attendons quelqu’un. Mais asseyons-nous donc, elle est rarement à l’heure. ». Elle s’exécuta, fixant les hommes et les femmes qui se trouvaient devant elle. Ils ne bougeaient toujours pas. Il pointa son index vers des Anges. « Vous voyez, les Faes ont exaucé vos vœux. ». Elle resta silencieuse. Il sourit. « Je vous apporte une armée et vous ne me remerciez pas. Quel culot. ». « Je me méfie toujours des cadeaux que l’on m’offre, si, bien sûr, c’est de cela dont il s’agit. Les présents cachent souvent une demande implicite. ». « Il est vrai que j’en ai une à vous soumettre mais elle ne me semble pas si terrible. ». « J’ai hâte de l’entendre. ». Il rit. « Je me demande vraiment où est passée la jeune femme naïve et émotive que vous étiez par le passé. ». Elle tourna son visage vers lui, détaillant ses traits sans s’en cacher. « La guerre, les péchés et la mort ont fini de l’achever. » répondit-elle sans ciller. « Bien sûr. » fit-il, son regard descendant légèrement pour se poser sur ses lèvres. « Sans doute est-ce pour le mieux. ». « Et quelle est donc cette demande que vous vouliez me faire ? ». « Quand le moment sera venu, je souhaite vous avoir à mes côtés, ici. ». « Ici ? Je ne suis pas certaine de comprendre. ». Elle devait rentrer chez elle. « Les Magiciens ne sont pas votre avenir. Votre futur est ici, je vous le garantis. ». « Qu’en savez-vous ? ». « Je le sais, c’est tout. Acceptez. ». « Je n’accepterai pas une proposition si floue. ». « Moi qui pensais que vous étiez joueuse… ». « Je ne crois pas l’être. ». « Il faut l’être pour valser avec le Diable, vous ne croyez pas ? ». Elle ne répondit pas. « Vous aimez les risques. L’inconnu vous stimule. Le danger vous excite. ». « Vous êtes impoli. ». « Je suis réaliste. Acceptez. ». « Je ne sais même pas qui vous êtes. ». « Je vous l’ai dit. Väaramar. ». « Merci. » dit-elle de façon ironique. « Que sont-ils, eux ? » demanda-t-elle pour changer de sujet. « Ce sont des Rasväar. Ils servent l’Équité, ils prônent l’Équilibre et l’Égalité. ». « Bénéfiques ? ». « C’est bien plus complexe que cela. Ils sont à l’image des Dieux qu’ils servent. ». « Quels sont-ils ? ». « Le Dieu de la Justice et de l’Équité et la Déesse de la Conciliation. Croyez-moi sur parole lorsque je vous dis que le résultat d’une conciliation ne se fait pas toujours par l’intermédiaire de paroles pacifiques. ». Il rit, la fixant d’une étrange manière. « Cette Æther est un vrai tyran. ». Il était amusé, un amusement qu’elle ne partageait pas. Elle ne comprenait pas, commençant à envisager chez son interlocuteur de sérieux troubles psychiques. Pourtant, il était au milieu de nulle part, assis sur un trône, devant des troupes qui ne semblaient en aucun cas gênées par le froid. Lui-même se comportait de façon tout à fait normale. À bien y regarder, la température était douce. « Je crains fort de ne pas connaître ces Dieux. La Justice est représentée, pour moi, par Drejtësi. Je n’ai jamais entendu parlé d’un quelconque Æther de l’Équité ou même de la Conciliation. ». « Cela fait bien longtemps que vous avez quitté le monde civilisé, n’est-ce pas ? ». Il se releva et s’agenouilla auprès du trône de la jeune femme. Il lui prit la main. « Acceptez mon offre. ». Elle voulut se retirer mais elle fut percutée de plein fouet par la puissance qu’il dégageait soudain. Elle ne l’avait pas remarquée, auparavant. Cet homme était Divin.

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Sam 29 Juin 2019, 14:25



La Terre Promise


« Vous pensez rester combien de temps ? » Les questions étaient de plus en plus nombreuses. Erwan et Cassandre avaient décidé de taire leur identité royale lorsqu'ils avaient débarqué, mais après plusieurs jours, beaucoup avait noté la puissance magique de la Magicienne. Il y avait ceci et aussi le fait qu’ils attiraient naturellement les foules. L’Apakan n’aimait pas mentir et cela faisait plusieurs soirs, lorsqu’il se retrouvait seul avec la Belle, qu’il lui murmurait qu’il faudrait bien leur dire la vérité à un moment, en sachant que le plus tôt serait le mieux. Il se plaisait en compagnie de ces natifs des Terres Glacées. Ils lui contaient la vie ici, leur absence d’informations quant aux actualités des différents continents, le fait qu’il soit impossible d’aller bien loin vers la terre. Il y avait également une légende qui se trouvait sur toutes les lèvres, celle d’une femme prisonnière dans sa tour pendant plus de dix années. Elle s’était échappée, arrivant dans leur village un matin, en même temps que la venue du soleil. Elle semblait irréelle. Erwan s’y intéressa bien vite, apprenant que plusieurs éléments troublants s’étaient produits avant, comme la venue d’une bonne centaine, voire plus, de personnes qui s’étaient enfoncées dans la glace sans jamais plus réapparaître. Il y avait cet homme, également, aux longs cheveux gris, qui venait de temps en temps leur amener des vivres, regardant l’horizon comme s’il attendait quelque chose. Un jour, une vieille serveuse qui était morte à présent, lui avait demandé ce qu’il faisait là et il avait répondu qu’il attendait qu’elle se libère de sa malédiction. Il regrettait de ne pas pouvoir l’aider parfois. D’autres fois il semblait agacé qu’elle n’ait pas choisi le bon parti, comme si elle aurait pu le prévoir, ça aussi. Une fois, il avait même prononcé quelques mots qui avait fait rire la vieille : « Cette femme est la plus intelligente et la plus stupide que je connaisse. Il suffit que vous lui disiez où est le bon chemin pour qu’elle se précipite dans une autre direction, juste par esprit de compétition et de contradiction, juste pour vous montrer que ce sera comme elle l’a décidée et pas comme vous, vous l’avez décidé, quand bien même vous avez raison. » Comme il était d’humeur bavarde, elle en avait profité pour lui poser des questions. Il en était arrivé à ces autres phrases : « Je suis son bon chemin mais je parie que jusqu’à la fin de ce monde, elle préférera me défier plutôt que me rejoindre. Le dernier jour, elle me l’avouera, qu’elle m’aime, juste pour rendre le tout théâtral avant que nous ne disparaissions. ». « Vous devriez vous trouver une femme un peu moins têtue. » avait dit la vieille pour qui l’amour était avant tout une histoire de compatibilité et d’opportunité. Il n’avait plus parlé, un sourire sarcastique éclairant soudain son visage. Plus tard, après que la mystérieuse blonde ait fait son apparition, une petite fille était arrivée. Le village s’était égayé durant son séjour, chacun ayant à cœur de faire résonner sa voix ou les quelques instruments qui avaient été relégués dans les greniers. Elle avait raconté qu’elle souhaitait s’enfoncer dans la Terre Glacée pour retrouver une femme. Cependant, lorsqu’elle avait appris que ladite femme était déjà partie, un air déçu avait germé sur ses traits et elle n’était pas restée non plus.

« À vrai dire… » commença le Roi. Il ne pouvait plus omettre son propre statut. « Disons que nous n’avons pas été tout à fait honnêtes avec vous. Nous ne sommes pas de simples aventuriers. Si nous sommes ici, c’est pour une raison bien spécifique. » « Pour ne rien vous cacher, les rumeurs vont plus dans ce sens que dans celui de votre version initiale. » s’amusa la femme. Erwan sourit. « Tous les deux, vous êtes bien trop… Enfin, vous savez, ça fait longtemps qu’on n’a plus vu de personnes vraiment importantes mais on sait quand même les reconnaître. Alors, que faites-vous là ? Et qui êtes-vous ? » L’Ange hésita un instant puis se lança. Elle lui en voudrait peut-être mais il n’était pas prêt à renier ses valeurs pour elle. Il avait assez attendu. « Je m’appelle bien Erwan. J’appartiens à la Dynastie des Galathiel et je suis le Roi des Anges. » Il n’avait pas eu le temps de régner longtemps mais il l’était, pour l’instant. Il pensa à Kahel un moment. Il n’avait peut-être pas fait le bon choix en lui confiant les Jardins. Si loin du monde, il lui était impossible de savoir comment se portait son peuple. C’était le prix à payer. En s’invitant dans l’escapade de l’Ultimage, il n’avait aucune idée de ce qui l’attendait. Cependant, avec le recul, il ne pouvait s’empêcher de penser que le pardon qu’ils recherchaient tous les deux ne pourraient être donné que s’il était présent, aussi. Cela étant, le fait d’avoir laissé la gestion de leur territoire à l’Ange précis qui avait choisi de soutenir les Ætheri ne jouerait peut-être pas en sa faveur. Pourtant, l’ancien Olori ne pouvait s’empêcher de penser qu’ils n’étaient que des Mortels. Comment auraient-ils pu savoir ? Comment ne pas douter de l’existence du Créateur ? Comment renoncer à ses valeurs d’un seul coup, parce qu’un homme inconnu murmure que ce serait pour le mieux tout en proférant des menaces ? Était-ce ça, le Sympan ? Une menace pour ceux qui ne le choisissaient pas ? Un Dieu vertueux aurait-il maudit les infidèles ? « La femme qui m’accompagne est l’Impératrice Blanche, Edwina Nilsson. » C’était amusant car, ici, personne ne connaissait ce qu’il s’était passé durant les dernières Ères. Les potins des continents n’avaient pas cours. « L’union des Anges et des Magiciens me fait plaisir. » dit son interlocutrice. « Vous allez bien ensemble. » Forcément. Ils étaient arrivés ensemble, dormaient ensemble, étaient souvent ensemble, les rumeurs avaient dû se propager dans tous les villages alentours. Il n’allait pas démentir. Après tout, il avait failli l’épouser. « Merci. » dit-il simplement. Après un silence où il s’interrogea sur son propre comportement, il reprit. « Vous ne le savez peut-être pas mais mon peuple a été anéanti en majorité par les Démons après la victoire de Sympan. » L’expression de la femme lui prouva qu’elle l’ignorait. « Les Magiciens ont aidé les survivants et nous vivons à présent sur le même territoire. » Il avait parlé plus vite pour l’empêcher de prendre la parole. Il savait le choc qu’une telle nouvelle pouvait engendrer. Il voulait qu’elle se concentre sur ce qu’il disait. « Pour notre soutien aux Ætheri, Sympan a maudit les miens. Nous ne pouvons plus concevoir d’Anges et certains d’entre nous ne peuvent plus protéger leur Humain comme il le faudrait. Ces deux facteurs cumulés font que mon peuple est dans une position catastrophique. Nous sommes donc venus ici pour demander au Dieu-Roi de nous accorder son pardon, après toutes ces années. » Il avait noté en arrivant que des enfants Réprouvés vivaient ici. Il avait posé quelques questions, comprenant rapidement que rien n’avait changé pour ceux qui demeuraient sur la Terre Glacée. Ils n’étaient même pas au courant.

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« Des enfants sont venus me dire que tu t’étais enfoncée dans les Terres Glacées… » murmura l’Apakan à Edwina, lorsqu’elle poussa la porte de leur chambre. Elle le regarda et lui sourit. « Je prépare le terrain. » dit-elle, en s’approchant. Il était assis, écrivant quelques mots sur un parchemins, une épaisse fourrure sur les épaules. Ils se trouvaient dans la partie du continent où il faisait le moins froid mais les températures n’étaient pas au-dessus de zéro degré pour autant. Les matériaux de construction faisaient en sorte que les maisons puissent résister au gel et amener un peu de chaleur mais il n’était pas habitué à une ambiance si glacée. La perte de sa magie l’avait affaibli et il avait du mal à s’en remettre. La possibilité de tomber malade, chose qui était très rare chez son peuple et qui, dans tous les cas, pouvait rapidement être soignée, l’inquiétait. L’Impératrice Blanche se plaça derrière lui et laissa filer ses doigts dans les cheveux de l’Ange, doucement, pour le détendre. Elle pourrait le soigner, c’est vrai. Il expira, pencha la tête en arrière et ferma les yeux. « Les Réprouvés, ici, peuvent enfanter… » « Je sais. » chuchota-t-elle. « J’aimerais vraiment être père. » « Tu le peux. » « Être père d’un Ange. » Il attrapa l’une de ses mains qu’il vint poser sur sa propre épaule. « C’est ce que nous venons chercher. » Elle laissa s’écouler une ou deux secondes puis reprit. « Nous partirons demain, Erwan. Je sais que c’est difficile pour toi mais nous devons le faire rapidement. Nous n’avons aucune idée de ce que nous trouverons, de la forme du pardon, des épreuves… » Le silence s’installa. « Je sais bien. Je songeais simplement à cette facilité de reproduction des Démons. Même sans malédiction, nous ne pouvons enfanter avec n’importe qui, sous peine de déchéance. Mon peuple est droit, Cassandre, mais cette droiture est forcément synonyme de disparition. L’amour que nous devons porter nous tient. Crois-tu sincèrement que Raeden deviendra père à nouveau tant qu’il t’aimera ? » Il se leva pour lui faire face. « L’amour n’est pas une vertu, c’est un sentiment, et je suis convaincu qu’il y a une différence entre se plonger dans la Luxure et avoir un projet parental. Pendant que nous sommes tenus à nos émotions, les Démons peuvent se propager comme la gangrène, par tous les moyens. Et, ensuite, c’est à nous de porter la valeur de la Justice, alors que les Dieux ont fait de nous ce que nous sommes. N’est-ce pas injuste ? » Il avait gardé sa main. « Comment réagirais-tu si tu aimais un homme, qui ne t’aimait pas, et que, à cause de ça, tous tes espoirs de fonder une famille, de contribuer à l’élargissement de ton peuple, partaient en fumée ? » Elle posa sa main libre sur sa joue, lentement. « Il y a deux problèmes ici, Erwan. Je pense que l’élargissement d’un peuple peut se faire par d’autres voies que la procréation. Je t’assure que les Anges ne sont pas voués à disparaître. Ils ne le seront pas tant que la magie existera. Les derniers temps ont été compliqués mais tu sais, comme moi, et nous en avons déjà parlé, que la magie est capable de régler ce genre de problématique. Il suffit de lancer des études, des expériences, pour trouver des solutions. » Elle s’approcha un peu plus. « Quant à la volonté d’avoir des enfants, je comprends ce que tu ressens. Pourtant, quand bien même je suis consciente de cela, des sentiments qui vous attachent, je ne suis pas prête à écarter les cuisses pour satisfaire le besoin de paternité d’autrui. J’imagine que lorsqu’on aime quelqu’un, la simple idée de forcer la personne nous rebute. As-tu vraiment envie que la femme que tu aimes porte ton enfant, pour répondre à tes seules attentes ? » Elle marqua une courte pause. « Quand le désir sexuel est aussi partagé que le désir d’enfant, je pense que tu as raison, peu importe que seul l’Ange soit amoureux. Seulement, lorsque le désir n’est que d’un seul côté, c’est bien plus complexe. Il faudrait des enjeux bien plus importants pour que j’accepte un tel compromis. » Il soupira, tout en l’entourant de ses bras. « Et dire que c’est moi qui ai fait ton éducation. » Il déposa un baiser sur le sommet de sa tête. « Tu sais que je t’aime, hum ? » « Moi aussi. » murmura-t-elle. « Tant mieux. Ça me donnera un droit de regard sur les hommes que tu ramèneras à la maison. » Elle rit. « T’es con quand tu t’y mets. » « Je veux seulement que tu sois heureuse. » « Je veux que tu le sois aussi. » dit-elle tout en s’écartant légèrement pour le regarder. « Demain nous nous enfoncerons dans les Terres Glacées, nous convaincrons Sympan et ensuite, rien ne t’empêchera de tomber amoureux d’une Ange et de fonder une famille avec elle. Tu es le Roi, tu dois bien pouvoir acheter l’amour, non ? » « Comment oses-tu ? » fit-il tout en la soulevant. Il s’avança vers le lit et l’y balança comme si elle n’avait que cinq ans et demi. Il lui grimpa dessus et commença à la chatouiller. « Non, arrête ! Erwan ! Arrête… Ha ! Pas là ! Erwan ! Ha ! » fit-elle tout en rigolant. Dans l’auberge, tous crurent qu’ils s’adonnaient à une toute autre activité.

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Jeu 18 Juil 2019, 22:34



La Terre Promise



« Majesté. » Cassandre gémit. L’homme était debout à côté de son lit. Erwan dormait. Il attendit un instant, comme s’il espérait qu’elle allait ouvrir les yeux. Il la détaillait depuis quelques minutes déjà. Torse nu, il ne ressentait pas le froid des Terres Glacées. Il se pencha un peu, suffisamment pour la toucher. On lui avait conseillé de rester sur ses gardes, même si, il devait l’avouer, un combat contre cette femme le tentait légèrement. Il était le porteur d’une lettre de son créateur. Väaramar l’avait choisi ; c’était un honneur. Il hésita à avancer ses doigts pour caresser sa peau. Il ne trouvait peut-être pas ça convenable. Cependant, il n’avait pas de pensées impures. Il avait simplement une mission. Endormie, elle semblait être une femme normale, ses traits détendus dans une insouciance qu’il jugeait dangereuse. Ce fut Erwan qui se réveilla le premier, bondissant sur le lit, prêt à attaquer. Il possédait une agilité impressionnante. Tsadqiel disposa sa jambe droite en arrière. Il ne souhaitait pas se battre mais il valait mieux être prudent. L’Apakan le fixa un moment, se détendant. « Bordel ! Yüerell ! » Il ne savait pas duquel des deux il s’agissait, à vrai dire. Il prit conscience de l’étrangeté de la situation. « Vous nous avez suivi ? » demanda le Roi, incrédule. L’autre se remit droit. Bien sûr, il savait de quoi cet homme parlait. « Vous pouvez la réveiller, s’il vous plaît ? » C’était un miracle que l’Impératrice Blanche dorme toujours. « Il faut que je lui parle. » Erwan plissa les yeux. Il comprenait maintenant que quelque chose n’allait pas. Ce n’était pas logique. « Qui êtes-vous ? » fit le Souverain. « Je m’appelle Tsadqiel, enfant de Väaramar. Je suis un Rasväar, une nouvelle race. » « Que… Quoi ? » Au réveil, ça faisait beaucoup à avaler. « Elle sait, elle. » précisa simplement l’homme aux cheveux blancs. « Ah oui ? » Le Roi n’était pas certain d’apprécier la nouvelle. L’autre s’en rendit compte. « Ce n’est pas contre vous. Les choses se sont simplement bousculées dernièrement, pour elle. Elle cherche sans doute à vous protéger. » « De quoi ? » Tsadqiel ouvrit ses ailes, d’un blanc immaculé. Erwan recula, se rapprochant par instinct de son arme. « Mais… » Le nouveau venu soupira. « Je ne suis pas un ennemi. » dit-il d’une voix ferme. « Enfin… Tant que l’état des Anges sera celui qu’il est aujourd’hui. » « Comment ça ? » « Je n’ai pas le temps de vous expliquer maintenant. Je dois vraiment lui parler. » « Eh bien réveillez la ! » s’agaça le Roi. Le Rasväar prit une drôle d’expression. « Je ne suis pas certain que ce soit judicieux. » « Et pourquoi ça ? » Il ne voulait pas le lui dire. « Est-ce que vous pourriez sortir cinq minutes ? » Erwan allait objecter mais il se ravisa. Il n’avait aucune raison objective d’empêcher cette rencontre, d’autant plus que la Belle savait, d’après les dires de cet individu. L’histoire était trop grosse pour qu’il mente. Il le jugea de confiance. Il ne respirait pas le mal. Il n’était pas méfiant par instinct envers lui. Ses poils ne se hérissaient pas comme lorsqu’il côtoyait un Démon. Pourtant, cette situation le mettait dans une posture délicate. Il ignorait tout de ce nouveau peuple. D’où venait-il ? Qui était-il ? « Bien. » concéda-t-il. Il se couvrit un peu plus. « Ne lui faites pas de mal. » « Jamais. » Il le crut sans aucune difficulté.

Seul dans la chambre avec elle, il resta silencieux un moment. Il avait du mal à croire qu’elle dormait toujours. Il écarta un peu les peaux, inspectant le rythme régulier de sa poitrine. Rien d’autre. Il ne savait pas comment s’y prendre. Il était embêté. Il se pencha un peu plus, comme si ça allait suffire. Il se recula, fit quelques pas dans la pièce. La méthode douce ne semblait pas porter ses fruits. Elle était très loin d’être une princesse qui se réveillait au moindre effleurement. Ses cheveux en bataille la rendaient enfantine. Il ne savait pas trop quoi penser d’elle. Le problème était plutôt de savoir ce qu’elle penserait de lui. C’était ça, qu’il redoutait. Il inspira un grand coup et, d’un pas décidé, il se dirigea de nouveau vers le lit. D’un geste brusque, il retira les couvertures. « Majesté ! » fit-il d’une voix forte et sévère. Il ne fut pas déçu. Il vit les jambes de la Reine se resserrer contre son cou dans un mouvement ample. Il se défendit et ils finirent par terre dans un bruit sourd, elle assise presque en tailleur autour de sa tête. Il grimaça de douleur, alors qu’il la tenait à la gorge. Il y eut un long moment de flottement, durant lequel ils ne bougèrent pas, ni l’un ni l’autre. Il préféra commencer la conversation. « Vous sautez toujours sur les gens de la sorte ? » « Et vous ? Vous entrez souvent dans la chambre des gens comme ça ? » Elle n’avait pas remarqué encore. Elle ne le voyait pas franchement, dans la position qui était la sienne. « Qu’est-ce que vous voulez ? » « Vous parler. Väaramar m’envoie. » « Où est Erwan ? » « Sorti. » « Vous allez essayer de m’attaquer ? » « Non. » « Vous auriez répondu oui si ça avait été le cas ? » Il sourit, délaissant son cou en gage de bonne foi. Elle se décala un peu pour s’asseoir sur son torse. C’est là qu’elle le vit vraiment. Elle le regarda d’une façon qu’il n’aurait su décrire. Les lèvres de la Reine s’entrouvrirent légèrement. C’était presque imperceptible, tout comme ce qui passa dans ses yeux. Quelques secondes plus tard, le tout avait disparu. Son rythme cardiaque avait cependant changé. Il l’avait noté sans trop de mal. « Majesté… Vous m’écrasez. » dit-il, comme pour détendre l’atmosphère. Elle se redressa. Lui aussi. Il n’avait aucune idée de la façon dont il devait réagir. « Écoutez, je ne vous veux aucun mal, vraiment. Pour tout vous avouer, je dois vous servir mais vous le savez déjà, n’est-ce pas ? C’est sans doute mon apparence qui vous trouble et je ne peux qu’être d’accord avec cette idée. C’est gênant pour moi aussi. Je n’ai aucun de ses souvenirs, si cela peut vous rassurer. » Il ne connaissait pas toute l’histoire, en réalité, juste ce qu’il avait bien voulu lui dire. Il parlait d’une voix calme. Elle ne l’effrayait pas. Il devait la servir et il avait été créé pour ça, pour être Roi et obéir aux volontés de sa Reine et Déité. Elle semblait troublée. Il s’avança et lui prit la main, déposant un baiser sur le dos de celle-ci avec douceur. « Il m’a façonné pour être votre main, votre arme, pour coordonner ceux qui vous vénéreront. J’apprendrais à paraître autre si c’est ce que vous souhaitez. » « Non. » dit-elle simplement. Ce n’était pas de sa faute à lui si Väaramar s’amusait à ses dépens. Son regard le détailla, descendant en dessous de son cou par un réflexe malvenu. « Vous… Vous n’avez pas froid ? » « Non. Nous avons été créés pour résister à ce climat. Touchez-moi, vous verrez. » Il resta droit, même s’il se rendit compte que sa phrase pouvait être mal interprétée. Il n’était plus si sûr. Ce n’était pas une hésitation bredouillante. Il cherchait simplement à se comporter au mieux vis-à-vis d’elle, ne sachant pas où se placer concernant celui dont il arborait le physique. « En réalité, nous sommes plutôt résistants en règle générale. » confia-t-il. Un petit silence s’installa, silence durant lequel elle pesa le pour et le contre. C’était étrange. Elle avait l’impression de violer l’intimité d’Isiode. Pourtant, ils ne s’étaient rencontrés que très peu de fois. « Vous avez un prénom ? » « Oui. Tsadqiel. » « Tsadqiel » répéta-t-elle en avançant son index et son majeur vers son épaule. Elle avait choisi une partie conventionnelle. « Hum oui, vous êtes plutôt chaud, c’est vrai. » Il sourit, ne relevant pas le double sens. Elle n'en avait pas fait. Il était plutôt vertueux et avait une expérience de vie minime. En revanche, Väaramar l’avait voulu puissant. Il devait gouverner, lorsque tout serait en place et que son Impératrice serait prête. Aux yeux du monde, il serait le seul monarque. Ici, dans les Terres Glacées, les choses seraient différentes. Le Dieu de la Justice et de l’Équité semblait avoir une vision très précise du futur, vision qu’il avait partagée avec lui. Pourtant, Tsadqiel n’en savait pas plus. Cela prendrait du temps et l’Æther lui avait soufflé qu’elle devait d’abord aider Erwan à résoudre un problème angélique.

Comme aucun ne parlait, le Rasväar sortit la lettre de son pantalon. « C’est pour vous. » « Je n’ai pas très envie de la lire, pour le moment. » répondit-elle en le fixant. « Il ne sera pas ravi… » « Je le sais. Pourtant, je vois d’ici ce qu’il a écrit. Vous êtes un présent qu’il s’est amusé à créer pour m’amadouer ou… une raison similaire. Dans cette missive, il me presse sans doute d’accepter sa requête. Je ne compte pas refuser, de toute façon. Seulement, ce n’est pas l’heure, il l’a constaté lui-même lorsque celui que nous attendions n’est pas venu. » Elle marqua une pause. « Ce n’est pas contre vous mais je ne suis pas très… conquise par votre physique. » Il émit un rire bref. « Au moins, vous n’essaierez pas de me séduire. » Il sourit, avant de continuer. « C'est étrange que je ne vous plaise pas. » « Non ce n’est pas ça… juste que… » Elle se mordit la lèvre inférieure, ne continuant pas sa phrase. Il prit un peu les devant, plaçant ses mains sur ses bras pour la tenir fermement en face de lui. « Écoutez, je le redis mais je n’ai de lui que son physique. » « Il est différent. » « Sans doute. » Il passa sa langue sur ses lèvres, en réfléchissant à la meilleure manière d’aborder la problématique. « Il m’a créé pour régner alors j’imagine que je suis plus… Enfin, pour être honnête, je n’en sais rien. Simplement, je ne suis pas lui, je ne le serai jamais. Je peux comprendre que ça vous… » « Taisez-vous. » dit-elle. Il attendit un peu avant de continuer d’une voix ferme. « Vous servir ne veut pas dire m’écraser devant vous, Majesté. Vos intérêts sont les miens mais… » « Non ce n’est pas… Je… Ce n’était pas pour vous offenser, ni pour faire œuvre de domination. C’est juste que... » Il n’avait pas desserré sa poigne et elle ne cherchait pas à s’enfuir. « Que vous a dit Väaramar au juste ? Murmurez-le. » Il était surpris. Il se pencha un peu pour amener ses lèvres à son oreille. Elle ferma les yeux, écoutant la confession. Sa bouche se colla à son épaule doucement. Elle prenait appui. Elle perdait lentement pieds.

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Lun 22 Juil 2019, 15:53



La Terre Promise


« C’était comme une évidence. » fit-elle. Ils s’étaient assis tous les deux sur le lit. « Le fardeau que je représente est bien trop lourd à porter. Il l’était d’autant plus à l’époque. » « À cause du Monarque Démoniaque ? » supposa-t-il calmement. « Une malédiction de ce type a toujours des conséquences néfastes. Zane est puissant alors il n’y a probablement jamais succombé pleinement et, ce, malgré les années. Sa résistance est à louer, sans doute. » « Ce n’est donc pas lui qui vous a décidé. » « Non. Il est vrai que j’ai voulu l’épargner de tous les fous qui m’entourent de manière générale, à commencer par les Auryanites. Ils sont de plus en plus puissants et de plus en plus organisés dans leurs idées. Ils n’ont cure de qui se trouve devant eux : soldat, femme, enfant, roi. Ils seraient prêts à tout pour que ceux susceptibles d’entacher ma pureté disparaissent à jamais. » « Je me demande… » « Oui ? » « Est-ce vraiment à vous de protéger ceux qui vous entourent ? C’est avoir une bien piètre confiance en eux que de vous ériger en leur sauveuse. » « Je ne le crois pas. C’est simplement être réaliste. » « Vous me protégeriez ? Et Erwan ? » « Bien sûr. » « Vous vous pensez supérieure ? » « Non ça n’a rien à voir… » « Et laisseriez-vous quelqu’un vous protéger ? » « Non. » « Voyez que votre raisonnement est idiot, Majesté. Vous ne pouvez pas être tout le temps la plus forte. Sans compter que vous ouvrir véritablement à quelqu’un vous apporterait un certain bien-être. Et quand je dis ça, je parle d’une personne bonne, pas du premier vil venu qui se fera une joie de retourner vos confidences contre vous lorsque le moment opportun se présentera. » « Je dis tout à Erwan. » « Je doute que vous lui ayez avoué quoi que ce soit au sujet de ce qui nous préoccupe actuellement. Et puis, sans vouloir jouer les trouble-fêtes, vous ne lui aviez pas non plus dit pour votre rencontre avec Väaramar, ni pour ceux de mon espèce. Vous êtes une sacrée comédienne, Cassandre. Vous dîtes toujours uniquement ce qui vous arrange en prenant en prétexte le bien-être d’autrui. C’est l’impression que vous me donnez, en tout cas. » « Depuis combien de temps existez-vous au juste, Tsadqiel ? » « Quelques lunes. » Elle sourit. « Mais cela ne me donne pas tort, vous savez. Vous me faites comprendre silencieusement que votre âge vous donne raison du fait de votre expérience mais, répondez sincèrement, avez-vous déjà laissé quelqu’un vous approcher véritablement ? Sans barrière, sans faux-semblants, sans aucune peur, sans faire aucune hypothèse, juste vous ? Avez-vous déjà partagé un moment avec quelqu’un durant lequel vous ne pensiez pas aux conséquences de vos actes, à une porte de sortie de secours ? » « Bien sûr. Ne croyez pas que je sois un monstre. » Elle se leva. Elle évitait de le regarder depuis quelque temps. Ça la faisait se sentir étrange malgré les mesures drastiques qu’elle avait prises. C’était comme s’il lui rappelait son acte et qu’une partie d’elle-même se débattait pour qu’elle déverrouille le cadenas qu’elle avait posé. « Vous savez, votre vous angélique ne me prendrait pas ainsi la tête sur le sujet. J’ose penser qu’Isiode est de ceux pour qui l’amour, et plus généralement l’attachement, n’est qu’un obstacle. L’amour n’apporte rien si ce n’est de la souffrance et de la complexité. Ma relation avec Erwan est satisfaisante en ce sens qu’elle ne pourra jamais me faire perdre mes moyens. Oui je le protégerai mais non je ne serai pas assez stupide pour me jeter seule en Enfer, sans escorte, dans l’objectif de le sauver. S’il était en danger, je serais en mesure de réfléchir pour être à-même de faire les choses pour le mieux. L’amour détourne de ses objectifs, de son devoir, il rend faible. Ce n’est pas envisageable et bien trop dangereux. » « Vous avez juste peur. » dit-il avec un sourire amusé. « Pardon ? » Ils étaient stupides, tous, à penser qu’elle avait peur, à penser qu’elle n’était que faiblesse. Il se leva et s’approcha. Il pencha la tête sur le côté, cherchant à attirer son regard. Elle l’évita un temps avant de soupirer et de ramener ses yeux dans les siens. « Vous avez l’habitude d’être entourée d’hommes soit dominants, qui ne vous laissent aucun choix, soit d’hommes faibles, qui ne bougeront pas le petit doigt tant que vous ne leur aurez pas demandé. Vous n’êtes pas habituée à voir quelqu’un de fort défendre ses idéaux sans jamais vous prendre en considération dans ces derniers, quelqu’un qui vous traite en égale, qui écoute ce que vous avez à dire, qui vous donne la réplique mais qui ne cherche pas à vous placer dans son lit ou dans sa stratégie d’une façon ou d’une autre. Ai-je tort ? » Elle ne répondit pas, se contentant de poser une autre question. « Vous pensez faire partie de quelle catégorie, au juste ? »

Erwan frappa à la porte, interrompant la discussion. Il n’attendit pas de réponse pour entrer. Il avait assez attendu, justement. Son regard se porta vers les deux protagonistes. Leur proximité était bien trop grande pour deux inconnus. Tsadqiel ne bougea pas d’un iota. Ce fut elle qui se détourna. L’Apakan n’était pas idiot. Il y avait quelque chose entre eux. Il se demandait cependant depuis quand. Il n’avait pas quitté Cassandre depuis des lunes et des lunes. Il préféra ne pas aborder le sujet maintenant, devant lui. Il en discuterait avec elle plus tard, lorsqu’ils seraient seuls. « Excusez-moi de vous interrompre mais nous devrions y aller, Cassandre. » « Oui, tout à fait. Nous avions fini, de toute façon. » Le Rasväar sourit. Elle disait vraiment ce qui l’arrangeait. Drôle de créature. Malheureusement pour elle, ils n’avaient pas fini. « Je vais venir avec vous. » « Quoi ? » « Soyez réaliste. Erwan ne possède aucune magie ici. La votre va finir par diminuer également. Vous ne pourrez pas le supporter lorsqu’il finira à deux doigts de la mort. J’ai été créé pour vivre dans des conditions drastiques. Je pourrai vous aider, tous les deux. » Il sembla à l’Ange que l’Impératrice Blanche était sur le point de refuser. Il prit les devants. « Je trouve que c’est une bonne idée. Faisons ça. » Il ne connaissait pas Tsadqiel mais le peu qu’il avait vu lui confirmait qu’il avait une puissance similaire à la sienne. Il était torse-nu dans un milieu hostile et ne semblait pas maléfique. L’Apakan faisait confiance à la Magicienne mais il lui semblait plus judicieux d’être trois. Il ne se serait certainement pas encombré d’un individu faible, qui risquait gros, mais le Rasväar lui paraissait à la fois fiable et compétent. Aussi, ce serait sans doute l’occasion d’en apprendre plus sur ce dernier. La Belle se pinça les lèvres avant de remarquer ce que l’Ange tenait dans les mains. « Qu’est-ce que c’est ? » « C’est pour toi. Un homme l’a déposé au large du continent. » « Pour moi ? » « Oui. » Elle sembla étonnée, ce qui rassura légèrement Erwan. Il n’aimait pas particulièrement qu’elle lui fasse des cachoteries puisqu’il ne lui avait jamais fait faux bonds jusqu’à présent, ni ne l’avait jugée depuis qu’il l’éduquait. Il y avait qu’à propos des Démons qu’il s’était montré intraitable. Cassandre s’approcha, prenant le paquet entre ses mains. Elle en déchira l’emballage pour en révéler un long pendentif. Au bout, il y avait une croix cerclée de rosiers. Tsadqiel comme Erwan semblaient curieux du présent. Edwina rit brièvement. « Qu’y a-t-il ? » Elle connaissait trop cette problématique pour être piégée par celle-ci. Son frère en était un, son mari en était un. « Vous allez voir. » murmura-t-elle en attrapant la croix avec ses doigts. La magie opéra directement, faisant apparaître celui qui vivait à l’intérieur de l’objet. Erwan leva les yeux au ciel. « Bon sang, tu attires tous les sosies des Anges ou comment ça se passe, Cassandre ? » La jeune femme fixa la silhouette de Raeden sans ciller. « Il doit prendre cette apparence pour mieux m’amadouer. » déclara-t-elle simplement, sans tenir compte de ce que l’intéressé avait à dire. Il n’était pas tout à fait identique au Délaissé. Il avait les cheveux plus courts et une pilosité moindre. Il avait du mal à rester statique, comme si son corps menaçait de se déliter à chaque instant. « Je souhaite que vous retourniez dans votre habitacle et que vous y restiez jusqu’à nouvel ordre. » fit-elle. « Nous allons l’amener. » ajouta-t-elle en passant le pendentif autour de son cou, la croix tombant entre ses seins. « Tu aurais pu le laisser parler… » murmura Erwan. Tsadqiel était d’accord mais n’ajouta rien. « J'aurais pu. » déclara-t-elle d’une voix légèrement irritée avant de quitter la pièce sans plus de cérémonie. L’Apakan fut surpris de la réponse, tellement qu’il essaya de chercher du sens dans les yeux du Rasväar, celui-ci n’en sachant visiblement pas plus.


Après quelques mots, ils la retrouvèrent dehors. Erwan comprit aisément ce qu’elle avait fait. La réaction des habitants était un bon guide. Elros se tenait là, impatient, battant parfois des ailes d’un air menaçant. Tsadqiel ne réagit pas, son visage restant impassible. L’Apakan ne voyait pas les choses du même œil. Il savait ce qu’elle exigerait d’eux. De dos, la Bergère se retourna, fixant les deux hommes avec un sourire que l’Ange jugea inquiétant tant l’espièglerie y prenait place. Elle savait que cette décision le mettrait mal à l’aise mais qu’il ne la refuserait pas car elle était la plus logique. « Bien, messieurs, l’heure de vérité a sonné. Approchez-vous. » dit-elle. « Voyons si Elros vous apprécie ou non. » Le dragon semblait s’amuser de la situation, fixant les deux individus d’un regard à la fois rieur et impitoyable. Parfois, Cassandre trouvait qu’il ressemblait un peu à Jun. Il était difficile de savoir s’il allait vous aider ou vous écraser. Un sourire n’était pas forcément synonyme de chance. Tsadqiel s’avança. « Vous voulez que nous montions sur cette bête ? » Il préférait confirmer. « Tout à fait. Nous irons plus vite ainsi. Elros est dans son élément ici et il est doué de magie puisqu’il s’agit de son habitat naturel. » « Bien. » répondit le Rasväar. D’un geste assez soudain, il s’agenouilla devant elle, prenant sa main dans la sienne afin d’y poser délicatement ses lèvres. Le dragon pencha la tête sur le côté. L’homme se redressa après quelques murmures et fit face au monstre sans ciller. Il le laissa approcher. Erwan inspira et expira, comme pour se donner du courage. Il essaya de s’avancer mais la réaction de l’animal fut sans appel. L’intérieur de sa gorge sembla se charger d’une lumière bleutée et menaçante ce qui obligea l’Ange à reculer. L’Impératrice Blanche ne bougea pas. Les villageois retinrent leur souffle. L’Apakan comprit soudainement quelque chose, une chose à laquelle il ne s’était pas attendu. Ses yeux dans ceux de la Reine, elle lui sembla soudain intraitable. Ce n’était pas Elros qui exigeait mais elle. Pourquoi ? Il serra les dents un instant avant de s’avancer vers elle. Il y avait des choses plus importantes en jeu que son honneur. Là, il s’agenouilla, prenant sa main. « Ne te sens pas floué. » dit-elle. « C’est ainsi que les choses doivent se dérouler. Le renouveau des tiens exige des sacrifices et ta royauté en fait partie. » « Depuis quand le sais-tu ? » « Hier. » Il passa sa langue sur ses lèvres. « Que vas-tu faire, une fois le pardon de Sympan obtenu ? Si nous l’obtenons. » « Prendre possession du continent dans un premier temps, monter une armée et aider les peuples en difficulté pour obtenir une paix durable. » « Et ensuite ? » « Ensuite, tu seras à mes côtés pour le constater. » « Et si je refuse ? » Elle sourit. « Tu n’as pas le choix et quand bien même tu l’aurais, tu me choisirais, moi. » « Tu entrerais en guerre contre le Diable ? » « Je ferai ce qu'il sera nécessaire pour que l’équilibre renaisse et pour concilier les peuples. » Un silence s’installa. « Je ne te demande pas de renoncer à ta royauté tout de suite. » murmura-t-elle. Il se redressa, son visage soudain très proche du sien. « J’y renoncerai uniquement si le pardon est accordé. » Il était légèrement menaçant. « D’accord, papa. » fit-elle en lui tendant le bras. Tsadqiel avait raison en un sens. Elle ne jouait jamais franc jeu, jamais tout à fait. Il faut dire qu’elle n’en avait que très rarement l’occasion.

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Mar 30 Juil 2019, 17:20



La Terre Promise



« Ah la la, Raeden. Je comprends tes difficultés. Cette femme est une vraie girouette. » À l’intérieur de l’habitacle, une forge était allumée. Tayeb fabriquait une épée. Ici, il avait la puissance qu’il voulait. Il n’était pas limité. Il se sentait à l’aise, chez lui. « Je ne l’ai aperçue que quelques instants mais je pense que je me rappellerai toujours ses iris gris, presque bleutés, ce regard froid qu’elle me lançât alors. Je ne sais pas ce que tu lui as fait mais elle semblait remontée. À moins que ce fut moi. Elle a dû me prendre pour un imposteur. C’est ce que nous sommes, après tout, nous autres Génies. Le fait que je sois le clone d’un Ange aurait dû la rassurer, pourtant. Les femmes de pouvoir ont cela d’agaçant qu’elles sont très loin d’être naïves. Ingénue par ci, ingénue par là. C’est amusant. Tu as dû tomber amoureux d’elle à une époque où elle était différente, bien plus chaleureuse. Je n’ai pas l’impression qu’elle le soit encore. » La chaleur donnait un aspect flou à l’environnement. « J’ai la sensation d’avoir devant moi une femme d’affaire, déterminée à se rendre à un point A et qui ne laissera jamais personne l’en dissuader. Souverains ou Ætheri, ils n’auront qu’à plier le genou ou connaître son courroux. Je ne dis pas ça parce que j’ai filé rapidement dans mon habitacle, sans demander mon reste. Je l’affirme parce que cette femme a éveillé quelque chose en moi, quelque chose que je ne pourrais pas vraiment t’expliquer. Cela n’avait rien à voir avec l’amour que tu lui portes. C’était quelque chose de propre à ma condition de Génie. Quelque chose, dans ses yeux, qui a semblé ouvrir la boîte. Ma sensation vient d’une très vieille histoire, perdue dans le temps. Pourtant, je pense que tu la connais, puisqu’elle se trouve précisément dans mon esprit. »

« Que ? » Cassandre sourit devant la mine déconfite du Djinn. Il avait failli « tomber », invoqué à-même le dos d’Elros. Erwan, derrière la jeune femme, était visiblement malade. Il ne disait rien, le visage emmitouflé dans de la fourrure, d’une drôle de couleur, pâle mais légèrement jaunâtre. Il eut un haut le cœur qu’il arriva à maîtriser. Le vent glacé venait gifler son visage et l’Ange se sentait de plus en plus mal au fur et à mesure qu’ils s’enfonçaient dans le berceau de l’Humanité. Il ne semblait pas avoir vu qu’un troisième protagoniste avait pris place sur la monture, se contentant de tenir sur le Dragon comme il pouvait. Tsadqiel, lui, avait décidé de se dégourdir un peu les ailes et volait devant, jouant avec le vent, toujours torse nu. Il mettait ses facultés à rudes épreuves car il n’était pas si facile de se déplacer dans ces conditions, quand bien même il avait été créé pour ça. « Bien ! » cria-t-elle. « Dîtes-moi tout sinon je jette votre habitacle par-dessus bord ! » L’air et la vitesse faisaient qu’il était difficile de discuter. Pourtant, elle ne semblait pas s’en faire. « Non ! Ne faites pas ça ! » hurla le Génie, soudain paniqué. Il ne fallait pas être un grand stratège pour comprendre que si elle le lançait là, personne, jamais, ne le retrouverait. « Dîtes moi alors ! » « Je suis un clone ! De Raeden ! Je veux vous servir ! D’accord ? Remettez-le autour de votre cou ! » « Me servir comment ? Pourquoi ? » « En tant que Génie éternel ! Parce que ! » « Parce que quoi ? » Il soupira. Le froid était quelque chose de relatif pour lui. Il n’arrivait pas à avoir une forme vraiment tangible, juste à se maintenir visible. « Parce que je vous aime ! » « Vous êtes fou ! » « Tant mieux ! » Elle rit devant la réplique. « Il sait ? » « De quoi ? » « Raeden ! Est-ce qu’il sait ?! » « Oui ! Je crois ! » « Bon ! » Elle replia son bras et rangea le pendentif. Tayeb se sentit soudain rassuré. « Rentrez dedans ! » « D’accord ! »

Cassandre essayait de voir l’horizon mais, contrairement à son escapade précédente, le temps était capricieux. Elle ne voyait qu’un épais brouillard blanc. Ils allaient descendre pour se reposer un peu. Le manteau d’Erwan était recouvert de glaçons et il ne bougeait presque plus, les yeux fermés, se laissant guider vers le néant. L’Ange était fort et motivé dans cette quête mais le froid l’avait totalement ankylosé et son esprit semblait fonctionner au ralenti. L’Impératrice Blanche ne savait pas où est-ce qu’ils étaient exactement.

« Aidez-moi. » fit-elle en direction de Tsadqiel. La Belle avait fait apparaître une tente. Elros était couché à côté, son corps immense entourant le tissu et faisant office de barrière contre le vent. L’Ange était mal en point et il était trop lourd pour qu’elle le porte seule. Elle aurait pu utiliser sa magie mais préférait la sauvegarder pour quelque chose de plus utile. Le Rasväar rangea ses ailes et prit appui sur ses jambes afin de soulever l’Apakan. Il le porta sur ses épaules jusqu’à l’abri. Il le déposa sur les coussins qui se trouvaient là, le plus doucement possible. Il était inconscient. Cassandre se débarrassa de sa fourrure et commença à déshabiller Erwan. « Il vaudrait mieux qu’il soit totalement nu. » fit Tsadqiel. « Oui. » « Vous avez été rude plus tôt. » ajouta-t-il en lui portant assistance après un petit silence. « Pourquoi ? » Elle s’arrêta un court instant, pour plonger ses yeux dans les siens. « J’ai besoin de lui à mes côté. » « Je vois. Il n’y a aucune volonté divine derrière. Vous avez simplement décidé de l’enchaîner à vous. C’est égoïste. » Elle plaça une couverture sur le corps d’Erwan. « Écoutez, je ne connais personne ici. Si ce que Väaramar prévoit est vrai, il me faudra quelqu’un de confiance à mes côtés, quelqu’un qui saura me canaliser. » « Un Mortel ne canalise pas un Dieu, Majesté. » « Je ne suis pas d’accord. » « Quand bien même vous auriez raison, pensez-vous vraiment qu’Erwan possède l’objectivité requise ? Je ne le pense pas, personnellement. Je serais bien plus à-même de jouer ce rôle. » « Si votre peuple sert vraiment à rétablir un équilibre, vous serez bien trop occupé pour vous pencher sur mon cas. » Tsadqiel finit de se déshabiller en silence et se glissa contre l’Apakan. Cassandre le fixa d’un air légèrement surpris. « Ce sera plus rapide. » dit-il simplement. « Je ne vous demande pas si vous souhaitez venir avec nous. » continua-t-il dans un sourire, sans répondre vis-à-vis de leur sujet de conversation précédent. Elle resta interdite quelques temps. « Je n’ai plus cinq ans. » finit-elle par murmurer, ôtant à son tour les tissus qui couvraient son corps. Elle souleva la couverture et se faufila contre le dos du Rasväar. Il était chaud. Erwan risquait de faire une attaque lorsqu’il se réveillerait. Elle sourit. « Je ferai sans doute appel à vous durant les nuits froides. » « N’abusez pas non plus. » fit-il, sans la moindre gêne. Le silence s’installa un peu avant qu’il lui demande : « Vous comptez vous enfoncer dans le continent encore combien de temps ? » « Je ne sais pas trop. J’espérais que la météo serait plus favorable. » « Je ne suis pas certain que nous trouverons Sympan à l’autre bout des Terres Glacées. » « C’est le problème. Devons-nous risquer nos vies pour provoquer son apparition ou y a-t-il quelque chose d’autre à faire ? Comment savoir ce que le Créateur souhaite ? » « Mystère. Ce qui est certain c’est qu’Erwan ne tiendra pas longtemps comme ça. Si nous continuons sur Elros, nous irons vite, certes, mais s’il arrive quelque chose à votre Dragon, nous ne pourrons jamais rentrer. Votre magie ne durera pas éternellement en étant ainsi sollicitée et la mienne non plus. » Il se tut un instant. « Et le Djinn ? » « Il n’a aucune matérialité. Il ne pourra pas nous aider. » « Sincèrement, je pense que nous sommes assez loin. Si nous voulons obtenir le pardon de Sympan, ce n’est sans doute pas judicieux de risquer nos vies encore plus. Peut-être que la solution serait de lui faire une offrande, quelque chose à sa gloire… » « Un temple, oui. » « Ça vous demandera un peu de temps mais… » « Après j’ai peur que le fait qu’Erwan ne puisse contribuer à l’édifice soit un problème. » Il se retourna pour lui faire face. La conversation serait bien plus pratique ainsi. « Je ne suis pas sûr. Vous demandez le pardon autant que lui. Vous êtes même à l’initiative de ce voyage. » « Vous en savez des choses. » « J’ai été créé pour ça. » Elle lui sourit. « Vous n’êtes pas de mauvais conseils, finalement. Je pourrais être tentée de vous garder à mes côtés. » « Vous n’avez pas vraiment le choix. » « Un Mortel ne canalise pas un Dieu. » fit-elle, reprenant ses propres mots. « Je n’en suis pas sûr. » dit-il d’un air un peu moqueur. « C’est amusant. Vous avez des mimiques qu’il ne possède pas. » « Je ne suis pas lui, je vous l’ai déjà dit. » « Vu la position dans laquelle nous nous trouvons actuellement, je n’en doute plus vraiment. » « Ça vous trouble ? » « J’ai cru comprendre que vous étiez vertueux alors pas vraiment. » « Vous ne connaissez tellement rien sur notre mode de fonctionnement… » « Apprenez-moi, dans ce cas. » Il sourit. Il y eut un silence puis elle parut soudain surprise. Son sourire s’agrandit. « Vous devriez dormir, Majesté. » « Mais… » Il se tourna de nouveau pour faire face à Erwan, laissant son dos pour toute réponse à la Reine qui se plaça à plat. Ses yeux contemplèrent un instant le haut de la tente. Les bougies présentes autour d’eux faisaient danser les reliefs. Elle se questionnait sur leur quête. Peut-être servirait-il à rien d’aller plus loin. Le voyage à pieds était particulièrement long et…

Sa nuit fut étrange. Cassandre s’était endormie au beau milieu de sa réflexion. Un homme apparut dans ses songes, tenant la main d’une petite fille. « Je souhaite… » commença-t-elle avant de s’apercevoir qu’ils n’étaient plus seuls. L’individu aux cheveux bleus sourit. « Ne t’inquiète pas, elle n’écrasera pas les fleurs de notre jardin. C’est un lieu de pèlerinage, après tout. Il faut bien qu’ils viennent ici pour que les roses puissent naître. » « C’est vrai. Tu viens d’où ? » demanda l’enfant à l’invitée. « De… Je viens de… » D’où venait-elle au juste ? « Je viens de l’Océan. » murmura-t-elle alors. « Moi qui pensais que tu étais une fille des Rêves… » « Une fille des Rêves ? » « Oui. C’est toi qui as ouvert la boîte. »

1848 mots

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Mar 30 Juil 2019, 20:56



La Terre Promise


Lorsque l’Apakan ouvrit les yeux, la première chose qu’il vit fut le visage endormi de Tsadqiel. L’homme s’écarta brusquement, réveillant le Rasväar par la même occasion. Ils se regardèrent un instant avant que l’un des deux ne sourit à l’autre pour toute explication. À vrai dire Erwan aurait aimé en savoir plus mais Cassandre attira son regard. Tayeb était à côté d’elle. Elle venait tout juste de l’invoquer, après avoir passé quelques heures à réfléchir. Réveillée au beau milieu de la nuit glacée, elle avait su. Pourtant, malgré cette évidence, il lui avait fallu du temps. Ce n’était pas facile et peut-être était-ce aussi pour cela que celui qu’ils avaient attendu avec Väaramar ne s’était pas présenté. C’était un pas à franchir, une transformation, la perte d’un statut qu’elle avait eu durant des millénaires. Le voulait-elle ? Désirait-elle ce changement ? Avait-elle seulement le choix ? Oh oui, elle l’avait. Elle pouvait très bien choisir de repartir sur les continents connus et laisser les Anges et leurs histoires derrière elle. Mais pourquoi ? Rien ne la retenait véritablement, si ce n’était ses propres souvenirs. Personne n’avait le pouvoir de la contraindre, ni même celui de domestiquer son cœur. Elle pouvait oublier l’amour, elle pouvait s’oublier elle-même. Elle se battait pour quelque chose de bien plus Grand que son propre trône, bien plus Grand que sa famille, bien plus Grand que l’intérêt qu’elle pouvait porter à n’importe qui. Elle avait eu cette impression désagréable de trahir les Mages Blancs pendant quelques longues minutes. Pourtant, au fond, elle avait déjà fait son choix en partant pour les Terres Glacées, loin de tout, loin des passions, loin des conflits politiques. Elle se fichait de tout ça, en réalité. Elle ne pouvait plus se mentir. Elle comprenait qu’elle avait laissé faire mais que tout ce qu’elle avait vécu ces dernières années aurait pu se passer d’une façon totalement différente. Elle était trop vieille et trop puissante pour pouvoir se voiler la face d’une façon efficace. Elle était, à présent, sur le droit chemin. Elle en était convaincue. « Vous avez dit vouloir me servir, n’est-ce pas ? » Même le Djinn sentait qu’elle avait une idée précise en tête. Les yeux de l’Impératrice Blanche se posèrent sur Erwan, pendant que Tayeb affirmait ses intentions. Elle s’adressa à l’Apakan. « Un peu plus tard, vous allez souhaiter la construction d’un Temple en l’honneur de Sympan. » L’Ange plissa les yeux. Il avait un mauvais pressentiment. Pourtant, Cassandre ne lui laissa pas le temps de réagir, sortant de la tente, suivie par le Génie, tout en jetant préalablement un coup d’œil en direction de Tsadqiel. Lorsque le Souverain voulut bouger, le Rasväar tendit son bras pour l’en empêcher. « Je ne sais pas non plus mais nous allons rester là. » « Je n’ai pas l’intention de vous écouter. » « Intention ou pas, elle ne nous laisse pas le choix. Je n’ai pas envie de me battre contre vous. Yüerell risquerait de vous paraître agaçant à votre prochaine rencontre si je devais en arriver à vous maîtriser. » « Je pense qu’il me paraîtra agaçant dans tous les cas. » répliqua sèchement l’Apakan tout en abandonnant l’idée de suivre Cassandre. Ce n’était pas de gaieté de cœur.


« Je ne sais pas comment te faire comprendre ce qu’il s’est passé… C’était étrange. Nous sommes sortis de la tente ensemble et elle m’a regardé un moment avant de me demander ce qu’elle souhaitait. En toute franchise, je n’aurais jamais pu, en temps normal. Comme je te l’ai déjà dit, j’ai perdu l’intégralité de la puissance qui m’avait été léguée à la création durant ma transformation en Djinn. Les Génies sont malins, ils prennent ce qu’ils peuvent et lui n’a pas hésité à me vider de toutes mes ressources. Alors j’étais sceptique. Je n’avais jamais accordé de vœu, auparavant. Je m’attendais plutôt à devoir commencer comme mes semblables, par façonner des objets sans importance. Pourtant, lorsqu’elle m’annonça ce qu’elle voulait, ses yeux déterminés dans les miens, je sus que je ne pourrais pas me le permettre. On ne peut pas être le Génie d’une Reine sans puissance. Je n’en avais pas. Cependant, je sus que c’était possible, que j’en avais les capacités. C’était comme si ma magie, ici, avait décidé de me porter, de l’exaucer parce que c’était ainsi que ça devait se passer. Moi qui étais alors très mal loti, je sentis monter en moi la Magie Bleue, comme une force en provenance de ma poitrine, quelque chose d’incontrôlable et d’indescriptible. Et je formulai une contrepartie, sortie de nulle part, sans aucune once de réflexion de ma part. J’avais l’impression de ne pas être moi, d’être possédé par quelque chose de plus grand. Ne me blâme pas. Je l’ai fait pour le bien des Anges, pour le bien des tiens. »

« Je souhaite devenir un Génie. »

« Elle l’avait murmuré, d’une voix ferme. Alors c’est ce qu’il se produisit. Je m’entends encore lui prononcer ces quelques mots, des mots qui auraient une incidence. »

« Bien mais lorsque le temps sera venu, lorsque vous vous libérerez de votre condition, une partie de votre Âme sera détachée, contenant un morceau de votre Esprit. Cette partie restera Djinn pour toujours, incapable de se libérer de sa condition. Elle ne pourra que s’élever, afin de marcher dans les traces de votre père et de votre frère. »

« Je n’avais aucune idée de ce que j’avançais. Cette condition étrange, sortie de mes lèvres, semblait ne point m’appartenir. Ce fut pourtant fait. La Reine disparut, une trainée bleue s’infiltrant dans la tente jusqu’à l’un des carnets de l’Apakan. Mon propre habitacle tomba par terre. Je m’empressai de le récupérer, étonné. Il allait être difficile d’être le Génie d’un autre Génie ; impossible à vrai dire. C’était le fondement même de mon plan qui tombait à l’eau. J’avais voulu être son Djinn pour l’éternité et voilà que la Reine des Magiciens n’était plus Magicienne, de mon propre fait. Je dus expliquer à Erwan ce qu’il en était. Il eut du mal à l’accepter, comme piqué à vif, incapable de comprendre qu’elle l’avait fait pour lui, pour qu’un Ange soit à la base de la demande du temple. Elle voulait être son arme, celle qui façonnerait ce qu’il exigerait pour le bien de son peuple. Tsadqiel resta silencieux. Il semblait parfois dénué de la moindre émotion. À moins qu’il sût déjà. Raeden, si tu m’entends, sache que les choses changeront, bientôt, pour les tiens. »


Erwan finit par se calmer, sortant de la tente avec le journal à la main une fois qu’il se fut habillé pour lutter contre le froid. Tsadqiel le suivit. Ils semblèrent un instant pris au piège par le corps d’Elros mais le Dragon se mouva lentement pour leur laisser un accès aux plaines glacées. Le vent vint de nouveau les fouetter. L’Apakan inspira. « Viens. » dit-il simplement. Cassandre apparut, sous une apparence totalement différente. Habillée d’une cape à capuche, seul le bas de son visage et de longs cheveux blonds paraissaient. C’était amusant, finalement. Il y a longtemps, juste avant de devenir Æther, une autre femme avait offert un morceau de son Âme. L’Ange resta silencieux un moment, faisant quelques pas dans la neige tout en prenant garde de ne pas glisser. Le temps était dégagé mais le vent violent. Il s’arrêta, fixant le carnet un moment. « Je souhaite ériger un Temple en l’honneur du Dieu-Roi dans le but d’obtenir son pardon pour l’erreur commise par les Anges lors de la Guerre des Dieux. » « Un Temple je bâtirai selon tes vœux. Pourtant, pour payer l’affront que tu fais aux Ætheri, Erwan Galathiel, Roi des Ailes Blanches, tu sacrifieras ta couronne et ta liberté pour embrasser le chemin de la Conciliation. Tu seras celui qui aura ouvert la voie vers la rédemption mais les honneurs que tu en tireras seront éphémères car ce sera ici, sur les Terres Glacées, que se déroulera ton Destin. » La Djinn leva doucement ses avant-bras, paumes vers le ciel, tirant du sol des matériaux aux formes étonnamment parfaites. La Magie Bleue les inonda ensuite, le tout s’imbriquant dans un dédale tortueux et hypnotisant. La lumière s’immisça dans la construction, rendant au tout une apparence irréelle. Les fondations s’érigèrent et s’élevèrent vers les cieux dans un bâtiment majestueux, bleu, semblant fait de verre. Elle savait ce qu’il se passerait parce que son rêve avait été on ne peut plus clair. Sympan pardonnerait, à moitié. Il bénirait les Anges qui viendraient jusqu’ici afin de le prier, ceux qui braveraient le froid pour trouver le salut. Les hommes deviendraient capables d’enfanter des Anges, les femmes tomberaient enceintes par volonté divine, par miracle.

Lorsque l’édifice fut terminé, l’Apakan gravit les marches qui menaient à l’imposante porte. À l’intérieur, la température était tiède. Cassandre se tourna alors vers Tsadqiel, baissant son capuchon. Ses yeux verts scrutèrent les siens un instant. Elle tendit la main pour récupérer son habitacle. Celui-ci lui revint depuis l’intérieur du temple. « Erwan devra retourner aux Jardins de Jhēn afin d’annoncer la chose suivante : les Anges qui viendront jusqu’ici seront graciés par le Sympan. Les femmes tomberont enceinte. Les hommes retrouveront leur habilité à pouvoir être père de leur pair. Cependant, pour donner plus de crédit à ses paroles, je vous demande de souhaiter la venue au monde de deux enfants angéliques. » Elle lui tendit le carnet. « Je ne suis pas sûr de le vouloir. » fit-il gentiment. Il savait qu’il y aurait une contrepartie. « Faites-le. » dit-elle, plus autoritaire. Tayeb regardait la scène, aussi discret que possible. Il sentait qu’il devrait bientôt retourner dans son habitacle mais il voulait voir, il voulait être le témoin d’un événement historique. Le Rasväar soupira. « Je souhaite que vous façonniez deux enfants angéliques qui accompagneront Erwan jusqu’aux Jardins de Jhēn afin de prouver au monde ses dires. » « Votre souhait sera exaucé. Cependant, ces enfants n’auront pas les traits de l’Apakan. En grandissant, ils ressembleront de plus en plus aux frères Yüerell, à vous, par conséquent. Ils auront également les traits de leur mère, à savoir moi. Pour marquer leur particularité, leurs ailes seront bleutées, semblables à ceux qui naîtront des pèlerinages effectués en Terres Glacées. La Magie Bleue prendra possession d’eux, marquant l'avènement d’une nouvelle catégorie d’Anges, capable de vivre au sein du berceau qui les aura créés. » Deux halos descendirent du ciel, amenant avec eux un bébé chacun, en vie, munis d’une Âme, déposée là par une Ombre directement au service d’Edel. « Pourquoi eux ? » demanda alors Tsadqiel. « Parce que je ne pourrais jamais goûter les lèvres de l’homme que j’aime. » répondit-elle tranquillement, sans ciller. L’amour lui semblait soudain inutile, trop douloureux pour qu’elle s’en préoccupe encore. Elle se fichait de ces plaisirs futiles. Elle était devenue celle à qui l’on souhaitait et elle se rendait compte de la stupidité des Rêveurs. Les désirs perdaient les Hommes et même si elle était consciente de ses propres sentiments – nés de rien, dans une barque – des sentiments qu’elle ne comprenait pas elle-même, elle ne voulait pas les alimenter par d’inutiles espoirs. Elle était bien obligée de revenir sur ce qu’elle avait dit à Erwan quelques jours plus tôt : si Raeden souhaitait avoir un enfant avec elle, elle le lui donnerait. Il n’aurait qu’à en faire le vœu. Peut-être que ses pensées évolueraient au fil du temps, cependant, lorsqu'elle laisserait son habitacle derrière elle pour embrasser une voie différente.

Elle savait qu’elle risquait de s’élever bientôt mais, avant ça, il lui restait une dernière mission : celle de comprendre le secret de la Tour.

1932 mots – Fin

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